ROYAUME-UNI

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord
CAPITALE : Londres
SUPERFICIE : 244 082 km²
POPULATION : 59,7 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Elizabeth II
CHEF DU GOUVERNEMENT : Tony Blair
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Comme les années précédentes, le gouvernement s’en est pris aux droits fondamentaux de la personne, à la primauté de la loi et à l’indépendance de la magistrature. Il a ainsi cherché à remettre en cause l’interdiction de la torture sur le territoire et à l’étranger et a fait adopter - ou tenté de faire adopter - des lois non conformes au droit national et aux normes internationales en matière de droits humains. L’État a néanmoins perdu la bataille juridique menée pour lever l’irrecevabilité des « preuves » obtenues sous la torture. En juillet, 52 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées à la suite des attentats à la bombe perpétrés dans le réseau de transport public londonien. Des mesures de lutte contre le terrorisme ont entraîné de graves violations des droits humains, et l’on s’inquiétait vivement de leurs répercussions sur les musulmans et les autres minorités. Des commissions d’enquête ont été créées dans plusieurs affaires où l’État serait impliqué dans des homicides perpétrés au cours des années précédentes en Irlande du Nord, mais pas sur le meurtre de Patrick Finucane. Un projet de loi qui risquait de laisser impunies les atteintes aux droits humains commises dans le passé en Irlande du Nord soulevait de profondes inquiétudes.

Mesures de lutte contre le terrorisme
Cette année encore, de graves violations des droits humains ont été enregistrées, notamment la persécution d’hommes désignés par les autorités, sur la foi de renseignements tenus secrets, comme étant des « terroristes internationaux présumés ». Au nombre des mesures proposées et adoptées figurait l’application de sanctions visant des personnes que les autorités considéraient comme dangereuses, mais contre lesquelles elles disaient ne pas disposer d’éléments suffisants pour les traduire en justice.
La décision rendue en décembre 2004 par le comité d’appel de la Chambre des Lords (les Law Lords ou Lords juges) - selon laquelle la détention pour une durée indéterminée était incompatible avec le droit à la liberté et l’interdiction de la discrimination - n’a pas été suivie d’effet pour les victimes, qui n’ont pas obtenu réparation. Après que certaines dispositions de la Loi de 2001 relative à la sécurité et à la lutte contre la criminalité et le terrorisme furent devenues caduques, les autorités ont même fait adopter la Loi de 2005 relative à la prévention du terrorisme, contraire à l’esprit de la décision des Lords juges et ouvrant la voie à de nombreuses violations des droits fondamentaux. La nouvelle loi accorde à un ministre les pouvoirs sans précédent d’imposer des « ordonnances de contrôle » destinées à restreindre la liberté, les déplacements et les activités des personnes soupçonnées d’implication dans des actes terroristes, là encore sur la base de renseignements secrets. L’application d’une « ordonnance de contrôle » revient à inculper, juger et condamner une personne, mais sans lui offrir les garanties d’équité exigées dans les affaires pénales.
En mars, le gouvernement a placé sous « ordonnance de contrôle » des personnes qui avaient été détenues aux termes de la loi de 2001, les soumettant à des restrictions sévères qui constituaient une violation de leurs droits fondamentaux. D’autres « ordonnances de contrôle » ont été imposées par la suite. L’une d’elles, au moins, concernait un Britannique.
En juin, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a rendu public le rapport élaboré à la suite de sa visite dans le pays en mars 2004. Il a conclu que la détention en vertu de la Loi de 2001 relative à la sécurité et à la lutte contre la criminalité et le terrorisme avait provoqué des troubles mentaux chez la plupart des personnes incarcérées et que la privation de liberté avait été d’autant plus préjudiciable à leur état de santé qu’elles ignoraient combien de temps durerait leur détention et quels étaient les éléments retenus contre elles. Le CPT a estimé que la situation dans laquelle se trouvaient certaines personnes lors de sa visite s’apparentait à un traitement inhumain et dégradant.
Également en juin, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a rendu public son rapport sur la visite effectuée au Royaume-Uni en novembre 2004. Le document faisait état de préoccupations au sujet de la Loi de 2005 relative à la prévention du terrorisme, de la recevabilité des « preuves » obtenues sous la torture, des conditions carcérales, du traitement réservé aux demandeurs d’asile, de l’âge peu élevé de la responsabilité pénale, de la discrimination ainsi que de la nécessité d’ouvrir des enquêtes publiques afin de faire toute la lumière sur les homicides perpétrés en Irlande du Nord dans lesquels le Royaume-Uni serait impliqué.
En août, le Premier ministre a proposé de nouvelles mesures de lutte contre le terrorisme. Elles n’étaient, pour la plupart, pas compatibles avec les obligations du Royaume-Uni au regard du droit international relatif aux droits humains et de sa propre législation en la matière ; un grand nombre d’entre elles visaient spécifiquement les étrangers.
Le gouvernement a conclu des protocoles d’accord avec la Jordanie, la Libye et le Liban. Il a affirmé que, compte tenu des « assurances diplomatiques » données dans ces protocoles, le Royaume-Uni se conformait à ses obligations nationales et internationales qui lui interdisent de transférer des personnes dans des pays où elles risqueraient d’être torturées ou maltraitées.
En août, la plupart des personnes précédemment détenues ont de nouveau été arrêtées et, de même que d’autres interpellées peu de temps auparavant, incarcérées aux termes des dispositions sur l’immigration, dans l’attente de leur expulsion pour des motifs liés à la sécurité nationale. Invoquant les protocoles d’accord, le gouvernement a maintenu qu’il pouvait renvoyer ces hommes. Les détenus étaient placés dans des prisons situées loin de leur famille, de leur avocat et de leur médecin. Certains avaient été acquittés peu de temps auparavant par un tribunal britannique d’accusations liées au terrorisme. En octobre, en raison notamment d’une importante dégradation de leur état de santé physique et mentale, un certain nombre ont été libérés sous caution, mais se sont vu imposer des conditions qui s’apparentaient à une assignation à résidence.
Un nouveau projet de loi relatif au terrorisme a été rendu public en octobre. Ses dispositions, d’une grande portée et formulées en des termes vagues, compromettaient le principe de liberté ainsi que les droits à la liberté d’expression, à la liberté d’association et à un procès équitable. En novembre, le Parlement a rejeté la proposition visant à étendre de quatorze à quatre-vingt-dix jours la durée de la garde à vue ; une disposition établissant sa durée maximum à vingt-huit jours a été adoptée. La procédure parlementaire se poursuivait.
En décembre, le gouvernement a été accusé d’avoir autorisé les États-Unis à utiliser le territoire britannique pour procéder à des « restitutions » : des personnes ont ainsi été transférées en secret et en dehors de toute procédure juridique vers des pays où elles auraient été torturées, de même que vers différents centres de détention américains à travers le monde.

