SYRIE

République arabe syrienne
CAPITALE : Damas
SUPERFICIE : 185 180 km²
POPULATION : 19 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Bachar el Assad
CHEF DU GOUVERNEMENT : Mohammad Naji Otri
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION LES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Des restrictions sévères pesaient toujours sur la liberté d’expression et d’association. De très nombreuses personnes ont été arrêtées et plusieurs centaines ont été maintenues en détention pour des motifs politiques, y compris des prisonniers d’opinion et d’autres détenus jugés à l’issue de procès inéquitables. Quelque 500 prisonniers politiques ont toutefois recouvré la liberté à la faveur de deux amnisties. La torture et les mauvais traitements restaient très répandus. Comme les années précédentes, des défenseurs des droits humains ont été harcelés. Les femmes et les membres de la minorité kurde étaient toujours victimes de discrimination.

Contexte

La Syrie a été de plus en plus isolée à la suite de l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, perpétré à Beyrouth le 14 février. En mai, les Nations unies ont confirmé que la Syrie avait retiré ses troupes du Liban. L’état d’urgence proclamé en 1962 est resté en vigueur. L’accord d’association entre la Syrie et l’Union européenne, signé en octobre 2004 et contenant une clause relative aux droits humains, n’avait toujours pas été approuvé fin 2005.

Libération de prisonniers politiques

Le 30 mars, une amnistie présidentielle a été décrétée en vue de la libération de 312 prisonniers politiques ; des prisonniers d’opinion figuraient parmi eux. La plupart étaient des Kurdes, incarcérés à la suite de violents affrontements qui avaient éclaté en mars 2004 dans le nord-est du pays.
Le 2 novembre, quelque 190 prisonniers politiques, dont des prisonniers d’opinion, ont recouvré la liberté à la suite d’une autre amnistie présidentielle. Ce fut le cas d’Abd al Aziz al Khayyir, arrêté en février 1992 et condamné en août 1995 à vingt-deux années d’emprisonnement pour appartenance au Hizb al Amal al Shuyui (Parti d’action communiste, PAC) à l’issue d’un procès inéquitable mené devant la Cour suprême de sûreté de l’État. Ce fut aussi le cas de Haythem al Hamwi, Muhammed Shehada, Yahya Sharabajee et Muatez Murad, des militants associatifs de Darya qui avaient été arrêtés en mai 2003 puis condamnés à des peines comprises entre trois et quatre ans d’emprisonnement à l’issue de procès inéquitables devant des tribunaux militaires d’exception. Musaab al Hariri, un jeune homme qui était âgé de quatorze ou quinze ans au moment de son arrestation le 24 juillet 2002, a également été libéré. Il avait été arrêté peu après être revenu en Syrie avec sa mère en provenance d’Arabie saoudite, où ils s’étaient exilés. Cet adolescent avait été condamné le 19 juin 2005, par la Cour suprême de sûreté de l’État, à six ans d’emprisonnement pour son appartenance présumée à Al Ikhwan al Muslimun (Les Frères musulmans).

