ESPAGNE

Royaume d’Espagne
CAPITALE : Madrid
SUPERFICIE : 504 782 km²
POPULATION : 41,3 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Juan Carlos Ier de Bourbon
CHEF DU GOUVERNEMENT : José Luis Rodríguez Zapatero
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Des tribunaux spéciaux ont été instaurés pour protéger les femmes de la violence, mais la loi n’imposait toujours pas à l’État d’ouvrir une enquête et d’engager des poursuites en cas de violences graves au foyer. Les immigrés installés clandestinement en Espagne ont eu la possibilité de régulariser leur situation. En revanche, la plupart des étrangers qui avaient réussi à pénétrer aux Canaries ou dans les enclaves espagnoles en Afrique du Nord ont été privés de toute assistance en matière de demande d’asile. Beaucoup ont été expulsés illégalement. Au moins 13 candidats à l’immigration en provenance d’Afrique subsaharienne sont morts et de nombreux autres ont été blessés alors qu’ils essayaient de pénétrer dans les enclaves de Ceuta et Melilla, en Afrique du Nord. Dans la plupart des cas, les forces de sécurité espagnoles et marocaines auraient fait usage d’une force excessive et leur auraient infligé des mauvais traitements. Dans certains centres de détention pour mineurs, les conditions de vie étaient tellement déplorables qu’elles pouvaient être qualifiées de « mauvais traitements institutionnels ».

Contexte

Le groupe armé basque Euskadi Ta Askatasuna (ETA, Le Pays basque et sa liberté) a revendiqué 24 attaques perpétrées en 2005 contre des intérêts économiques et touristiques en Espagne. Dans la plupart des cas, il a utilisé des explosifs de faible puissance qui ont fait des blessés légers et occasionné des dommages mineurs. Le 9 février à Madrid, un attentat à la voiture piégée devant un centre de congrès a fait 42 blessés, peut-être plus, dont au moins cinq policiers. L’explosion s’est produite quelques heures avant la visite du roi Juan Carlos et de la reine Sofía. Une demi-heure auparavant, l’ETA avait averti un journal par téléphone. Le 25 mai, l’explosion d’une voiture piégée placée dans une rue de Madrid par l’ETA a fait 52 blessés. Le 21 novembre s’est ouvert devant l’Audience nationale le procès de 56 personnes qui étaient inculpées d’appartenance à des groupes ayant apporté un soutien financier, politique ou autre à l’ETA, ou lui ayant fourni des informations. L’instruction de cette affaire, confiée au juge Baltasar Garzón, avait débuté en 1998.
Le 17 mai, le Congrès des députés, chambre basse du Parlement, a autorisé le gouvernement à entamer des pourparlers avec l’ETA si l’organisation abandonnait la lutte armée.
Le 7 février a été lancée une opération de régularisation de quelque 800 000 immigrés sans papiers. En vertu de la réglementation adoptée en décembre 2004, les étrangers en possession d’un contrat de travail, ayant un casier judiciaire vierge et pouvant prouver qu’ils séjournaient déjà en Espagne avant le mois d’août 2004 disposaient de trois mois pour se déclarer auprès de l’administration fiscale et obtenir le droit de résidence.
Le 30 juin, le Parlement a adopté une loi autorisant le mariage entre personnes du même sexe et reconnaissant à ces nouveaux couples légaux le droit d’héritage et d’adoption.
Le 9 novembre, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a soumis son rapport sur la visite qu’il avait effectuée en Espagne au mois de mars. Il y critiquait les mesures qui empêchaient les avocats de s’entretenir en privé avec certains prisonniers, ainsi que les mécanismes d’indemnisation des victimes de torture ou de mauvais traitements.
En décembre, l’Espagne a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [ONU], qu’elle avait signé en avril.

Violences contre les femmes

Adoptée en décembre 2004, une loi relative à la violence liée au genre est entrée en vigueur au mois de janvier. Elle rassemblait en un seul texte des mesures visant à prévenir la violence, à assister et protéger les victimes et à punir les auteurs, ainsi que des dispositions concernant les poursuites et les enquêtes. Elle garantissait aux victimes qui portaient plainte le droit à une assistance étendue comprenant entre autres l’aide judiciaire, l’accès au logement et la possibilité de bénéficier des services de santé. Le législateur reconnaissait pour la première fois que certaines catégories de femmes sont plus exposées que d’autres aux violences liées au genre.
En juin, 17 tribunaux spécialisés dans ce type de violences ont commencé à examiner les premiers dossiers ; 433 autres tribunaux étaient compétents pour traiter les affaires de violence domestique. L’entrée en vigueur de la nouvelle loi, qui, certes, renforçait les garanties contre les violences au foyer, n’a toutefois pas été aussi efficace qu’on l’avait espéré, car il incombait à la victime de poursuivre son action et de demander le déclenchement des mesures de protection. En outre, seules 5 p. cent des femmes victimes de violences liées au genre portaient plainte ; parmi elles, enfin, nombreuses étaient celles qui devaient affronter l’indifférence des autorités ou faire face à des interrogatoires menés sans tact qui les décourageaient d’aller plus loin.
Les femmes ayant subi des violences domestiques se heurtaient toujours à des obstacles considérables lorsqu’elles tentaient d’obtenir aide, protection et justice. Les préjugés et les pratiques discriminatoires au sein des institutions publiques, ainsi que le manque de coordination entre les autorités responsables, ne faisaient qu’augmenter les difficultés pour les groupes les plus vulnérables - notamment les immigrées en situation irrégulière, les Roms, les handicapées, les femmes souffrant de troubles psychologiques et les toxicomanes.
Le ministère de l’Intérieur a élaboré des mesures d’application de la Loi relative aux étrangers prévoyant que les services de l’immigration devaient appliquer des sanctions administratives aux migrantes en situation irrégulière qui ont demandé des mesures de protection en tant que victimes de violences liées au genre, et engager contre elles des procédures de renvoi. Au mois de novembre, Amnesty International a demandé le retrait de ces dispositions, au motif qu’elles constituaient une discrimination illégale.

Homicides et mauvais traitements infligés à des migrants

Les personnes fuyant la violence, l’injustice et le dénuement qui réussissaient à franchir les frontières sud de l’Espagne, en Afrique du Nord, aux Canaries ou en Andalousie, étaient toujours confrontées à des difficultés pour déposer une demande d’asile. Elles se voyaient refuser les services de conseil et l’assistance juridique dont elles avaient besoin. À Ceuta et Melilla, les candidats à l’immigration étaient retenus dans des centres de détention surpeuplés ; beaucoup ont été renvoyés illégalement au Maroc.
À compter de fin août, le harcèlement des migrants dans des camps non officiels au Maroc et les dispositions prises en vue de relever la hauteur de la clôture frontalière érigée sur tout le périmètre de Ceuta et Melilla ont poussé un très grand nombre de personnes à tenter de franchir celle-ci pour pénétrer en territoire espagnol. Treize, au moins, sont mortes et de très nombreuses autres ont été blessées ; la plupart auraient été victimes d’un recours excessif à la force ou de mauvais traitements de la part des forces de sécurité espagnoles et marocaines. José Luis Zapatero, le chef du gouvernement, a annoncé qu’une enquête serait menée conjointement par les deux pays, mais à la fin de l’année celle-ci n’avait apparemment pas encore débuté.
Fin septembre, les autorités espagnoles ont déployé à la frontière 480 soldats supplémentaires. À cette même époque, près de 2 000 migrants et demandeurs d’asile qui avaient réussi à entrer dans Ceuta et dans Melilla étaient détenus dans des centres de rétention. D’autres ont été expulsés illégalement. Au mois d’octobre, les autorités marocaines auraient embarqué des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants à bord de véhicules pour les reconduire à la frontière avec l’Algérie. Le même mois, l’organisation internationale d’aide humanitaire Médecins sans frontières a affirmé avoir trouvé plus de 500 migrants - dont certains menottés ensemble - abandonnés dans le désert par les autorités marocaines, sans vivres ni eau.
Selon les informations reçues, Ayukabang Joseph Abunaw, trente et un ans, a été tué le 29 août, vers trois heures du matin, lorsque les forces de la Garde civile ont tiré à bout portant des balles en caoutchouc sur des centaines de migrants qui escaladaient la clôture de Melilla. Des témoins ont affirmé avoir vu des gardes civils frapper Ayukabang Joseph Abunaw à coups de crosse et le traîner de l’autre côté de la frontière, en territoire marocain. Il serait mort quelques heures plus tard. Lors d’un premier examen, Médecins sans frontières a observé sur sa poitrine une ecchymose qui présentait toutes les caractéristiques d’une blessure par balle en caoutchouc. Selon l’autopsie effectuée par les autorités marocaines, la cause de la mort serait une hémorragie interne provoquée par une lésion au foie.
Dans la nuit du 28 septembre, quatre hommes en provenance d’Afrique subsaharienne sont morts et plusieurs autres ont été grièvement blessés lorsque les forces de sécurité espagnoles et marocaines ont pris à partie plusieurs centaines de personnes qui escaladaient la clôture de fil tranchant qui entoure Ceuta. Selon les informations reçues, les deux corps tombés côté espagnol et les deux autres tombés côté marocain présentaient tous des traces de blessures par balle. La Garde civile a indiqué que les munitions retrouvées dans les cadavres gisant en territoire espagnol n’étaient pas du type utilisé par ses hommes.
Le 28 décembre 2004, plusieurs personnes, dont des demandeurs d’asile qui se trouvaient déjà sur le territoire espagnol, avaient été illégalement expulsées du pays. Parmi elles figuraient un jeune Guinéen de quinze ans qui avait été brutalisé. En mai 2005, le ministère de l’Intérieur a reconnu que le mineur avait fait l’objet d’une mesure de renvoi sommaire parce qu’il s’était trouvé entre les deux clôtures de Ceuta.

