BURUNDI

République du Burundi
CAPITALE : Bujumbura
SUPERFICIE : 27 835 km²
POPULATION : 7,5 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Domitien Ndayizeye, remplacé par Pierre Nkurunziza le 26 août
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : signé

Même si le conflit armé s’est poursuivi dans deux provinces, la tenue des élections locales, législatives et présidentielle a marqué la fin de la période de transition. Les forces gouvernementales ont perpétré de graves violations des droits humains, dont des arrestations et des détentions arbitraires, des viols et des exécutions extrajudiciaires. Un groupe d’opposition armé s’est rendu coupable d’exactions, notamment d’exécutions illégales. Des femmes ont cette année encore été victimes de viols et d’autres sévices sexuels. Les autorités burundaises ont refusé à plus de 5 000 demandeurs d’asile rwandais le droit de rester dans le pays, laissant, semble-t-il, les soldats rwandais y pénétrer pour les forcer à retourner au Rwanda. Fin 2005, 499 prisonniers se trouvaient sous le coup d’une condamnation à mort.

Contexte

L’année 2005 a été marquée par une série d’élections. Le 28 février, un référendum national sur la Constitution a recueilli 90 p. cent de voix favorables. Cependant, les négociations entre les partis politiques concernant le code électoral et le calendrier des élections locales et législatives ont abouti à une impasse. Le secrétaire général des Nations unies et des dirigeants régionaux sont intervenus et ont arête le mois d’août comme date limite d’achèvement du processus électoral. Le président a fixé la date des élections locales au 3 juin, celle des élections legislatives au 4 juillet et celle de l’élection présidentielle au 18 août.
C’est le Conseil national pour la défense de la démocratie au Burundi - Forces pour la défense de la démocratie au Burundi (CNDD-FDD) qui a remporté les élections locales, avec plus de 55 p. cent des voix. À l’issue des élections législatives, cet ancien groupe d’opposition armé a obtenu 59 sièges au Parlement, qui en compte 118. Le 26 août, Pierre Nkurunziza, dirigeant du CNDD-FDD, a été élu chef de l’État, mettant ainsi fin à la période de transition qui durait depuis 2002.
Dans les provinces de Bujumbura-rural et Bubanza, le conflit armé s’est poursuivi tout au long de l’année entre un groupe armé, le Parti pour la libération du peuple hutu - Forces nationales de libération (PALIPEHUTU-FNL), généralement désigné sous le nom de FNL (Forces nationales de libération), et les forces armées gouvernementales (Forces de défense nationale, FDN), et ce malgré la présence de 5 634 soldats de la paix intervenant dans le cadre de l’Opération des Nations unies au Burundi (ONUB). Les FNL refusaient toujours de négocier un accord de cessez-le-feu avec le gouvernement.

Violations des droits humains

Les forces armées gouvernementales, composées d’anciens combattants du CNDD-FDD et de soldats des anciennes Forces armées burundaises, se sont rendues coupables de graves violations des droits humains. Des civils de Bujumbura-rural et des membres présumés des FNL ont été victimes de violences, notamment d’arrestations et de détentions arbitraires, de viols et d’exécutions extrajudiciaires.
Dans la commune d’Isale, les FDN auraient abattu, le 14 mai, 17 combattants des FNL qui, semble-t-il, n’étaient pas armés.
Après les élections, les forces de sécurité et les services de renseignements généraux (la Documentation nationale) ont entrepris des actions en vue de sécuriser la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC) et de neutraliser les FNL. Au cours de ces opérations, ils ont à plusieurs reprises interpellé de manière arbitraire aussi bien des Burundais que des ressortissants de la RDC.
Le 24 septembre, un réfugié congolais appartenant à la communauté banyamulenge a été arête dans le centre-ville de Bujumbura par des agents de la Documentation nationale. Il a été incarcéré pendant plus de trois semaines sans être informé des fondements légaux de son arrestation.
Dans la semaine du 3 octobre, des agents de la Documentation nationale ont interpellé deux fonctionnaires locaux et des dizaines d’autres personnes à Bujumbura sous prétexte qu’il s’agissait de membres présumés des FNL. D’après les informations reçues, plusieurs de ces personnes ont été frappes ou blessées alors qu’elles étaient détenues.

