Afghanistan

L’escalade du conflit et l’insécurité croissante qui affectaient une grande partie du pays et qui ont été aggravées par la sécheresse et les inondations ont entraîné des déplacements forcés de population de grande ampleur tout au long de l’année. Au moins 6 500 personnes ont trouvé la mort dans le cadre du conflit. Des atteintes au droit international humanitaire et au droit international relatif aux droits humains ont été commises en toute impunité par toutes les parties au conflit, tant les forces de sécurité afghanes et internationales que les insurgés. Tous les acteurs en présence ont mené des attaques sans discrimination ; citons notamment les frappes aériennes de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) et de l’opération Liberté immuable sous commandement américain, ainsi que les attentats-suicides imputables aux groupes armés. Selon le Bureau de sécurité des ONG en Afghanistan (ANSO), quelque 2 000 civils non combattants ont trouvé la mort ; plus du quart des victimes ont été tuées par les forces internationales et un peu moins de la moitié par les insurgés. Les droits à l’éducation, à la santé et à la liberté d’expression étaient violés, tout particulièrement dans le cas des femmes. Des défenseurs des droits humains et des journalistes, dont de nombreuses femmes, ont été menacés, agressés, incarcérés, voire tués. La réforme des services de l’État, notamment la police et les services de renseignement, progressait lentement. Les responsables gouvernementaux et les dirigeants locaux n’ont pas été amenés à rendre compte d’atteintes aux droits humains signalées. Quant aux possibilités d’accès à la justice, elles étaient limitées, voire inexistantes dans de nombreuses régions.

Contexte
Le gouvernement afghan a poursuivi la mise en œuvre du Pacte pour l’Afghanistan conclu en 2006 avec ses partenaires internationaux, qui porte sur le développement, la sécurité et la gouvernance. Les effectifs des forces internationales, comprenant l’opération Liberté immuable et la FIAS, ont été portés à 49 000 au moins.
L’insurrection a gagné en intensité. Les talibans et d’autres groupes armés ont pris temporairement le contrôle d’un certain nombre de districts, surtout dans le sud du pays, et se sont régulièrement heurtés aux forces afghanes et internationales.
Le gouvernement afghan a rejeté les demandes des talibans qui réclamaient un retrait des forces internationales. Les tentatives en vue de faciliter le dialogue entre les parties en présence ont été plus nombreuses. Par ailleurs, les efforts visant à encourager une solution régionale du conflit ont débouché sur une jirga (assemblée tribale) de paix, qui s’est tenue en août et a rassemblé des participants afghans et pakistanais.

Violations des droits humains imputables au gouvernement afghan
Système judiciaire
En juin, une conférence internationale a mis en lumière les carences graves et systématiques dans le fonctionnement de la justice afghane – au niveau du ministère de la Justice, des tribunaux, des prisons, de la police, de l’armée et de la Direction nationale de la sécurité (DNS, l’agence du renseignement afghane) – en dépit de l’aide internationale consacrée depuis plusieurs années à la réforme de ces institutions.
La mission de la DNS restait peu claire, le décret présidentiel qui précise ses pouvoirs étant toujours classé confidentiel. Dans la pratique, elle semblait disposer d’un mandat étendu lui permettant d’arrêter et d’interroger les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes contre la sécurité nationale, d’enquêter sur elles, de les poursuivre et de les condamner.
L’absence de séparation entre ces diverses fonctions violait le droit des suspects à un procès équitable, favorisait l’impunité des auteurs de violations des droits humains et portait atteinte à l’état de droit. Des informations persistantes ont fait état d’actes de torture et de mauvais traitements infligés aux détenus par des agents de la DNS.
D’autres lacunes graves continuaient d’entraver le fonctionnement efficace de la justice : un personnel judiciaire non qualifié, une force de police mal formée et mal payée, une justice dont l’indépendance était menacée par les pressions des groupes armés, ainsi qu’une procédure judiciaire inéquitable, caractérisée par la violation du droit de faire citer des témoins et de les interroger et le déni du droit des accusés à bénéficier de l’assistance d’un avocat et à avoir l’accès à l’information. Le manque de confiance dans la justice officielle et la difficulté à y accéder entraînait le recours à des systèmes informels, particulièrement dans les zones rurales où plus de 80 p. cent des affaires étaient, semble-t-il, résolues par des mécanismes parallèles.
Impunité
Le climat d’impunité persistante a été renforcé par l’adoption, en février, d’un projet de loi d’amnistie qui a délié le gouvernement de toute responsabilité de traduire en justice les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains et de crimes relevant du droit international commis dans le passé, notamment de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. En décembre, le président Karzaï a indiqué que son gouvernement n’avait pas encore les moyens d’arrêter bon nombre des responsables d’atteintes passées et présentes aux droits humains, ni d’engager des poursuites à leur encontre. Parmi les personnes accusées de tels agissements figuraient des membres du Parlement ainsi que des responsables de l’administration provinciale.
Aucun progrès n’a été accompli dans la mise en œuvre du Plan d’action pour la paix, la réconciliation et la justice lancé en février 2006.

