Amérique - Mise à jour régionale

Les événements nouveaux survenus entre janvier et avril 2008

Deux régimes installés depuis longtemps ont subi des changements de taille au cours des quatre premiers mois de l’année 2008, ce qui a laissé entrevoir des perspectives d’amélioration de la situation des droits humains dans ces pays. Cela étant, de nombreuses atteintes à ces droits ont encore été commises, et notamment des actes de torture, des disparitions forcées et des discriminations. Certaines mesures législatives adoptées dans la région risquaient, semble-t-il, de menacer les droits sexuels et reproductifs déjà fragiles accordés aux femmes, et pour bon nombre de personnes la vie quotidienne se trouvait prise dans un cycle de pauvreté et de violence.

Changements de pouvoir
En février, Raúl Castro a officiellement remplacé son frère Fidel à la tête de Cuba. Presque aussitôt il a signé deux importants traités internationaux relatifs aux droits humains : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui comprend le droit à la liberté d’association, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Quatre prisonniers d’opinion ont été remis en liberté en février.

Au Paraguay, l’ancien évêque catholique Fernando Lugo a été élu à la présidence en avril, mettant ainsi fin à plus de soixante années de gouvernement du Parti Colorado. Il assumera ces fonctions à compter du mois d’août. Fernando Lugo a promis de mettre fin à l’impunité pour les atteintes aux droits humains et les discriminations dont ont souffert les communautés indigènes du Paraguay dans le passé.

En Bolivie, la décision du gouvernement régional de Santa Cruz d’organiser en mai un référendum sur l’autonomie du département a exacerbé les tensions : aussi bien le congrès national que la cour électorale avaient refusé d’autoriser le scrutin.

Droits économiques, sociaux et culturels
La hausse brutale des prix mondiaux des produits alimentaires a eu des effets particulièrement déstabilisateurs en Haïti, où des émeutes provoquées par la faim ont abouti à la démission, en avril, du Premier ministre. Des manifestations, des émeutes et des scènes de pillage ont eu lieu dans tout le pays, faisant six morts.

Au Brésil, tandis que le gouvernement fédéral annonçait que certains territoires contestés seraient reconnus comme appartenant aux indigènes, des autochtones ont continué à subir des menaces physiques et à souffrir de la misère sociale.

Des personnes en ligne de mire
À Rio de Janeiro (Brésil), des opérations de police ont cette année encore fait de nombreux morts. Le 24 avril, des membres du Bataillon des opérations spéciales (BOPE), une unité d’élite de la police militaire de Rio de Janeiro, a tué 11 personnes, dont une femme de soixante-dix ans, lors d’une opération dans la communauté de Cidade de Deus.

Le 30 mars, deux hommes masqués ont tué un militant des droits fonciers, Eli Dallemole, dans sa maison à Ortigueira (État du Paraná). Cet homicide s’inscrivait dans une série d’agressions violentes, de menaces et d’homicides perpétrés dans cet État par des hommes de main et des miliciens armés contre des défenseurs des droits fonciers.

Des civils ont continué à souffrir du conflit qui sévit depuis plusieurs décennies en Colombie et dont la solution semblait toujours aussi lointaine. Bien que les FARC aient relâché un certain nombre d’otages de premier plan qu’ils retenaient en captivité depuis plus de six ans, dont Consuelo González, ancienne sénatrice, et Clara Rojas, assistante de la candidate à la présidence Ingrid Betancourt, cette dernière était toujours captive, tout comme plusieurs centaines d’autres otages.

En raison de l’augmentation des exécutions extrajudiciaires présumées commises par des militaires et des violences contre des syndicalistes, le Congrès des États-Unis a interrompu en avril les délibérations sur la ratification d’un accord de libre-échange avec la Colombie.

La sécurité publique était toujours un grand sujet de préoccupation dans de nombreux pays. Au Mexique, 863 homicides ont été enregistrés au cours des trois premiers mois de l’année, soit une hausse de 71 p. cent par rapport à l’année précédente. À la Jamaïque, selon les médias il y aurait eu 489 meurtres au cours des quatre premiers mois de l’année.


« Guerre contre le terrorisme »

Quelque 270 personnes sont actuellement détenues à Guantánamo Bay. Neuf ont été libérées de ce centre de détention le 1er mai. Parmi elles figurent Sami al-Hajj, un caméraman de la chaîne de télévision Al Jazira. Muhammad Rahim al-Afghani, en détention secrète entre les mains de la CIA, a été transféré à Guantánamo en mars. Sept détenus dits de « grande valeur » ont été inculpés. Six d’entre eux ont subi une disparition forcée et ont peut-être torturés dans le cadre du programme de détention secrète de la CIA. Le septième a subi des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements à Guantánamo, victime de la procédure d’« interrogatoire spécial » autorisée par Donald Rumsfeld. Des commissions militaires ont continué à siéger pour examiner le cas de plusieurs des huit autres inculpés de Guantánamo, dont le Canadien Omar Khadr (qui avait quinze ans lors de son interpellation) et Mohammed Jawad (qui en avait seize ou dix-sept). Amnesty International a continué à assister à des audiences de ces commissions à Guantánamo.

