Haïti

Bien que la stabilité politique et la sécurité se soient améliorées pendant la plus grande partie de l’année, la situation des droits humains est restée très critique, dans la mesure où l’impunité était quasiment la règle et où la majorité de la population ne pouvait pas jouir de ses droits économiques et sociaux fondamentaux. La violence contre les femmes et l’impossibilité pour les victimes d’aller en justice et de bénéficier de services d’aide, en particulier dans les zones rurales, demeuraient de sérieux problèmes. Cette année encore, des journalistes ont été menacés et tués. Des milliers de personnes ont été maintenues en détention sans inculpation ni jugement, dans des établissements surpeuplés. Au moins 175 000 enfants travaillaient toujours comme domestiques dans des conditions proches de l’asservissement. Près de 500 000 jeunes n’étaient pas scolarisés.

Contexte
Les violences politiques sont demeurées relativement rares, mais le taux élevé de chômage, la pauvreté massive et le trafic de drogue ont alimenté l’agitation sociale et la violence.
Durant toute l’année, la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) a mené des opérations militaires musclées pour démanteler des bandes armées opérant dans de grandes villes du pays. Plus de 800 membres présumés de ces gangs ont été interpellés. Le Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé le mandat de la MINUSTAH jusqu’en octobre 2008. Des programmes de réduction de la violence ont été lancés dans des zones très touchées par la violence armée, mais il n’a pas été possible d’obtenir des progrès vraiment durables en matière de sécurité car les pouvoirs publics ont échoué à protéger et mettre en œuvre les droits économiques et sociaux fondamentaux de la population. Le désarmement s’est poursuivi, mais à un rythme très lent.
En avril, des élections municipales et locales sont venues clore le processus en trois étapes de désignation de représentants à tous les niveaux du pouvoir. En revanche, les élections de décembre visant à renouveler un tiers du Sénat ont été repoussées.
Le Parlement a ratifié le traité d’adhésion à la Communauté des Caraïbes (CARICOM), le marché unique des Caraïbes.


Violences contre les femmes, les jeunes filles et les fillettes

Les femmes, les jeunes filles et les fillettes ont cette année encore été la cible de discriminations et de violences, que ce soit dans la sphère publique ou privée. L’absence d’accès à la justice ne faisait qu’aggraver le problème. Les violences sexistes n’étaient pas systématiquement signalées par les victimes, qui craignaient notamment de subir des représailles et d’être montrées du doigt. Le manque de structures d’accueil et d’autres services d’aide avait également un effet dissuasif.
Les jeunes filles étaient plus particulièrement exposées au risque de violences ou de harcèlement sexuels. D’après les chiffres fournis par les ONG, le nombre de viols signalés a augmenté par rapport aux années précédentes et la moitié des victimes avaient moins de dix-sept ans.
Le système judiciaire ne proposait pas de voies de recours efficaces aux personnes ayant subi un viol ou des violences familiales. En zone rurale, selon certaines informations, les autorités judiciaires incitaient parfois très fortement les victimes de viol à accepter un dédommagement financier de la part de leur agresseur plutôt que d’engager des poursuites au pénal.
Accusés d’exploitation et d’abus sexuels sur des femmes et des jeunes filles haïtiennes, 108 Sri-Lankais membres des forces de maintien de la paix de l’ONU ont été renvoyés dans leur pays en novembre.


Système judiciaire

Parmi les initiatives visant à renforcer le système judiciaire figurait l’adoption d’une loi sur le statut des magistrats et d’une autre sur le Conseil supérieur qui les supervise, deux instruments destinés à accroître l’indépendance du pouvoir judiciaire. Néanmoins, en raison de carences structurelles et institutionnelles, aggravées par la corruption et le manque de moyens, des violations des droits humains ont continué d’être perpétrées au sein même du système judiciaire.
Les normes internationales relatives aux droits humains ont encore été transgressées, rien ou presque n’ayant été entrepris pour remédier au problème des maintiens prolongés en détention provisoire. Seulement 16 p. cent de la population carcérale – et 5 p. cent des détenus mineurs – avaient été jugés. Dans d’autres cas, des condamnés qui avaient purgé leur peine étaient toujours détenus.
Le président de la Commission interaméricaine des droits de l’homme et rapporteur sur les droits des personnes privées de liberté dans les Amériques a noté que certaines personnes avaient été appréhendées sans mandat par des agents de la MINUSTAH, ou avaient fait l’objet d’arrestations collectives, au mépris des règles de procédure les plus élémentaires et des normes internationales relatives aux droits humains.