Atteintes aux droits humains commises par les FNL

En 2005, les FNL ont usé de menaces et de manœuvres d’intimidation contre les civils des provinces de Bujumbura-rural et de Bubanza, exigeant souvent qu’ils leur procurent un toit ou de la nourriture.
Pendant la période électorale, les FNL ont tué plusieurs fonctionnaires subalternes ainsi que d’autres personnes, tous soupçonnés de collaboration avec les forces armées gouvernementales. Du 6 mars au 6 juin, les FNL auraient assassiné au moins six fonctionnaires locaux dans la province de Bujumbura-rural et en auraient enlevé trois autres. Plusieurs responsables politiques du CNDD-FDD ont été décapités et des familles des régions rurales ont été prises pour cible au simple motif qu’elles avaient parlé avec des soldats.
Le 16 juin, un groupe de 11 membres présumés des FNL a fait irruption, au cours d’un office religieux, dans le temple protestant de Muyaga (commune de Muhutu). Une fois à l’intérieur, les assaillants ont verrouillé portes et fenêtres et ouvert le feu sur l’assemblée. Huit personnes ont été tuées et 30 autres blessées.
Une mère célibataire a été agressée le 14 août à son domicile, dans la province de Bujumbura-rural, par des combattants armés des FNL qui l’accusaient de travailler pour le compte du gouvernement.
D’après son témoignage, afin de la punir, ils lui ont fait subir des violences, l’ont ligotée à un arbre et ont enterré vivant son enfant. La jeune femme n’est parvenue à s’échapper qu’au bout de trois jours.
Pendant le deuxième semestre de 2005, les FNL ont cherché à étendre leurs actions à d’autres provinces, notamment celles de Bubanza et de Ngozi, souvent avec l’aide de responsables locaux.

Violences contre les femmes

Les viols et autres violences sexuelles se sont poursuivis malgré l’instauration d’un cessez-le-feu dans la plupart des régions du pays.
Le 20 août, H.A., une jeune fille de seize ans originaire de la commune de Murwi (province de Cibitoke), a été violée. L’auteur présumé du crime a été arrêté puis remis immédiatement en liberté.
D’après la Division des droits de l’homme de l’ONUB, seule une femme violée sur trois déposait plainte en 2005. La majorité des plaignantes abandonnaient les poursuites avant que quiconque ne soit traduit en justice.

Peine de mort

À la fin de l’année, le pays comptait un total de 499 condamnés à mort. Aucune exécution n’a eu lieu depuis celles, en 1997, de sept civils ; les tribunaux ont cependant continué de prononcer des condamnations à la peine capitale.

Jugement dans l’affaire Kassi Manlan

Le 3 mai, la cour d’appel de Bujumbura a condamné à la peine capitale quatre personnes accusées d’avoir participé à l’assassinat de Kassi Manlan, un représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) tué en novembre 2001 : Émile Manisha, ancien commandant de la Police de sécurité publique, le colonel Gérard Ntunzwenayo, commissaire adjoint chargé de la Documentation nationale, Aloys Bizimana, ancien commandant de la « brigade » (prison de la gendarmerie) de Kiyange, et Japhet Ndayegamiye, responsable de la Documentation nationale. Trois autres hommes ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, dont deux qui étaient incarcérés au moment des faits. Deux hommes se sont vu infliger des peines de vingt ans de réclusion : Expert Bihumugani, directeur d’une société de sécurité privée, et Athanase Bizindavyi, le directeur de la prison centrale de Bujumbura.

Fonctionnement de la justice
Cette année encore, l’appareil judiciaire présentait des carences en matière de ressources et de formation. Des plaintes faisaient régulièrement état d’affaires de corruption à l’échelle locale et nationale.
Le 10 juillet 2005, des détenus de la prison de Rumonge ont entamé une série d’actions de protestation contre le fait que des personnes étaient maintenues en détention sans jugement pour des durées indéterminées. Certains détenus accusés d’infractions de droit commun attendaient depuis plus de cinq ans de passer en jugement.
Les procès pour participation aux violences qui avaient suivi l’assassinat, en 1993, de l’ancien president Ndadaye se poursuivaient.

Commission nationale pour la vérité et la réconciliation

Adoptée en décembre 2004, la loi portant création d’une Commission nationale pour la vérité et la réconciliation (CNVR) chargeait celle-ci d’établir la vérité sur les actes de violence perpétrés depuis 1962 dans le cadre du conflit, de spécifier les crimes commis autres que les actes de génocide, et d’en identifier à la fois les auteurs et les victimes. Dans un rapport publié en mars, le secrétaire général des Nations unies a émis des doutes sur la crédibilité et l’impartialité de la CNVR, et a examiné la possibilité de créer une commission d’enquête judiciaire internationale. Il recommandait de modifier la composition de la CNVR, en lui apportant une dimension internationale (elle était à l’origine constituée de 25 membres, tous burundais), et de créer une chambre spéciale au sein de l’appareil judiciaire burundais. Cette chambre serait habilitée à poursuivre les personnes portant la plus grande part de responsabilité dans les actes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, et se composerait de juges nationaux et internationaux. Au mois de novembre, le nouveau gouvernement a nommé une délégation de huit membres, la chargeant de mettre en place une CNVR en coopération avec les Nations unies.
Le 15 novembre, les autorités ont créé une commission chargée d’établir l’identité des prisonniers politiques. Composée de 21 membres, elle avait notamment pour mandat de définir la notion de prisonnier politique et d’émettre des recommandations.

