POLOGNE

Les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres (LGBT) ont été la cible de discriminations et de manifestations d’intolérance. Le Conseil de l’Europe et le Parlement européen n’ont pas été en mesure de faire toute la lumière sur les allégations selon lesquelles la Pologne avait autorisé l’existence de centres de détention secrets sur son territoire, dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » emmenée par les États-Unis. Pour les Tchétchènes ayant obtenu le droit d’asile et un statut de « résident toléré », il était parfois difficile de bénéficier des services éducatifs et des prestations sociales. Le président Lech Kaczy ?ski et un certain nombre d’autres hauts responsables de l’État ont demandé le rétablissement de la peine de mort.





Contexte

Présent au sein d’un gouvernement minoritaire depuis les élections législatives de septembre 2005, le parti Prawo i Sprawiedliwosc (PiS, Droit et justice) a formé, en mai, une coalition gouvernementale avec la Liga Polskich Rodzin (LPR, Ligue des familles polonaises) et le parti Samoobrona (Autodéfense). Une crise politique a éclaté en septembre, à l’issue de laquelle le parti Samoobrona a été expulsé du gouvernement ; il a ensuite été réintégré au sein de la coalition car le PiS se voyait menacé de perdre des élections législatives anticipées.


Discriminations fondées sur l’orientation sexuelle

Par leurs déclarations ouvertement homophobes, voire leurs incitations à la violence contre des manifestants pacifiques, certains hommes politiques et responsables gouvernementaux ont aggravé le climat ambiant de discrimination et d’intimidation.
En mai, Wojciech Wierzejski, député et vice-président de la LPR, a préconisé le recours à la force contre ceux qui participeraient à la Marche annuelle pour l’égalité prévue à Varsovie en juin. Il aurait déclaré : « Si les déviants commencent à manifester, il faut les accueillir à coups de matraque. »
En mai, le vice-ministre de l’Éducation a estimé qu’un projet international monté par des groupes de défense des droits des LGBT, et soutenu financièrement par la Commission européenne, allait « pervertir la jeunesse ». Il a ajouté que de tels groupes ne devraient pas être subventionnés. En septembre, le ministère de l’Éducation a rejeté un projet soumis par une organisation pro-LGBT à l’Agence nationale des programmes pour la jeunesse, au motif que le projet visait à « propager les comportements homosexuels ».
En juin, le ministre de l’Éducation a limogé le directeur du Centre national de formation continue des enseignants parce qu’il détenait des ouvrages encourageant les enseignants à organiser des rencontres avec des organisations de défense des LGBT. La seule publication correspondant à cette description était un manuel de lutte contre les discriminations publié par le Conseil de l’Europe, lequel s’est ému de « l’homophobie [...] et des comportements homophobes » observables au sein du gouvernement. En octobre, la nouvelle directrice de ce Centre a évoqué « le vide, le drame et la dégénérescence qu’amènent […] les pratiques homosexuelles ».
Des manifestants issus de la communauté LGBT et d’autres militants auraient été attaqués par des contre-manifestants et, du fait de la passivité des policiers, n’auraient pas été en mesure d’exercer leur droit à la liberté de réunion pacifique.
En avril, malgré la présence de la police, un millier de personnes qui participaient à la Marche pour la tolérance à Cracovie auraient été victimes de manœuvres de harcèlement et d’actes d’intimidation émanant du groupe d’extrême droite M ?odzie ? Wszechpolska (Jeunesse de la grande Pologne), qui avait organisé une contre-manifestation, la Marche pour la tradition et la culture.
Des décisions de justice ont confirmé la légalité de la Marche pour l’égalité prévue à Varsovie le 10 juin. Le conseil municipal a fini par autoriser cette manifestation le 1er juin. En raison des menaces proférées par des contre-manifestants, les organisateurs de la marche se sont mis d’accord sur un nouvel itinéraire avec la municipalité, et la police a déployé des forces suffisantes pour garantir la sécurité des participants. La manifestation s’est déroulée sans incident majeur.
En janvier, la Cour constitutionnelle a confirmé le jugement rendu par un tribunal de Varsovie en septembre 2005, aux termes duquel l’interdiction par le maire de l’époque, Lech Kaczy ?ski, de la Marche pour l’égalité prévue à Varsovie en juin 2005 était illégale. Elle a déclaré que les manifestants étaient simplement tenus d’informer les responsables municipaux lorsqu’une manifestation publique était programmée.
En mai, la Haute Cour administrative de Varsovie a confirmé le jugement du tribunal administratif régional de Pozna ? dans l’affaire d’une marche des LGBT interdite en novembre 2005 ; le jugement en question précisait que la menace d’une contre-manifestation n’avait pas constitué un motif suffisant pour interdire cette manifestation.

Centres de détention secrets et « restitutions »
En mars, le secrétaire général du Conseil de l’Europe a fait connaître sa position sur les centres de détention secrets qui auraient été ouverts dans certains États membres en liaison avec le programme américain de détentions secrètes et de « restitutions » (les transferts illégaux de personnes entre deux États, en dehors de toute procédure judiciaire). Le secrétaire général s’est déclaré préoccupé par l’insuffisance des réponses de la Pologne, à qui il avait été demandé si des représentants de l’État avaient participé à des opérations de placement en détention et de « restitution ».
En juin, le rapporteur de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) en charge du dossier des détentions secrètes a signalé l’existence d’une véritable « toile d’araignée » mondiale de détentions et de transferts pratiqués par la Central Intelligence Agency (CIA, services de renseignements des États-Unis) avec la complicité présumée de 14 pays membres du Conseil de l’Europe. Il a indiqué que les autorités polonaises n’avaient pas, en dépit des différentes requêtes qui leur avaient été adressées, fourni les informations tirées des registres des aéroports nationaux et confirmant que certains vols à destination de la Pologne étaient liés à des activités de la CIA.
En novembre, la Commission temporaire constituée par le Parlement européen pour examiner les allégations d’activités illégales de la CIA en Europe a déploré le manque de coopération de la Pologne et le fait que ce pays n’a créé aucune commission d’enquête spécialisée ni demandé l’ouverture d’une investigation parlementaire indépendante à ce sujet.

Réfugiés

La majorité des demandeurs d’asile originaires de Tchétchénie, en Russie, n’ont pas obtenu le statut de réfugié mais seulement des permis de « séjour toléré », en violation de la Convention de Genève de 1951.
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a signalé au mois de mai que pratiquement la moitié des enfants de demandeurs d’asile en âge d’aller à l’école n’étaient pas scolarisés. Les titulaires de permis de « séjour toléré » ne pouvaient pas bénéficier des mêmes aides sociales que les demandeurs d’asile, ni du programme d’intégration conçu pour les réfugiés.
Le nombre de demandeurs d’asile renvoyés en Pologne par d’autres États de l’Union européenne a augmenté dès la mise en œuvre du Règlement de Dublin II, qui définit les critères et les mécanismes permettant de déterminer l’État membre compétent pour examiner une demande d’asile.

Surveillance internationale
Dans le rapport publié en mars au sujet de sa dernière visite en Pologne, effectuée en 2004, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a adressé ses recommandations au gouvernement polonais à propos du traitement des détenus. Le CPT insistait avec force sur la nécessité de rappeler régulièrement et fréquemment aux policiers qu’il était inadmissible de maltraiter un détenu, que ce soit physiquement ou verbalement, que tout comportement de ce type serait sévèrement sanctionné, que seule la force strictement nécessaire devait être employée durant une interpellation et que rien ne justifiait de frapper les détenus dès lors qu’ils avaient été maîtrisés. Le CPT demandait également aux autorités de veiller à ce que tout juge ou tout procureur ayant reçu une quelconque plainte relative à des brutalités policières exige sans délai un examen médicolégal. Le CPT a déploré que la Pologne n’ait pas suivi les recommandations qu’il avait formulées lors de sa précédente visite, en 2000, et qui concernaient la détention d’enfants dans les locaux de la police.

Peine de mort
Le 28 juillet, dans une émission de la radio publique, le président Lech Kaczy ?ski a réclamé le rétablissement de la peine de mort en Pologne et dans toute l’Europe : « Les pays qui renoncent à cette peine accordent un avantage inimaginable au criminel par rapport à sa victime, l’avantage de la vie sur la mort. » En août, la LPR a annoncé une campagne visant à réintroduire la peine de mort en Europe, et demandé un référendum sur son rétablissement en Pologne. Le vice-président de la LPR, Wojciech Wierzejski, a qualifié d’« anachronisme » l’interdiction de la peine de mort par l’Union européenne.
La Commission européenne a répondu que « la peine de mort n’est pas compatible avec les valeurs européennes ». Dans une lettre ouverte au président Kaczy ?ski, le président de l’APCE a déclaré : « Suggérer que son rétablissement puisse d’une manière ou d’une autre être une avancée positive est une attaque qui atteint directement nos valeurs communes, fondées sur le respect de la dignité humaine fondamentale de toute personne. »

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Pologne en mai et en juin.


Autres documents d’Amnesty International


 Poland and Latvia : Lesbian, gay, bisexual and transgender rights in Poland and Latvia (EUR 01/019/2006).

 La Pologne fait marche arrière. Non au rétablissement de la peine capitale (EUR 37/002/2006).

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