IRLANDE

Les commissions d’enquête chargées d’examiner les fautes commises par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions ont critiqué certaines pratiques de la Garda Síochána (police irlandaise). Le bilan du gouvernement en matière de défense des droits de l’enfant constituait un motif de préoccupation.

Maintien de l’ordre
Le rapport de la commission d’enquête chargée d’examiner les conditions de la mort de John Carthy, abattu en avril 2000 par des policiers, a été rendu public au mois de juillet. Il critiquait fermement la structuration de la police, la formation des agents en matière d’urgences psychiatriques et leur façon de gérer ces situations, ainsi que le recours à la force meurtrière. Le rapport recensait un ensemble de manquements de la part des gradés placés à la tête de la force d’intervention, notamment l’insuffisance des précautions prises pour éviter ou réduire la mise en danger de la vie d’autrui. Il estimait par ailleurs que John Carthy « avait probablement subi des violences physiques au cours d’un interrogatoire » pendant une période de garde à vue liée à une autre affaire, en septembre 1998, et que cet épisode n’avait pas fait l’objet d’une enquête appropriée.
Au mois d’août, le tribunal d’enquête chargé d’examiner les plaintes visant des policiers de la division de Donegal a présenté ses troisième, quatrième et cinquième rapports. Le tribunal a mentionné des abus de pouvoir flagrants, des preuves forgées de toutes pièces, un recours abusif aux perquisitions en vertu de la Loi relative aux crimes contre l’État, mais aussi des fautes professionnelles commises par des policiers à titre individuel, et un degré d’indiscipline et d’insubordination « stupéfiant ». Il a notamment constaté que des policiers s’étaient entendus pour inventer un récit destiné à blanchir un de leurs collègues exposé à des poursuites judiciaires.
Organe chargé de traiter les plaintes déposées contre des policiers, notamment dans les cas de morts ou de blessures graves survenues au cours d’interventions policières, la Commission de médiation de la Garda n’était toujours pas entrée en activité. Malgré son manque d’efficacité, le Service des plaintes contre la police continuait par conséquent de traiter les affaires dont il était saisi.
À la fin de l’année, l’enquête concernant les circonstances de la mort de Terence Wheelock demeurait suspendue. Cet homme était décédé en 2005 à l’hôpital, après avoir été retrouvé sans connaissance dans une cellule d’un poste de police.

« Guerre contre le terrorisme »
En juin, le rapport du sénateur Marty destiné à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a fait figurer l’Irlande parmi les États responsables de collusion passive dans le programme américain de détentions secrètes et de « restitutions » (transferts interétatiques illégaux). Il était à craindre que le gouvernement n’ait pas mené d’enquête satisfaisante sur les allégations selon lesquelles l’aéroport de Shannon avait pu être utilisé par des avions étrangers lors du transfert de détenus par les États-Unis ou par leurs agents.
En juin également, un avion civil qui reliait le Koweït aux États-Unis a atterri à l’aéroport de Shannon avec à son bord un soldat américain placé en détention par l’armée des États-Unis, sans l’autorisation pourtant obligatoire du gouvernement irlandais. Il était inquiétant de constater qu’un avion déclaré comme un aéronef privé mais néanmoins utilisé à des fins étatiques s’arrogeait le droit de survoler un territoire et de s’y poser sans accord ni notification préalable.

Cour pénale internationale
La Loi de 2006 relative à la Cour pénale internationale a été promulguée en octobre et a mis ainsi en œuvre la compétence nationale pour les crimes relevant du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Le texte interdisait toutefois le recours à la compétence nationale pour les faits survenus avant son entrée en vigueur.

Lieux de détention
En août, Gary Douch a été tué par un autre détenu de la prison de Mountjoy, à Dublin. On s’inquiétait de l’absence d’organisme officiel chargé de mener des enquêtes indépendantes et efficaces sur les plaintes relatives aux établissements pénitentiaires, et notamment aux morts en détention.
Rendu public au mois d’août, le rapport annuel de l’Inspection des prisons et lieux de détention faisait état d’une surpopulation carcérale, d’un manque d’activités professionnelles et éducatives, ainsi que d’une inadéquation des procédures de dépôt de plainte pour les détenus.
Le projet de loi de 2006 relatif aux établissements pénitentiaires a été publié en novembre. Il proposait d’accorder une place réglementaire à l’Inspection des prisons et lieux de détention, comme le Comité européen pour la prévention de la torture l’avait demandé à plusieurs reprises. Le texte ne prévoyait toutefois pas de faire entrer les enquêtes et les décisions concernant les plaintes individuelles de détenus dans les fonctions de l’Inspection.
En novembre, la Commission irlandaise des droits humains a fait savoir que la loi et les pratiques en matière de condamnation à la réclusion à perpétuité étaient incompatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme, et que le Comité des libérations conditionnelles devait se voir attribuer une place réglementaire et être chargé de trancher sur les demandes de libération provisoire.

Enfants
En septembre, après examen du rapport périodique de l’Irlande, le Comité des droits de l’enfant [ONU] a constaté que les autorités n’avaient pas appliqué intégralement ses recommandations préalables relatives à l’adoption de politiques et de pratiques tenant compte des droits des enfants. Le Comité a notamment déploré les points suivants : la Convention n’avait pas été transposée en droit interne ; le médiateur des enfants n’avait pas été habilité à enquêter sur des plaintes émanant de personnes détenues dans un établissement pénitentiaire, ni à inspecter les postes de police ; les enfants appartenant à des groupes ethniques ou minorités étaient exposés au racisme et à la xénophobie ; la vie privée des enfants n’était pas préservée lorsqu’ils faisaient l’objet d’une procédure devant une juridiction supérieure ; les châtiments corporels n’étaient pas interdits ; l’âge de la responsabilité pénale avait été abaissé à dix ans pour les crimes graves ; il n’existait pas de centres de détention distincts pour les mineurs âgés de seize à dix-sept ans ; la communauté des gens du voyage n’était pas reconnue en tant que groupe ethnique et, enfin, les enfants étaient touchés par la misère.

Établissements d’accueil
Il n’existait pas de mécanisme d’inspection des établissements d’accueil, publics ou privés, destinés aux enfants placés et aux demandeurs d’asile mineurs et non accompagnés.
Commandée par le gouvernement, une étude sur les décès survenus, entre 2002 et 2005, à la maison de retraite de Leas Cross a été rendue publique au mois de novembre. Ses conclusions révélaient que les soins apportés aux pensionnaires étaient insuffisants à bien des égards et pouvaient s’apparenter à des mauvais traitements institutionnels. L’étude estimait que les problèmes rencontrés à Leas Cross se reproduisaient probablement dans d’autres institutions à travers le pays, qui subissaient les conséquences d’une structuration défaillante, d’un financement insuffisant, d’une absence de normes et d’une surveillance inopérante. De plus, elle déplorait l’absence de contrôle systématique des décès survenant en maison de retraite.

Prise en charge des personnes souffrant d’un handicap mental
De manière inadaptée, des enfants ont cette année encore été admis dans des services de santé mentale pour adultes en milieu hospitalier. La mise en place d’une inspection indépendante des établissements de soins pour adultes souffrant d’un handicap mental a été retardée.

Demandeurs d’asile et victimes de traite d’êtres humains
Les grandes lignes de propositions gouvernementales visant à renforcer et à réformer la législation relative à l’immigration, mais aussi à mettre en place une procédure unique de protection, ont été rendues publiques au mois de septembre. Ce document a donné lieu à certaines inquiétudes car il ne semblait pas opérer une distinction claire entre la protection accordée aux réfugiés et la protection dite subsidiaire, ne cherchait pas à remédier au manque de transparence et aux contradictions internes du processus décisionnel dans le mécanisme de recours actuel, ne critiquait pas la pratique abusive de l’internement des immigrés dans des établissements pénitentiaires, et ne proposait pas de mesures de protection spécifique pour les victimes de traite. Quant au projet de loi de 2006 relatif au droit pénal (concernant la traite des êtres humains et les infractions à caractère sexuel), publié en juillet, il ne prévoyait pas non plus de mesures de protection de ce type.

Discrimination
Dans son rapport rendu public en juillet, le coordonnateur des Nations unies chargé des questions de suivi du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a exhorté le gouvernement irlandais à engager le dialogue avec la communauté des gens du voyage, au sujet de la reconnaissance de celle-ci en tant que groupe ethnique.

Femmes
Une Stratégie nationale pour les femmes, destinée à examiner la question de l’inégalité entre hommes et femmes, n’avait toujours pas été rendue publique à la fin de l’année. Les organisations non gouvernementales qui assuraient des services d’urgence et d’aide aux femmes victimes de violences liées au genre ne bénéficiaient toujours pas de financements suffisants.

Commerce des armes
Au mois d’août, des pièces détachées fabriquées en Irlande auraient été exportées aux États-Unis afin d’être intégrées à des hélicoptères de combat livrés à Israël.
Bien que le gouvernement ait annoncé au mois d’août qu’il légiférerait sur le contrôle des exportations d’armes, aucune proposition dans ce sens n’avait été rendue publique à la fin de l’année.






Toutes les infos
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit