TURKMENISTAN

Bien qu’il y ait eu des améliorations dans un petit nombre de cas individuels, les violations des droits fondamentaux étaient toujours massives. Le harcèlement visant les défenseurs des droits humains s’est intensifié. Les autorités ont omis d’ouvrir sans délai une enquête exhaustive et impartiale sur la mort en détention, dans des circonstances suspectes, d’une militante des droits humains. Harcèlement, restrictions à la liberté de circulation, détention arbitraire, torture et autres formes de mauvais traitements, punition des proches étaient autant de mesures prises pour tenter de museler la dissidence. Des dizaines de personnes incarcérées en raison de leur participation présumée à une tentative d’assassinat dont le président Saparmourad Niazov aurait fait l’objet en 2002 étaient toujours détenues au secret.




Contexte politique
Le président Saparmourad Niazov est mort d’un arrêt cardiaque le 21 décembre. Le jour même, le Conseil de sécurité de l’État et le Conseil des ministres ont nommé le vice-Premier ministre Gourbangouly Berdymoukhammedov au poste de président par intérim. Le président du Majlis (Parlement), que la Constitution désignait comme successeur de Saparmourad Niazov, a été démis de ses fonctions le même jour et aurait été inculpé d’une infraction pénale.
Le 26 décembre, le Khalk Maslakhati (Conseil du peuple) a approuvé la désignation de six candidats à l’élection présidentielle prévue pour février 2007, parmi lesquels figurait le président par intérim. Tous étaient membres du Parti démocratique, la seule formation officielle du pays. Les groupes d’opposition en exil avaient lancé des appels pour que leurs dirigeants soient autorisés à proposer des candidats au scrutin, mais le gouvernement par intérim a ignoré leurs demandes.

Surveillance internationale
Dans son rapport soumis à l’Assemblée générale en octobre, le secrétaire général des Nations unies a indiqué que « les violations graves et systématiques des droits de l’homme se sont poursuivies au Turkménistan, malgré les gestes accomplis par le gouvernement ». Après avoir dénoncé la situation des défenseurs des droits fondamentaux et des minorités, les restrictions apportées à la liberté d’expression et de religion, le recours à la torture, l’absence de magistrature indépendante et l’accès limité aux services de santé et à l’éducation, il a prié le gouvernement d’inviter les responsables des mécanismes thématiques spéciaux du Conseil des droits de l’homme à se rendre dans le pays. Malgré les nombreuses résolutions en ce sens adoptées par l’Assemblée générale et la Commission des droits de l’homme, le Turkménistan ne les avait pas invités jusqu’alors.
En juin, le Comité des droits de l’enfant [ONU] a souligné l’importance du rôle de la société civile dans la pleine application de la Convention relative aux droits de l’enfant et a recommandé au gouvernement turkmène de lever les restrictions qui entravent le fonctionnement des organisations indépendantes de la société civile. Il a aussi demandé aux autorités de mener des enquêtes sur des allégations d’actes de torture ou autres mauvais traitements, imputés notamment à des fonctionnaires chargés de l’administration de la justice pour mineurs, et de garantir que les auteurs présumés de ces actes soient rapidement traduits en justice. Il leur a également recommandé de veiller à ce que les enfants puissent jouir de leur droit à la liberté de religion et avoir accès à une information provenant de sources nationales et internationales diverses.

Violences contre les femmes
En mai, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes [ONU] s’est inquiété de voir que les autorités turkmènes ne semblaient pas se soucier de la nécessité urgente de mettre fin à la violence à l’égard des femmes et d’adopter une législation applicable à toutes les formes de cette violence, y compris dans le cadre familial, ni de mettre en place des mesures visant à combattre la traite des femmes. Il a notamment exhorté le gouvernement à ériger en infraction pénale la violence au sein de la famille, à faire en sorte que les coupables soient poursuivis en justice et punis, et à veiller à ce que les victimes aient accès à des moyens de réparation appropriés. Il l’a aussi encouragé à assurer la disponibilité de foyers d’accueil. Enfin, le Comité a recommandé que le gouvernement instaure des conditions favorables à la participation active des femmes et des organisations de défense des droits humains.

