SWAZILAND

L’entrée en vigueur d’une nouvelle Constitution laissait espérer une meilleure protection des droits humains. Cette année encore, les informations recueillies faisaient état d’actes de torture, de mauvais traitements et d’un recours excessif à la force imputables à des fonctionnaires de police ; les victimes de ces violences n’ont pas obtenu réparation. Un tiers de la population adulte était séropositive mais moins de la moitié des personnes nécessitant des antirétroviraux recevaient un traitement. La pauvreté, la pandémie du VIH/sida, les violences sexuelles et la discrimination entravaient le respect des droits des enfants. Les femmes, les jeunes filles et les fillettes étaient toujours frappées de discrimination dans la loi ; les victimes de viol, en particulier dans les zones rurales, rencontraient des difficultés à saisir la justice et à bénéficier de soins de santé.





Évolution sur le plan juridique et constitutionnel
Une nouvelle Constitution est entrée en vigueur en février, apportant des garanties relatives en matière de droits civils et politiques.
L’Ordonnance royale n°12 de 1973 – qui interdisait tout parti politique – n’ayant pas été abrogée, le statut juridique des formations politiques demeurait incertain. Une délégation de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui s’est rendue au Swaziland en juin a signé un accord avec le gouvernement et les partenaires sociaux. Les signataires se sont engagés à vérifier la conformité de la Constitution avec les droits garantis par les conventions de l’OIT et à recommander l’abrogation de toute disposition législative non conforme. Une organisation désireuse de se faire reconnaître en tant que parti politique a saisi la Haute Cour sur ce point, mais aucune décision n’avait été rendue à la fin de l’année. En novembre, la National Constitutional Assembly (NCA, Assemblée constitutionnelle nationale, un groupement d’organisations), des représentants des syndicats et d’autres personnes ont contesté la validité de la Constitution devant la Haute Cour. L’affaire a toutefois été renvoyée à l’année 2007 en raison d’un sous-effectif de juges.
Les voies de recours juridiques dans les affaires relatives aux droits humains étaient restreintes, en raison de l’incapacité du gouvernement à mettre en place une procédure efficace et indépendante de nomination du personnel judiciaire. À la fin de l’année, il n’y avait à la Haute Cour qu’un juge permanent et trois juges titulaires de contrats temporaires. La constitutionnalité de la Commission des services judiciaires, organe consultatif auprès du souverain pour la nomination de magistrats, a été contestée devant la Haute Cour en octobre. L’audience a été ajournée à 2007.
La Cour d’appel a été rétablie sous le nom de Cour suprême et deux nouveaux magistrats ont été nommés. En juillet, le roi a approuvé la Loi sur la prévention de la corruption.