Emprisonnement pour des motifs politiques

De très nombreuses personnes ont été arrêtées pour des raisons politiques ; plusieurs dizaines d’entre elles étaient des prisonniers d’opinion. Des centaines de personnes étaient toujours incarcérées à la fin de l’année, certaines uniquement pour avoir exprimé leurs opinions. Beaucoup ont comparu devant la Cour suprême de sûreté de l’État ou devant des tribunaux militaires, qui appliquent tous des procédures non conformes aux normes d’indépendance et d’impartialité. Bon nombre des personnes jugées étaient des membres ou des sympathisants présumés de partis politiques interdits, et notamment du Hizb al Ittihad al Dimoqrati (Parti de l’union démocratique), un groupe kurde, des Frères musulmans, du Hizb al Tahrir (Parti de la libération), et du Hizb al Baath al Dimoqrati al Ishtiraki al Arabi (Parti Baas arabe démocratique et socialiste), pro-irakien.
Six hommes ont été arrêtés en 2001 et condamnés en 2002, à l’issue de procès inéquitables, à des peines allant jusqu’à dix ans d’emprisonnement pour leur participation au mouvement de réformes du « Printemps de Damas ». Ils étaient toujours détenus à la fin de l’année.
Kamal al Labwani, qui avait passé trois ans en détention dans le cadre de la répression du « Printemps de Damas » avant d’être libéré en septembre 2004, a été de nouveau arrêté le 8 novembre, à son arrivée à Damas, après plusieurs mois passés en Europe et aux États-Unis. Il a été inculpé entre autres d’« atteinte au moral de la nation », d’« incitation à des troubles » et d’« appartenance à une organisation secrète ». Ces chefs d’inculpation étaient en relation avec les activités qu’il menait pacifiquement pour promouvoir la démocratie et le respect des droits humains.
Ali al Abdullah a été arrêté le 15 mai, une semaine après avoir lu au Forum Jamal al Atassi, une organisation interdite, une déclaration du dirigeant en exil des Frères musulmans. Le Forum a ensuite été fermé par les autorités et Ali al Abdullah a été inculpé de « soutien à une organisation illégale ». Il a été remis en liberté lors de l’amnistie présidentielle du 2 novembre.
Riad Drar a été arrêté le 4 juin après avoir prononcé un discours à l’occasion des funérailles de Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi, un dignitaire religieux. Il devait comparaître devant la Cour suprême de sûreté de l’État pour « incitation aux luttes de factions », un chef d’accusation souvent utilisé contre les défenseurs des droits des Kurdes de Syrie. Riad Drar était maintenu à l’isolement à la fin de l’année.

Emprisonnements et torture dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme »

De très nombreux Syriens accusés d’appartenir à une organisation islamiste salafiste et d’avoir planifié des actes de terrorisme, notamment en Irak, demeuraient détenus et étaient jugés devant la Cour suprême de sûreté de l’État. Parmi ces détenus figuraient 16 hommes d’Al Otaybe qui avaient été arrêtés en avril 2004 et 24 hommes de Qatana, arrêtés en juillet 2004. Ils auraient été torturés ou maltraités pendant de longues périodes de détention au secret. Nombreux étaient ceux qui craignaient que par ces arrestations et procès les autorités ne tentent de présenter le pays comme étant sous la menace du terrorisme.
Selon des informations de source gouvernementale parues dans la presse et qui n’ont pas été confirmées, en 2005, les autorités syriennes auraient arrêté jusqu’à 1 500 individus qui voulaient, semble-t-il, combattre aux côtés des forces antiaméricaines en Irak. Beaucoup auraient été renvoyés dans leur pays d’origine. Des médias saoudiens et des défenseurs des droits humains ont annoncé au mois de juillet qu’à partir d’octobre 2003 des Saoudiens avaient été arrêtés et torturés en Syrie avant d’être renvoyés dans leur pays.
Heba al Khaled, dix-sept ans, et sa sœur Rola al Khaled, vingt ans, toutes deux enceintes, ainsi que Nadia al Satour, ont été arrêtées le 3 septembre et retenues en otages par les autorités qui voulaient faire pression sur leurs maris, militants islamistes présumés, pour qu’ils se rendent. Détenues dans un premier temps à Hama, les jeunes femmes ont ensuite été transférées dans les locaux de la Section Palestine, une branche du Service des renseignements militaires, à Damas, où elles étaient toujours incarcérées à la fin de l’année. Nadia al Satour était accompagnée de son bébé.
Muhammad Haydar Zammar, un Allemand d’origine syrienne, était détenu au secret et dans un lieu inconnu, sans inculpation, pour la quatrième année consécutive, apparemment en raison de ses liens présumés avec Al Qaïda. Les forces de sécurité américaines auraient été impliquées dans son arrestation au Maroc en 2001, dans les interrogatoires qu’il a subis dans ce pays et dans son transfert secret en Syrie une ou deux semaines plus tard. Il aurait été interrogé en Syrie, en novembre 2002, par des agents des services de renseignement et de la police judiciaire allemands.
En août et en octobre, au cours d’une enquête au Canada, des informations ont été divulguées à propos des agissements de fonctionnaires canadiens dans l’affaire concernant Maher Arar, détenteur de la double nationalité canadienne et syrienne. On a appris qu’outre cet homme, au moins trois autres Canadiens originaires de différents pays arabes avaient été incarcérés, interrogés et torturés en Syrie au cours des années précédentes, peut-être avec la complicité ou la participation de membres des services de renseignement du Canada et d’autres pays. Ces trois hommes, nommés ci-après, ont affirmé qu’on les avait forcés à signer des déclarations sans les autoriser à les lire.
Ahmed Abou el Maati, arrêté et détenu pendant onze semaines après son retour en Syrie le 12 novembre 2001, a affirmé avoir été frappé à coups de câble électrique, brûlé avec des cigarettes et aspergé d’eau glacée. Il a ensuite été transféré en Égypte où il a de nouveau été torturé.
Abdullah Almalki, qui a déclaré avoir été frappé sur la plante des pieds, placé dans un pneu en suspension et battu, aurait également été suspendu par les poignets à un cadre métallique et frappé pendant sa détention dans les locaux de la Section Palestine qui a duré vingt-deux mois à partir de mai 2002.
Muayyed Nureddin a affirmé avoir été régulièrement frappé sur la plante des pieds à coups de câble et aspergé d’eau froide alors qu’il était détenu en Syrie du 11 décembre 2003 au 13 janvier 2004.

Menaces contre les défenseurs des droits humains

Les défenseurs des droits humains étaient de plus en plus actifs, mais ils ont été confrontés à des arrestations et à des actes de harcèlement. Plusieurs organisations de défense des droits humains non autorisées poursuivaient leurs activités. Au moins 10 défenseurs des droits humains ont été empêchés de se rendre à l’étranger.
Nizar Ristnawi, membre fondateur de l’Organisation arabe des droits humains en Syrie, interdite, a été arrêté le 18 avril. Il était toujours détenu à la fin de l’année 2005 ; les chefs d’inculpation qui pesaient sur lui n’étaient pas connus.
Muhammad Radun, président de l’Organisation arabe des droits humains en Syrie, a été arrêté le 22 mai après s’être exprimé sur la situation des droits humains dans ce pays et inculpé de « diffusion de fausses informations » et d’« appartenance à une organisation illégale de nature internationale ». Il a été libéré le 2 novembre à la faveur d’une amnistie présidentielle.

« Disparitions »
Les autorités n’avaient toujours pas donné d’information sur le sort de milliers de Syriens, de Libanais et de ressortissants d’autres pays qui avaient « disparu » au cours des années précédentes après avoir été arrêtés par les forces syriennes. Parmi eux figuraient environ 17 000 personnes, pour la plupart des islamistes ayant « disparu » après leur arrestation à la fin des années 1970 ou au début des années 1980, ainsi que des centaines de Libanais et de Palestiniens arrêtés en Syrie ou enlevés au Liban par les forces syriennes ou des milices libanaises et palestiniennes. Toutefois, en septembre, le gouvernement a désigné un juge et deux généraux comme représentants de la Syrie au sein d’une commission syro-libanaise chargée d’aborder la question des « disparitions ». Cette initiative a été bien accueillie par les groupes locaux de défense des droits humains, qui ont toutefois déploré le manque d’indépendance de la commission et ses pouvoirs limités.

Torture et mauvais traitements

Comme les années précédentes, de nombreuses informations ont fait état d’actes de torture et de mauvais traitements infligés à des prisonniers politiques et de droit commun, particulièrement durant les périodes de détention au secret préalables aux procès. Au moins deux détenus seraient morts des suites de sévices.
Ahmad Ali al Masalma, membre des Frères musulmans, est mort à la fin du mois de mars, quinze jours après avoir été libéré. Cet homme, qui avait vécu en exil en Arabie saoudite pendant vingt-six ans, avait été arrêté à son retour en Syrie et détenu pendant quatre semaines. Il aurait été torturé durant sa détention et privé des soins médicaux de base dont il aurait dû bénéficier.
Sheikh Muhammad Mashuq al Khiznawi, dignitaire religieux kurde connu pour son franc-parler, est mort le 30 mai. Il avait « disparu » vingt jours plus tôt après avoir, semble-t-il, été arrêté par des agents du Service des renseignements militaires. Il avait des dents et le nez cassés et présentait une blessure au front.
Seraj Khalbous est tombé gravement malade, probablement à la suite des actes de torture qui lui avaient été infligés durant sa détention au secret, en septembre, dans les locaux de la Sécurité politique de Mezzé et de Fayhaa, à Damas. Il a été battu, piétiné, frappé à coups de bâton, menacé de viol anal, soumis à des températures très basses, privé de sommeil et humilié de diverses manières ; il a en outre été témoin de tortures à l’électricité infligées à d’autres prisonniers. Il a été remis en liberté le 25 octobre.
La plupart des allégations de torture n’ont fait l’objet d’aucune enquête. On a toutefois appris en juin que deux responsables du palais de justice de Madan, à Raqqa, avaient été condamnés à deux mois d’emprisonnement pour avoir torturé Amna al Allush en mars 2002 afin de la contraindre à « avouer » un meurtre. Cette femme continuait toutefois de purger la peine de douze ans d’emprisonnement prononcée en avril 2004.

