SIERRA LEONE

En début d’année, la police a officiellement repris la responsabilité de la sécurité intérieure. Plusieurs opposants politiques ont été arrêtés et devaient être jugés. L’ancien président libérien Charles Taylor a été remis au Tribunal spécial pour la Sierra Leone en mars ; trois procès instruits par cette juridiction spéciale se sont poursuivis. Les procès de plusieurs anciens combattants sont arrivés à leur terme. Les recommandations de la Commission de la vérité et de la réconciliation n’ont guère été suivies d’effets ; le renforcement du système judiciaire et la réforme des lois discriminatoires à l’égard des femmes n’ont que peu progressé.



Contexte
Au début de l’année, la Mission des Nations unies en Sierra Leone (MINUSIL) a été remplacée par un organe de consolidation de la paix, le Bureau intégré des Nations unies en Sierra Leone (BINUSIL). Des difficultés de recrutement ont retardé le démarrage des travaux de cette nouvelle instance. Organe consultatif mis en place par les Nations unies et chargé de coordonner les ressources fournies par la communauté internationale aux États sortant d’un conflit, la Commission intergouvernementale de consolidation de la paix a choisi la Sierra Leone comme pays pilote.
Globalement, la situation était stable sur le plan de la sécurité et les pouvoirs publics ont repris une partie de leurs responsabilités en matière de maintien de l’ordre. Des problèmes se sont néanmoins posés dans quelques zones proches de la frontière guinéenne. L’International Military Advisory and Training Team (IMATT, Équipe militaire internationale consultative en matière d’instruction), un organe de formation constitué par le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, les Bermudes, l’Australie et la France, a continué de fournir un appui à l’armée durant toute l’année.
La Sierra Leone demeurait l’un des pays les plus pauvres de la planète : 70 p. cent de la population vivait avec moins d’un euro par jour. Le taux d’analphabétisme était par ailleurs élevé. En raison de l’insuffisance des infrastructures sanitaires, les taux de mortalité et de morbidité atteignaient des niveaux critiques.
Quatre partis politiques faisaient campagne dans la perspective des élections prévues pour la mi-2007.

Tribunal spécial pour la Sierra Leone
Le 29 mars, le gouvernement nigérian a expulsé Charles Taylor vers le Libéria, en réponse à une requête officielle d’Ellen Johnson-Sirleaf, la présidente libérienne. Dès son arrivée sur le territoire, Charles Taylor a été arrêté et transféré au Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Invoquant des questions de sécurité, celui-ci a demandé, le 30 mars, le dépaysement du procès aux Pays-Bas. Amnesty International craignait toutefois que la requête soit motivée par des considérations davantage liées à la politique qu’à la sécurité.
Le 15 juin, le Royaume-Uni s’est déclaré prêt à ce que, le cas échéant, Charles Taylor effectue sa peine d’emprisonnement sur son territoire. Le 16 juin, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1688 prévoyant le dépaysement à La Haye, dans les locaux de la Cour pénale internationale, du procès initialement prévu à Freetown. Le transfèrement de Charles Taylor à La Haye a eu lieu le 20 juin. Dans l’acte d’accusation émis à son encontre, le nombre de chefs d’accusation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, qui était au départ de 17, a été ramené à 11. En avril, Charles Taylor a plaidé non coupable. Deux audiences préliminaires ont été organisées et le procès devait démarrer en 2007.
Le Tribunal spécial a continué de juger les personnes portant la responsabilité la plus lourde dans les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et autres graves violations du droit international commis au cours de la guerre civile après le 30 novembre 1996. Parmi les chefs d’accusation figuraient le meurtre, la mutilation, le viol et d’autres formes de violences sexuelles, l’esclavage sexuel, l’enrôlement d’enfants, l’enlèvement et le travail forcé. En décembre, le chef des poursuites au Tribunal pénal international pour le Rwanda, l’Américain Stephen Rapp, a été nommé procureur du Tribunal spécial pour la Sierra Leone par le secrétaire général des Nations unies.
Dix des 11 accusés avaient été placés en détention ; Johnny Paul Koroma, l’ancien dirigeant de l’Armed Forces Revolutionary Council (AFRC, Conseil révolutionnaire des forces armées), demeurait en revanche introuvable. Malgré le caractère strictement individuel des actes d’accusation, les procès ont été rassemblés en trois groupes. Dans le cas des trois membres du Revolutionary United Front (RUF, Front révolutionnaire uni) parmi lesquels se trouvait Issa Sesay, la présentation de la preuve par l’accusation s’est achevée le 2 août et la défense devait débuter en 2007. Dans le procès de Moinina Fofana et de deux autres membres des Civil Defence Forces (CDF, Forces de défense civile), les déclarations finales ont commencé fin novembre. Dans la procédure concernant l’AFRC, la défense a conclu en décembre.

