Argentine : Les droits humains attaqués à la tronçonneuse
Élu à la présidence de l’Argentine en décembre 2023, Javier Milei a mené toute sa campagne tronçonneuse à la main, symbole des coupes budgétaires qu’il comptait imposer au fonctionnement de l’État. Depuis lors, la situation des droits humains s’est sensiblement détériorée, inquiétant profondément la section argentine d’Amnesty International, particulièrement en ce qui concerne les droits des femmes et des personnes issues de la diversité.
En Europe, c’est surtout l’impact économique des mesures de Javier Milei qui a fait couler de l’encre, mais qu’en est-il de l’impact sur les droits humains ?
Mariela Belski : Amnesty International a mis en évidence les pertes enregistrées par divers droits au cours de la première année du gouvernement Milei. Il faut tout d’abord parler de l’augmentation de la pauvreté. Le taux de pauvreté est passé de 41,7 % à 52,9 %, touchant plus de 15 millions de personnes, dont plus d’un million d’enfants privés de repas quotidiens. Les mesures d’austérité économique ont également un impact disproportionné sur les femmes, les personnes à faible revenu et les pensions. Les pensions minimales ne permettent pas de couvrir les coûts de la vie de base, laissant des millions de personnes âgées dans une situation vulnérable. Le veto présidentiel quant à la législation sur l’ajustement des pensions l’année dernière a exacerbé cette crise.
La liberté d’expression et le droit de manifester sont aussi touchés. Les journalistes sont confronté·e·s à une hostilité accrue à cause de la désinformation. Cela favorise un environnement d’intimidation et de censure qui sape le discours démocratique. Lors de manifestations, un nouveau protocole de maintien de l’ordre public a conduit à un usage excessif de la force par les forces de sécurité et à des détentions arbitraires.
La (cyber)surveillance de masse et le profilage discriminatoire nous inquiètent aussi vivement. Cela porte atteinte à la vie privée et à la liberté d’expression.
Toutes ces attaques contre les droits humains ont-elles modifié vos priorités ?
M. B. : La situation des droits des femmes et de ceux des minorités nous inquiète particulièrement. Javier Milei n’autorise plus aucun financement et a fermé tous les départements gouvernementaux relatifs à ces droits. Il y a donc un énorme déclin dans les politiques de promotion de l’égalité des genres, des droits reproductifs et de la protection contre la violence pour les femmes et les personnes LGBTQIA+. Nous demandons au gouvernement de réévaluer de toute urgence ces politiques.
Craignez-vous qu’un axe anti-droits humains se développe entre les politiques de Javier Milei et celles de Donald Trump ?
M. B. : Absolument, Javier Milei est un allié de Donald Trump ! M. Milei a été invité dans la maison de M. Trump à Miami ; il a donné sa tronçonneuse à Elon Musk... Leurs gouvernements mettent déjà en œuvre les mêmes mesures concernant les droits des femmes, les droits des personnes LGBTQIA+ et le changement climatique. Je crains par ailleurs que ce que fait Donald Trump aux États-Unis ne se propage dans certains pays d’Amérique latine.