Justice pour mineurs

Dans la plupart des prisons, surpeuplées, les enfants étaient soumis à des conditions de détention déplorables. Certains d’entre eux ont fait état de violences sexuelles ; beaucoup souffraient de malnutrition et n’avaient plus de contact avec leur famille. Plusieurs détenus ont subi des traitements cruels, inhumains ou dégradants.
R., quatorze ans, a été interpellé en janvier 2004, accusé de vol qualifié et condamné au mois de mai 2004 à une peine de trente mois d’emprisonnement. Il a déclaré qu’un policier l’avait frappé avec une matraque en métal et un bâton durant les six premiers mois de sa détention. Lorsque les délégués d’Amnesty International l’ont rencontré en janvier 2005, ils ont pu voir les traces de coups sur ses bras.
Bien que le Burundi ait ratifié en 2004 la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et que sa législation nationale comporte des dispositions spécifiques relatives aux enfants, les autorités n’ont pas pris en compte le statut particulier de ces derniers. Les magistrats et les autorités pénitentiaires n’ont pas été suffisamment formés aux modalités d’application des lois concernant les mineurs.

Personnes réfugiées, rapatriées et déplacées

D’avril à novembre, plus de 10 000 Rwandais ont fui leur pays afin de se réfugier au Burundi (voir Rwanda). Dans un premier temps, les autorités burundaises enregistraient les demandes d’asile tout en sollicitant l’aide du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Fin avril, à la suite de pressions du Rwanda, le Burundi a néanmoins modifié sa politique. Le 27 avril, au mépris de ses obligations régionales et internationales, le gouvernement a déclaré que l’asile ne serait pas accordé aux Rwandais et, dans les jours et les semaines qui ont suivi, des soldats ont regroupé les personnes en quête d’asile, les ont embarquées à bord de camions et les ont forcées à retourner au Rwanda. Dès le 25 mai, plus de 7 000 d’entre elles étaient de retour au Burundi. D’après les informations recueillies, les autorités burundaises ont autorisé les soldats rwandais à pénétrer sur le territoire, à détruire les camps de fortune des demandeurs d’asile et à les renvoyer de force une fois de plus. Le 13 juin, des dirigeants burundais ont qualifié ces personnes d’« immigrants illégaux ».
Après les élections, le nouveau gouvernement a annoncé la fin des renvois forcés et a autorisé le HCR à apporter son assistance aux demandeurs d’asile. Les autorités ont toutefois continué de designer ceux-ci comme des immigrants illégaux.
De janvier à décembre, le HCR a facilité le rapatriement de quelque 60 000 réfugiés burundais, ce qui portait à 300 000 le nombre total de personnes revenues au Burundi depuis 2002. Le manque de terres disponibles au Burundi était source de difficultés pour celles qui cherchaient à reprendre possession de leurs biens.
Marthe Misago, une veuve de vingt-huit ans, a fui la province de Kirundo, au Burundi, en 1994. Avec ses quatre enfants, elle a regagné le pays en 2004. Sa belle-mère, qui s’était emparée de ses terres, a refuse de les lui restituer et a menacé de la tuer si elle cherchait à les récupérer. Marthe Misago a sollicité l’intervention des autorités mais, à la fin de l’année, l’affaire n’était toujours pas résolue.
Fin 2005, plus de 120 000 personnes vivaient toujours dans des camps pour personnes déplacées, essentiellement dans les provinces du nord et de l’est. Parallèlement, les populations de Bujumbura-rural et Bubanza risquaient toujours d’être déplacées à court terme. Nombre de gens avaient trop peur pour passer la nuit chez eux en raison des attaques armées.

Visites d’Amnesty International

Une délégation d’Amnesty International s’est rendue au Burundi en janvier, juillet et octobre.

Autres documents d’Amnesty International

 Burundi / Rwanda / Tanzanie. Violations des droits des réfugiés et des rapatriés (AFR 16/006/2005).

 Burundi. La paix fragile est menacée par les pressions exercées sur les réfugiés pour qu’ils rentrent chez eux (AFR 16/008/2005).

 Burundi. Massacre de Gatumba : un urgent besoin de justice (AFR 16/010/2005).

 Burundi. La sécurité ne doit pas être assurée au détriment des droits humains (AFR 16/011/2005).

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