Coups de feu meurtriers imputables à la police
En juillet, l’ouverture d’une enquête indépendante sur la mort de Jean Charles de Menezes, un Brésilien non armé qui se rendait à son travail à Londres et qui a été tué par balle par la police, a connu de nombreux atermoiements. Certains éléments laissaient penser que la police avait, dans un premier temps, cherché à étouffer l’affaire.
Au mois d’octobre, le parquet a refusé d’engager des poursuites contre des policiers impliqués dans la mort, en 1999, de Harry Stanley, abattu alors qu’il marchait, non armé, dans une rue de Londres.

« Preuves » obtenues sous la torture
Dans une décision prononcée à l’unanimité, sept Lords juges ont confirmé, en décembre, l’irrecevabilité des « preuves » obtenues sous la torture. Ils ont également estimé qu’il était impératif d’enquêter afin de savoir si des actes de torture avaient été pratiqués et d’exclure tout élément de preuve dont on pouvait conclure qu’il avait probablement été arraché sous la contrainte.
Amnesty International a coordonné l’action de 14 organisations qui sont intervenues conjointement dans cette affaire portée devant les Lords juges par 10 étrangers qui s’opposaient au fait d’être désignés comme des « terroristes internationaux présumés » par les autorités britanniques. Leur cas devait être renvoyé devant le tribunal de première instance pour qu’il réexamine les « preuves ».

Guantánamo Bay
En janvier, les quatre derniers Britanniques détenus par l’armée américaine à Guantánamo Bay (Cuba) ont été remis en liberté. Toutefois, au moins sept étrangers vivant au Royaume-Uni y étaient toujours incarcérés, dont Bisher al Rawi, un résident irakien, et Jamil al Banna, un réfugié jordanien. Les autorités britanniques étaient impliquées dans leur remise illégale aux États-Unis et refusaient toujours d’intervenir en leur faveur auprès du gouvernement américain.
En décembre, un tribunal britannique a jugé que David Hicks, un Australien détenu à Guantánamo Bay, était autorisé à se faire reconnaître comme sujet britannique et, par conséquent, à recevoir l’assistance des autorités du Royaume-Uni.