En février, le directeur de la CIA a reconnu qu’en 2002 et 2003 trois personnes en détention secrète avaient été soumises au « waterboarding », ou simulacre de noyade. Les autorités déclarent à tort que l’utilisation de cette méthode était légale et refusent d’en écarter l’usage à l’avenir, au motif qu’il pourrait s’avérer nécessaire selon les « circonstances ». Le procureur général a refusé d’ouvrir une enquête judiciaire, arguant que la technique avait été approuvée, notamment, par des juristes du ministère de la Justice.

Peine de mort
Le 6 mai, dans l’État de Géorgie, William Lynd a été la première personne à être exécutée aux États-Unis après que la Cour suprême eut confirmé que la méthode d’injection létale utilisée au Kentucky était conforme à la Constitution. Cet arrêt mettait fin au moratoire de facto sur les exécutions en vigueur depuis six mois. Des dates d’exécution ont été fixées dans un certain nombre d’autres États. Ainsi, Levar Walton, un détenu atteint d’un handicap mental grave, doit être exécuté en juin en Virginie. Au Texas, José Medellín doit subir le même sort en août. Il figure parmi la cinquantaine de Mexicains condamnés à mort aux États-Unis et dont il est question dans une action que le Mexique a intentée contre les États-Unis devant la Cour internationale de justice. L’action, dans laquelle le Mexique a eu gain de cause, portait sur le non-respect des droits consulaires des étrangers condamnés à la peine capitale. La date de l’exécution de José Medellín a été fixée après que la Cour suprême, dans un arrêt du mois de mars, eut transmis l’affaire aux autres instances gouvernementales afin de s’assurer, comme l’exige la CIJ, que les étrangers se trouvant dans cette situation bénéficient de toutes les voies de recours possibles.
En février, le Congrès du Guatémala a proposé un décret qui aurait pu aboutir à une reprise des exécutions. Le président Álvaro Colom a opposé son veto au décret, qui n’a pas été approuvé par le Congrès.

En avril, Raúl Castro, président de Cuba, a annoncé que la quasi-totalité des condamnations à mort devaient être commuées en peines de réclusion allant de trente ans à la perpétuité. Trois personnes inculpées d’infractions liées au terrorisme demeuraient sous le coup d’une condamnation à mort.

Violences contre les femmes
À partir du mois d’avril, au cours d’audiences publiques qui se tiendront à la Cour suprême du Mexique, on pourra assister à des exposés sur le recours en inconstitutionnalité intenté contre la loi de 2007 du District fédéral dépénalisant l’avortement jusqu’à la douzième semaine de grossesse. Toujours au Mexique, au moins 17 femmes et jeunes filles ont été assassinées dans les villes de Ciudad Juarez et Chihuahua au cours des quatre premiers mois de l’année. Deux autres jeunes filles étaient toujours portées disparues avoir été, semble-t-il, enlevées.

En février, plusieurs centaines de femmes et de jeunes filles auraient été violées par des bandes d’hommes armés au cours du carnaval d’Haïti.


Justice et impunité

En mars, le Congrès mexicain a approuvé d’importantes modifications constitutionnelles qui entraîneront des changements au sein du système judiciaire, mais il a abandonné les propositions visant à accorder à la police des pouvoirs constitutionnels aux termes desquels les policiers pourraient pénétrer sans mandat chez les particuliers. De nouveaux cas d’exécution illégale, de détention arbitraire, de perquisitions domiciliaires illégales, de torture et d’autres formes de mauvais traitements ont été signalés à la suite d’opérations militaires et de police. La police fédérale enquêtait sur plusieurs agents de la police judiciaire d’Oaxaca ainsi que sur un parent du gouverneur au sujet de leur implication présumée dans la disparition forcée, en 2007, de deux membres d’un groupe armé d’opposition.

Toujours en mars, des mandats d’arrêt ont été décernés à l’encontre de 15 membres de l’armée colombienne pour leur rôle présumé dans la mort de huit personnes de la communauté de paix San José de Apartadó en février 2005. Six des 15 militaires ont été inculpés en avril. La plupart des 170 meurtres d’habitants de ces communautés demeuraient impunis.

Au Pérou, un ancien directeur du Service national du renseignement sous la présidence d’Alberto Fujimori, ainsi que trois membres d’un « escadron de la mort » de l’armée, ont été condamnés en avril à des peines allant jusqu’à trente-cinq années d’emprisonnement pour le meurtre de neuf étudiants et d’un professeur à l’université de La Cantuta, en 1992.

En Argentine, un nouveau mandat d’arrêt a été décerné contre Jorge Rafael Videla pour sa participation présumée dans 570 cas de disparition forcée, 270 affaires de torture et 29 exécutions extrajudiciaires.

Et en février, au Guatémala, le président Colom a annoncé que toutes les archives militaires concernant le conflit armé interne seraient mises à la disposition du public. Cette mesure très positive était attendue depuis très longtemps.

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