Philippines

Les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées n’ont pas cessé, même si le nombre des homicides signalés était en baisse par rapport à 2006. Le lien entre l’armée et un certain nombre de meurtres à caractère politique a été confirmé par plusieurs organismes internationaux et nationaux. Le renforcement des pouvoirs des forces armées et de la police, en vertu d’une loi antiterroriste, a suscité une vive opposition. Des progrès ont été enregistrés dans les négociations entre le gouvernement et les séparatistes musulmans. Les pourparlers engagés avec les communistes du Front démocratique national (NDF) étaient en revanche toujours dans l’impasse.


Homicides à caractère politique et disparitions forcées

À en juger par les informations, souvent contradictoires, dont on disposait, au moins 33 personnes auraient été victimes d’assassinats politiques (ce qui constituait une légère baisse par rapport à l’année précédente). Un certain nombre de disparitions forcées ont également été signalées.
 ?Siche Bustamante Gandinao, qui était membre du parti de gauche Bayan Muna (Le Peuple d’abord) et de l’Association des paysans de la province de Misamis-Est, a été tuée le 10 mars. Elle avait témoigné devant le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, pour dénoncer le meurtre de son beau-père, Dalmacio Gandinao, qui faisait lui aussi partie de Bayan Muna. Comme ce dernier, Siche Gandinao militait contre les violations des droits humains perpétrées par l’armée contre les habitants de son village soupçonnés d’être des insurgés ou de soutenir la rébellion.
 ?Nilo Arado et Luisa Posa-Dominado ont été enlevés en avril, après que leur camion eut été arrêté par des hommes en treillis militaire. Jose Garachico, qui se trouvait avec eux, a été blessé par balle et abandonné sur la chaussée, tandis que les ravisseurs repartaient avec leurs victimes à bord du véhicule.
La carcasse calcinée de celui-ci a été retrouvée le lendemain, mais aucune trace de Nilo Arado ni de Luisa Posa-Dominado n’a été relevée. Les officiers cités dans plusieurs demandes d’habeas corpus ne se sont présentés à aucune des trois audiences qui ont été organisées.
Au mois de février, une Commission d’enquête présidée par un ancien juge de la Cour suprême, José Melo, a rendu son rapport sur un certain nombre d’homicides politiques. Elle concluait à l’existence de preuves indirectes impliquant un groupe de militaires dans ces homicides. La Commission indiquait que d’autres éléments étaient nécessaires à l’ouverture de poursuites pénales – en particulier des témoignages et la collaboration d’organisations de militants. Elle estimait cependant que, en vertu du principe de la responsabilité de la hiérarchie, certains officiers supérieurs pouvaient être d’ores et déjà tenus pour responsables de ne pas avoir cherché à empêcher, punir ou condamner les homicides perpétrés.
L’inquiétude de l’opinion publique concernant les homicides politiques et les disparitions s’est amplifiée en 2007. La Cour suprême a organisé en juillet une rencontre avec le gouvernement et des acteurs de la société civile. Les recommandations formulées à l’issue de cette réunion portaient notamment sur la nécessité de modifier la Loi relative à l’habeas corpus, afin de permettre aux tribunaux d’autoriser les familles ou les requérants à se rendre dans les centres où pourraient être détenues les personnes dont on était sans nouvelles. Au mois de septembre, la Cour suprême a rendu un arrêt sur le recours en amparo, autorisant les tribunaux à ordonner la protection temporaire, l’examen ou la soumission de documents, ainsi que la comparution de témoins, lorsque la vie, la liberté ou la sécurité d’une personne ont été violés ou sont menacés. Plusieurs organisations de défense des droits humains ont ensuite fait usage de cette procédure dans des affaires de disparition forcée. Le 26 décembre, la Cour d’appel a reconnu dans l’une de ses décisions la responsabilité du général Jovito Palparan et de plusieurs autres membres de l’armée dans l’enlèvement et la disparition de Raymond et Reynaldo Manalo, en 2006.
Dans un rapport publié au mois de novembre, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires reprochait aux institutions de l’État, et en particulier à l’armée, la persistance du phénomène des exécutions extrajudiciaires. Le rapporteur soulignait les causes fondamentales de l’échec de l’appareil judiciaire dans la lutte contre l’impunité et de son incapacité à mettre un terme à des stratégies anti-insurrectionnelles de l’armée visant de plus en plus des organisations de la société civile, considérées comme servant de couvertures à la rébellion communiste. Il recommandait notamment de faire en sorte que les responsables militaires aient à rendre des comptes, de réformer le programme de protection des témoins, de veiller à ce que les droits humains soient respectés dans le cadre du processus de paix, de permettre au Parlement d’exercer une surveillance effective de l’ensemble des organismes chargés de la sécurité, et de prier la Cour suprême de prendre toutes les mesures possibles pour que des poursuites soient réellement engagées et aboutissent.
Les responsables présumés d’homicides politiques et de disparitions étaient rarement inquiétés par la justice. Au mois de mai, deux militaires ont toutefois été inculpés du meurtre du pasteur Isaias Santa Rosa, commis en 2006 à Daraga, dans la province d’Albay. Les poursuites ont été abandonnées peu après, faute de preuves.

