AFGHANISTAN République islamique d’Afghanistan

Le gouvernement afghan et ses partenaires de la communauté internationale ne parvenaient toujours pas à garantir la sécurité de la population, dans un climat d’instabilité politique croissante. Les affrontements armés, caractérisés par des bombardements aériens et des attentats-suicides, se sont intensifiés dans le sud du pays. Au moins 1 000 civils ont trouvé la mort. L’absence d’autorité de l’État, le pouvoir des commandants régionaux et l’impact du trafic de drogue fragilisaient l’état de droit et favorisaient les atteintes aux droits humains. Les forces de sécurité afghanes ont commis des violations des droits humains en toute impunité. Peu de progrès ont été accomplis pour réformer le système judiciaire, les organes de sécurité et ceux chargés de l’application des lois. Comme les années précédentes, les femmes ont été victimes d’actes de violence. Des défenseurs des droits humains, dont des femmes, ont été la cible d’assassinats. Demander la justice ou s’élever contre les atteintes aux droits humains devenait toujours plus dangereux.






Contexte

En février, le Pacte pour l’Afghanistan, qui définissait des réformes et des priorités pour les cinq prochaines années, a été adopté. Avec ce Pacte, le gouvernement afghan et ses partenaires internationaux ont convenu de la mise en place de nouveaux mécanismes de soutien et de contrôle financiers et institutionnels. Le Pacte porte essentiellement sur la sécurité, la gouvernance, l’état de droit et les droits humains, ainsi que sur le développement économique et social. L’absence de gouvernance adéquate et de primauté du droit ont contribué à engendrer un climat d’impunité. Les responsables gouvernementaux et les dirigeants locaux n’avaient pas à rendre compte de leurs actes. Quant aux possibilités d’accès à la justice, elles étaient limitées, voire inexistantes.
L’escalade du conflit a entraîné des tensions sociales de grande ampleur. Des atteintes au droit international humanitaire et relatif aux droits humains ont été commises en toute impunité par toutes les parties au conflit, que ce soit les forces de sécurité afghanes et internationales ou les talibans. Les défenseurs des droits humains, dont de nombreuses femmes, ont été victimes de harcèlement et d’intimidation, et, dans un cas, d’homicide. Il était de plus en plus dangereux d’exprimer son opinion. Des écoles ont été incendiées et des enseignantes ont été attaquées et tuées par des individus opposés au gouvernement et à l’éducation des filles. Le conflit, la sécheresse et les inondations qui ont ravagé différentes régions ont entraîné des déplacements forcés de population tout au long de l’année alors que l’Iran et le Pakistan, deux pays voisins, s’efforçaient de réduire le nombre de demandeurs d’asile afghans. Le retour des Afghans réfugiés dans ces deux pays s’est ralenti.

