PEROU

Cette année encore, les communautés marginalisées ont été victimes de discrimination dans la prise en charge materno-infantile. Des défenseurs des droits humains ont été la cible de menaces et de manœuvres d’intimidation. Quelques avancées ont été constatées dans les mesures visant à traduire en justice les responsables présumés de violations des droits humains commises les années précédentes. Il était à craindre que la liste des infractions passibles de la peine de mort ne soit rallongée.







Contexte

Le président nouvellement élu, Alan García, a promis la mise en place de plans d’austérité comportant notamment des réductions de traitement pour les responsables du gouvernement et d’autres fonctionnaires. Il s’est aussi engagé à augmenter les dépenses visant à l’amélioration des conditions de vie des personnes démunies. Cependant, il n’a pas affiché une volonté de traduire en actes le Plan national des droits humains adopté par le gouvernement à la fin de 2005.
Les candidats indépendants ont remporté la majorité des voix lors des élections régionales et municipales de novembre.
Le Tribunal constitutionnel a déclaré que certains articles du nouveau texte de loi concernant la justice militaire et la justice policière étaient inconstitutionnels car ils ne respectaient pas les principes d’indépendance et d’impartialité. En décembre, le Congrès a adopté une loi autorisant l’appareil judiciaire militaire à continuer à fonctionner jusqu’en juin 2007.
L’état d’urgence décrété en 2003 était maintenu dans plusieurs provinces des départements d’Ayacucho, de Huancavelica, de Cusco et de Junín. D’après certaines informations, le groupe armé Sendero Luminoso (Sentier lumineux) serait toujours actif dans ces régions.
Deux dirigeants du Sentier lumineux, Abimael Guzmán et Elena Iparraguirre, ont été condamnés par un tribunal civil à la réclusion à perpétuité. Neuf autres hauts responsables du mouvement ont été condamnés à des peines de vingt-cinq à trente-cinq ans d’emprisonnement, et deux ont été acquittés. Tous avaient auparavant été jugés et condamnés par des tribunaux militaires qui n’étaient ni indépendants ni impartiaux.

Droit à la santé
Cette année encore, la discrimination dans la prise en charge materno-infantile a provoqué la mort de plusieurs centaines de femmes et d’enfants appartenant aux catégories les plus défavorisées de la société, alors que ces morts auraient pu être évitées. Malgré la mise en place par les pouvoirs publics d’une assurance maladie destinée aux plus bas revenus, une grande partie des femmes et des enfants pauvres en demeuraient exclus.
Les taux de mortalité maternelle et infantile étaient toujours parmi les plus élevés de la région. En zone rurale, le risque de mourir de complications liées à la maternité était deux fois plus élevé que dans les zones urbaines. Des écarts considérables étaient toujours constatés en matière d’accès aux soins médicaux.

Défenseurs des droits humains
Cette année encore, des défenseurs des droits fondamentaux, des victimes et leurs familles, des témoins ainsi que des magistrats du parquet et des experts près les tribunaux ont fait l’objet de menaces et de manœuvres d’intimidation en raison de leurs activités. Ces menaces ont rarement donné lieu à une enquête et aucun des auteurs présumés n’a été déféré à la justice.
En vertu d’une loi adoptée par le Congrès, les organisations non gouvernementales cherchant à obtenir un financement international devaient être soumises à un contrôle des pouvoirs publics devant déterminer si leurs activités étaient conformes aux politiques nationales de développement. Des inquiétudes ont été exprimées à l’idée que cela puisse compromettre le travail et l’indépendance des défenseurs des droits humains.

Préoccupations liées à l’environnement
Un manifestant a été tué et de nombreux autres ont été blessés lors de violents affrontements avec la police et le personnel de sécurité de la mine d’or de Yanacocha (province de Cajamarca). Les manifestants avaient bloqué une route en signe de protestation contre les répercussions environnementales de la digue El Azufre, que construit la société minière dans le cadre de son projet d’exploitation. À la suite de ces événements, des membres du Grupo de Formación e Intervención para el Desarrollo Sostenible (Groupe de formation et d’intervention pour le développement durable) ont été à plusieurs reprises la cible de menaces et d’actes d’intimidation. Cette organisation non gouvernementale soutient les communautés qui s’opposent au projet d’exploitation minière. L’un des militants écologistes qui luttaient contre le projet, Edmundo Becerra Corina, a été tué par balles à Yanacanchilla (province de Cajamarca). Selon les informations recueillies, il avait reçu plusieurs menaces de mort en raison de ses prises de position contre l’extension des activités de la compagnie vers la colline San Cirilo. L’agression a eu lieu quelques jours avant une rencontre prévue avec des représentants du ministère de l’Énergie et des Mines.