Mort en détention
Des membres de la Fondation Helsinki du Turkménistan, un groupe de défense des droits humains, ont été placés en détention en juin : Annakourban Amanklytchev, Sapardourdy Khadjiev, Elena Ovezova et Ogoulsapar Mouradova, journaliste de la station Radio Liberty (financée par les États-Unis), ainsi que les trois enfants de cette dernière (tous des adultes). Quatre de ces personnes ont été libérées le 1er juillet. À l’issue d’un procès inéquitable, Annakourban Amanklytchev, Sapardourdy Khadjiev et Ogoulsapar Mouradova ont été reconnus coupables d’« acquisition, possession ou vente illégale de munitions ou d’armes à feu » et condamnés, en août, à des peines allant de six à sept ans d’emprisonnement. Tout porte à croire que les charges retenues contre eux avaient été forgées de toutes pièces. On pense que des mauvais traitements leur ont été infligés pendant leur détention, et que des substances psychotropes ont été administrées à Annakourban Amanklytchev et Ogoulsapar Mouradova dans le but de leur arracher des « aveux ».
Ogoulsapar Mouradova est morte en détention dans des circonstances suspectes en septembre. Les autorités ont omis d’ouvrir sans délai une enquête exhaustive et impartiale sur son décès.

Répression de la dissidence
Des militants de la société civile, des dissidents politiques, des fidèles d’Églises minoritaires et leurs proches ont été victimes d’actes de harcèlement, d’arrestations arbitraires et de torture.
Le ministère de la Sécurité nationale a convoqué aux fins d’interrogatoire presque toutes les personnes ayant rencontré des journalistes de la BBC et de Galaxie Presse, une société de production télévisuelle française. Ces journalistes avaient dénoncé la politique du gouvernement après s’être rendus au Turkménistan. Les personnes interrogées se sont vu interdire de quitter le pays et, dans certains cas, ont été assignées à domicile.
En octobre, Kakabay Tedjenov a été libéré après des pressions internationales. Cet homme de soixante-dix ans était maintenu de force dans des établissements médicaux depuis le mois de janvier. Il a notamment été interné dans un hôpital psychiatrique du district de Garashsyzlyk, dans la région de Lebap (est du pays). À sa libération, il aurait été contraint de s’engager à ne plus faire de déclarations politiques. Estimant qu’il était sanctionné pour ses prises de position contre la politique du gouvernement, Amnesty International l’avait adopté comme prisonnier d’opinion. En février, la délégation turkmène auprès de l’Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE) avait déclaré à tous les États participants que Kakabay Tedjenov n’avait jamais été détenu ni interné dans un établissement médical.
Le militant écologiste Andreï Zatoka a été appréhendé le 17 décembre par des représentants de la police locale à l’aéroport de sa ville, Dachogouz. Il s’apprêtait à prendre un avion pour la capitale, Achgabat, avant de se rendre à Moscou le lendemain pour y rejoindre des membres de l’International Social and Ecological Union (Union sociale et écologique internationale) et passer ses vacances avec sa famille en Russie. Il aurait été inculpé d’atteinte à l’ordre public. Selon certaines informations, cependant, il aurait été pris pour cible en raison de ses activités pacifiques de militant écologiste.
Cette année encore, les autorités ont imposé des restrictions à la liberté de circulation pour punir les dissidents et exercer des pressions sur ces derniers et leurs familles. Une « liste noire » recensant les personnes à qui il était interdit de quitter le pays comptait, semble-t-il, plusieurs milliers de noms. Parmi elles figuraient des hommes et des femmes considérés comme critiques à l’égard du régime et les membres de leur famille, des proches de personnes incarcérées pour des faits liés à la tentative d’assassinat dont aurait été victime Saparmourad Niazov en 2002, ainsi que des proches et amis de responsables du gouvernement emprisonnés ces dernières années.
Le 2 mai, des agents de la sûreté nationale ont obligé Ovez Annaev, le beau-frère de Khoudaïberdy Orazov, chef du mouvement d’opposition Watan (Patrie), en exil, à descendre de l’avion à bord duquel il avait pris place. Ils auraient menacé de l’emprisonner s’il se plaignait auprès d’organisations internationales ou d’ambassades de pays étrangers. Ovez Annaev partait en Russie en vue de suivre un traitement spécialisé pour un ulcère gastrique. Lui et son épouse avaient déjà été visés auparavant par une interdiction de voyager à l’étranger et contraints de descendre d’un avion avant le décollage, selon toute apparence en raison de leur parenté avec Khoudaïberdy Orazov. Les autorités les avaient accusés d’avoir joué un rôle clé dans la tentative d’assassinat présumée contre le président Niazov.
Victime de la répression de la liberté de croyance, au moins un membre d’une minorité religieuse aurait été expulsé vers son pays d’origine. Depuis le milieu des années 1990, plusieurs centaines de fidèles étrangers appartenant à des Églises minoritaires auraient fait l’objet de mesures analogues.
En mars, à son retour d’un voyage en Russie via le Kazakhstan, des gardes-frontières turkmènes ont confisqué des ouvrages religieux à Alexandre Frolov, un baptiste de nationalité russe vivant depuis longtemps au Turkménistan. Peu après, trois fonctionnaires des services de l’immigration se sont présentés à son domicile et lui ont confisqué son permis de séjour. Ils l’auraient accusé d’avoir tenté d’importer de la littérature chrétienne, de ne pas avoir informé les services de l’immigration de sa sortie du Turkménistan et d’avoir tenu des cultes religieux chez lui. À la connaissance d’Amnesty International, aucune inculpation n’a été prononcée contre lui. En juin, Alexandre Frolov a été expulsé vers la Russie ; sa femme (de nationalité turkmène), leur fils de trois ans et leur fille âgée de cinq mois sont restés sur place.

Détention au secret
Des dizaines de personnes incarcérées après avoir été jugées de manière inéquitable pour leur participation présumée à la tentative d’assassinat perpétrée contre Saparmourad Niazov en 2002 se trouvaient toujours en détention au secret, sans aucun contact avec leur famille ou leurs avocats. Elles ne pouvaient pas non plus communiquer avec le Comité international de la Croix-Rouge ni avec d’autres organismes indépendants similaires. Nombre de ces personnes auraient été torturées et maltraitées après leur arrestation ; certaines seraient mortes des suites de tortures et de mauvais traitements, mais aussi en raison du caractère éprouvant des conditions de détention. Ces allégations n’ont pas donné lieu à des enquêtes impartiales et exhaustives. Les autorités se sont aussi abstenues de répondre aux demandes de renseignements formulées par Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains.
En octobre, le président Niazov a annoncé que huit personnes condamnées à la suite de la tentative d’assassinat de 2002 seraient libérées dans le cadre d’une prochaine amnistie. Affirmant que les huit s’étaient repenties, il a précisé qu’elles n’avaient pas joué un rôle majeur et n’avaient pas pris les armes. Aucun prisonnier reconnu officiellement coupable d’avoir participé à la tentative présumée de coup d’État ne figurait sur la liste d’amnistie rendue publique.

Autres documents d’Amnesty International

 Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, January-June 2006 (EUR 01/017/2006).

 Commonwealth of Independent States : Positive trend on the abolition of the death penalty but more needs to be done (EUR 04/003/2006).

 Turkmenistan : Open letter from a coalition of human rights organizations (EUR 61/010/2006).

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