AUTORITÉ PALESTINIENNE

Les Palestiniens des territoires occupés ont été victimes d’atteintes massives aux droits humains. La situation sur le plan humanitaire s’est considérablement dégradée en raison des opérations militaires et des sanctions économiques israéliennes ainsi que de la suspension de l’aide de la communauté internationale et de l’augmentation des violences entre factions palestiniennes rivales. Plus de 650 Palestiniens ont été tués par l’armée israélienne, soit trois fois plus que l’année précédente. Certains étaient des activistes qui avaient participé à des actes de violence contre Israël, mais la moitié étaient des civils non armés. Les groupes armés palestiniens ont continué de mener des attaques qui ont coûté la vie à 27 Israéliens, dont 21 civils ; le nombre de victimes a toutefois diminué de moitié par rapport à l’année précédente. Les violences entre factions au sein des forces de sécurité, ainsi qu’entre groupes armés, se sont intensifiées. Quelque 150 personnes, dont de nombreux civils qui se trouvaient sur les lieux par hasard, ont trouvé la mort lors de fusillades et d’attaques. Les enlèvements de Palestiniens et d’étrangers, notamment des journalistes et des employés d’organisations humanitaires, étaient fréquents. Les étrangers étaient le plus souvent relâchés rapidement sains et saufs, mais des Palestiniens ont été tués ou maltraités. L’impunité restait généralisée, les institutions chargées de la sécurité et de la justice étant pratiquement paralysées par les luttes de factions.

Contexte
Les tensions entre factions se sont exacerbées à la suite des élections législatives de janvier, à l’issue desquelles le Fatah, parti du président Mahmoud Abbas ayant dirigé l’Autorité palestinienne depuis son instauration il y a plus de dix ans, a été battu par le Mouvement de la résistance islamique (Hamas). Ce dernier a formé, en mars, un gouvernement dirigé par Ismaïl Haniyeh. Les affrontements armés entre des branches rivales des forces de sécurité et entre groupes armés se sont multipliés, dans un contexte marqué par l’échec de plusieurs tentatives en vue de constituer un gouvernement d’union nationale. En décembre, le président Abbas a annoncé son intention d’organiser des élections présidentielle et législatives, ce qui a déclenché une nouvelle flambée de violences entre factions. À la suite de l’entrée en fonction du gouvernement dirigé par le Hamas, qui refusait de reconnaître l’État d’Israël, les autorités israéliennes ont saisi les droits de douane collectés au nom de l’Autorité palestinienne et les principaux donateurs occidentaux ont suspendu leur aide directe au gouvernement palestinien en arguant qu’ils considéraient le Hamas comme une « organisation terroriste ». Ces mesures ont entraîné une crise profonde pour l’économie palestinienne, qui a été aggravée par les nombreuses attaques de l’armée israélienne contre les infrastructures palestiniennes et par le blocus imposé par Israël aux territoires occupés. La bande de Gaza a été le plus durement touchée par les bombardements israéliens et par le blocus. Dans le même temps, les groupes armés palestiniens ont multiplié les tirs de roquettes artisanales Qassam depuis Gaza en direction du sud d’Israël, particulièrement au cours du second semestre de l’année.


Détérioration des conditions socioéconomiques

Les conditions de vie des Palestiniens des territoires occupés n’ont cessé de se dégrader tout au long de l’année. L’économie a été frappée de plein fouet par la confiscation par Israël des droits de douane collectés au nom de l’Autorité palestinienne, qui représentaient la moitié du budget de celle-ci, ainsi que par la suspension de l’aide des donateurs internationaux – notamment l’Union européenne et les États-Unis – au gouvernement et par les sanctions bancaires imposées par Israël, qui empêchaient les transferts de fonds au profit du gouvernement du Hamas. L’Autorité palestinienne, premier employeur des territoires occupés, s’est trouvée dans l’impossibilité de verser les salaires et d’assurer les services essentiels, notamment l’éducation et les soins médicaux, aux trois millions et demi de Palestiniens vivant sous occupation israélienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. La communauté internationale n’a rien fait pour obliger Israël, en qualité de puissance occupante, à respecter l’obligation qui lui est faite par le droit international de subvenir aux besoins fondamentaux de la population palestinienne. L’Union européenne a mis en place un mécanisme international temporaire pour tenter de juguler la crise humanitaire. Toutefois, cet organe – qui n’était pas entièrement opérationnel à la fin de l’année – n’a pas empêché une nouvelle détérioration d’un secteur de la santé déjà débordé et qui ne parvenait pas à gérer le nombre croissant de patients. L’augmentation des besoins était liée au grand nombre de victimes des opérations militaires israéliennes et à la poursuite du blocus imposé par Israël dans la bande de Gaza, qui empêchait les malades de se faire soigner à l’étranger. Dans un contexte où l’Autorité palestinienne n’a pas été en mesure de verser les salaires de plus de 150 000 fonctionnaires pendant plusieurs mois, l’éducation et d’autres services publics essentiels ont eux aussi souffert du manque de moyens. En septembre, les enseignants ont rejoint d’autres employés du secteur public qui s’étaient mis en grève pour protester contre le non-paiement de leurs salaires. Ce mouvement a perturbé la scolarité de centaines de milliers d’enfants. En décembre, des agences humanitaires des Nations unies ont lancé un appel en vue de recueillir d’urgence 450 millions de dollars (340 millions d’euros environ) pour faire face aux besoins croissants de la population palestinienne. La destruction des infrastructures palestiniennes par l’armée israélienne a provoqué des dommages à long terme et une nouvelle détérioration des conditions de vie. En juin, l’armée israélienne a bombardé l’unique centrale électrique de la bande de Gaza, qui fournissait de l’électricité à la moitié du million et demi d’habitants du territoire et qui a été fortement endommagée. La population a été privée d’électricité une bonne partie du temps durant les mois les plus chauds de l’année ; l’eau, puisée et distribuée grâce à l’électricité produite par cette centrale, a souvent manqué. L’armée israélienne a également bombardé des ponts, des routes, des canalisations d’eau et des réseaux d’assainissement. Des centaines de Palestiniens se sont retrouvés sans logement après la destruction, en totalité ou en partie, de très nombreux bâtiments par des bombardements aériens ou des tirs d’artillerie dans la bande de Gaza. D’autres maisons ont été démolies par des bulldozers israéliens en Cisjordanie, notamment à Jérusalem-Est.