Utilisation de pistolets paralysants : mort en garde à vue

En février, la Garde civile a indiqué qu’elle n’utilisait pas de pistolets paralysants ni d’autres armes envoyant des décharges électriques. Le ministère de l’Intérieur a fait savoir, en avril, qu’aucune arme de ce type n’avait été achetée, reconnaissant toutefois qu’il n’existait « aucune norme spécifique pour réglementer les abus éventuels de ce type d’armes ». De telles armes auraient cependant été importées et utilisées par l’unité spéciale d’intervention de la Garde civile, ainsi que par des forces de police locales aux Canaries, à Espartinas (province de Séville) et à Alcalá de Xivert (province de Castellón). Le recours à une force excessive, en particulier l’utilisation inappropriée d’un pistolet paralysant, aurait provoqué la mort d’un détenu.
Le 24 juillet, Juan Martínez Galdeano est mort en garde à vue dans les locaux de la Garde civile à Roquetas de Mar (province d’Almería). Après analyse des images fournies par les circuits fermés de télévision, une enquête interne a indiqué qu’une matraque et un pistolet paralysant avaient été utilisés pour l’immobiliser. L’autopsie a établi un lien de cause à effet entre la mort du détenu par « insuffisance respiratoire ou cardio-respiratoire aiguë » et la manière dont il avait été traité. Il portait des menottes aux poignets et aux chevilles, et son corps présentait de nombreuses contusions correspondant apparemment à des coups de matraque. Deux policiers ont été inculpés, notamment d’homicide par imprudence et de traitements inhumains et dégradants.

Mauvais traitements infligés à des mineurs en détention

Le médiateur a exprimé dans un rapport des inquiétudes concernant les conditions de vie dans les centres de détention pour mineurs. Étant donné leur état de délabrement et leur insalubrité, de nombreux centres n’étaient pas conformes à la loi et aux règlements en matière de détention d’enfants. Le rapport recommandait la fermeture immédiate du centre éducatif pour mineurs délinquants de Melilla, une structure délabrée aux petites cellules mal éclairées qui ne disposait que d’une seule cour de faibles dimensions. Les conditions de vie dans les établissements des environs de Madrid n’étaient pas beaucoup meilleures. Ils étaient surpeuplés, les installations sanitaires y étaient insuffisantes et ils manquaient des équipements les plus élémentaires, notamment de lits et de tables.
En avril, le Diputado del Común (médiateur) de la Communauté autonome des Canaries a condamné le caractère institutionnel des mauvais traitements infligés aux mineurs détenus aux Canaries. En juin, le premier assistant du Diputado del Común a demandé la fermeture immédiate du centre de détention de Gáldar (Grande-Canarie), particulièrement insalubre. Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe avait également formulé une recommandation en ce sens.

Compétence universelle

En avril, l’ancien officier de la marine argentine Adolfo Scilingo a été déclaré coupable, entre autres chefs, de crimes contre l’humanité (voir Argentine) et condamné à six cent quarante années d’emprisonnement. Il avait reconnu s’être trouvé, durant le régime militaire en Argentine, à bord d’avions transportant des détenus que l’on droguait et déshabillait avant de les jeter à la mer.
Par un arrêt prononcé en septembre, la Cour constitutionnelle a ouvert la voie à la poursuite en justice en Espagne, pour violations des droits humains, du général Rios Montt, ancien président du Guatémala, ainsi que d’autres anciens officiers de ce pays (voir Guatémala).
Le gouvernement n’a pas présenté de rapport sur la situation des victimes de la guerre civile de 1936-1939 et du franquisme, et ce malgré la demande faite en ce sens par le Parlement en 2004 afin que les victimes puissent obtenir réparation. Un comité interministériel avait été créé en novembre 2004 à cette fin. En décembre 2005, le Premier ministre, José Luis Zapatero, s’est engagé à présenter les résultats des travaux de ce comité dans un délai de six mois.

Visites d’Amnesty International

En mai et en octobre, des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Espagne afin d’y effectuer des recherches et de s’entretenir avec des représentants du gouvernement. Ils ont soulevé des questions liées à la violence domestique contre les femmes et au traitement des migrants et des demandeurs d’asile, notamment à Ceuta et Melilla.

Autres documents d’Amnesty International
- Spain : More than words - Making protection and justice a reality for women who suffer gender-based violence in the home (EUR 41/005/2005).

 Spain : The southern border - The State turns its back on the human rights of refugees and immigrants (EUR 41/008/2005).

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