ALLEMAGNE République fédérale d’Allemagne

L’Allemagne a été impliquée dans des violations des droits humains commises dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis. Aux termes des lois régissant le droit d’asile, les réfugiés ayant perdu leur statut risquaient l’expulsion vers des pays où leurs droits étaient menacés.

Contexte
En septembre, l’Allemagne a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [ONU].

« Restitutions »
Les autorités n’ont pas cherché à établir les responsabilités dans la participation de l’Allemagne au programme américain de détentions secrètes et de « restitutions », terme qui désigne le transfert illégal de personnes d’un pays à un autre en dehors de toute procédure judiciaire.
 ? En mai, une commission parlementaire a décidé d’examiner l’affaire concernant le ressortissant allemand Muhammad Zammar. Arrêté au Maroc en décembre 2001, apparemment par les services secrets marocains, cet homme avait ensuite été transféré en Syrie à bord d’un avion de la Central Intelligence Agency (CIA, Services de renseignements des États- Unis), semble-t-il. D’après les informations reçues, il a été torturé à la Section Palestine, un centre de détention du Service syrien des renseignements militaires situé à Damas. En novembre 2002, des agents de la police judiciaire et des services de renseignements allemands se sont rendus en Syrie, où Muhammad Zammar était détenu, et l’ont interrogé pendant trois jours. Alors qu’il n’avait pas la possibilité d’entrer en contact avec sa famille, un avocat ou des employés de l’ambassade d’Allemagne, la délégation allemande n’a rien fait pour lui venir en aide et n’a pas informé l’ambassade ni ses proches du sort qui lui était réservé. En octobre 2006, la Cour suprême de sûreté de l’État syrienne aurait inculpé Muhammad Zammar de diverses infractions, notamment de liens avec les Frères musulmans, une organisation interdite. Il risque la peine de mort s’il est déclaré coupable. À la fin de l’année, il était semble-t-il détenu dans la prison de Saidnaya, située dans la banlieue de Damas. Les autorités allemandes n’avaient pas fait le nécessaire pour que les responsables directs ou indirects des violations des droits fondamentaux de Muhammad Zammar aient à rendre compte de leurs actes.
 ? En mai, la même commission d’enquête parlementaire a commencé à se pencher sur le dossier de Khaled el Masri, un citoyen allemand arrêté en Macédoine en décembre 2003, puis remis à des représentants du gouvernement américain et transféré secrètement en avion vers l’Afghanistan, via l’Irak. Khaled el Masri a affirmé avoir été frappé et privé de nourriture durant sa détention en Afghanistan. Il a été interrogé à plusieurs reprises par des agents américains et par un homme en uniforme qui s’exprimait en allemand. En mai 2004, il a été remis en liberté et renvoyé en Allemagne via l’Albanie. Le 1er juin 2006, l’Office fédéral de renseignements a déclaré qu’un de ses agents avait appris le placement en détention de Khaled el Masri en décembre 2003, mais n’avait pas transmis l’information.

Torture et mauvais traitements

Dans certaines affaires de terrorisme présumées, l’Allemagne n’a pas respecté l’interdiction de la torture et des autres mauvais traitements.
 ? En août, à l’issue de négociations entre le gouvernement allemand et les États-Unis, Murat Kurnaz, un ressortissant turc né en Allemagne que les autorités américaines avaient placé en détention sur la base de Guantánamo Bay, à Cuba, a été libéré. En mars, des fuites concernant des documents classés secrets ont révélé que les États-Unis avaient proposé de remettre cet homme en liberté dès 2002, mais que l’Allemagne avait suggéré de le transférer en Turquie, alors même qu’il n’existait aucune preuve d’une quelconque culpabilité de sa part. Après sa libération, Murat Kurnaz a affirmé que précédemment, alors qu’il était détenu à Kandahar (Afghanistan) sous le contrôle des autorités américaines, des soldats allemands lui avaient frappé la tête contre le sol. Le parquet de Tübingen a ouvert une enquête. Les militaires allemands qui faisaient partie du personnel de surveillance à la prison de Kandahar ont confirmé qu’un des détenus était germanophone.
 ? En novembre, la Cour fédérale de justice a déclaré le Marocain Mounir el Motassadeq coupable de complicité dans 246 meurtres liés aux attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center, à New York. En juin 2005, le tribunal régional supérieur de Hambourg avait rendu un jugement contraire au droit international, en considérant comme recevables des éléments de preuve qui avaient peut-être été obtenus sous la torture ou par des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Compétence universelle
En mars, le procureur général a décidé de ne pas entamer de poursuites contre l’ancien ministre ouzbek de l’Intérieur, Zokir Almatov, qui était à la tête des forces de sécurité responsables d’un massacre perpétré en mai 2005 à Andijan. Zokir Almatov avait d’ailleurs déjà fui l’Allemagne, où il était venu suivre un traitement médical, après avoir été prévenu de tentatives visant à convaincre le procureur général d’engager des poursuites à son encontre en vertu du Code allemand de droit pénal international. Ce texte habilite les tribunaux à juger les affaires présumées de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre ou de génocide, quels que soient le lieu où ils ont été commis et la nationalité des accusés ou des victimes. En novembre, une plainte au pénal a été déposée contre l’ancien secrétaire d’État américain à la Défense, Donald Rumsfeld, et d’autres hauts représentants du gouvernement des États-Unis pour des crimes de droit international perpétrés en Irak et à Guantánamo Bay. La plainte en question se fondait sur le Code allemand de droit pénal international.

Réfugiés menacés
L’Office fédéral de l’immigration et des réfugiés continuait de retirer le statut de réfugié à certaines personnes, en particulier de nationalité afghane ou irakienne, alors même qu’elles couraient un danger en retournant dans leur pays. Une fois déchus de leur statut de réfugié, les intéressés se voyaient souvent retirer leur permis de séjour et risquaient ainsi d’être expulsés vers leur pays d’origine. En novembre, le ministre de l’Intérieur a déclaré qu’il était possible de renvoyer des personnes dans le nord de l’Irak.
La nouvelle législation en matière d’asile proposée par le gouvernement n’était pas entièrement conforme aux normes du droit international relatif aux réfugiés ni aux directives de l’Union européenne dans ce domaine. Le texte proposé ne prévoyait pas une protection suffisante contre les persécutions religieuses et ne réglait pas la question des quelque 200 000 étrangers bénéficiant d’une suspension temporaire de renvoi (« Duldung », littéralement « tolérance »), parmi lesquelles se trouvaient des personnes déboutées de leur demande d’asile mais qui, pour des raisons humanitaires, n’avaient pas été expulsées. Leur titre de séjour était renouvelable chaque mois et leur accès au marché du travail était limité. Le projet de loi prévoyait de leur accorder un permis de séjour de deux ans sous réserve qu’elles aient trouvé un emploi avant fin septembre 2007.

Police et obligation de rendre des comptes
 ? En novembre, le tribunal régional de Dessau a invoqué un manque d’éléments probants pour ne pas engager de poursuites à l’encontre de deux policiers qui auraient été impliqués dans la mort d’Oury Jalloh, un Sierra-Léonais qui a succombé à ses brûlures dans la cellule d’un commissariat en 2005. Il avait été enchaîné à son lit au motif qu’il s’était violemment opposé à son arrestation. D’après l’enquête préliminaire conduite par le procureur, l’alarme incendie qui se trouvait dans la cellule d’Oury Jalloh était désactivée au moment des faits.

Autres documents d’Amnesty International
- « Partenaires dans le crime » : le rôle de l’Europe dans les « restitutions » des États-Unis (Résumé) (EUR 01/008/2006).



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