THAÏLANDE

Royaume de Thaïlande
CAPITALE : Bangkok
SUPERFICIE : 513 115 km²
POPULATION : 64,2 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Bhumibol Adulyadej
CHEF DU GOUVERNEMENT : Thaksin Shinawatra
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Les provinces du sud du pays, dont la population est majoritairement musulmane, ont cette année encore été le théâtre de violences. Des groupes armés islamiques non identifiés ont commis des attentats à la bombe et ont tué, par balle ou par décapitation, des civils de religion aussi bien musulmane que bouddhiste. Ils se sont également attaqués aux forces de sécurité. Les pouvoirs publics ont procédé à des arrestations arbitraires et n’ont rien fait pour enquêter sur les atteintes aux droits humains. Dans le sud, mais aussi dans d’autres régions, les défenseurs des droits fondamentaux faisaient l’objet d’une surveillance et étaient fréquemment victimes d’actes de harcèlement, voire de menaces de mort anonymes. Des cas de torture et de mauvais traitements ont de nouveau été signalés. Un millier de personnes étaient toujours sous le coup d’une condamnation à mort. Aucune exécution n’a été signalée. Les travailleurs immigrés ne jouissaient toujours pas des droits fondamentaux prévus par la législation du travail.

Contexte
Au mois de février, les élections législatives ont été remportées par le Thai Rak Thai (Les Thaïlandais aiment les Thaïlandais), le parti du Premier ministre, Thaksin Shinawatra, qui a obtenu la majorité absolue au Parlement et a donc constitué seul le nouveau gouvernement.
Le sud du pays est resté en proie à la violence. Plus de 1 100 personnes sont mortes entre janvier 2004 et la fin de l’année 2005. Un décret pris en juillet a autorisé le Premier ministre à proclamer l’état d’urgence. Le même mois, le Comité des droits de l’homme [ONU] s’est inquiété de l’adoption de ce décret, ainsi que des allégations persistantes selon lesquelles la police et l’armée se seraient livrées à des exécutions extrajudiciaires et à des mauvais traitements, notamment dans le sud en 2004. Le Comité s’est en outre déclaré préoccupé par certaines informations selon lesquelles les responsables de l’application des lois tortureraient et maltraiteraient fréquemment les détenus.

Mesures réglementaires
Le Premier ministre a fait usage du décret adopté le 15 juillet par le gouvernement au lendemain d’une attaque d’envergure menée par des insurgés contre la ville de Yala, déclarant l’état d’urgence dans les provinces de Yala, Narathiwat et Pattani. Ce décret est venu remplacer la Loi martiale de 1914, appliquée jusqu’alors dans ce secteur. L’état d’urgence a été prolongé de trois mois en octobre. Le décret relatif à l’état d’urgence prévoit notamment que les suspects peuvent être maintenus en détention pendant trente jours sans inculpation ni procès, autorise la détention en dehors des établissements officiels, instaure la censure de la presse et accorde l’immunité judiciaire aux agents des forces de l’ordre.

Violences dans le sud du pays
Les provinces de Songkla, Pattani, Yala et Narathiwat, situées à l’extrême sud de la Thaïlande, ont cette année encore été le théâtre de violences (attentats à la bombe, décapitations, meurtres par balle visant aussi bien des civils, musulmans ou bouddhistes, que des membres des forces de sécurité). Les groupes armés responsables de ces actes ne se sont pas fait connaître et ne les ont pas revendiqués publiquement. Ils n’ont pas non plus fait montre d’une quelconque volonté de négocier avec le gouvernement. Toutefois, à partir du mois d’août, des tracts menaçant les commerçants ou les chefs d’entreprise qui travailleraient le Vendredi ont commencé à circuler. Des notes anonymes ont également été retrouvées sur les lieux de plusieurs attentats perpétrés par des groupes armés, indiquant que les attaques avaient pour but de venger les « innocents » arrêtés et tués par les forces de sécurité.
Parmi les victimes de ces violences figuraient aussi bien des membres des forces de sécurité et des milices que des fonctionnaires, des civils bouddhistes ou musulmans et des personnes appartenant à des groupes islamiques armés.
Les autorités ont répondu aux violences en procédant à des arrestations arbitraires, tout en s’abstenant d’enquêter sur les atteintes aux droits humains commises. Le gouvernement a créé en février une Commission nationale de réconciliation (CNR), présidée par l’ancien Premier ministre Anand Panyarachun et chargée d’apporter des éléments de solution à cette vague de violence. Cette instance a rendu publics en avril les rapports de deux commissions nommées par le gouvernement pour enquêter sur la répression brutale, par les forces de sécurité, d’une manifestation qui avait eu lieu à Tak Bai en octobre 2004, et sur le siège par l’armée de la mosquée de Krue Se, en avril 2004. La CNR a déclaré au mois d’octobre que le gouvernement était au bord de la « faillite administrative » dans le sud du pays, en raison de son incapacité à protéger la population.
Violations des droits humains
Dans la prison de Yala, plusieurs détenus politiques de religion musulmane portaient en permanence de lourdes entraves. Un nombre indéterminé de personnes étaient détenues au Centre de formation de la police de Yala en vertu des dispositions du décret relatif à l’état d’urgence ; leur droit de s’entretenir avec leur avocat et de voir leur famille était restreint.
Selon des informations divulguées au mois d’août dans la province de Narathiwat, les autorités ont dressé une liste noire de personnes soupçonnées d’appartenir aux groupes d’opposition armés ou de leur être favorables. Des dizaines de jeunes musulmans ont été contraints de prendre contact avec les autorités de la province pour prouver qu’ils n’avaient rien à voir avec ces mouvements. Plusieurs ont été internés dans un camp, ce qui constituait, de fait, une mesure de détention arbitraire. Aucun d’entre eux n’a apparemment été inculpé d’une quelconque infraction.
Le gouvernement n’a pas enquêté comme il l’aurait dû sur les homicides et les enlèvements à caractère politique. On ignorait toujours qui, précisément, était responsable des violences constatées.
Au mois de juin, un étudiant musulman du nom de Riduan Waemano et deux de ses amis ont été tués par balle alors qu’ils priaient dans une maison de la province de Pattani. À la connaissance d’Amnesty International, cette affaire n’a pas donné lieu à des investigations médicolégales et personne n’a été traduit en justice.
Exactions perpétrées par des groupes d’opposition armés
Des groupes d’opposition armés ont tué des villageois de religion bouddhiste, des musulmans appartenant aux milices de volontaires soutenues par le gouvernement, des moines bouddhistes et des fonctionnaires de l’administration locale. Entre les mois de janvier 2004 et septembre 2005, une soixantaine d’enseignants, de directeurs d’école et d’employés des services de l’éducation nationale ont été abattus par des groupes armés non identifiés.
Au mois d’avril, Ma Rike Samae et son oncle, Mat Samae, tous deux membres d’une milice de volontaires, ont été abattus alors qu’ils effectuaient une patrouille de nuit dans leur village de la province de Narathiwat.
En octobre, des insurgés armés ont attaqué un temple bouddhiste de la province de Pattani. Ils ont décapité un moine et tué deux jeunes garçons.

Impunité
Près de 200 personnes ont été tuées ou sont mortes des suites de mauvais traitements dans le cadre de la brutale répression menée après les attaques des groupes armés, au mois d’avril 2004, et la manifestation tenue à Tak Bai en octobre de la même année. Aucun membre des forces de sécurité n’a été traduit en justice pour répondre de ces actes.
Le procès de cinq policiers accusés d’avoir agressé et volé, en 2004, l’avocat et défenseur des droits humains Somchai Neelapaijit s’est poursuivi tout au long de l’année 2005. On était sans nouvelles de la victime, qui appartient à la communauté musulmane.

Défenseurs des droits humains
Dans le sud du pays, des défenseurs des droits humains (étudiants, avocats, universitaires, etc.) ont fait l’objet de mesures de surveillance, d’actes de harcèlement et de menaces de mort anonymes. Des pratiques analogues ont été signalées dans d’autres régions.
Au mois de juin, Phra Supoj Suvacano, un moine bouddhiste qui vivait dans un temple situé en forêt, dans le district de Fang (province de Chiang Mai), a été tué à l’arme blanche. Phra Supoj Suvacano se consacrait notamment à la défense de terres appartenant à une fondation bouddhiste et convoitées par d’influents promoteurs locaux. Les services des enquêtes spéciales du ministère de la Justice ont été saisis de l’affaire, mais personne n’a été traduit en justice pour ce meurtre.

Réfugiés et travailleurs immigrés
Fuyant le travail et les réinstallations forcés, les extorsions et les arrestations arbitraires, les réfugiés originaires du Myanmar ont continué d’arriver en Thaïlande. Près de 143 000 Karens et Karennis vivaient toujours dans des camps situés le long de la frontière. Les personnes appartenant à l’ethnie chan n’étaient, elles, toujours pas autorisées à séjourner dans les camps. Plus de 2 400 réfugiés ont été réinstallés dans des pays tiers en 2005.
À fin de l’année, 705 293 étrangers, parmi lesquels 539 416 étaient originaires du Myanmar, avaient déposé une demande de permis de travail. On ignorait le nombre d’immigrés clandestins. En juillet et août, des personnes venues du Myanmar, du Laos et du Cambodge ont été enregistrées par le gouvernement. Cet enregistrement leur ouvrait officiellement les mêmes droits que les travailleurs thaïlandais, notamment le droit de toucher le salaire minimum légal et la garantie de conditions de travail décentes. Dans la pratique, toutefois, les travailleurs immigrés continuaient de travailler et de vivre dans des conditions précaires, et la plupart d’entre eux ne touchaient pas le salaire minimum légal. Les immigrés employés dans les usines de vêtements de la province de Tak, par exemple, n’en percevaient guère plus de la moitié.
Au mois de septembre, plus de 200 travailleurs immigrés légaux originaires du Myanmar ont été arrêtés et renvoyés dans leur pays pour avoir protesté auprès du ministère du Travail. Employés dans une fabrique de filets de pêche de la province de Khon Kaen, ils s’étaient notamment plaints de leurs horaires de travail, excessifs, et du fait qu’ils ne touchaient pas le salaire minimum légal.

Peine de mort
Quelque 1 000 personnes étaient toujours sous le coup d’une condamnation à mort à la fin de l’année. Nombre d’entre elles étaient entravées en permanence. Le gouvernement a expliqué au Comité des droits de l’homme que cette pratique était une nécessité dans la mesure où l’administration pénitentiaire ne disposait pas de places suffisantes pour maintenir tous les condamnés à mort à l’isolement cellulaire.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Thaïlande aux mois de septembre et octobre afin d’enquêter sur les violences perpétrées dans le sud du pays.

Autres documents d’Amnesty International

 Thailand : The Plight of Burmese Migrant Workers (ASA 39/001/2005).

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