Peine de mort
À la fin de 2006, le Congrès étudiait quatre projets de loi relatifs à la peine de mort, dont trois proposaient d’élargir son champ d’application à des infractions telles que le viol d’enfants et d’handicapés physiques ou mentaux. Le quatrième concernait l’application de la sentence capitale dans les affaires de terrorisme. Deux des projets de loi proposaient aussi que le Pérou se retire de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, qui interdit l’extension du champ d’application de la peine de mort. À l’heure actuelle, la Constitution autorise ce châtiment dans les affaires de terrorisme et de trahison en temps de guerre. Aucune condamnation à la peine capitale n’a été prononcée depuis l’entrée en vigueur, en 1993, de l’actuelle Constitution.

Justice et impunité
Quatre policiers ont été condamnés à des peines d’emprisonnement de quinze à seize ans pour la disparition forcée de l’étudiant Ernesto Castillo Páez, survenue en 1990 à Lima. Ils étaient les tout premiers membres des forces de sécurité à avoir été reconnus coupables du crime de disparition forcée.
Il y a eu peu d’avancées dans les enquêtes et les procès concernant les 47 affaires de violations passées des droits humains instruites par la Commission vérité et réconciliation. Selon le Bureau de la médiatrice, deux nouvelles affaires seulement ont été jugées en 2006, portant à 24 le nombre de cas pour lesquels des poursuites avaient été engagées. À la fin de l’année, les 23 autres en étaient toujours au stade de l’enquête.
Les forces armées ont persisté dans leur refus de coopérer avec les tribunaux civils qui jugeaient les militaires accusés de violations des droits humains commises dans le passé.
Une loi prévoyant une aide judiciaire pour les militaires inculpés a été adoptée. Aucune aide de ce type n’a en revanche été accordée aux victimes et à leurs familles. Pourtant, d’après les informations recueillies, près de 70 p. cent des personnes concernées n’étaient pas en mesure de se faire assister par un avocat.
Le Congrès a adopté le règlement du Plan intégral de réparation et d’indemnisation. Ce plan vise à fournir une réparation aux personnes dont les droits fondamentaux ont été bafoués durant le conflit armé qui a déchiré le pays pendant vingt ans. Un Conseil national des réparations à accorder aux victimes du conflit a été mis en place en octobre et chargé de créer un registre officiel de ces dernières.
Ollanta Humala, candidat arrivé en deuxième position à l’élection présidentielle, a été inculpé de meurtre et de disparition forcée, entre autres charges. Il s’agissait d’infractions commises entre 1991 et 1992 alors qu’il était capitaine dans une base militaire du département de San Martín (nord du Pérou). À la fin de l’année, l’enquête n’était pas terminée.
Pour la troisième fois, le procureur spécial chargé des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et des exhumations de corps ensevelis dans des fosses communes a clos l’enquête sur la responsabilité présumée du président Alan García, d’anciens membres de son gouvernement et de militaires de haut rang dans le massacre d’El Frontón (Lima) en 1986. À la suite d’une mutinerie et de l’intervention de la marine, au moins 118 prisonniers avaient été tués. Des organisations de défense des droits humains représentant les familles des victimes et certains survivants ont fait appel de cette décision. L’affaire était toujours en instance à la fin de l’année.

Organisations intergouvernementales
Le Comité contre la torture [ONU] était préoccupé par le fait que de nouvelles plaintes pour torture avaient été déposées contre des policiers, des militaires ou des fonctionnaires de l’administration péniten-tiaire. Il a aussi exprimé ses préoccupations concernant les allégations de représailles, d’actes d’intimidation et de menaces contre les personnes qui dénonçaient ces actes de torture. Le Comité a exhorté les autorités péruviennes à faire en sorte que des enquêtes impartiales et approfondies soient immédiatement ouvertes au pénal par le système judiciaire civil.
Le Comité des droits de l’enfant [ONU] était préoccupé par l’importance du phénomène de la pauvreté et a instamment prié les autorités péruviennes de prendre des mesures pour garantir à tous l’accès aux biens et services de base, tels que le logement et l’eau potable, en particulier dans les régions rurales et reculées.

Visites d’Amnesty International
En juillet, des délégués d’Amnesty International ont assisté à Lima à la IIIe Conférence nationale sur le droit à la santé.

Autres documents d’Amnesty International


 Peru : Poor and excluded women — Denial of the right to maternal and child health (AMR 46/004/2006).

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