SENEGAL

Des combats sporadiques ont repris en Casamance, dans le sud du pays, et une intervention militaire de la Guinée-Bissau a provoqué la fuite de milliers de personnes. Les dirigeants et les militants des partis d’opposition étaient victimes de harcèlement. La liberté d’expression continuait d’être menacée. Des centaines de migrants ont été arrêtés alors qu’ils tentaient de se rendre en Europe. Un projet de loi permettant de juger Hissène Habré au Sénégal a été adopté.


Contexte
En février, les pourparlers entre le gouvernement et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), ont été une nouvelle fois reportés en raison d’affrontements violents ayant éclaté entre des factions rivales de ce groupe armé indépendantiste.
À l’approche de l’élection présidentielle de février 2007, les tensions politiques entre les partisans du président Wade et les leaders de l’opposition se sont accentuées. Les partis d’opposition se sont élevés contre une modification de la Constitution, adoptée en novembre, qui supprimait le pourcentage minimal de voix requis pour remporter le scrutin présidentiel. La tension s’est encore accrue après l’arrestation de Jean-Paul Dias, le chef du Bloc des centristes gaïndé (BCG). On l’accusait d’avoir insulté le chef de l’État et incité les dirigeants de l’opposition à ne pas tenir compte des convocations de la justice ou de la police. Son fils, Barthélémy Dias, a été inculpé d’infractions similaires et arrêté en août. Ils ont tous les deux été condamnés à des peines d’emprisonnement. Le père a été remis en liberté à titre provisoire en septembre pour raisons médicales ; le fils a bénéficié d’une grâce présidentielle en novembre.


Harcèlement des opposants politiques

En février, l’ancien Premier ministre Idrissa Seck a été remis en liberté au terme de sept mois d’emprisonnement, après l’abandon de la plupart des charges retenues contre lui (atteinte à la sûreté de l’État et détournement de fonds, entre autres). Les manœuvres de harcèlement visant certains de ses partisans ont néanmoins continué ; quelques-uns d’entre eux ont été arrêtés pour complicité dans des opérations de blanchiment d’argent.

Arrestations et renvois de migrants
Des milliers de migrants, pour la plupart originaires d’Afrique subsaharienne, continuaient de transiter par le Sénégal. Nombre d’entre eux tentaient de rallier les Îles Canaries (Espagne). Les forces de sécurité sénégalaises en ont arrêté plusieurs centaines. Les patrouilles côtières ont été renforcées en vertu d’un accord signé en août par le Sénégal et l’Espagne et visant à organiser des actions conjointes pour réduire les mouvements de migrants clandestins. En septembre et en octobre, plus de 90 Pakistanais, dont au moins un mineur, ont été arrêtés, accusés de tentative d’entrée illégale sur le territoire, et renvoyés dans leur pays.

Combats en Casamance
La reprise des combats en Casamance a contraint plus de 8 000 personnes vivant dans la zone frontalière à quitter leur foyer. Environ 6 000 d’entre elles ont fui vers la Guinée-Bissau voisine. Les autres sont restées sur le territoire sénégalais tout en s’éloignant de la frontière. En avril, les forces de la Guinée-Bissau sont entrées au Sénégal pour attaquer le quartier général de la faction du MFDC conduite par Salif Sadio, au motif que ce dernier constituait un obstacle majeur à la paix en Casamance, ainsi qu’une menace pour la sécurité des pays voisins. De nombreuses familles ont alors quitté leur foyer. Salif Sadio restait toutefois introuvable. Ses troupes se seraient repliées dans le nord de la Casamance. En août, des affrontements opposant des factions rivales du MFDC dans le nord de la région ont provoqué une autre vague de départs : plus de 6 000 personnes ont fui vers la Gambie voisine.

Liberté d’expression
Des menaces continuaient de peser sur la liberté d’expression. Les journalistes ou les auteurs critiques à l’égard du gouvernement étaient particulièrement visés. Selon certaines informations, des douaniers ont été sanctionnés pour avoir laissé entrer sur le territoire plusieurs ouvrages publiés en France par des écrivains sénégalais, notamment Abdou Latif Coulibaly. Par la suite, d’autres livres ont été bloqués en douane et n’ont pas pu être diffusés au Sénégal.
En janvier, six employés de la station de radio privée Sud FM ont été acquittés, après l’abandon des accusations de « complicité d’atteinte à la sûreté de l’État » formulées contre eux. Ils avaient été placés en détention pour une courte durée en octobre 2005, à la suite d’une interview de Salif Sadio.

Hissène Habré
La lutte contre l’impunité a progressé. En juillet, la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine a demandé aux autorités sénégalaises de juger l’ancien président tchadien Hissène Habré, qui résidait au Sénégal depuis qu’il avait été chassé du pouvoir en 1990. La décision de l’Union africaine faisait suite à une requête du Sénégal lui demandant d’indiquer la juridiction compétente pour juger Hissène Habré. Depuis 2005, ce dernier était sous le coup d’une demande d’extradition et d’un mandat d’arrêt international lancé par un juge belge pour les tortures et les autres crimes commis sous son régime, de 1982 à 1990. En novembre, le conseil des ministres sénégalais a adopté un projet de loi permettant d’organiser le procès d’Hissène Habré au Sénégal. Au mois de décembre, le gouvernement a mis en place un groupe de travail chargé de l’organisation du procès.

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