Discrimination envers les Kurdes

Les Kurdes de Syrie continuaient de souffrir de discrimination fondée sur leur identité, et notamment de restrictions frappant l’utilisation de la langue et de la culture kurdes. Des dizaines de milliers de Kurdes étaient de fait apatrides et, comme tels, ne bénéficiaient pas d’un plein accès à l’éducation, à l’emploi, à la santé et à d’autres droits dont jouissent les ressortissants syriens ; ils étaient également privés du droit d’avoir une nationalité et un passeport. En juin, lors de sa première réunion depuis dix ans, le congrès du parti Baas a ordonné un réexamen du recensement de 1962 ; cette initiative pourrait permettre à des Kurdes apatrides d’obtenir la nationalité syrienne.

Violences et discrimination envers les femmes

Les femmes étaient toujours victimes de discrimination en vertu de toute une série de lois, notamment en matière de mariage, de divorce, de droit de la famille, d’héritage et de nationalité. Elles n’étaient en outre pas suffisamment protégées contre les violences, domestiques ou autres. Ainsi, le Code pénal permet à l’auteur d’un viol d’échapper aux poursuites s’il épouse sa victime, et un homme qui a tué une proche parente coupable d’« adultère » ou d’autres « relations sexuelles hors mariage » peut bénéficier d’une exemption de peine ou être condamné à une peine plus faible que les autres meurtriers.
On disposait de peu d’informations sur l’ampleur des violences envers les femmes et peu de cas ont été signalés au cours de l’année.
En août, Huda Abu Assali, membre de la communauté druze, aurait été tuée par son père et son frère lors des festivités organisées à Suweidah pour fêter son mariage, car elle avait épousé un Kurde alors qu’elle était étudiante à l’université de Damas. Aucune procédure judiciaire ne semble avoir été
ouverte.

Peine de mort

La peine de mort était toujours appliquée pour toute une série de crimes, mais les autorités n’ont fourni que de rares informations sur l’utilisation de ce châtiment. On ignorait le nombre de personnes condamnées à mort ou exécutées au cours de l’année. Le gouvernement a toutefois informé le Comité des droits de l’homme [ONU] que 27 exécutions avaient eu lieu en 2002 et en 2003, sans préciser s’il s’agissait de l’ensemble des exécutions ou s’il fallait en exclure celles qui avaient été appliquées à l’issue de procès menés devant la Cour suprême de sûreté de l’État ou des tribunaux militaires. Dans une interview publiée en août, l’ancien ministre de la Défense Mustafa Tlas a affirmé qu’il avait autorisé la pendaison de 150 opposants politiques par semaine durant les années 1980 ; il a ajouté qu’il avait signé des milliers d’ordres d’exécution sans que les familles des détenus ne soient informées du sort de leurs proches.

Le Comité des droits de l’homme

Dans ses observations sur le troisième rapport périodique de la Syrie, le Comité des droits de l’homme [ONU] a déploré que la Syrie n’ait pas mis en application les réformes dans le domaine des droits humains qu’il avait recommandées en 2001. Il s’est déclaré préoccupé par le maintien en vigueur de l’état d’urgence, les restrictions imposées à la liberté d’expression et à d’autres droits fondamentaux, les violences et la discrimination envers les femmes, le harcèlement dont faisaient l’objet les défenseurs des droits humains et le recours à la peine de mort.

Visites d’Amnesty International

Amnesty International et les autorités syriennes ont évoqué la possibilité d’une visite de l’organisation dans le pays, mais aucune décision n’a été prise. Amnesty International n’a pas été autorisée à envoyer une délégation dans le pays depuis 1997.

Autres documents d’Amnesty International

 Syrie. Les Kurdes de la République arabe syrienne un an après les événements de mars 2004 (MDE 24/002/2005).

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