Violations des droits humains par des responsables de l’application des lois
Des cas de torture, de mort suspecte en détention et de recours excessif à la force imputables à des policiers ont été signalés. Les personnes soupçonnées d’infractions pénales et les membres d’organisations politiques étaient les principales victimes de ces violences. L’impunité des violations des droits humains commises par les agents de la force publique persistait.
Prononçant des remises en liberté sous caution, la Haute Cour a demandé au gouvernement, en mars, d’enquêter sur les allégations de torture formulées par 16 personnes inculpées de trahison et d’autres infractions en lien avec des attentats au cocktail Molotov perpétrés à la fin de l’année 2005. Des allégations de torture par asphyxie, de passages à tabac et d’autres mauvais traitements avaient déjà été formulées devant le tribunal de première instance. Neuf accusés interrogés au poste de police de Sigodveni ont déclaré qu’ils avaient été torturés. Par ailleurs, quatre des personnes qui ont comparu devant la Haute Cour présentaient des blessures apparentes consécutives à leur détention à la prison de Sidwashini. En mars, des examens médicolégaux indépendants effectués sur certains des accusés ont établi que leurs blessures concordaient avec ces allégations. Le Premier ministre a mis en place une commission d’enquête en octobre.
En janvier, Takhona Ngwenya a été agressée dans les locaux du poste de police de Mbabane, où elle s’était rendue afin de déclarer le vol du téléphone de l’un de ses amis. Elle a été frappée à coups de poing et de pied sur tout le corps, y compris au visage. Elle a de plus été torturée par asphyxie : on lui a mis la tête dans un sac en plastique jusqu’à ce qu’elle perde conscience. Takhona Ngwenya a dû recevoir des soins médicaux. Une requête en dommages et intérêts a été déposée, mais la police a nié toute responsabilité dans cette affaire.
En juillet, Mduduzi Motsa est mort pendant sa garde à vue au poste de police de Sigodveni. Après avoir indiqué à ses proches qu’il était décédé des suites d’un accident de voiture, les policiers ont déclaré que Mduduzi Motsa s’était suicidé dans sa cellule. La police aurait empêché la famille de la victime d’assister à l’autopsie officielle.
Lors de plusieurs épisodes distincts, des manifestants ont été soumis à une force excessive par des membres de l’Unité opérationnelle de soutien de la police. En septembre, des étudiants de l’université qui voulaient remettre une pétition aux services du Premier ministre, à Mbabane, ont été frappés avec des matraques et roués de coups de pied. En décembre, à Manzini, des policiers ont utilisé leurs matraques et du gaz lacrymogène contre des sympathisants du People’s United Democratic Movement (PUDEMO, Mouvement démocratique populaire uni). Mphandlana Shongwe, un membre du PUDEMO qui s’était rendu au poste de police de Manzini afin d’obtenir des informations sur les manifestants interpellés, a été projeté contre un mur et a reçu des coups de poing et de pied. Il a dû être conduit à l’hôpital en raison de ses blessures.

Non-respect du droit à un procès équitable
Les 16 personnes inculpées de trahison et d’autres infractions n’avaient pas été jugées à la fin de l’année. La Haute Cour a ordonné leur libération sous caution en mars, au motif que l’accusation n’avait pas présenté d’éléments probants contre eux. En novembre, l’examen du recours formé par l’État contre cette décision pour vice de procédure a été renvoyé à l’année 2007.

Droits des enfants
La pauvreté, la pandémie du VIH/sida, les violences sexuelles et la discrimination liée au genre ou au handicap étaient autant de facteurs restreignant l’accès des enfants à l’éducation. On estimait à 70 000 le nombre d’enfants dont les deux parents étaient morts du sida. De 10 à 15 p. cent des foyers avaient un mineur pour chef de famille. Il s’agissait bien souvent de jeunes filles, qui étaient vulnérables à de multiples formes de violences.
Un certain nombre de mesures ont été prises pour faciliter l’accès à la justice des mineurs victimes de violences : augmentation des moyens et formation plus spécifique de l’unité de la police chargée des violences domestiques, de la protection de l’enfance et des crimes sexuels, installation de structures conçues pour le bon déroulement des entretiens avec les enfants, mise en place de comités locaux de protection de l’enfance.
En septembre, le Comité des droits de l’enfant [ONU] s’est dit préoccupé par l’absence de réexamen « systématique et global » des dispositions législatives nationales en vue de rendre celles-ci conformes à la Convention relative aux droits de l’enfant. Le Comité a par ailleurs constaté avec regret qu’il n’existait pas de protection juridique contre les mariages précoces et forcés, que les adolescentes étaient victimes de marginalisation et de stéréotypes sexistes, et qu’elles achevaient rarement leur scolarité. Il a dénoncé le maintien des châtiments corporels au sein de la famille et à l’école, ainsi que la disposition de la Constitution autorisant les « châtiments modérés » contre les enfants. Les tribunaux ont, cette année encore, prononcé des châtiments corporels à titre de sanction contre des garçons de moins de dix-huit ans.
Le gouvernement a augmenté dans des proportions importantes la part du budget national allouée à l’éducation des enfants orphelins et vulnérables. Toutefois, les retards constants dans le versement de ces prestations aux établissements scolaires hypothéquaient l’accès des enfants à l’enseignement. En novembre, la Swaziland National Association of Teachers (Association nationale des enseignants du Swaziland) a déposé une requête devant la Haute Cour afin qu’elle exige du gouvernement le versement de ces montants. L’affaire a été renvoyée à l’année 2007 en raison du sous-effectif de juges.