Impunité
Les pouvoirs publics n’ont guère progressé dans les enquêtes sur les violations des droits humains commises dans le passé.

Liberté d’expression – journalistes
Des individus soupçonnés d’agir pour le compte de tiers ayant, dans le passé, perpétré des atteintes aux droits humains ou d’autres crimes ont menacé et agressé des journalistes. À la fin de l’année, au moins neuf affaires de journalistes assassinés depuis 2000 attendaient toujours d’être élucidées.
En août, cependant, la Commission indépendante d’appui aux enquêtes relatives aux assassinats de journalistes (CIAPEAJ) a été créée, à l’initiative conjointe du président haïtien et de SOS Journalistes, une ONG de défense des droits des journalistes.
 ?En mars, Robenson Casseus, un journaliste travaillant pour Radio Nouvelle Génération, a reçu des menaces de mort anonymes par téléphone après avoir refusé de se prononcer dans ses émissions en faveur d’un parti d’opposition. Il a été roué de coups et sa maison a été incendiée et détruite.
 ?En décembre, deux hommes ont été déclarés coupables, par une juridiction pénale, du meurtre du journaliste Brignol Lindor, tué en 2001. Néanmoins, l’identité des commanditaires du meurtre n’était toujours pas connue à la fin de l’année.


Défenseurs des droits humains

Cette année encore, des militants et des défenseurs des droits humains ont été menacés par des agents de l’État ou des particuliers. Des cas d’enlèvements motivés de toute évidence par des considérations politiques ont été signalés.
 ?En octobre, Dérilus Mérilus et Sanièce Petitphat, deux membres du Comité des droits humains de Savanette qui avaient aidé une victime de viol à porter plainte, ont été menacés de mort par des proches de l’agresseur présumé.
 ?Lovinsky Pierre-Antoine, le responsable de la Fondation Trente Septembre, a été enlevé en août. On ignorait tout de son sort à la fin de l’année. Il avait œuvré pour que cesse l’impunité des crimes passés et pour que les personnes dont les droits fondamentaux ont été bafoués pendant le régime militaire (1991-1994) obtiennent réparation.


Droits des enfants

La pauvreté, la violence et le niveau élevé des frais de scolarité étaient autant d’obstacles à l’accès des enfants à l’éducation. L’UNICEF a estimé que près de 500 000 enfants haïtiens n’étaient pas scolarisés.
Bien qu’interdits à l’école, des châtiments corporels ont encore été signalés cette année.
Selon les informations d’associations de femmes et d’organisations médicales, près de la moitié des affaires de viol et de sévices sexuels concernaient des jeunes filles de moins de dix-sept ans.
Un grand nombre d’enfants – 175 000, peut-être – travaillaient comme domestiques ; la plupart n’étaient pas scolarisés et beaucoup étaient, selon les informations recueillies, soumis à des sévices et des châtiments corporels.
Des enfants de moins de dix ans ont été placés en détention dans des établissements pénitentiaires, en violation du droit national haïtien et des normes internationales.
Plusieurs cas d’orphelins placés en institution qui ont été victimes de sévices sexuels ou ont fait l’objet d’une traite d’enfants ont été signalés.

Visites d’Amnesty International
Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Haïti au mois de mars, ainsi qu’en septembre et octobre.


Autres documents d’Amnesty International

  • Haïti : il ne saurait y avoir de liberté d’expression tant que justice n’aura pas été rendue aux journalistes assassinés. Cas d’appel (AMR 36/004/2007).
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