ITALIE

L’Italie n’était toujours pas dotée d’une législation spécifique en matière d’asile. Le gouvernement n’a pas transmis aux États-Unis les demandes d’extradition de 26 ressortissants de ce pays dans l’affaire Abou Omar. Plusieurs migrants ont fait l’objet d’un arrêté d’expulsion et certains ont été renvoyés dans leur pays d’origine en vertu de la législation antiterroriste en place depuis 2005. Aucune disposition relative au crime de torture ne figurait dans les textes de loi.




Immigration
Ne s’étant toujours pas dotée d’une législation spécifique en matière d’asile, l’Italie appliquait toujours la loi Bossi-Fini sur l’immigration, dont certaines dispositions étaient contraires aux règles et normes relatives aux droits humains.
Détention et expulsion de mineurs
Cette année encore, des mineurs ont été régulièrement placés en détention à leur arrivée sur les côtes italiennes, en violation du droit des réfugiés et des normes internationales relatives aux droits humains. Dans de nombreux cas, leur droit de ne pas être détenus avec des adultes autres que ceux de leur famille n’était pas respecté. Bien souvent, ces mineurs ne bénéficiaient d’aucune assistance juridique et n’étaient pas informés sur leurs droits ; les erreurs commises lors de la détermination de leur âge leur faisait parfois courir le risque d’être renvoyés de force dans leur pays d’origine. Dans certains cas, les enfants non accompagnés étaient aussi soumis à une fouille corporelle ou à une inspection, et se voyaient confisquer leurs affaires. Certains mineurs n’avaient pas la possibilité d’engager une procédure d’asile dans un délai raisonnable, tandis que d’autres étaient considérés comme des demandeurs d’asile sans le savoir et se voyaient délivrer des autorisations de séjour qu’ils ne comprenaient pas.
En janvier, trois frères d’origine somalienne, tous mineurs, ont été renvoyés au Ghana, d’où ils étaient arrivés la veille munis, semble-t-il, de faux passeports. Alors qu’ils étaient retenus à l’aéroport de Malpensa, à Milan, on ne leur aurait demandé ni leur âge ni leur nationalité. Ils n’auraient pas non plus été informés de la possibilité de demander l’asile ni autorisés à contacter leurs proches en Europe. Tous trois ont finalement fui en Côte d’Ivoire.
Corruption et violences dans les centres de détention
Dans de nombreux lieux de détention, les conditions de vie des étrangers demeuraient problématiques. Des surveillants se seraient fait payer pour leur fournir des marchandises à des prix excessifs et des plaintes ont révélé la médiocrité de l’assistance juridique et de la prise en charge médicale et psychologique.
En octobre, des groupes de migrants se seraient enfuis du centre de détention de Caltanissetta (Sicile) après avoir corrompu les gardiens. Le ministère de l’Intérieur et le procureur de Caltanissetta ont commencé des investigations sur les violences et les infractions commises dans ce centre.
Accès aux centres de détention
Le ministre de l’Intérieur ayant déclaré qu’Amnesty International devrait être autorisée à se rendre dans les centres de détention pour migrants, des démarches ont été engagées en ce sens. Amnesty International, comme d’autres organisations non gouvernementales, n’avait jusqu’à présent pas accès à ces structures.
Coopération avec la Libye
Dans le cadre d’entretiens de haut niveau avec les autorités libyennes, des actions conjointes ont été envisagées en vue de porter un coup d’arrêt à l’émigration vers l’Italie. Les autorités italiennes ont notamment promis d’apporter le financement nécessaire pour que la Libye puisse construire des centres de détention où seraient placés les migrants et pour qu’elle puisse patrouiller le long de ses frontières méridionales. Ces engagements ont été pris alors que la Libye n’avait pas ratifié la Convention relative au statut des réfugiés [ONU] ni son protocole, ni instauré une quelconque procédure nationale en matière d’asile.

Mesures de lutte contre le terrorisme
Enlèvement et « restitution » d’Abou Omar
Les enquêtes judiciaires préliminaires ouvertes sur l’affaire Abou Omar ont été achevées. Cet Égyptien titulaire d’un permis de séjour italien avait été enlevé en 2003 dans une rue de Milan, victime du programme de détentions secrètes et de « restitutions » mis en place par les États-Unis et consistant à transférer illégalement des personnes d’un pays à l’autre sans aucun respect de la procédure judiciaire. Abou Omar a été embarqué à bord d’un avion et transféré par les États-Unis en Égypte, où il aurait été torturé en détention. L’enlèvement aurait été réalisé par des agents de la Central Intelligence Agency (CIA, les services de renseignements des États-Unis) et par des membres du Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Militare (SISMI, les services de renseignements et de sécurité militaire de l’Italie). Le ministre de la Justice a autorisé les magistrats italiens à s’entretenir avec des suspects aux États-Unis. Fin 2006, cependant, le ministère n’avait toujours pas transmis les demandes d’extradition aux autorités américaines. À la fin de l’année, un total de 26 agents présumés des États-Unis avaient fait l’objet d’un mandat d’arrêt, dont celui qui dirigeait le bureau de la CIA en Italie à la date de l’enlèvement. Des mandats d’arrêt ont aussi été délivrés contre deux agents du SISMI.
En décembre, des procureurs ont requis d’un juge l’inculpation des 26 agents des États-Unis et de neuf citoyens italiens, dont l’homme qui dirigeait le SISMI au moment de l’enlèvement.
Expulsions sommaire
s
Plusieurs étrangers ont fait l’objet d’un arrêté d’expulsion et certains ont été renvoyés dans leur pays d’origine en vertu de la législation antiterroriste (loi 155/2005, dite loi Pisanu) en place depuis 2005. Aucune autorité judiciaire ne vérifiait si les personnes expulsées étaient impliquées dans des activités criminelles, si les personnes visées risquaient d’être victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux dans leur pays d’origine, ou si l’expulsion en elle-même était légale. Parmi les personnes expulsées en 2006 se trouvaient des Égyptiens, des Marocains, des Syriens et des Tunisiens.
Un homme a été sommairement expulsé vers la Syrie alors qu’il était titulaire d’un permis de séjour. Il aurait été détenu pendant plusieurs jours par les autorités syriennes à son retour.
En vertu de la loi Pisanu, des arrêtés d’expulsion pouvaient être prononcés contre des étrangers en situation irrégulière ou régulière, s’il existait « des motifs fondés de croire que leur permanence sur le territoire pouvait favoriser, d’une manière ou d’une autre, des organisations ou activités terroristes ». La loi n’exigeait pas que la personne renvoyée ait été reconnue coupable ou inculpée d’une infraction liée au terrorisme et elle ne disposait pas qu’une autorité judiciaire devait confirmer la décision ou autoriser sa mise en œuvre. Un appel était possible, mais n’avait pas de caractère suspensif. Cette procédure ne protégeait pas réellement contre le renvoi les personnes qui risquaient d’être persécutées ou de subir de graves atteintes à leurs droits fondamentaux une fois de retour dans leur pays d’origine. En novembre, la Cour européenne des droits de l’homme a suspendu le renvoi de trois personnes sur le point d’être expulsées en vertu de la loi Pisanu. La Cour a fondé sa décision sur les risques auxquels ces personnes seraient exposées si elles étaient renvoyées dans leur pays, à savoir la torture et les mauvais traitements.
La Cour constitutionnelle italienne étudiait certaines dispositions de la loi Pisanu en vue de déterminer si elles bafouaient le droit à un recours judiciaire, le droit à la défense et le droit à un procès équitable.
Pendant la deuxième moitié de l’année, des éléments sont apparus attestant l’existence d’une liste gouvernementale contenant les noms d’étrangers devant être expulsés en raison de leur participation présumée à des activités terroristes. Au moins une des personnes expulsées en 2006 en vertu de la législation antiterroriste figurait sur cette liste.


Préoccupations concernant la police<
br />
L’Italie n’avait toujours pas intégré dans son Code pénal le crime spécifique de torture tel qu’il est défini dans la Convention contre la torture [ONU]. Aucun organe indépendant n’était chargé de traiter les plaintes contre la police ou d’établir ses responsabilités. Les opérations de maintien de l’ordre n’étaient pas conformes au Code européen d’éthique de la police, notamment en ce qui concerne l’obligation pour les policiers de porter de manière visible un matricule ou une autre forme d’identification afin qu’ils puissent être amenés à rendre compte de leurs actes.
Une enquête se poursuivait sur des faits survenus en décembre 2005 à Val di Susa. Lors de cette opération, plusieurs centaines d’agents des forces de l’ordre avaient tenté de déloger quelque 100 personnes qui protestaient contre la construction d’une ligne ferroviaire à grande vitesse. Des manifestants auraient été agressés et frappés, surpris dans leur sommeil pour un grand nombre d’entre eux.
Mises à jour : maintien de l’ordre au cours des manifestations de 2001
Les procès des policiers mis en cause à la suite des opérations de maintien de l’ordre menées lors des grandes manifestations de Naples en mars 2001 et de Gênes en juillet 2001, à l’occasion du sommet du G8, ont suivi leur cours.
En novembre, un tribunal de Gênes a déclaré qu’il ne rouvrirait pas l’enquête sur la mort de Carlo Giuliani, un jeune homme qui avait été mortellement blessé par un agent des forces de l’ordre lors des manifestations de 2001. Le réexamen de l’affaire avait été demandé, de nouveaux éléments de preuve potentiels étant apparus.

Surveillance internationale
En avril, le Comité des droits de l’homme [ONU] a adopté ses observations finales après avoir examiné le rapport périodique de l’Italie. Il a recommandé, entre autres, que l’Italie établisse une institution nationale indépendante des droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris ; qu’elle intensifie ses efforts pour veiller à ce qu’une enquête impartiale ait lieu sans délai sur toute allégation de mauvais traitements infligés par des responsables de l’application des lois ; que la durée maximale pendant laquelle une personne peut être placée en garde à vue après son arrestation pour une affaire pénale soit ramenée, même dans des circonstances exceptionnelles, à moins de cinq jours et que l’intéressé puisse consulter un avocat indépendant dès son arrestation ; et, enfin, que l’Italie garantisse que le pouvoir judiciaire demeure indépendant à l’égard du pouvoir exécutif et veille à ce que la réforme en cours ne menace pas cette indépendance.

Autres documents d’Amnesty International

 Italy : Invisible children – The human rights of migrant and asylum-seeking minors detained upon arrival at the maritime border in Italy (EUR 30/001/2006).

 Italie. Cinq ans après les opérations de maintien de l’ordre menées durant le sommet du G8, à Gênes, les autorités italiennes doivent prendre des mesures concrètes pour empêcher les violences policières en toutes circonstances et poursuivre les auteurs de tels actes (EUR 30/005/2006).

 Italie. Abou Omar : les autorités italiennes doivent coopérer pleinement avec toutes les enquêtes (EUR 30/006/2006).

Toutes les infos
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit