REPUBLIQUE TCHEQUE

La minorité rom faisait l’objet d’importantes discriminations dans les domaines du logement, de l’éducation, des soins de santé et de l’emploi. Des Roms et d’autres groupes vulnérables auraient été victimes de mauvais traitements infligés par la police, ainsi que d’agressions racistes commises par des particuliers. La Cour européenne des droits de l’homme a statué que le recours à des témoins anonymes constituait une atteinte au droit à un procès équitable.




Contexte
Le Parti démocratique civique a remporté les élections législatives de juin sans avoir pu dégager de majorité. Mirek Topolánek a été nommé à la tête d’un gouvernement minoritaire. N’ayant pas réussi à obtenir un vote de confiance du Parlement, il a proposé de démissionner en octobre. Le président Václav Klaus a refusé sa démission.
Le 26 janvier, le Sénat a renvoyé devant la Chambre des députés un projet de loi contre la discrimination. Il s’opposait à l’introduction d’un plan d’action en faveur des groupes défavorisés, et considérait par ailleurs que le texte était trop vague. Ce projet de loi, qui visait à répondre aux obligations résultant de l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne, en 2004, n’avait pas été approuvé à la fin de l’année.
Le 10 juillet, la République tchèque a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [ONU].


Discriminations contre les Roms

Les Roms faisaient l’objet de discriminations dans l’accès au logement, à l’éducation et à l’emploi, selon le rapport final relatif à la situation des droits fondamentaux des Roms, Sintis et gens du voyage en Europe, publié en février par le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Le document soulignait que des enfants roms étaient scolarisés sans raison valable dans des établissements destinés aux handicapés mentaux et recommandait la mise en place de procédures d’indemnisation pour les femmes qui avaient été stérilisées sans pouvoir donner un consentement éclairé.
Selon un rapport du ministère du Travail et des Affaires sociales publié en août, le nombre de Roms vivant dans des logements de seconde zone a augmenté au cours des dix dernières années, mais les pouvoir publics n’avaient mis en place aucun programme global de lutte contre la pauvreté.
Au mois d’octobre, le responsable de la police a présenté des excuses à la suite d’un usage abusif des pouvoirs de la police à Bohumin, du 4 au 6 octobre 2005. Des vigiles recrutés par la municipalité avaient empêché des observateurs indépendants d’entrer dans un foyer où vivaient plusieurs centaines de personnes, roms pour la plupart. Les résidents étaient visés par un arrêté d’expulsion.
L’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes a publié en mai un rapport sur les Roms et les gens du voyage dans l’enseignement public. Ce document soulignait les préoccupations relatives au placement des enfants roms dans des classes séparées en primaire, ainsi qu’à leur surreprésentation dans les « écoles spéciales ». Tout en reconnaissant quelques améliorations, comme la décision du gouvernement, en janvier, de collecter des données anonymes concernant la communauté rom, le rapport insistait sur la nécessité de politiques plus actives des pouvoirs publics.
Le 7 février, la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté la plainte pour discrimination dans l’enseignement déposée par 18 jeunes Roms de la région d’Ostrava. Ces derniers avaient été placés dans des écoles élémentaires spéciales destinées à des élèves ayant des difficultés d’apprentissage. Dans son arrêt, la Cour a conclu que la République tchèque n’avait pas porté atteinte à l’interdiction de discrimination ni au droit à l’éducation énoncés dans la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles. Elle a par ailleurs rappelé que sa seule tâche est d’examiner les requêtes qui lui sont soumises et qu’elle n’a pas à apprécier le contexte social global. Il a été fait appel du jugement devant la Grande Chambre de la Cour.

Stérilisation forcée des femmes
En mai, le gouvernement a critiqué une recommandation formulée par le médiateur dans son dernier rapport (2005), selon laquelle une loi devait être adoptée en vue d’accorder une indemnisation aux femmes stérilisées sans leur consentement. Cette recommandation n’a pas été appliquée.
En août, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] a engagé le gouvernement à mettre en œuvre les recommandations du médiateur. Il lui a notamment demandé de donner une définition légale du consentement libre et éclairé, d’assurer la formation obligatoire du personnel sanitaire et des travailleurs sociaux en matière des droits des patients et d’élaborer des mesures d’indemnisation pour les victimes de stérilisation non librement consentie ou pratiquée sous la contrainte. Le Comité a salué l’adoption d’un plan d’action national destiné à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi qu’une nouvelle législation sur l’emploi interdisant les discriminations et le harcèlement sexuel. Il a appelé les autorités tchèques à intensifier leurs efforts pour éliminer les stéréotypes persistants et discriminatoires à l’égard des femmes.
Dans les conclusions d’un rapport publié en août, le Centre européen pour les droits des Roms et deux associations locales de défense des droits humains, la Ligue tchèque des droits de l’homme et Life together, ont souligné l’insuffisance de la protection juridique contre la discrimination et la vulnérabilité des femmes, qui demeurent exposées à de graves atteintes à leurs droits fondamentaux.
Il n’avait toujours pas été statué sur l’appel interjeté en décembre 2005 dans l’affaire Helena Feren ?ikova, stérilisée en 2001. Dans une décision rendue en novembre 2005, un tribunal avait estimé que l’hôpital de Vitkovice avait porté atteinte aux droits de cette femme. Il avait néanmoins refusé de lui octroyer une indemnisation, le délai de trois ans avant la prescription ayant expiré.