Arrestations et procès d’opposants politiques
Plusieurs opposants présumés ont été arrêtés et jugés pendant l’année.
Omrie Golley, ancien porte-parole du RUF, Mohamed Alpha Bah et David Kai-Tongi ont été arrêtés en janvier à Freetown. Tous les trois ont été inculpés de trahison mais, du fait de nombreux retards, leur procès n’était toujours pas terminé à la fin de l’année.
En février, l’arrestation de Charles Margai, le dirigeant par intérim du People’s Movement for Democratic Change (PMDC, Mouvement populaire pour le changement démocratique), a provoqué des manifestations pacifiques parmi les partisans de cette formation. À la fin de l’année, son procès n’était pas encore achevé.

Procès d’anciens combattants
Les procès d’anciens combattants du RUF et de l’AFRC détenus dans la prison de Pademba Road et jugés devant la Haute Cour de Freetown pour trahison ont pris fin. Quarante-deux accusés ont été acquittés et 16 autres condamnés, dont trois à une peine de dix ans d’emprisonnement.
À l’issue du procès des 31 membres du groupe armé West Side Boys, 25 acquittements et six condamnations à la réclusion à perpétuité ont été prononcés.

Liberté de la presse
En février, le ministre de la Justice a annoncé que, dans l’affaire concernant Harry Yansaneh, le rédacteur en chef du journal For di People décédé après avoir été tabassé par un groupe d’individus en 2005, le chef d’homicide ne serait pas retenu. Les défenseurs des droits humains ont demandé l’extradition de trois auteurs présumés de l’agression, qui avaient fui au Royaume-Uni après la mort de cet homme.
En mars, Sarh Musa Yamba, le rédacteur en chef de Concord Times, a été arrêté par la police judiciaire, apparemment sur instruction du bureau du procureur. Il a par la suite été remis en liberté sans avoir été inculpé.

Réforme de la justice
La réforme du système judiciaire a peu progressé. Les principaux aspects à corriger demeuraient la lenteur des procédures et l’ingérence du pouvoir exécutif.
Les pressions exercées par des membres de la société civile auprès de la Commission de réforme des lois ont conduit cette dernière à annoncer que la Constitution serait réformée afin d’être mise en conformité avec le droit en vigueur. La Commission a prévu de soumettre le projet de modification à référendum en juillet 2007, en même temps que les élections présidentielle et législatives.

Violences contre les femmes
Les difficultés d’accès à la justice ne faisaient qu’aggraver le problème, toujours endémique, des discriminations et des violences visant les femmes. La réforme des lois relatives au mariage, à la succession et aux crimes sexuels ne progressait guère. Les services du conseiller juridique de l’État continuaient d’accumuler les retards, si bien que les projets de loi en la matière n’avaient toujours pas été soumis au Parlement à la fin de l’année. Le texte relatif aux violences domestiques en était toujours au stade de la rédaction. Le rapport sur la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été reporté à 2007.
Au sein du système judiciaire non officiel, les chefs et les responsables de tribunaux locaux prenaient souvent des décisions qui ne relevaient pas de leur compétence. Le gouvernement n’a rien décidé de notable pour mettre un terme aux pratiques des chefs qui condamnaient illégalement des femmes à des amendes ou à des peines d’emprisonnement en se fondant sur leur interprétation du droit coutumier sierra-léonais, lequel assimile la femme à une mineure.

Commission nationale des droits humains
En octobre, le Parlement a approuvé la nomination des cinq membres choisis par le président de la Commission nationale des droits humains, à savoir Jamesina King, Yasmin Jusu Sheriff, Edward Sam, Joseph Stanley et le révérend Kanu. Organe de surveillance, la Commission avait pour mandat de veiller à la protection et à la promotion des droits humains.

Commission de la vérité et de la réconciliation
Les recommandations formulées dans le rapport que la Commission de la vérité et de la réconciliation a publié en 2004 ont été peu suivies. Destiné à réduire l’ingérence des responsables politiques dans les affaires de corruption, un code de conduite à l’usage des juges et des magistrats a été adopté. En 2006, un groupe de travail formé par cette Commission a élaboré un plan d’action global afin que les pouvoirs publics mettent en œuvre les recommandations publiées ; il a également mandaté un organisme gouvernemental, la Commission nationale pour l’action sociale, qui devait les assister dans leur tâche.

Peine de mort
Malgré les efforts déployés par la société civile pour obtenir l’abolition de la peine capitale – l’une des principales recommandations de la Commission de la vérité et de la réconciliation – 22 personnes, dont cinq femmes, demeuraient sous le coup d’une condamnation à mort. L’association d’avocats Lawyers Centre for Legal Assistance a rendu public son projet de demander à la Cour suprême d’ordonner au gouvernement l’abolition de cette peine.

Visites d’Amnesty International
Une délégation d’Amnesty International s’est rendue dans le pays en mai pour le lancement du rapport de l’organisation sur les atteintes aux droits des femmes consécutives à l’application du droit coutumier.

Autres documents d’Amnesty International

 Sierra Leone : Women face human rights abuses in the informal legal sector (AFR 51/002/2006).

 Sierra Leone : Special Court for Sierra Leone : Issues for consideration regarding the location of the trial of Charles Taylor (AFR 51/005/2006).

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit