Une lettre du sri lanka : des leçons amères

Le sri lanka ne parvient toujours pas à rompre avec la culture de l’impunité. M.C.M. Iqbal, qui a été secrétaire de deux commissions chargées d’enquêter sur les disparitions forcées, expose les carences des mesures prises récemment pour que les responsables rendent compte de leurs actes.

« Le gouvernement sri-lankais a désigné une commission présidentielle, dernière en date d’une longue série, pour enquêter sur le conflit armé avec les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE), qui s’est achevé l’an dernier. Celle-ci porte sur “les leçons du conflit et la réconciliation”. C’est là une mesure cynique, formulée en termes vagues et vouée à l’échec. Cette commission ne saurait en aucun cas remplacer une enquête internationale indépendante, sous l’égide des Nations unies, sur les allégations de crimes de guerre commis au Sri Lanka.

« J’ai fait partie de deux commissions présidentielles nommées par le gouvernement du Sri Lanka pour examiner des violations graves des droits humains, notamment des dizaines de milliers de disparitions forcées et des massacres de civils perpétrés par les forces gouvernementales. Elles ont produit des conclusions et des recommandations détaillées visant à octroyer justice et réparation aux victimes et à leurs familles, qui n’ont jamais été mises en oeuvre par le gouvernement sri-lankais. Leurs travaux n’ont pas eu d’effet dissuasif sur les nouvelles violations.

« Enlèvements, arrestations et détentions arbitraires, rapts, exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées (souvent liées à des raisons politiques ou à de prétendues opérations de lutte antiterroriste) se poursuivent au Sri Lanka. La police impute ces agissements à des “individus non identifiés” et n’enquête que rarement. La torture en détention est presque systématique. Lorsque quelqu’un meurt en détention, la police affirme souvent que la victime a été abattue lors d’une tentative d’évasion.

« Des centaines de membres des forces de sécurité ont été accusés nommément de violations des droits humains dans des rapports, mais peu de poursuites ont été engagées à la suite du travail des commissions nationales d’enquête. Cette acceptation de la culture de l’impunité donne carte blanche aux forces de sécurité pour perpétrer de nouvelles violations.

« Périodiquement, le monde cesse un instant de fermer les yeux sur la désastreuse situation des droits humains au Sri Lanka. Un réveil de l’intérêt pour ce pays s’est ainsi produit en mai 2009, lorsque le gouvernement sri-lankais, décidé à en finir avec les LTTE, a sacrifié la vie de milliers de civils innocents et en a grièvement blessé des milliers d’autres. Les autorités sont accusées d’avoir enfreint plusieurs conventions internationales relatives à la conduite de la guerre. Seule une instance indépendante peut établir les faits.

« Le Sri Lanka ne nomme des commissions présidentielles d’enquête que lorsque des pressions diplomatiques intenses sont exercées et le mettent en cause pour des violations graves des droits de ses citoyens. Ces instances permettent peut-être de faire taire pour un temps les critiques de la communauté internationale, mais personne au Sri Lanka n’est dupe de ces procédés douteux. Tout le monde ici sait bien que ces commissions ne sont que de la poudre aux yeux.

« J’aimerais que la justice de notre pays fonctionne normalement et que nous puissions compter sur les institutions nationales pour protéger nos droits. Cela n’est pas le cas, et devant l’ampleur des crimes commis, la réponse doit être internationale.

« Seul un organe international indépendant crédible et nommé par les Nations unies pour enquêter sur les événements qui se sont déroulés avant, pendant et après le conflit de mai 2009 pourrait faire la lumière sur les atrocités perpétrées par l’État, les LTTE et les autres groupes armés.

« Aucune commission nommée par le président ne désignera du doigt celui qui l’a mise en place pour proclamer : “Vous avez violé les conventions internationales pendant la guerre. Vous êtes responsable de la mort d’un grand nombre de civils”. Le président est vraiment d’une grande naïveté s’il pense que cette commission va mener ses investigations de manière juste et équitable et s’il imagine que le peuple et la communauté internationale vont le croire. »

Agissez

Amnesty International a demandé dès mai 2009 qu’une enquête internationale indépendante associant les Nations unies et d’autres organisations soit menée. le 22 juin 2010, le secrétaire général de l’ONU a désigné un groupe d’experts chargé de le conseiller sur la question de la responsabilité des crimes qui auraient été commis au Sri lanka. Ce groupe, qui soumettra son rapport en janvier 2011, est la première étape d’un mouvement en faveur de l’ouverture d’une enquête internationale. Soutenez cet appel en signant la pétition en ligne qui sera remise au secrétaire général des Nations unies en janvier. Vous la trouverez sur http://snipr.com/x122x

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