Droits des femmes
La nouvelle Constitution assurait aux femmes, pour la première fois, le droit à un traitement identique à celui des hommes, et prévoyait notamment l’égalité des chances dans les secteurs politique, économique et social ; elle leur accordait une forme de protection afin qu’elles ne soient pas contraintes de se conformer aux coutumes contre leur volonté.
Le droit civil et le droit coutumier contenaient cependant toujours des dispositions discriminatoires. Des cas de mariages forcés ou précoces (pratiques connues sous le nom de Kutekwa et Kwendziswa) ont de nouveau été signalés.
Le responsable de la police a fait savoir que les affaires de viol et de violences sexuelles contre les femmes et les enfants avaient augmenté de 15 p. cent.
En raison du manque de coordination et de moyens des services concernés, les victimes de violences sexuelles, en particulier dans les zones rurales, rencontraient toujours des difficultés à saisir la justice et à bénéficier de soins médicaux d’urgence. L’unité de la police chargée des violences domestiques a pris des mesures afin d’améliorer ses techniques d’enquête et sa méthode de collecte des informations.
Destiné à améliorer le dispositif juridique en matière d’enquêtes et de poursuites sur le viol et les autres formes de violences sexuelles, l’avant-projet de loi relatif aux crimes sexuels et aux violences domestiques était toujours en cours d’élaboration au ministère de la Justice et des Affaires constitutionnelles à la fin de l’année.

Personnes vivant avec le VIH/sida
Selon une estimation du Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) rendue publique en décembre, 33 p. cent des adultes étaient séropositifs en 2005. Les autorités du Swaziland signalaient pour leur part un taux de séropositivité de 39,2 p. cent chez les femmes suivies dans les services de consultation prénatale, ce qui représentait une légère diminution par rapport à l’année 2004. Chez les femmes enceintes âgées de vingt-cinq à vingt-neuf ans – la catégorie la plus touchée –, le taux de séropositivité est passé de 56 à 48 p. cent.
En février, quelque 15 000 patients recevaient un traitement antirétroviral gratuitement auprès d’établissements publics, alors qu’on estimait à 36 500 le nombre de personnes nécessitant un tel traitement. Le programme national de lutte contre le sida a adopté des mesures afin d’améliorer l’accès au traitement prophylactique post-exposition pour les victimes de viol et d’empêcher la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Le nombre de centres de dépistage et d’aide psychologique est passé de trois seulement en 2002 à 23 en 2006. En juin, le gouvernement a rendu public le Deuxième Plan national stratégique et plurisectoriel relatif au VIH/sida, mis en place à des fins de prévention et de traitement.
En octobre, le Programme alimentaire mondial a fait part de son inquiétude concernant l’abandon par certains patients de leur traitement antirétroviral. Parmi les facteurs contribuant à ces abandons figuraient les pénuries de vivres, la rareté et le coût des transports publics, ainsi que le coût des médicaments nécessaires en cas d’infections opportunistes ou d’effets secondaires des antirétroviraux. Les organisations de personnes séropositives ou atteintes du sida ont demandé aux structures officielles de coopérer plus étroitement avec elles, en s’attaquant à la fois aux causes et aux conséquences de l’épidémie.

Peine de mort
Aucune exécution n’a eu lieu cette année et aucune condamnation à mort n’a été prononcée par la Haute Cour. La peine de mort était toujours prévue dans la nouvelle Constitution, mais ne constituait plus un châtiment obligatoire pour certains crimes.

Visites d’Amnesty International
Lors d’une visite effectuée en avril, une délégation d’Amnesty International a rencontré de hauts représentants de l’État et s’est entretenue de questions relatives aux droits humains avec un certain nombre d’organisations œuvrant dans les domaines médical, juridique et social. Elle a organisé conjointement avec des organisations non gouvernementales locales un séminaire consacré à l’amélioration de l’accès à la justice et aux soins médicaux pour les victimes de violences sexuelles.

Autres documents d’Amnesty International

 Swaziland. Les forces de police ne sont toujours pas tenues de rendre compte de leurs actes (AFR 55/001/2006).

 Swaziland : Memorandum to the Government of Swaziland on the Sexual Offences and Domestic Violence Bill (AFR 55/003/2006).

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