Forces armées britanniques en Irak
Bafouant le droit international et sa propre législation en matière de droits humains, le Royaume-Uni a participé au placement en détention administrative d’au moins 10 000 personnes en Irak. Des représentants des autorités britanniques ont en effet siégé, aux côtés de responsables américains et irakiens, au sein du Joint Detention Review Board (Conseil commun d’examen des mesures de détention), chargé d’étudier les dossiers des personnes placées en détention par la Force multinationale présente en Irak - essentiellement par l’armée américaine. À la fin du mois d’octobre, le Royaume-Uni détenait en Irak, « pour raisons de sécurité », 33 personnes qui n’avaient pas été jugées ni même inculpées.
Arrêté en octobre 2004, Hilal Abdul Razzaq Ali al Jedda, qui possède la double nationalité irakienne et britannique, était toujours détenu sans inculpation en Irak par les forces britanniques.
En décembre, dans l’affaire Al Skeini, la Cour d’appel d’Angleterre et du pays de Galles a estimé que la Loi de 1998 relative aux droits humains pouvait s’appliquer en dehors du territoire britannique ; la Cour a en outre indiqué que le système d’enquête sur la mort de personnes détenues par les forces armées britanniques présentait des lacunes graves, notamment un manque d’indépendance vis-à-vis des officiers responsables.

Réfugiés et demandeurs d’asile
Le projet de loi sur l’immigration, l’asile et la nationalité était toujours en cours d’examen devant le Parlement. Certaines de ses dispositions allaient à l’encontre de la protection des personnes fuyant la persécution pour des motifs politiques, l’une des principales raisons d’être de la Convention relative au statut des réfugiés [ONU].
Un nombre croissant de demandeurs d’asile étaient placés en détention en vertu de la Loi sur l’immigration, au début et à la fin de la procédure. Parmi eux figuraient des familles avec des enfants, des victimes de torture et d’autres personnes vulnérables. Les détenus étaient placés dans des établissements sinistres de type carcéral ; certains se sont plaints d’avoir été la cible d’injures, à caractère raciste entre autres.
Les demandeurs d’asile pouvaient être détenus pendant une durée illimitée ; la légalité de la détention ne faisait même pas l’objet d’un réexamen régulier et automatique par un tribunal ou un organe compétent similaire. Dans la plupart des cas, la détention était arbitraire et des mesures d’un autre ordre auraient été suffisantes.

Prisons
Martin Narey, qui allait quitter ses fonctions à la tête de l’administration pénitentiaire et des services de mise à l’épreuve, a dénoncé l’augmentation sans précédent du nombre de personnes détenues, qui a entraîné un grave problème de surpopulation. Il a également jugé « honteux » le fait que plus de 16 000 prisonniers soient détenus dans des conditions les contraignant à partager des toilettes dans une cellule où ils prennent aussi leurs repas. Le nombre de suicides demeurait élevé.

Loi de 2005 relative aux commissions d’enquête
La Loi de 2005 relative aux commissions d’enquête est entrée en vigueur en juin. Ses dispositions allant à l’encontre de l’état de droit, de l’indépendance de la magistrature et de la protection des droits humains, elle ne garantissait pas que les commissions d’enquête sur les violations graves des droits humains soient efficaces, indépendantes, impartiales et complètes. Amnesty International a demandé l’abrogation de cette loi.

Irlande du Nord
L’Irlande du Nord était toujours sous administration directe. En décembre, le parquet a abandonné toutes les poursuites pénales qui, en octobre 2002, avaient entraîné la suspension de l’Assemblée d’Irlande du Nord et le rétablissement de l’administration directe par le gouvernement britannique. Peu après, l’une des personnes contre lesquelles les charges avaient été abandonnées, un important responsable politique du Sinn Féin, a reconnu publiquement être un agent britannique.
Collusion et homicides à caractère politique
Trois commissions d’enquête sur l’implication présumée des forces de sécurité dans les meurtres de Robert Hamill, Billy Wright et Rosemary Nelson ont été créées aux termes de la loi en vigueur en Irlande du Nord. En novembre, le secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord a toutefois décidé que, dans l’affaire Billy Wright, il fallait appliquer la Loi relative aux commissions d’enquête. Amnesty International s’est opposée à cette décision.
Le gouvernement a déclaré qu’il prenait des dispositions afin qu’une commission régie par la Loi relative aux commissions d’enquête se penche sur le dossier du meurtre, commis en 1989, de l’avocat et défenseur des droits humains bien connu Patrick Finucane. Il a ajouté qu’il était probable qu’une bonne partie des éléments de preuve seraient examinés à huis clos, dans la mesure où l’enquête concernait des questions se trouvant « au cœur du système de sécurité nationale en Irlande du Nord ». Amnesty International estimait que l’idée de créer une commission d’enquête sur l’affaire Finucane en vertu de cette loi relevait de l’imposture.
Séquelles du passé
Le gouvernement a pris deux initiatives présentées comme destinées à régler la question des violations des droits humains commises dans le passé. En avril, une Équipe chargée des enquêtes historiques a été constituée, afin que la Force de police de l’Irlande du Nord enquête sur les homicides intervenus dans le cadre du conflit et n’ayant pas été résolus. On pouvait craindre que la nouvelle unité ne travaille pas en toute indépendance. En novembre, un projet de loi sur les infractions en Irlande du Nord a été présenté devant le Parlement. S’il était adopté, le texte consacrerait l’impunité des agents de l’État et des paramilitaires responsables d’atteintes aux droits humains commises dans le passé et priverait les victimes d’une véritable réparation. Dans cette perspective, on pouvait s’interroger sur l’utilité du travail confié à l’Équipe chargée des enquêtes historiques.
Violences commises par des acteurs autres que des agents de l’État
Les atteintes aux droits humains commises par des membres d’organisations paramilitaires, notamment les homicides, les tirs par balle et les coups et blessures, se sont poursuivies. Sept meurtres ont été attribués à des membres de groupes loyalistes et deux à des membres d’organisations républicaines ; dans un dernier cas, des éléments donnaient à penser que les loyalistes étaient impliqués.
Robert McCartney, un catholique, a été tué lors d’une agression perpétrée en janvier au cours de laquelle un autre homme a été grièvement blessé. La police a imputé l’attaque à des membres de la Provisional Irish Republican Army (PIRA, Armée républicaine irlandaise provisoire), bien que l’organisation ait exprimé son désaccord avec cette action. La famille McCartney et son comité de soutien, qui luttent pour que justice soit rendue, ont été la cible de menaces et de manœuvres d’intimidation. Deux personnes ont été inculpées au mois de juin dans le cadre de l’agression.
En mars, Stephen Nelson est mort des suites de blessures reçues au cours d’une agression en septembre 2004. La Commission de surveillance indépendante a attribué la responsabilité de son décès à des membres de l’Ulster Defence Association (UDA, Association de défense de l’Ulster), une organisation paramilitaire loyaliste.

Violences contre les femmes
Un sondage d’opinion réalisé à la demande de la section britannique d’Amnesty International sur les attitudes à l’égard des agressions sexuelles contre les femmes a révélé l’existence de nombreux points de vue discriminatoires et stéréotypés. En moyenne, deux femmes étaient tuées chaque semaine par leur mari ou compagnon, ancien ou actuel. Le Royaume-Uni affichait toujours un taux de condamnation très faible dans les affaires de viol : seuls 5,6 p. cent des viols signalés à la police aboutissaient à une condamnation.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans plusieurs centres de détention pour immigrés à travers le pays. D’autres ont assisté à des procès, notamment à des audiences tenues en vertu des dispositions antiterroristes.

Autres documents d’Amnesty International

 United Kingdom : Seeking asylum is not a crime - detention of people who have sought asylum (EUR 45/015/2005).

 United Kingdom : Amnesty International’s briefing on the draft Terrorism Bill 2005 (EUR 45/038/2005).

 United Kingdom : Case for the Interveners on Appeal (EUR 45/041/2005).

 Royaume-Uni. On ne joue pas avec les droits humains (EUR 45/043/2005).

 United Kingdom : Amnesty International’s briefing for the House of Commons’ second reading of the Terrorism Bill (EUR 45/047/2005).

 United Kingdom : Amnesty International’s submission of 14 October to the UK Parliament’s Joint Committee on Human Rights in connection with the Committee’s inquiry into the subject of “counter-terrorism policy and human rights” (EUR 45/050/2005).

 United Kingdom : Amnesty International’s Briefing for the House of Lords’ second reading of the Terrorism Bill (EUR 45/055/2005).

 Royaume-Uni. « Je demande justice » (EUR 45/056/2005).

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