Brutalités policières
De nouveaux cas de brutalités policières ont été signalés ; elles touchaient particulièrement les Roms. Il n’existait toujours aucun mécanisme indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes concernant les abus de la police.
Lors d’une manifestation contre le mouvement d’extrême droite Résistance nationale, le 1er mai à Prague, un policier a violemment agressé Kate ?ina Jacques, candidate du Parti des Verts aux élections législatives et chargée de la question des droits humains au sein du gouvernement. Le policier l’aurait jetée à terre, rouée de coups de pied et frappée avec une matraque. Il aurait ensuite continué à la brutaliser au poste de police où elle avait été conduite, menottée, pour interrogatoire. Après une enquête interne, le chef de la police a reconnu que l’action de la police contre Kate ?ina Jacques était inopportune. Le Premier ministre a qualifié d’« inexcusable » l’intervention de l’agent et déclaré qu’il devait quitter la police. Cet homme aurait été renvoyé. Les charges retenues contre lui ont toutefois été abandonnées en novembre, car l’arrestation avait été effectuée dans les règles. Kate ?ina Jacques a fait appel de cette décision.
Le 30 juin, deux policiers municipaux auraient arrêté un jeune Rom à Brno avant de l’emmener en voiture à la périphérie de la ville. Après l’avoir passé à tabac, ils auraient placé un revolver non chargé dans sa bouche et appuyé sur la détente. Selon les informations reçues, ils le soupçonnaient d’avoir agressé et volé le fils de l’un d’eux, ainsi que d’autres écoliers. En novembre, les policiers concernés ont été déclarés coupables d’avoir frappé et torturé le jeune homme. Ils ont été condamnés à deux ans d’emprisonnement avec sursis, et interdits d’exercer leurs fonctions pendant cinq ans. Tous deux ont fait appel.

Agressions racistes visant des Roms
Les agressions à caractère raciste visant les Roms ont été fréquentes. Les sanctions imposées par les tribunaux ne reflétaient pas la gravité des infractions commises ni les motivations racistes des agresseurs.
Le 17 mai, trois jeunes membres du mouvement Résistance nationale ont fait irruption dans un immeuble de Neratovice. Ils ont donné de grands coups dans les portes des Roms qui vivaient là en menaçant de les tuer. La police les a aussitôt arrêtés.
Le 31 août, la cour d’appel régionale d’Olomouc a alourdi la sentence prononcée contre trois jeunes gens reconnus coupables de l’agression d’un couple rom à Jeseník. Deux d’entre eux se sont vu infliger une peine d’emprisonnement, de trois ans et trois mois et trois ans respectivement, tandis que le troisième était condamné à trois ans d’emprisonnement avec sursis. En janvier 2004, le tribunal de district de Jeseník les avait initialement condamnés à des peines assorties du sursis, ce qui avait suscité un tollé général.
En septembre, le tribunal régional de Plze ? a condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis un soldat déclaré coupable d’avoir passé à tabac un Rom. Cinq associations roms ont protesté contre cette décision.

Déni du droit à un procès équitable
Le 28 février, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les autorités tchèques n’avaient pas respecté l’équité des procès en autorisant des témoins à rester anonymes, violant ainsi les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme relatives aux contre-interrogatoires. Saisie d’un appel en faveur d’Hasan Krasniki en date du 2 septembre 1999, la Cour est parvenue à la conclusion que même si le recours à des témoins anonymes pouvait être compatible avec la Convention, il ne l’était pas en l’espèce. La fiabilité des témoignages anonymes doit être vérifiée. Par ailleurs, la condamnation ne peut se fonder ni uniquement, ni dans une mesure déterminante, sur des déclarations anonymes. La législation tchèque a depuis été modifiée.

Union entre personnes de même sexe
En mars, la Chambre des députés a passé outre au veto du président Václav Klaus et adopté une loi autorisant les couples de même sexe à enregistrer une union. Le texte accordait à ces couples certains des droits et devoirs des personnes mariées – élever des enfants, hériter, accéder aux informations concernant la santé du partenaire, respecter l’obligation alimentaire mutuelle – sans toutefois leur permettre d’adopter des enfants.

Visites d’Amnesty International
Des représentants d’Amnesty International se sont rendus en République tchèque en mars et en septembre.

Autres documents d’Amnesty International

 Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, January-June 2006 (EUR 01/017/2006).

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