RUSSIE

Les défenseurs des droits humains et la société civile indépendante ont fait l’objet de pressions de plus en plus fortes. Les autorités ont déclenché une campagne de répression portant atteinte à l’exercice pacifique des droits à la liberté d’expression et de réunion. La journaliste Anna Politkovskaïa a été assassinée. Plusieurs de ses confrères ou consœurs ont subi des menaces ou des actes de violence. Les pouvoirs publics n’ont pas combattu de façon satisfaisante le racisme et la discrimination dont souffraient certaines personnes en raison de leur appartenance ethnique ou de leur orientation sexuelle. De nouvelles agressions racistes ou homophobes, parfois mortelles, ont eu lieu cette année. La violence contre les femmes dans le cadre familial restait un fléau très répandu. L’État n’accordait pas une protection suffisante aux femmes qui y étaient exposées. Bien souvent, la police contournait les dispositions légales censées protéger les détenus contre la torture. Les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées et les enlèvements, les actes de torture (notamment dans des centres de détention clandestins) et les arrestations arbitraires continuaient dans tout le Caucase du Nord, et plus particulièrement en Tchétchénie. Toujours en Tchétchénie, l’impunité restait la règle pour les auteurs d’atteintes aux droits humains. Les personnes qui cherchaient à obtenir justice faisaient l’objet de manœuvres d’intimidation, voire de menaces de mort. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la Russie avait violé le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité, et n’avait pas respecté le droit à la vie privée et familiale. Elle a en outre considéré que ce pays n’avait pas donné aux victimes des recours adéquats, ni observé le principe de la prohibition de la torture. Le gouvernement n’a pas coopéré pleinement avec les mécanismes internationaux contre la torture.








Contexte
L’opposition s’est insurgée contre plusieurs modifications de la législation électorale supprimant la nécessité d’un certain niveau de participation pour la validation des scrutins. La nouvelle Loi fédérale relative à la lutte contre le terrorisme, adoptée au mois de mars, ne prévoyait aucune garantie explicite des droits des personnes placées en détention lors d’opérations antiterroristes et autorisait les forces armées à mener ce type d’opérations hors du territoire russe. La montée du nationalisme faisait craindre une recrudescence de la xénophobie à l’approche des élections de 2007. Une nouvelle politique en matière d’immigration interdisait aux petits commerçants étrangers de travailler sur les marchés à compter du mois de janvier 2007.
Au mois de mai, le président Vladimir Poutine a annoncé la mise en place d’une campagne de lutte contre la corruption qui touchait les pouvoirs publics à tous les niveaux. En novembre, les services du procureur général ont indiqué que le coût annuel de la corruption s’élevait à plus de 185 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget fédéral. Les autorités contrôlaient étroitement les médias, et notamment la télévision. Un certain nombre d’hommes d’affaires, de responsables des pouvoirs publics et de personnalités politiques ont été assassinés, vraisemblablement par des tueurs à gages. Avec l’accession de la Russie à la présidence du G8, qui rassemble les pays industriels les plus puissants de la planète, et à celle du Comité des ministres du Conseil de l’Europe (à partir du mois de mai), le bilan du gouvernement en matière de droits humains a suscité une attention accrue.
Le Caucase du Nord était toujours en proie à la violence et à l’instabilité. Au mois de juin, le chef séparatiste Abdoul Khalim Sadoulaïev a été tué à Argoun, en Tchétchénie, lors d’un affrontement avec la police et les forces de sécurité. Chamil Bassaïev a été tué en juillet par l’explosion d’une bombe. Ce chef de l’opposition tchétchène avait revendiqué la responsabilité d’un certain nombre de crimes de guerre, dont la prise d’otages de l’école de Beslan, en Ossétie du Nord, en septembre 2004.


Répression des opposants

L’entrée en vigueur de modifications apportées à trois lois fédérales (sur les entités administrativo-territoriales fermées, sur les organisations publiques et sur les organisations à but non lucratif), ainsi que l’adoption d’une réglementation imposant aux associations de la société civile de rendre davantage de comptes, se sont traduites par de nouvelles restrictions de l’exercice du droit à la liberté d’expression et de réunion. Officiellement présentées comme des améliorations de la réglementation relative aux organisations non gouvernementales (ONG), ces modifications permettaient en pratique de surveiller plus étroitement le financement et les activités des organisations russes et étrangères de la société civile, dans un flou juridique autorisant le règne de l’arbitraire et l’application de sanctions disproportionnées. Ces nouvelles dispositions entraînaient en outre une diminution des moyens affectés à certains programmes importants.
Des changements apportés en juillet à la Loi de 2002 relative aux « activités extrémistes » élargissaient la définition du terme « extrémisme » et pénalisaient la justification publique du terrorisme ainsi que la diffamation des responsables des pouvoirs publics. Ils constituaient une menace pour les organisations de la société civile et, de manière générale, pour les personnes critiques à l’égard du gouvernement, dont les activités risquaient d’être sanctionnées.
Attaques visant les journalistes
Un certain nombre de journalistes ont été menacés, poursuivis en justice pour des motifs totalement infondés, ou encore agressés. Des défenseurs des droits humains ont subi un harcèlement administratif. Certains ont reçu des menaces de mort anonymes.
La journaliste russe Anna Politkovskaïa, qui appartenait également au mouvement de défense des droits humains, a été abattue devant chez elle, à Moscou, le 7 octobre. Selon toute vraisemblance, elle a été assassinée en raison de ses activités professionnelles. La manière courageuse dont elle couvrait depuis 1999, dans les colonnes du journal Novaïa Gazeta, le conflit en Tchétchénie et la situation en matière de droits humains dans la région lui avait valu de très nombreuses récompenses. Elle avait également beaucoup écrit sur la violence au sein des forces armées, sur la corruption dans l’appareil d’État et sur les brutalités policières. Elle avait été la cible de multiples actes d’intimidation et de harcèlement de la part des autorités russes et tchétchènes, en raison de ses prises de position ouvertement critiques. Le 16 octobre, les forces de sécurité ont violemment dispersé une veillée organisée à la mémoire de cette journaliste à Nazran (Ingouchie). Au moins cinq défenseurs des droits humains ont été arrêtés et inculpés d’infractions administratives. Les poursuites ont finalement été abandonnées contre quatre d’entre eux, mais l’organisateur du rassemblement a été condamné à une amende.
Le 3 février, Stanislav Dmitrievski a été condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis, assortis de quatre ans de mise à l’épreuve, pour « incitation à la haine raciale » ; il avait publié des articles signés par des chefs séparatistes tchétchènes qui n’appelaient ni au racisme ni à la violence. Un tribunal a ordonné en novembre la dissolution de la Société pour l’amitié russo-tchétchène, l’ONG dont il était le président. Cette décision résultait en partie de la condamnation de Stanislav Dmitrievski : la nouvelle législation relative aux ONG interdisait en effet aux personnes déclarées coupables de crimes « extrémistes » de diriger une ONG.
Manifestations
De nombreuses manifestations ont été interdites, sans que ces mesures paraissent entrer dans le cadre d’une limitation légitime ou proportionnée de la liberté de rassemblement. Des manifestants non violents ont été arrêtés, alors qu’ils avaient informé les autorités de leur intention de manifester, conformément à la loi.
Alors qu’ils se rendaient à Saint-Pétersbourg où devait s’ouvrir la réunion du G8, un certain nombre d’altermondialistes ont été interpellés au mois de juillet, parfois pour des raisons manifestement fallacieuses.
Au mois d’avril, au Daghestan, des éléments appartenant aux OMON, une unité spéciale de la police, auraient brutalement dispersé un groupe de plus de 500 hommes, femmes et enfants qui entendaient dénoncer la corruption régnant selon eux au sein du pouvoir local. L’un des manifestants, Mourad Nagmetov, a été tué et deux autres personnes au moins ont été grièvement blessées. La police aurait envoyé des grenades lacrymogènes en tir tendu sur la foule, sans sommation. Le parquet local a ouvert une enquête.

Le conflit dans le Caucase du Nord
Des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées et des enlèvements, des actes de torture (notamment dans des centres de détention clandestins) et des arrestations arbitraires ont été signalés dans tout le Caucase du Nord, et plus particulièrement en Tchétchénie et en Ingouchie, où le gouvernement russe avait lancé une opération antiterroriste. Les personnes qui tentaient d’obtenir justice devant les tribunaux russes ou la Cour européenne des droits de l’homme étaient la cible de manœuvres d’intimidation de la part des autorités. Plusieurs avocats ont également été harcelés.
Parfois présenté comme une insurrection, le conflit se poursuivait en Tchétchénie, malgré les tentatives faites pour rétablir un semblant de normalité, sous la forme notamment de grands chantiers de reconstruction. Les forces fédérales, alliées à la police et aux forces de sécurité tchétchènes, combattaient toujours les groupes d’opposition armée tché-tchènes. Les forces fédérales ont bombardé certaines zones montagneuses du sud de la région. De leur côté, les groupes armés tchétchènes s’en sont pris à des policiers et aux convois des forces fédérales, et ont commis plusieurs attentats à la voiture piégée. Du fait de la présence dans le secteur de nombreux paramilitaires agissant de manière arbitraire et sans jamais répondre de leurs actes, il était difficile d’identifier les responsables de graves atteintes aux droits humains.
Les organismes internationaux estimaient qu’il y avait encore en Tchétchénie 180 000 personnes déplacées en raison du conflit. Environ 37 000 étaient enregistrées comme résidant dans des installations provisoires, où les conditions de vie étaient apparemment mauvaises. Le Premier ministre tché-tchène, Ramzan Kadyrov, a déclaré en avril que les centres d’accueil pour personnes déplacées étaient des « nids de délinquants, de drogués et de prostituées » et a exigé leur fermeture. Cinq de ces centres, accueillant au total 4 500 personnes, auraient été fermés. Ailleurs, des résidents auraient été rayés des listes des personnes hébergées, sans qu’on leur ait proposé de solution de relogement.
Boulat Tchilaïev et Aslan Israïlov auraient été victimes de disparitions forcées après avoir été emmenés par des agents des forces tchétchènes ou des forces fédérales russes. Une dizaine de témoins affirment avoir vu les deux hommes se faire embarquer de force dans une voiture par des hommes en uniforme, armés et masqués. Ces arrestations auraient eu lieu le 9 avril, en Tchétchénie. Une plaque d’identité militaire a été retrouvée un peu plus tard sur les lieux. On est sans nouvelles des deux hommes depuis. Boulat Tchilaïev travaillait comme chauffeur pour l’ONG Grajdanskoïe Sodeïstvie (Assistance civique), qui apporte notamment un soutien médical aux personnes déplacées et, plus généralement, aux personnes affectées par le conflit armé.
En Ingouchie, des groupes armés auraient assassiné des représentants des pouvoirs publics, tuant également certains de leurs proches (dont des enfants), ainsi que des passants et des membres du personnel de sécurité. Des arrestations arbitraires, une exécution extrajudiciaire et des cas de torture en garde à vue ont été signalés. De graves atteintes aux droits humains, notamment des actes de torture, auraient également été commises en Ossétie du Nord et au Daghestan. Près de 25 000 personnes déplacées par le conflit tchétchène se trouvaient en Ingouchie et au Daghestan à la fin de l’année 2006.

Surveillance internationale
Lors de l’élection de la Russie au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, en mai, le gouvernement s’est engagé à coopérer activement avec les organes de l’ONU chargés de veiller au respect des droits fondamentaux, soulignant qu’une visite du rapporteur spécial sur la torture était prévue en 2006. Or, le rapporteur spécial a décidé en octobre de différer sa visite, qui devait plus particulièrement porter sur la situation dans le Caucase du Nord, les autorités russes ayant déclaré que la manière dont travaillait habituellement le rapporteur (notamment en se rendant de manière impromptue dans les lieux de détention et en s’entretenant en privé avec les détenus) était en contravention avec la loi russe. Le rapporteur spécial demandait à pouvoir se rendre en Tchétchénie depuis 2000.
Conseil de l’Europe
Au mois de janvier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une résolution très ferme sur la Tchétchénie. Cette résolution condamnait l’inefficacité des enquêtes menées afin d’élucider les atteintes aux droits humains et l’impunité qui en résultait, dénonçait les représailles exercées contre des requérants devant la Cour européenne des droits de l’homme, et affirmait que la manière excessivement rude dont les forces de sécurité agissaient dans la région, loin de contribuer à y restaurer l’ordre et le respect de la loi, ne faisait que susciter davantage de désespoir et de violence, et donc d’instabilité. L’Assemblée parlementaire a par ailleurs demandé au Comité des ministres du Conseil de l’Europe « de faire face à ses responsabilités vis-à-vis de l’une des plus graves situations des droits de l’homme touchant l’un des États membres du Conseil de l’Europe ».
Au mois de mai, plusieurs ONG ont instamment prié la Russie de respecter les engagements qu’elle avait pris dix ans plus tôt, lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, et notamment de s’attaquer au problème de l’impunité en Tchétchénie.
Toujours au mois de mai, une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), en visite en Tchétchénie, n’a pas été autorisée à se rendre sans préavis à Tsenteroï, un village où l’on avait signalé l’existence d’un centre de détention clandestin.
La Russie n’avait toujours pas ratifié le Protocole n° 6 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales concernant l’abolition de la peine de mort en temps de paix, alors qu’elle s’y était engagée en février 1999. En novembre, la Douma (Parlement) a repoussé jusqu’en 2010 la mise en place en Tchétchénie de la procédure de jugement par un jury. La Tchétchénie était la seule région de la Fédération de Russie où ce système n’était pas encore en vigueur. Cette décision prolongeait de fait le moratoire sur la peine de mort, adopté en 1999, année où les autorités ont estimé qu’aucune condamnation à la peine capitale ne pouvait plus être prononcée tant que la procédure de jugement par un jury n’aurait pas été mise en place dans l’ensemble de la Fédération.
Comité des Nations unies contre la torture
Lors de sa session du mois de novembre, le Comité des Nations unies contre la torture a notamment déploré l’absence dans le Code pénal russe d’une définition de la torture reflétant celle contenue dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [ONU] ; l’existence de lois et de pratiques empêchant les détenus de contacter leur famille et leurs avocats ; les allégations nombreuses et concordantes faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés par des responsables de l’application des lois, notamment pendant la garde à vue ; les carences des enquêtes sur ce genre d’allégations ; les violences commises dans le cadre du bizutage auquel étaient soumises les jeunes recrues dans l’armée et les représailles exercées contre les soldats qui osaient se plaindre ; la traite des femmes et des enfants ; et l’absence de garanties contre les risques d’expulsion ou de refoulement. Concernant plus particulièrement la Tchétchénie, le Comité s’est en outre déclaré préoccupé par certaines informations dignes de foi faisant état de lieux de détention clandestins, de disparitions forcées et d’enlèvements, ainsi que d’actes de torture.

Torture
La torture pendant la garde à vue était une pratique répandue dans tout le pays. Des policiers désireux d’obtenir des « aveux » contournaient les dispositions visant à empêcher qu’un détenu puisse être torturé (notification de la famille, droit de toute personne arrêtée d’être assistée par un avocat et examinée par un médecin de son choix, par exemple). En règle générale, les services du procureur n’assuraient pas d’enquête sérieuse sur les allégations de torture, et n’offraient pas de voies de recours adéquates. Il n’existait en Russie aucun organisme national indépendant et efficace capable d’effectuer des visites systématiques et non annoncées des lieux de détention. Dans un certain nombre de colonies pénitentiaires, notamment dans les régions de Perm et de Sverdlovsk, les condamnés, selon certaines informations, étaient roués de coups.
En janvier, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les autorités russes avaient effectivement soumis Alexeï Mikheïev à la torture alors qu’il se trouvait en garde à vue, en septembre 1998, et qu’elles ne lui avaient pas permis d’exercer les recours auxquels il était en droit de prétendre. La Cour a considéré que le gouvernement avait violé le principe de la prohibition de la torture, ainsi que le droit de toute personne à un recours efficace.
En avril, l’avocat d’Aslan Oumakhanov n’a pas été informé que son client avait été transféré du centre de détention provisoire où il se trouvait, à Ekaterinbourg, pour être de nouveau remis à la police, qui souhaitait l’entendre dans le cadre d’une enquête. Les policiers chargés de l’interroger l’auraient roué de coups et torturé à l’électricité, afin d’obtenir des « aveux ». Les autorités ont refusé d’ouvrir une enquête judiciaire sur les traitements dont Aslan Oumakhanov aurait été victime, malgré l’existence d’un certificat médical qui tendait à confirmer ces allégations.
Ancien prisonnier du camp de Guantánamo
Rassoul Koudaïev était toujours détenu en Kabardino-Balkarie. Son état de santé suscitait des inquiétudes. En 2004, le gouvernement américain avait remis ce détenu de Guantánamo aux autorités russes, qui l’avaient placé en détention pendant environ quatre mois avant de le libérer. De nouveau arrêté en Kabardino-Balkarie, il a été inculpé d’infractions à la législation antiterroriste au lendemain de l’attaque menée en octobre 2005 contre la capitale de cette république, Naltchik. L’avocate commise d’office pour le représenter a officiellement porté plainte, affirmant que son client avait été torturé pendant sa garde à vue. Le dossier lui a alors été retiré, en novembre 2005, et ne lui a pas été rendu par la suite, en dépit de plusieurs appels interjetés en ce sens devant les tribunaux.

Retour forcé

Un certain nombre de décisions d’extradition vers l’Ouzbékistan, prises contre des personnes risquant d’être torturées à leur arrivée dans ce pays, ont été annulées ou suspendues par les tribunaux russes, conformément aux obligations de la Russie au regard du droit international relatif aux droits humains et à la protection des réfugiés. Les autorités russes ont cependant renvoyé de force en Ouzbékistan au moins une personne, et manqué ainsi à leurs obligations internationales.
En octobre, les autorités russes ont ouvert une enquête judiciaire sur les circonstances du renvoi de Roustam Mouminov en Ouzbékistan. Le même mois, cet homme avait été expulsé alors qu’un tribunal moscovite examinait encore son appel de la décision d’expulsion. Il avait par ailleurs informé les autorités de son intention de déposer une demande d’asile. La Cour européenne des droits de l’homme avait également demandé aux autorités de surseoir au renvoi.

Droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres
Des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et transgenres (LGBT) ont été la cible d’actes de violence dans les clubs qu’ils fréquentaient à Moscou. La police était accusée de ne pas suffisamment protéger ces personnes.
Un défilé prévu dans le cadre de la Gay Pride a été interdit à Moscou, au mois de mai. Iouri Loujkov, maire de la capitale, et divers responsables orthodoxes et musulmans se sont élevés contre l’organisation d’un tel défilé, à grand renfort de déclarations homophobes. L’interdiction a été confirmée par un tribunal de Moscou. Des manifestants LGBT ont alors décidé d’aller déposer des fleurs sur la tombe du soldat inconnu, près du Kremlin, avant de se joindre à une manifestation autorisée aux abords de l’hôtel de ville de Moscou. À ces deux endroits, ils ont dû faire face à des contre-manifestants proférant des injures homophobes. Plusieurs manifestants LGBT ont même été agressés. La police n’aurait pas cherché à les protéger et n’aurait pas non plus fait la différence entre manifestants violents et manifestants pacifiques, interpellant indifféremment des membres des deux groupes. Un certain nombre de militants LGBT et de journalistes ont été blessés.

Racisme, xénophobie et intolérance
Les autorités n’ont pas protégé adéquatement les personnes visées par les nombreuses agressions racistes, y compris des meurtres, signalées cette année. Elles n’ont pas non plus enquêté sérieusement sur ces affaires. La faible augmentation du nombre de procédures judiciaires entamées à la suite de crimes racistes et diverses initiatives locales, portant notamment sur le renforcement de la présence policière, ne constituaient pas une réponse suffisante, étant donnée l’ampleur du phénomène. Il n’existait toujours aucun programme global de lutte contre les préjugés et les idéologies racistes ou xénophobes.
Le 25 mars, Liana Sisoko, une fillette de neuf ans d’origine russo-malienne, a été grièvement blessée par deux jeunes qui l’ont agressée au couteau dans le hall de l’immeuble où elle habitait, à Saint-Pétersbourg. Ses agresseurs auraient tracé une croix gammée et les mots « Skinheads... C’est nous » près du lieu du crime.
Un Rom et une Russe ont été tués le 13 avril dans la région de Volgograd, lors d’une agression manifestement raciste. Une vingtaine de jeunes gens armés de barres de fer et de bêches s’en étaient pris ce jour-là à une famille rom, à qui la victime russe était venue rendre visite. Plusieurs autres personnes ont été grièvement blessées.
En mars, sept personnes ont été reconnues coupables de « houliganisme » pour leur participation à l’agression qui avait coûté la vie, en février 2004, à Khourcheda Soultonova, une fillette d’origine tadjike âgée de neuf ans. Ces personnes ont été condamnées à des peines allant de dix-huit mois à cinq ans et demi d’emprisonnement. Le seul accusé d’homicide volontaire à caractère raciste a été acquitté de ce chef d’inculpation.
Pratiques de police discriminatoires
Deux ONG (Jurix et le Projet de justice Société ouverte) ont publié les résultats d’une étude montrant que la police de Moscou avait tendance à contrôler et à fouiller beaucoup plus souvent les personnes d’ascendance non slave. Au lendemain de la détérioration des relations entre la Russie et la Géorgie, en septembre et octobre 2006, des centaines de ressortissants géorgiens ont été expulsés pour avoir, selon les autorités russes, violé la réglementation en matière d’immigration ou s’être autrement mis hors la loi. Dans l’attente de leur expulsion, un certain nombre de personnes auraient été placées en détention dans des conditions insalubres, sans eau ni nourriture. Deux Géorgiens sont morts alors qu’ils attendaient d’être expulsés. Leur décès serait dû aux conditions de leur détention et à un manque de soins médicaux.

Violences contre les femmes
La loi russe ne prévoyait aucune mesure particulière pour lutter contre les violences faites aux femmes dans le cadre familial. Le soutien accordé par l’État aux centres d’urgence et aux services téléphoniques d’aide aux victimes était totalement insuffisant. Au mois de novembre, le Comité des Nations unies contre la torture s’est ému des informations selon lesquelles la violence domestique restait très répandue et les centres d’accueil destinés aux victimes étaient trop peu nombreux. Le Comité recommandait aux autorités russes de veiller à la protection des femmes en adoptant des mesures spécifiques, notamment des mesures législatives, destinées à lutter contre la violence domestique, en assurant la protection des victimes (qui doivent pouvoir bénéficier de prestations médicales, sociales et juridiques adaptées et d’un hébergement provisoire) et en veillant à ce que les auteurs de violences aient à rendre compte de leurs actes.
Un centre d’accueil pour femmes en détresse financé par l’État a été fermé à Petrozavodsk, en République de Carélie. Il n’existait en Russie qu’un faible nombre de ces centres.

Procès non équitables

Un certain nombre de personnes purgeaient des peines d’emprisonnement auxquelles elles avaient été condamnées à l’issue de procès non conformes aux normes internationales d’équité et pour des motifs dénoncés comme politiques par leurs avocats.
Condamnés en 2005 pour escroquerie et fraude fiscale, l’ex-patron de la compagnie pétrolière IOUKOS, Mikhaïl Khodorkovski, et son collaborateur Platon Lebedev purgeaient tous deux une peine de neuf années d’emprisonnement. Ils n’avaient pas été autorisés à être incarcérés près de leur domicile. Mikhaïl Khodorkovski a été abusivement placé au cachot pendant quinze jours, au mois de janvier, parce qu’il avait été trouvé en possession du texte de plusieurs décrets officiels relatifs au traitement des prisonniers, pourtant accessibles au public. Il a de nouveau été envoyé en cellule disciplinaire pendant une semaine au mois de mars, pour avoir bu du thé dans un lieu non autorisé.
L’avocat et ancien agent des services de sécurité Mikhaïl Trepachkine n’était pas autorisé à recevoir les soins que son état de santé exigeait (il souffrait d’asthme chronique). Il purgeait une peine de quatre ans d’emprisonnement dans une colonie péniten-tiaire, à laquelle il avait été condamné en 2005 par un tribunal militaire qui l’avait déclaré coupable de diverses infractions, et notamment de divulgation de secrets d’État. Mikhaïl Trepachkine aurait été placé dans un cachot, non chauffé et non ventilé, par l’administration pénitentiaire qui cherchait apparemment à l’obliger à retirer la plainte qu’il avait déposée concernant la manière dont son procès s’était déroulé et dont il était traité.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Russie en avril, en juin, en juillet et en décembre. La secrétaire générale d’Amnesty International, Irene Khan, a rencontré le président Vladimir Poutine en juillet, en compagnie d’autres responsables d’organisations mondiales de la société civile.

Autres documents d’Amnesty International

 Commonwealth of Independent States : Positive trend on the abolition of the death penalty but more needs to be done (EUR 04/003/2006).

 Russie. Rassoul Koudaïev. Cas d’appel (EUR 46/003/2006).

 Russian Federation : Amnesty International’s concerns and recommendations in the case of Mikhail Trepashkin (EUR 46/012/2006).

 Russian Federation : Preliminary briefing to the UN Committee against Torture (EUR 46/014/2006).

 Russie. Déchaînement de violence raciste (EUR 46/022/2006).

 Russie. Communication complémentaire d’Amnesty International adressée au Comité des Nations unies contre la torture (Résumé) (EUR 46/039/2006).

 Russie. La Société pour l’amitié russo-tchétchène fermée en vertu d’une nouvelle loi sur les ONG (EUR 46/048/2006).

 Russie. Torture et « aveux » forcés en détention (EUR 46/056/2006).

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