Selon les données publiées par les Nations unies, plus de 97000 personnes ont foulé le site de la COP 28. La première caractéristique de cette foule est sa diversité : on y trouve des personnes accréditées par les 195 États parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, du personnel des Nations unies et d’organisations non gouvernementales (ONG) et intergouvernementales, des journalistes et du personnel technique.
Des compagnies aux motivations suspectes
Quand on y regarde de plus près, la présence de certain·e·s participant·e·s et leur possible influence sur les négociations climatiques posent question. Selon une étude menée par plusieurs ONG, nous étions en bonne compagnie, puisqu’au moins 2456 lobbyistes de l’industrie des combustibles fossiles avaient fait le déplacement. Une hausse vertigineuse par rapport aux 636 lobbyistes des fossiles qui avaient participé à la COP 27. Entre le patron de TotalEnergies et celui de Petronas, des milliers de costumes-cravates et de tailleurs se sont démenés pour défendre les intérêts de l’ennemi numéro un du climat au cœur même de l’enceinte où doivent se dessiner des solutions durables pour limiter le changement climatique.
D’autres secteurs économiques tenaient à assurer une présence à la COP 28 ; comme l’agrobusiness, le nucléaire, l’aviation, les meubles suédois en kit ou les supermarchés français ou américains. Tout le monde de la grande entreprise semble se préoccuper des négociations sur le climat. Avec quelle influence sur celles-ci ?
Les lobbyistes mieux traités que les activistes ?
Aux Émirats arabes unis, pays qui a supprimé tout espace civique, impossible de rencontrer des activistes pour le climat. Ou des activistes tout court. Les quelques voix qui ont exprimé un avis différent de celui des autorités ont été enfermées ou contraintes à l’exil. Je savais donc avant de partir que je ne rencontrerais aucun·e membre de la société civile locale. Et que je ne participerais pas à la moindre action pour le climat en dehors de l’enceinte fermée de la conférence.
J’ai par contre été surpris de la gestion par les Nations unies de l’espace civique sur le site de la COP 28. On pourrait a priori penser que l’immense village qui accueille la conférence, avec ses artères et ses places, convient parfaitement pour accueillir les actions de la société civile. Et c’est en partie le cas, puisque les ONG présentes ont organisé une foule d’actions sur différents enjeux liés au climat. Mais gare à qui sort du cadre imposé ! Organiser une action de solidarité avec les personnes détenues injustement aux Émirats arabes unis ? Oui, mais… Les conditions restrictives s’empilent (comme l’interdiction de citer un pays ou le nom d’un individu) et la menace est bien réelle : « vous pourriez perdre votre badge », soit le sésame permettant d’accéder à la COP. Malgré les nombreuses difficultés rencontrées, une action menée par Amnesty International avec d’autres organisations a finalement pu avoir lieu sur le site.
D’un pétro-état autoritaire à un autre
L’année prochaine, rendez-vous dans un autre État qui réprime durement la société civile : l’Azerbaïdjan. Après la COP 28 qualifiée d’« inclusive » par les autorités émiriennes, les paris sont ouverts sur l’adjectif lénifiant que se choisiront les autorités azerbaïdjanaises.
Photo © Pavel Martiarena