Iran : l’impunité perpétue le crime de prise d’otages

À l’heure où nous bouclons ce Fil d’Amnesty, Olivier Vandecasteele est toujours détenu arbitrairement en Iran depuis son arrestation il y a plus d’un an, le 24 février 2022. Des preuves de plus en plus nombreuses indiquent qu’il est retenu en otage pour obliger les autorités belges à leur remettre un ancien agent de l’État iranien, Assadolah Assadi, condamné à 20 ans d’emprisonnement en Belgique pour avoir joué un rôle dans une tentative d’attentat à la bombe contre une convention de l’opposition iranienne en France, en 2018.

Alors qu’Amnesty International continue de militer aux côtés de centaines de milliers de personnes pour la libération immédiate et sans condition d’Olivier Vandecasteele, nous avons posé quelques questions à Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International, pour tenter de voir un peu plus clair dans la pratique de la prise d’otages par les autorités iraniennes.

Le FIL : Commençons par les fondamentaux. Qu’est-ce qu’une prise d’otage ?

Philippe Hensmans : La prise d’otage est définie par la Convention internationale contre cette pratique, qui criminalise les actes de prise d’otages imputables à des acteurs étatiques et non étatiques. J’insiste sur cet aspect : la prise d’otage est un crime au regard du droit international. La Convention la définit comme la détention d’une personne accompagnée de menaces de la tuer, de la blesser ou de continuer à la détenir afin de contraindre une tierce partie à remplir certaines conditions. Ces dernières peuvent être fixées de manière explicite ou implicite. Il est par ailleurs important de rappeler que la Belgique a ratifié cette Convention, tandis que l’Iran y a adhéré.

Outre le cas d’Olivier Vandecasteele, cette définition rappelle le sort d’Ahmadreza Djalali, ce médecin irano-suédois professeur invité à la Vrije Universiteit Brussel (VUB) condamné à mort en Iran.

P.H. : D’après les recherches que nous avons menées, les motivations initiales des autorités iraniennes lorsqu’elles ont détenu arbitrairement Ahmadreza Djalali en avril 2016 n’étaient pas celles d’une prise d’otage. La situation a toutefois évolué à la fin de l’année 2020, lorsque le procès d’Assadolah Assadi s’est ouvert en Belgique.

Selon des preuves de plus en plus nombreuses, les autorités iraniennes menacent régulièrement d’exécuter Ahmadreza Djalali pour contraindre la Suède et la Belgique à l’échanger contre des citoyen·ne·s iranien·ne·s condamné·e·s ou jugé·e·s à l’étranger, et pour dissuader ces États et tous les autres de poursuivre les citoyen·ne·s iranien·ne·s accusé·e·s d’attaques de dissident·e·s à l’étranger.

En ce qui concerne le professeur Djalali, nous appelons les membres de la communauté internationale, particulièrement la Belgique, à employer tous les moyens à leur disposition pour faire pression sur les autorités iraniennes afin, notamment, qu’elles renoncent à son exécution, qu’elles le libèrent immédiatement et qu’elles lui offrent des réparations pour les préjudices subis. Cette situation intolérable doit cesser ; ça fait aujourd’hui presque sept années qu’Ahmadreza Djalali et sa famille vivent un cauchemar absolu. Sept années de détention arbitraire. Sept années d’angoisse face à une exécution qui peut avoir lieu d’un jour à l’autre.

Quel est l’objectif poursuivi par les autorités iraniennes ?

P.H. : Lorsqu’elles retiennent en otages des personnes étrangères et binationales, les autorités iraniennes peuvent avoir l’objectif – comme cela semble être le cas avec Assadolah Assadi – de déjouer le cours de la justice dans les pays où d’anciens agents de l’État iraniens ont été condamnés ou sont en train d’être jugés, d’obliger les gouvernements des pays concernés à remettre ces personnes à l’Iran et de dissuader tout pays d’entreprendre à l’avenir des poursuites contre des responsables iraniens à l’étranger.

Comment lutter contre ce crime que constitue la prise d’otage ?

P.H. : Comme c’est souvent le cas pour toutes sortes de crimes, la perpétuation réside dans l’impunité. Nous avons déjà insisté sur l’absence d’intervention de la communauté internationale, y compris des gouvernements européens, face au non-respect par les autorités iraniennes de l’obligation de rendre des comptes pour le crime de prise d’otages. Cette impunité qui leur est offerte les encourage à poursuivre cette pratique cruelle qui consiste à utiliser des personnes étrangères et binationales comme monnaie d’échange politique. Ces dernières subissent non seulement des arrestations, des détentions arbitraires et des emprisonnements injustes, mais aussi des actes de torture et autres mauvais traitements, ainsi que des menaces d’exécution.

Que recommande Amnesty International ?

P.H. : Il est essentiel que la communauté internationale accélère les efforts visant à prévenir le crime de prise d’otages et engage des poursuites contre les auteurs d’actes de ce type. De façon générale, nous exhortons tous les États dont des citoyen·ne·s sont ou ont été détenu·e·s à un moment quelconque en Iran à adopter des politiques pour garantir que le cas de ces personnes détenues soit examiné rapidement au regard de la Convention internationale contre la prise d’otages, ainsi que de celles contre la torture et contre les disparitions forcées. Ces initiatives permettraient de déterminer si la privation de liberté s’apparente à un acte de prise d’otages et, le cas échéant, de prendre toutes les mesures appropriées en vue de protéger les otages concerné·e·s, d’obtenir leur libération et de promouvoir l’obligation de rendre des comptes en diffusant des déclarations publiques et en soumettant les auteur·e·s présumé·e·s à des enquêtes judiciaires et des poursuites pénales.

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