TUNISIE

République tunisienne
CAPITALE : Tunis
SUPERFICIE : 164 150 km²
POPULATION : 10,1 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Zine el Abidine Ben Ali
CHEF DU GOUVERNEMENT : Mohamed Ghannouchi
PEINE DE MORT : abolie en pratique
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome non signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : non signé

Plusieurs dizaines de personnes poursuivies pour activités terroristes ont été condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement à l’issue de procès inéquitables. De nouveaux cas de torture et de mauvais traitements ont été signalés. Des centaines de prisonniers politiques, dont certains étaient des prisonniers d’opinion, restaient incarcérés. Un grand nombre d’entre eux étaient détenus depuis plus de dix ans. Bien que le gouvernement ait promis de mettre un terme aux placements prolongés à l’isolement, des informations faisaient toujours état du recours à cette pratique ainsi que de la privation de soins médicaux. La liberté d’expression et d’association demeurait soumise à de sévères restrictions.

Contexte
En juillet, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti au pouvoir, a remporté 71 des 85 sièges à pourvoir lors de la première élection de la Chambre des conseillers. Cette nouvelle chambre haute du Parlement, qui compte au total 126 membres, est élue aux deux tiers au scrutin indirect. Les 41 autres conseillers ont été désignés par le président Ben Ali en août. L’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a boycotté ces élections.
En novembre, la Tunisie a accueilli le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), qui a réuni des représentants des gouvernements, des organisations internationales et de la société civile sous les auspices des Nations unies. Le choix de la Tunisie comme pays hôte a été critiqué par les organisations locales et internationales de défense des droits humains à cause des sévères restrictions de la liberté d’expression et d’association. En septembre, l’Union européenne (UE) et 11 États ont publié une déclaration commune pour déplorer les restrictions imposées par les autorités tunisiennes à la participation de groupes de la société civile au SMSI. Des défenseurs des droits humains ont fait l’objet d’actes d’intimidation et un journaliste français a été agressé à coups de couteau. Des agents de sécurité tunisiens ont empêché les délégués d’Amnesty International de rencontrer les représentants du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) au bureau de cet organisme à Tunis.
Le plan d’action UE/Tunisie, qui fait partie de la Politique européenne de voisinage, est entré en vigueur en juillet. Il prévoit une série d’actions et d’initiatives portant notamment sur les droits humains, les flux migratoires et la lutte contre le terrorisme, ainsi qu’un mécanisme d’examen régulier.

Violations des droits humains dans la « guerre contre le terrorisme »
Plusieurs dizaines de personnes auraient été arrêtées et inculpées en vertu de la loi antiterroriste promulguée en décembre 2003 ; au moins 30 personnes ont été jugées et condamnées. Les détenus étaient souvent maintenus au secret, dans certains cas pendant plusieurs semaines. Des informations ont fait état d’actes de torture visant à leur extorquer des « aveux » ou à les contraindre à signer des déclarations.
Au moins 13 prisonniers, connus sous le nom de « Groupe de Bizerte », ont été condamnés en avril à des peines comprises entre cinq et trente ans d’emprisonnement ; les sentences les plus lourdes ont été ramenées à vingt ans à l’issue de la procédure d’appel en juillet. Les accusés ont, semble-t-il, été torturés et maltraités durant leur détention dans les locaux du ministère de l’Intérieur. Ils avaient été arrêtés en avril 2004 et inculpés en vertu de la loi antiterroriste de décembre 2003.
En septembre, Taoufik Selmi, qui possède la double nationalité tunisienne et bosniaque, a comparu devant le tribunal militaire de Tunis pour appartenance à une organisation terroriste opérant à l’étranger. Les avocats de la défense se seraient vu refuser l’accès au dossier. Le procès devait reprendre en février 2006. Taoufik Selmi avait été expulsé du Luxembourg en mars 2003.
Mise à jour
En mars, Adil Rahali a été condamné en vertu de la loi antiterroriste à une peine de dix ans d’emprisonnement, ramenée à cinq ans par la cour d’appel en octobre. Ce citoyen tunisien, renvoyé d’Irlande en avril 2004 après le rejet de sa demande d’asile, avait été arrêté à son retour en Tunisie. Il a été détenu secrètement à la Direction de la sûreté de l’État du ministère de l’Intérieur, où il aurait été torturé.

Liberté d’expression
La liberté d’expression demeurait soumise à des restrictions sévères. En octobre, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a exprimé publiquement sa préoccupation à propos du manque de liberté d’expression en Tunisie. Il a demandé au gouvernement de prendre des mesures pour accroître la liberté d’expression et la liberté de la presse, et l’a invité à libérer sans condition toutes les personnes emprisonnées du fait de leurs opinions ou de l’exercice de leur profession de journaliste.
Le premier congrès du Syndicat des journalistes tunisiens (SJT), qui devait se tenir en septembre, a été interdit sans explication après que le président de l’organisation, Lotfi Hajji, eut été convoqué plusieurs fois à la Direction de la sûreté de l’État pour être interrogé. Le SJT, qui s’est donné pour mission de défendre les droits des journalistes et de promouvoir la liberté des médias, a été créé en 2004 en réaction à la censure généralisée.

Défenseurs des droits humains et organisations de défense des droits humains
Les défenseurs des droits humains continuaient d’être l’objet de mesures de harcèlement et certains ont été agressés. Bon nombre étaient soumis à une surveillance, de même que leur famille et leurs amis, et leurs activités étaient fortement restreintes.
En janvier, de très nombreux policiers ont encerclé le siège du CNLT pour empêcher ses membres d’assister à l’assemblée générale de l’organisation. Les policiers auraient affirmé avoir reçu pour instruction d’empêcher la tenue de la réunion. Les 3 et 4 septembre, l’entrée du bâtiment a de nouveau été bloquée par des policiers en civil, qui ont refusé l’accès aux membres du Comité de liaison du CNLT. Par ailleurs, Sihem Bensedrine, porte-parole de l’organisation, a été victime d’une campagne de diffamation dans les médias contrôlés par l’État, qui l’ont accusée d’agir comme une « prostituée » et de servir les intérêts des États-Unis et d’Israël.
En mars, Radhia Nasraoui, avocate et militante des droits humains, a été battue dans la rue par des policiers alors qu’elle se rendait à une manifestation pour protester contre l’invitation faite au Premier ministre israélien Ariel Sharon d’assister au SMSI. Elle a eu le nez cassé ; elle présentait également des coupures au front et des contusions étendues. Aucune sanction ne semble avoir été prise contre les responsables de cette agression.
Alors que les organisations de défense des droits humains se préparaient au SMSI, la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) a été particulièrement visée par les autorités. En septembre, deux jours avant la date fixée, un tribunal lui a ordonné de suspendre son congrès national ainsi que tous les travaux préparatoires qui visaient à en faciliter la tenue. Ce jugement faisait suite à une plainte déposée par 22 personnes qui seraient proches du pouvoir et qui affirmaient avoir été injustement exclues de la LTDH.

Attaques contre l’indépendance de la justice
Les activités des juges et le droit à la liberté d’expression ont une nouvelle fois été restreints par une série de mesures d’intimidation.
En août, le ministère de la Justice et des Droits de l’homme a donné des ordres pour empêcher les membres de l’Association des magistrats tunisiens (AMT) de pénétrer dans les locaux de cette organisation. Après que l’AMT eut lancé des appels en faveur d’une indépendance accrue du pouvoir judiciaire, ses lignes de téléphone et de télécopie et son accès à Internet ont fonctionné de plus en plus mal, avant d’être totalement bloqués. Selon certaines informations, les autorités ont muté arbitrairement des juges dans des régions isolées, loin de leur famille, pour essayer de les intimider et de les réduire au silence.

Prisonniers d’opinion
Comme les années précédentes, des personnes risquaient d’être emprisonnées, harcelées et intimidées du fait de leurs opinions non violentes.
Mohamed Abbou, avocat et défenseur des droits humains, a été condamné en avril à trois ans et demi d’emprisonnement, essentiellement pour avoir publié sur Internet des articles critiques. Des avocats tunisiens et des militants de la société civile qui ont protesté contre son procès ont plusieurs fois été harcelés et intimidés par la police. Les conseils de Mohamed Abbou n’auraient pu lui rendre visite en prison, malgré de multiples demandes. Sa peine a été confirmée en juin à l’issue de la procédure d’appel. À la fin de l’année, il était emprisonné à El Kef, à deux cents kilomètres de Tunis où réside sa famille, ce qui rendait les visites difficiles. En novembre, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a estimé que l’emprisonnement de Mohamed Abbou n’était pas justifié.

Conditions de détention
En avril, les autorités ont signé un accord avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui permet aux délégués de cet organisme de visiter régulièrement les prisons pour évaluer les conditions de détention et le traitement des prisonniers. Les représentants du CICR ont commencé à visiter les prisons tunisiennes au mois de juin.
Les autorités ont également annoncé en avril qu’aucun prisonnier ne serait désormais placé à l’isolement pendant plus de dix jours. Cet engagement a été pris lors d’une réunion avec une délégation de Human Rights Watch, qui affirmait qu’une quarantaine de prisonniers politiques étaient maintenus à l’isolement ou en petits groupes, sans contact avec les détenus de droit commun. Le gouvernement a aussi déclaré que les délégués de Human Rights Watch auraient accès aux prisons lors de leur prochaine visite en Tunisie.
De très nombreux prisonniers politiques ont toutefois observé des grèves de la faim répétées tout au long de l’année, pour protester contre la privation persistante de soins médicaux et la dureté de leurs conditions de détention.

Torture et mort en détention
Au mois de juin, Houcine Louhichi, un chauffeur de taxi originaire de Tabarka, dans la province de Jendouba, dans le nord-ouest du pays, est mort peu de temps après son arrivée à l’hôpital Rabta de Tunis. Quelques jours plus tôt, il avait été détenu au secret pendant près de deux jours à Tabarka par la Direction de la sûreté de l’État. Selon certaines informations, il avait été torturé au point de perdre connaissance. Il présentait des contusions sur tout le corps lors de sa remise en liberté. Selon les informations recueillies, il avait été arrêté parce qu’on le soupçonnait d’avoir transporté dans son taxi un Tunisien recherché dans le cadre d’une affaire de « terrorisme ».

Visites d’Amnesty International
Une déléguée d’Amnesty International s’est rendue en Tunisie en juin pour observer le procès en appel de Mohamed Abbou, avocat et défenseur des droits humains. En novembre, des représentants de l’organisation ont assisté au SMSI.

Autres documents d’Amnesty International

 Tunisie. Atteintes aux droits humains à la veille du Sommet mondial sur la société de l’information (MDE 30/019/2005).

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