Conflit

L’escalade du conflit dans le sud et l’est de l’Afghanistan a eu des conséquences néfastes sur l’autorité de l’État dans le reste du pays. Des milliers d’Afghans fuyant les combats et la sécheresse ont dû quitter leur foyer. La Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), placée sous commandement de l’Organisation du traité de l’Atlantique-Nord (OTAN), a étendu son champ d’action au sud de l’Afghanistan, en se concentrant sur la stabilisation et la sécurité. L’opération Liberté immuable, sous commandement américain, a poursuivi ses opérations dans le but affiché de contrer le terrorisme. Des organes de défense des droits humains se sont joints aux Nations unies pour déplorer le comportement des forces afghanes et internationales. La mission des Nations unies en Afghanistan a régulièrement dénoncé les homicides de civils imputables aux talibans et appelé les autorités afghanes et américaines à garantir la sécurité de la population lors des opérations menées contre les insurgés. Les personnes détenues sur la base aérienne de Bagram, gérée par l’armée américaine, restaient privées de certains de leurs droits fondamentaux. Les allégations faisant état d’abus graves paraissaient moins nombreuses, mais le manque d’information concernant les détenus, ainsi que l’interdiction faite aux familles de leur rendre visite, restaient préoccupants. Les troupes de la FIAS ont remis des détenus aux forces afghanes ; le traitement ultérieur de ces personnes ne faisait pas l’objet d’un suivi suffisant. Les bombardements aériens dans le cadre de l’opération Liberté immuable ou des actions menées par la FIAS ont, dans certains cas, été disproportionnés. En juillet, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l’Afghanistan a exprimé sa préoccupation devant la dégradation de la situation en matière de sécurité dans le sud du pays. Il a réclamé le renforcement des actions de développement ainsi qu’une intervention politique et diplomatique pour juguler la montée des violences.
 ? Seize civils, parmi lesquels figuraient des enfants et des personnes âgées, auraient été tués dans le village d’Azizi au cours d’une opération menée les 21 et 22 mai par les forces gouvernementales et celles de la coalition dans le district de Panjwayi (province de Kandahar).
 ? Les protestations violentes qui ont suivi, le 29 mai, un accident mortel de la circulation provoqué à Kaboul par un véhicule de l’armée américaine ont mis au jour les tensions causées par la présence de troupes étrangères en Afghanistan. Au moins huit personnes ont été tuées et une centaine d’autres blessées lors des émeutes consécutives. Des magasins ont été pillés ; des fourgons de police, des bâtiments gouvernementaux et les bureaux d’organisations non gouvernementales ont été endommagés.
 ? En juillet, un bombardement des abords de Tarin Kot (province de l’Uruzgan) par les forces de la coalition aurait causé la mort d’au moins 60 civils. Selon le bureau de Kandahar de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan, au moins 22 civils ont été tués dans deux maisons à Ghachi Zari. Le président Karzaï a ordonné l’ouverture d’une enquête sur ce bombardement.
 ? Le 24 octobre, au moins 70 civils, dont des enfants, auraient été tués à la suite d’un bombardement de la FIAS visant le village de Zangawat, dans le district de Panjwayi.
 ? À la fin du mois de mai, plus de 3 000 villageois du district de Panjwayi et 200 autres originaires de Zhari Dasht, dans la province de Kandahar, ont été déplacés à la suite d’affrontements opposant les troupes américaines et afghanes aux talibans. Ils se seraient réfugiés à Kandahar.
 ? Quelque 15 000 personnes auraient été contraintes de quitter leur foyer entre juillet et octobre ; plusieurs centaines d’entre elles ont fui les bombardements aériens dans les provinces de Kandahar, de l’Uruzgan et du Helmand.