Arrestations et détentions arbitraires
Des militants et des responsables politiques ont, cette année encore, été arrêtés ou soumis à d’autres formes de harcèlement. Les poursuites engagées contre Satur Ocampo, Crispin Beltran et quatre autres parlementaires de l’opposition ont été abandonnées au lendemain de la visite aux Philippines d’une délégation de l’Union interparlementaire, venue enquêter en avril sur les arrestations à mobile politique.
 ?Satur Ocampo, élu au Parlement du parti Bayan Muna, dont il est le cofondateur, a passé dix-neuf jours en détention. Il était accusé de meurtre pour des faits commis à l’époque du président Marcos, lorsqu’il faisait partie de l’opposition de gauche. Il a été libéré sous caution le 3 avril.
 ?Crispin Beltran, parlementaire du parti Anakpawis (Les Masses laborieuses), a lui aussi été remis en liberté au mois d’avril. Il avait été interpellé en février 2006 pour rébellion, sur la foi d’éléments forgés de toutes pièces.

Mesures législatives
Adoptée en juillet, la Loi sur la sécurité des personnes permet le placement des suspects en garde à vue pour une durée de soixante-douze heures, sans mandat ni inculpation, ainsi que leur mise sous surveillance et la saisie de leurs biens. Selon le gouvernement, cette loi était censée répondre à la situation dans le sud du pays, où un conflit continuait d’opposer les forces régulières à des groupes armés, en premier lieu au groupe séparatiste musulman Abu Sayaff, qui se livrait à des enlèvements et à des meurtres de civils.
Cette loi a suscité une large opposition et a notamment donné lieu à une pétition signée, entre autres, par des anciens sénateurs, des membres de la Chambre des représentants et l’association du Barreau intégré des Philippines. Certains craignaient en effet que cette nouvelle disposition ne soit utilisée pour réprimer l’expression légitime d’idées politiques d’opposition.

Groupes armés
Les discussions entre le gouvernement et les séparatistes du Front de libération islamique moro (MILF) ont repris, après de nombreux reports, mais elles avançaient lentement, en raison de la persistance du désaccord sur la définition de ce qui constituait les terres dites ancestrales au sein des régions autonomes à majorité musulmane du sud du pays. Les négociations se sont également poursuivies concernant le partage des revenus des richesses minières, des forêts et de l’agriculture de la région.
 ?L’arrestation au mois d’août de Jose Maria Sison, fondateur et ancien dirigeant du Parti communiste des Philippines (CPP), qui vivait en exil aux Pays-Bas, menaçait d’interrompre définitivement les pourparlers de paix engagés entre le gouvernement et le NDF. Jose Maria Sison a été inculpé d’avoir ordonné l’assassinat, en 2003 et 2004 aux Philippines, de deux anciens membres de la Nouvelle Armée du peuple (NPA), le bras armé du CPP. Il a été remis en liberté au mois de septembre, une juge néerlandaise ayant estimé que les preuves qui l’accablaient étaient insuffisantes.


Autres documents d’Amnesty International

  • Philippines. Toutes les parties concernées doivent réagir avant les élections contre les homicides à caractère politique (ASA 35/001/2007).
  • Philippines. Craintes de disparition forcée / Craintes pour la sécurité. Ruel Munasque (ASA 35/003/2007).
  • Philippines. Il faut enquêter sur les allégations d’atteintes aux droits humains et protéger les frères Manalo (ASA 35/004/2007).
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