Conflit
Les groupes armés palestiniens de la bande de Gaza ont intensifié les tirs de roquettes artisanales Qassam en direction du sud d’Israël. Ces tirs sans discrimination, qui ont tué deux civils israéliens et en ont blessé plusieurs autres, ont suscité une peur généralisée bien que, dans la plupart des cas, ils n’aient fait aucune victime. Les principaux partis palestiniens, en particulier le Fatah et le Hamas, ont réaffirmé l’engagement pris en 2005 et connu sous le nom de tahadiyeh (accalmie) de s’abstenir de tuer des Israéliens ; ils ont toutefois continué de mener des attaques avec d’autres groupes. Le nombre d’Israéliens tués à la suite de tels actes, qui avait diminué de moitié par rapport à 2005, était le plus bas depuis le déclenchement de l’Intifada en 2000. Vingt et un civils israéliens, dont un enfant, et six soldats ont trouvé la mort à la suite d’attaques menées par des groupes armés palestiniens. L’attentat le plus meurtrier a été perpétré le 17 avril à Tel-Aviv par un kamikaze. Revendiqué par le Djihad islamique, il a fait 11 morts et 68 blessés parmi la population civile. Le 30 mars, un deuxième attentat-suicide à proximité de la colonie de Kedumim, dans le nord de la Cisjordanie, a coûté la vie à quatre colons israéliens, dont un adolescent de seize ans. La plupart des attaques ont été revendiquées par les Brigades des martyrs d’Al Aqsa, le Djihad islamique et les Comités de résistance populaire. En juin, la branche armée du Hamas et les Comités de résistance populaire ont revendiqué une attaque contre une base de l’armée israélienne près de la bande de Gaza, au cours de laquelle deux soldats ont été tués et un autre capturé. Le Hamas a annoncé que ce dernier, le caporal Gilad Shalit, ne serait relâché qu’en échange de la libération de certains des quelque 10 000 Palestiniens emprisonnés en Israël. Des négociations auraient été entamées mais aucun échange de prisonniers n’avait été décidé à la fin de l’année. Le nombre de Palestiniens tués par l’armée israélienne était trois fois plus élevé que les années précédentes (voir Israël et territoires occupés). Quelque 650 Palestiniens, dont la moitié étaient des civils non armés et parmi lesquels figuraient environ 120 enfants, ont trouvé la mort à la suite de frappes aériennes, de tirs d’artillerie et de tirs inconsidérés visant des camps de réfugiés et des zones d’habitation densément peuplés. Les bombardements israéliens ont également détruit les locaux de plusieurs ministères de l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza, ainsi que des bâtiments abritant des organisations caritatives et des institutions qui seraient liées au Hamas. Les raids israéliens ont considérablement augmenté après la capture de Gilad Shalit au mois de juin. Les attaques israéliennes visaient la plupart du temps la bande de Gaza, mais de très nombreux Palestiniens ont également été tués dans des villes et des villages de Cisjordanie.


Homicides illégaux, criminalité et impunité

Les forces de sécurité fidèles à l’ancien gouvernement du Fatah ainsi que les Brigades des martyrs d’Al Aqsa et d’autres groupes armés liés au Fatah ont contesté l’autorité du nouveau gouvernement du Hamas, qui a créé une nouvelle force de sécurité composée de ses partisans. Les affrontements entre forces de sécurité rivales ainsi qu’entre groupes armés étaient particulièrement fréquents dans la bande de Gaza, où les vendettas familiales et les crimes de droit commun étaient souvent inextricablement liés aux violences politiques. Des passants étaient souvent pris dans des échanges de tirs et beaucoup ont été tués ou blessés, dans un climat de chaos croissant.
 ? Ousama Balousha, âgé de dix ans, et ses deux frères, Ahmad, sept ans, et Salam, quatre ans, ont été tués le 11 décembre à Gaza lorsque des hommes armés ont ouvert le feu sur la voiture qui les emmenait à l’école. Selon les informations recueillies, leur père, un responsable de haut rang des services de renseignements de l’Autorité palestinienne, avait survécu à une tentative d’assassinat quelques mois auparavant. Le Fatah et le Hamas se sont rejeté la responsabilité de ces homicides, mais les responsables présumés n’ont pas été traduits en justice. La prolifération d’armes à feu détenues sans permis exacerbait les violences et renforçait l’insécurité. Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne et l’appareil judiciaire n’étaient pas en mesure de remplir leur mission, ou étaient réticents à agir. Les victimes étaient privées de justice et de réparation et les responsables d’atteintes aux droits humains étaient généralement impunis. L’armée israélienne continuait dans la pratique d’empêcher les forces de sécurité palestiniennes d’intervenir dans de nombreuses régions de la Cisjordanie qui relevaient officiellement de l’Autorité palestinienne. La crise économique et l’incapacité du gouvernement à payer les personnes dépendant directement de l’Autorité, notamment les fonctionnaires et les membres des forces de sécurité, ont entraîné des grèves et des manifestations. Ces mouvements de protestation ont parfois dégénéré en émeutes, notamment en juin et en septembre, quand des membres des forces de sécurité ont envahi le Parlement et les ministères et détruit des biens publics.

Enlèvements et homicides illégaux
De nombreux Palestiniens et une vingtaine d’étrangers – des journalistes et des employés d’organisations humanitaires – ont été enlevés par des groupes armés palestiniens, essentiellement dans la bande de Gaza. Tous les étrangers ont été relâchés sains et saufs, dans la plupart des cas au bout de quelques heures ; deux journalistes ont toutefois été détenus pendant quinze jours au mois d’août. Les ravisseurs réclamaient le plus souvent des emplois ou des concessions politiques de l’Autorité palestinienne en échange de la libération de leurs otages. Les enlèvements de Palestiniens s’inscrivaient dans un climat d’affrontements entre groupes armés rivaux, forces de sécurité de différentes factions ou familles en conflit. On disposait de peu d’informations sur l’identité des victimes et sur les demandes formulées en échange de leur libération. Quoique la plupart des Palestiniens enlevés aient été relâchés, certains, notamment des otages accusés de « collaborer » avec les services de sécurité israéliens, ont été tués. Les meurtres de « collaborateurs » présumés ont été revendiqués par les Brigades des martyrs d’Al Aqsa et d’autres groupes dissidents du Fatah, ou leur ont été attribués.

Violences contres les femmes
Les femmes continuaient de pâtir de l’occupation et du conflit, notamment des démolitions de maisons, de l’augmentation de la pauvreté et des restrictions à la liberté de mouvement qui les privaient d’accès à l’éducation et aux soins médicaux. Alors qu’elles étaient de plus en plus sollicitées pour s’occuper de la famille et subvenir à ses besoins, la détérioration de la situation a entraîné une aggravation des violences domestiques et sociales. Dans la bande de Gaza, au moins quatre femmes ont été tuées par un proche pour des raisons « d’honneur ».
 ? En août, Faiza Id Abu Sawawin a été abattue dans la bande de Gaza, apparemment par un membre de sa famille, pour des raisons « d’honneur ». On ignorait si le meurtrier avait été arrêté.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans les territoires relevant de l’Autorité palestinienne en avril, mai, juin, novembre et décembre. Ils ont rencontré, en avril, le Premier ministre Ismaïl Haniyeh et d’autres responsables de l’Autorité palestinienne, auxquels ils ont remis un mémorandum exposant en détail les préoccupations de l’organisation et formulant des recommandations en vue d’améliorer la situation des droits humains. Une délégation conduite par la secrétaire générale de l’organisation s’est rendue, en décembre, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. La secrétaire générale a rencontré le président de l’Autorité palestinienne ainsi que des représentants du gouvernement dirigé par le Hamas. Elle a exprimé sa préoccupation à propos de la détérioration de la situation des droits humains et de l’anarchie grandissante et a réclamé la fin de l’impunité dans les zones relevant de l’Autorité palestinienne.

Autres documents d’Amnesty International

 Israël et territoires occupés. Note au Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale (janvier 2006) (MDE 15/002/2006).
 Israël et territoires occupés. L’impasse (MDE 15/093/2006).



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