Réapparition des talibans

Les talibans, profitant du climat d’anarchie qui régnait notamment dans le sud, sont réapparus. Ils ont commis des atteintes au droit international humanitaire, et notamment des actes de violence aveugles et disproportionnés et des homicides contre des non-combattants. Ils ont également torturé et maltraité des personnes placées sous leur contrôle effectif. Ainsi, au moins 11 personnes ont été tuées dans le cadre de procédures quasi judiciaires. Il est possible que ce nombre soit bien en deçà de la réalité.
 ? Le 28 août, 17 personnes, dont bon nombre de civils, ont trouvé la mort à la suite d’un attentatsuicide perpétré dans un marché de Lashkar Gah (province du Helmand) et attribué aux talibans.
 ? Le 26 septembre, au moins 19 personnes, dont 13 civils, ont été tuées et 20 autres blessées lors d’un attentat-suicide contre un poste de sécurité à proximité d’une mosquée de Lashkar Gah, devant laquelle des civils s’étaient rassemblés afin de s’inscrire pour le haj (pèlerinage à La Mecque). Faiblesse du gouvernement L’autorité du gouvernement central était limitée. Les systèmes parallèles d’administration et de résolution des conflits prédominaient. L’insécurité portait atteinte à l’état de droit en créant un climat d’impunité. Les gouverneurs de certaines provinces, qui agissaient indépendamment du gouvernement central, violaient les droits humains en toute impunité. La réforme et la reconstruction du système judiciaire progressaient lentement malgré la désignation de juges à la Cour suprême et d’autres fonctionnaires de grade élevé. Les forces de sécurité afghanes, notamment la police et la Direction nationale de la sécurité, ont été accusées de détentions illégales, de tortures et d’autres mauvais traitements. Du fait de leur situation juridique, les forces internationales semblaient se situer en dehors du droit afghan, et leur incapacité à rendre justice aux victimes d’atteintes aux droits humains mettait à mal l’état de droit. Par ailleurs, la capacité du gouvernement à rendre la justice était entravée par la corruption et l’implication de responsables dans le trafic de drogue. Des commandants régionaux continuaient de gérer des prisons privées. En novembre, le procureur général a proclamé le djihad (guerre sainte) contre la corruption. Au début de mars, des responsables gouvernementaux, soutenus par des troupes internationales, ont réprimé une mutinerie au cours de laquelle cinq personnes au moins ont trouvé la mort. Des détenus de la prison de Pol-e Charkhi liés aux talibans, qui protestaient contre leur nouvelle tenue, avaient pris le contrôle d’une partie de l’établissement.
 ? En juillet, le gouvernement a, semble-t-il, annoncé son intention de rétablir le ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice, responsable de nombreuses violations des droits fondamentaux, et notamment des droits des femmes, sous le régime des talibans. Les autorités ont donné l’assurance que les activités du ministère seraient différentes.
Détention par les forces internationales Cinq cents prisonniers environ, accusés de liens avec les talibans et Al Qaïda, étaient maintenus en détention sur la base aérienne de Bagram, gérée par l’armée américaine.
 ? En janvier, un militaire américain, reconnu coupable d’avoir infligé des mauvais traitements à des détenus, a été condamné à une peine de quatre mois d’emprisonnement par un tribunal militaire siégeant à Bagram. Il avait frappé des prisonniers à coups de poing sur la poitrine, les bras et les épaules dans une base de l’armée de la province de l’Uruzgan en juillet 2005. Environ 35 Afghans libérés de Guantánamo sont rentrés dans leur pays. Les travaux de rénovation de la prison de haute sécurité de Pol-e Charkhi se sont poursuivis préalablement au transfert, prévu en 2007, des Afghans encore en détention à Guantánamo.
Droits des femmes et défenseurs des droits humains La situation des défenseurs des droits humains s’est dégradée. Les membres de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan et d’autres organisations de défense des droits humains étaient l’objet de menaces. Les réformes législatives en vue de protéger les droits des femmes n’ont pas été mises en application. Des femmes continuaient d’être emprisonnées pour avoir transgressé certaines coutumes sociales. Les crimes « d’honneur » et les cas d’auto-immolation touchant les femmes se sont multipliés.
 ? Le 25 septembre, Safiye Amajan, responsable de la Direction régionale de la condition féminine à Kandahar, a été abattue par des hommes armés circulant à moto. Plusieurs individus liés au Hezb-e Islami (Parti de l’islam) ont été arrêtés à la suite de cet assassinat. Des responsables de directions régionales de la condition féminine dans d’autres provinces ont également été la cible de menaces et de manoeuvres d’intimidation.
Justice de transition Le gouvernement a pris quelques initiatives pour soutenir le Plan d’action pour la justice de transition adopté à la fin de 2005. Un mécanisme de contrôle des nominations à des postes politiques a été mis en place, et le président a officiellement lancé le Plan d’action en décembre. Toutefois, ces initiatives n’ont pas permis de traduire en justice les individus soupçonnés d’avoir commis des violations des droits humains.
 ? Asadullah Sarwari, ancien ministre et directeur des services de renseignements, a été condamné à mort le 23 février pour des crimes de guerre commis sous le régime communiste entre 1978 et 1992. Son procès a été entaché d’irrégularités flagrantes. Il n’a pas été autorisé à consulter un avocat pendant la plus grande partie des treize années de sa détention.
Liberté d’expression La liberté d’expression était relativement bien respectée malgré des tentatives en vue de la restreindre. La Direction nationale de la sécurité a essayé d’interdire toute discussion publique concernant les questions de sécurité et le président du Parlement a proposé de limiter la liberté des députés de s’adresser à la presse.
 ? Abdul Rahman a été arrêté en février et menacé d’une condamnation à mort pour s’être converti de l’islam au christianisme plus de quinze ans auparavant, lorsqu’il travaillait à Peshawar, au Pakistan. En mars, à la suite des fortes pressions exercées par des gouvernements étrangers, le tribunal a renvoyé l’affaire au parquet en arguant de « lacunes dans l’enquête » et remis Abdul Rahman en liberté. Celui-ci s’est réfugié en Italie, où il a obtenu l’asile.

Autres documents d’Amnesty International

 Afghanistan. La mission du Conseil de sécurité doit s’assurer d’un engagement international durable en faveur des droits humains (ASA 11/018/2006).

 Afghanistan : Open letter to His Excellency Sibghatullah Mojaddedi on the occasion of the 15 November 2006 visit to the Meshrano Jirga by military and civil leaders of the International Security Assistance Force (ISAF) (ASA 11/019/2006).

 Afghanistan. L’OTAN doit veiller à ce que justice soit rendue aux civils décédés ou victimes de torture (ASA 11/021/2006).

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit