MAROC & SAHARA OCCIDENTAL

Le gouvernement a commencé à examiner les recommandations formulées en 2005 par l’Instance équité et réconciliation, mais des mesures indispensables de suivi n’avaient pas été prises à la fin de l’année. Huit défenseurs des droits humains sahraouis emprisonnés en 2005 ont été libérés, mais deux autres ont été incarcérés alors que les manifestations contre l’administration marocaine au Sahara occidental se poursuivaient. Quelque 200 militants islamistes présumés ont été arrêtés et inculpés, dans bien des cas sur la base d’une définition imprécise du terrorisme. Plusieurs condamnations ont été prononcées, dont deux à la peine capitale. Plus de 500 membres d’Al Adl wal Ihsan (Justice et bienfaisance), un groupe islamiste interdit, ont été inculpés d’appartenance à une organisation illégale après que ce mouvement eut lancé une campagne de recrutement. Les expulsions illégales de réfugiés, de demandeurs d’asile et de migrants se sont poursuivies ; certains auraient été victimes de sévices sexuels infligés par des membres des forces de sécurité.



Contexte
Accusés de brutalité, notamment lors des arrestations et des dispersions de manifestations, les Groupements urbains de sécurité, une unité de police de proximité forte de 5 000 membres, ont été dissous en octobre. Plusieurs personnes seraient mortes après avoir été passées à tabac par des membres de cette unité, dont Hamdi Lembarki et Adel Zayati en 2005 et Abdelghafour Haddad en 2006.
Les Sahraouis continuaient de manifester contre l’administration marocaine du Sahara occidental, sur fond d’échec persistant des tentatives visant à résoudre le conflit entre le Maroc et le Front Polisario sur le statut de ce territoire. Le Front Polisario, qui réclame la mise en place d’un État indépendant au Sahara occidental, a constitué un gouvernement en exil autoproclamé dans des camps de réfugiés du sud-ouest de l’Algérie.

Instance équité et réconciliation
En janvier, le roi Mohammed VI a prononcé un discours à l’occasion de la publication du rapport final de l’Instance équité et réconciliation (IER), qui avait terminé en novembre 2005 ses investigations sur les atteintes graves aux droits humains commises entre 1956 et 1999, et plus particulièrement sur les cas de disparition forcée et de détention arbitraire. Il a exprimé sa sympathie pour les victimes de ces agissements, sans toutefois présenter des excuses.
Le roi a chargé le Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH), un organisme national, d’assurer le suivi des travaux de l’IER. En juin, le Premier ministre, Driss Jettou, a désigné des groupes de travail composés de responsables gouvernementaux et d’anciens membres de l’IER ; ceux-ci ont été chargés d’examiner les recommandations de l’Instance, notamment en matière de réparations et de réformes législatives et institutionnelles. Le CCDH a commencé à communiquer aux victimes et à leurs familles les résultats des recherches effectuées sur 742 cas de disparition forcée que l’IER indiquait avoir élucidés. Il a poursuivi les investigations sur 66 cas en suspens. Cet organisme avait annoncé la publication à la mi-2006 d’une liste détaillée des cas de disparition forcée examinés par l’IER, mais aucune initiative n’avait été prise en ce sens à la fin de l’année. Nul progrès n’a été accompli pour permettre aux victimes d’accéder à la justice et obliger les auteurs présumés des violations à rendre compte de leurs actes, deux questions qui n’avaient pas été abordées par l’IER.

Arrestations et procès de Sahraouis
Huit défenseurs des droits humains sahraouis emprisonnés en 2005 à la suite de manifestations contre l’administration marocaine au Sahara occidental ont été libérés en mars et en avril après avoir été graciés par le roi. Quelque 70 autres personnes arrêtées en 2005 et en 2006 lors de manifestations ou à la suite de celles-ci, et qui avaient été inculpées de violences, ont également été remises en liberté. En février, le ministre de la Justice a déclaré que les défenseurs des droits humains n’avaient pas été emprisonnés en raison de leurs opinions, mais à cause de leur implication dans des actes passibles de poursuites pénales. Amnesty International considérait toutefois qu’ils étaient sans doute des prisonniers d’opinion poursuivis pour avoir dénoncé les violences commises par les forces de sécurité marocaines, et pour avoir défendu publiquement l’autodétermination pour le Sahara occidental.
Les Sahraouis ont continué de manifester contre l’administration marocaine du territoire. Plusieurs centaines de personnes auraient été interpellées. La plupart d’entre elles ont été relâchées après avoir été interrogées par la police. Une vingtaine ont par la suite été déclarées coupables d’incitation ou de participation à des violences, et condamnées à des peines allant jusqu’à six années d’emprisonnement. Au moins 10 manifestants se sont plaints d’avoir été torturés ou maltraités durant leur interrogatoire par la police. Comme les années précédentes, les défenseurs des droits humains sahraouis ont subi des intimidations de la part des forces de sécurité.
Brahim Sabbar, secrétaire général de l’Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l’homme commises par l’État du Maroc, a été condamné en juin à l’issue d’un procès inique à une peine de deux ans d’emprisonnement pour rébellion et violences à l’encontre d’un policier. En mai, son association a rendu public un rapport faisant état de plusieurs dizaines de cas récents d’arrestations arbitraires, de torture et de mauvais traitements. Brahim Sabbar et son collègue Ahmed Sbai étaient, par ailleurs, en instance de procès pour appartenance à une organisation interdite et incitation à des manifestations violentes, entre autres chefs d’inculpation. Tous deux étaient des prisonniers d’opinion probables.
Une mission du Haut-Commissariat aux droits de l’homme [ONU] s’est rendue au Sahara occidental en mai. Son rapport confidentiel, qui a été divulgué, concluait que la situation des droits humains était profondément préoccupante. Il relevait que les Sahraouis étaient privés de leur droit à l’autodétermination et que des restrictions sévères pesaient sur leurs autres droits fondamentaux, notamment le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion.

Atteintes aux droits humains dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme »
Quelque 200 militants islamistes présumés, dont au moins neuf membres de la police et de l’armée, ont été arrêtés et inculpés, entre autres, de préparation d’actes de terrorisme, d’appartenance à des groupes terroristes et d’atteinte à la sûreté de l’État. Deux d’entre eux ont été jugés et condamnés à mort ; 50 autres au moins se sont vu infliger des peines allant jusqu’à trente ans d’emprisonnement, sur la base d’une définition large et imprécise du terrorisme.
En mai, quelque 300 militants islamistes présumés, dont bon nombre avaient été reconnus coupables d’actes de terrorisme à la suite des attentats à l’explosif perpétrés à Casablanca en mai 2003, ont observé une grève de la faim durant un mois pour réclamer leur libération ou un réexamen de leur procès. Beaucoup avaient été condamnés à la suite de procès qui ne respectaient pas les normes internationales d’équité. Plusieurs dizaines d’entre eux se sont plaints d’avoir été torturés les années précédentes lors d’interrogatoires par des membres des forces de sécurité.
Quatre Marocains détenus par les États-Unis sur la base navale de Guantánamo Bay, à Cuba, ont été renvoyés au Maroc en février et en octobre. Trois ont été jugés et condamnés en novembre. L’un s’est vu infliger une peine de cinq ans d’emprisonnement pour avoir créé une « association de malfaiteurs », entre autres chefs d’inculpation, et il a été maintenu en détention. Les deux autres ont été condamnés à trois ans d’emprisonnement pour falsification de documents officiels ; ils ont été laissés en liberté en attendant qu’il soit statué sur leur appel. Le quatrième était poursuivi pour appartenance à une organisation terroriste, entre autres. Cinq autres anciens prisonniers de Guantánamo, qui avaient été renvoyés au Maroc en 2004, étaient toujours en instance de procès pour des chefs d’inculpation similaires. Les autorités ont catégoriquement nié les informations diffusées par des médias étrangers et selon lesquelles les États-Unis envisageaient de construire un centre de détention secret au Maroc.


Arrestations et procès de militants d’Al Adl wal Ihsan

Plus de 3 000 membres d’Al Adl wal Ihsan auraient été interrogés par la police après le lancement, en avril, d’une campagne de recrutement au cours de laquelle les militants ont ouvert leur maison au public afin de présenter les documents publiés par le mouvement. La grande majorité d’entre eux ont été relâchés sans inculpation. Plus de 500 auraient été inculpés de participation à des réunions ou des rassemblements non autorisés et d’appartenance à une organisation interdite.
Le domicile de Mohamed Abbadi, l’un des responsables d’Al Adl wal Ihsan, a été placé sous scellés, les autorités l’ayant accusé d’y tenir des réunions illégales. En octobre, cet homme et trois autres membres du mouvement ont été condamnés à un an d’emprisonnement pour avoir brisé les scellés ; ils ont été laissés en liberté en attendant qu’il soit statué sur leur appel.
D’autres membres du groupe ont fait l’objet de poursuites et ont été condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis ou à des amendes ; certains étaient en instance de procès fin 2006.
Le procès de Nadia Yassine, porte-parole d’Al Adl wal Ihsan, n’était pas terminé à la fin de l’année. Elle avait affirmé en 2005, dans un entretien avec le magazine Al Ousbouiya al Jadida, que le régime monarchique ne convenait pas au Maroc. Elle a été inculpée, de même que deux journalistes travaillant pour cet hebdomadaire, de diffamation envers la monarchie.

Réfugiés et migrants
En juillet, trois migrants sont morts en tentant d’escalader la clôture qui sépare le Maroc de l’enclave espagnole de Melilla. L’un d’entre eux, tombé du côté espagnol de la frontière, aurait succombé à des blessures par balles. Les deux autres seraient morts après être tombés du côté marocain. Des témoins ont affirmé que les forces de sécurité marocaines avaient tiré en direction des migrants. Les conclusions des enquêtes officielles sur les circonstances de la mort, en 2005, de migrants à proximité de la frontière entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla n’ont pas été rendues publiques.
Des milliers d’étrangers soupçonnés d’être des migrants clandestins, dont des mineurs, ont été interpellés par les autorités marocaines et expulsés vers l’Algérie et, dans une moindre mesure, vers la Mauritanie. Selon certaines informations, plusieurs dizaines des personnes expulsées étaient des réfugiés ou des demandeurs d’asile. Les étrangers étaient généralement expulsés peu après leur interpellation sans pouvoir interjeter appel de la décision d’expulsion, ni faire examiner les éléments sur la base desquels cette décision avait été prise, alors que ces droits sont garantis par la législation marocaine. Ils étaient souvent abandonnés avec des quantités insuffisantes d’eau et de nourriture. En août, un homme serait mort de déshydratation ; il appartenait à un groupe de 53 personnes abandonnées sans eau ni nourriture à la frontière entre le Sahara occidental et la Mauritanie.
À la fin du mois de décembre, après plusieurs descentes de police dans diverses villes du Maroc, des centaines d’étrangers ont été arrêtés et renvoyés vers la frontière algérienne. Parmi eux figuraient au moins 10 réfugiés reconnus et 60 demandeurs d’asile enregistrés auprès du bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Rabat. Plusieurs migrants expulsés ont affirmé que des membres des forces de sécurité algériennes et marocaines leur avaient infligé des sévices sexuels ou avaient dérobé leurs effets personnels.

Droits des femmes
Le ministère de la Justice a annoncé, en juin, que le Maroc envisageait de lever les réserves formulées lors de la ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a examiné en mai le rapport présenté par le Maroc. Tout en se félicitant des récentes réformes législatives visant à améliorer la condition des femmes, le Comité a déploré que « certaines dispositions discriminatoires persistent dans la législation marocaine, particulièrement en matière de succession et en matière pénale ». Il a reconnu les efforts accomplis par le Maroc pour combattre la violence domestique, mais a noté avec préoccupation que le Code pénal ne contenait aucune disposition spécifique qui érige cette forme de violence en infraction pénale.

Camps du Front Polisario
En mai, une mission du Haut-Commissariat aux droits de l’homme [ONU] s’est rendue dans les camps de réfugiés de Tindouf (sud-ouest de l’Algérie). Dans un rapport confidentiel qui a été divulgué, elle recommandait une surveillance plus étroite de la situation des droits humains dans les camps.
Les responsables d’atteintes aux droits humains commises les années précédentes continuaient de jouir de l’impunité. Le Front Polisario n’a pris aucune mesure pour remédier à cette situation.

Visites d’Amnesty International
Un délégué d’Amnesty International s’est rendu au Maroc en juillet pour participer à une conférence sur la justice de transition qui s’est tenue à Rabat. Il a également rencontré des membres d’organisations locales de défense des droits humains.

Autres documents d’Amnesty International

 Espagne / Maroc. Un an après Ceuta et Melilla, les droits des migrants sont toujours en danger (EUR 41/009/2006).

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