Peine de mort
Quinze personnes ont été exécutées en octobre. Il s’agissait des premières exécutions depuis trois ans. Un condamné aurait réussi à échapper à la mise à mort en versant un pot-de-vin ; les 15 suppliciés ont été passés par les armes alors qu’ils essayaient de s’enfuir. Des détenus de la prison de Pul-e Charkhi ont immédiatement entamé une grève de la faim qui a duré dix jours. Ils ont affirmé que les suppliciés n’avaient pas bénéficié de procès équitables et transparents et que certains avaient été exécutés pour des motifs politiques.
À la connaissance d’Amnesty International, entre 70 et 110 personnes étaient sous le coup d’une condamnation à mort.

Violations des droits humains imputables aux forces internationales
Homicides de civils
Plusieurs centaines de civils auraient été tués lors d’opérations menées par les forces internationales. Certains ont probablement été victimes d’attaques aveugles au cours de raids aériens, entre autres opérations qui pouvaient constituer une violation du droit international humanitaire. À la mi-2007, à la suite de plusieurs cas très médiatisés dans lesquels des civils avaient été tués par les forces internationales, les forces de la FIAS ont adopté de nouvelles consignes d’ouverture du feu. On ignorait l’impact de cette initiative. Des informations faisaient toutefois régulièrement état de pertes civiles disproportionnées au cours des opérations militaires des forces étrangères.
 ?Le 4 mars, à la suite d’un attentat-suicide contre un convoi américain sur la route de Djalalabad (province du Nangarhar), des soldats américains ont ouvert le feu au hasard le long d’un tronçon de 12 kilomètres ; au moins 12 civils ont été tués et 35 autres personnes blessées. L’enquête effectuée par la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan a conclu que les troupes américaines avaient eu recours à la force de manière excessive et sans discrimination. L’armée des États-Unis a soumis cette affaire au service des enquêtes criminelles de la marine, en invoquant la nécessité de mener des investigations complémentaires.
Torture et autres formes de mauvais traitements
Les forces de la FIAS continuaient de transférer des détenus à la DNS malgré les informations faisant état de torture et de mauvais traitements infligés par des agents de ce service. Les forces internationales ne surveillaient pas toujours le sort des détenus après leur transfert.
Par ailleurs, les troupes participant à l’opération Liberté immuable, sous commandement américain, continuaient de remettre des détenus à la DNS ou de les transférer dans des centres de détention gérés par les États-Unis, notamment la base aérienne de Bagram, à proximité de Kaboul. Les autorités américaines ont transféré plus d’une centaine de prisonniers de Bagram et de Guantánamo dans le bloc D rénové de la prison de haute sécurité de Pul-e Charkhi, à la périphérie de Kaboul. On ne savait pas exactement quelle autorité avait la responsabilité du bloc D. Environ 600 prisonniers étaient, semble-t-il, toujours incarcérés à Bagram à la fin de l’année.


Exactions imputables aux groupes armés

Enlèvements et homicides
Des groupes armés, parmi lesquels figuraient les talibans, le Hezb-e Islami (Parti de l’islam) et Al Qaïda, prenaient délibérément les civils pour cible dans le cadre du conflit les opposant au gouvernement afghan et aux forces internationales. Ils ont notamment tué des personnes qui, supposaient-ils, travaillaient pour le gouvernement afghan ou les forces étrangères, ou bien collaboraient avec eux. Affirmant que les enlèvements étaient une « bonne tactique », Mullah Dadullah, un commandant des talibans, a encouragé les combattants à recourir davantage à cette méthode. Les enlèvements ont connu une forte augmentation dans le sud et le sud-est du pays.
 ?Le 24 juillet, quatre employés d’un tribunal provincial ont été enlevés par les talibans alors qu’ils se déplaçaient dans le district d’Andar (province de Ghazni). Leurs corps ont été retrouvés par la suite par les autorités afghanes.
 ?Le 19 juillet, 23 Sud-Coréens ont été enlevés par les talibans alors qu’ils se déplaçaient dans la province de Ghazni. Deux d’entre eux ont été tués, tandis que les autres étaient relâchés après six semaines de captivité.
 ?Le 18 juillet, cinq Afghans et deux Allemands ont été enlevés par des talibans dans la province de Wardak. L’un des Afghans s’est enfui et l’un des Allemands est mort en captivité. Les autres otages ont été libérés au mois d’octobre.


Attentats-suicides

Des groupes armés ont perpétré environ 140 attentats-suicides contre des cibles civiles et militaires, tuant quelque 300 civils.
 ?Le 6 novembre, près de 80 personnes ont trouvé la mort à la suite d’un attentat-suicide perpétré au cours d’une cérémonie dans la province de Baghlan. De très nombreuses autres ont été blessées. Certaines victimes ont probablement été atteintes par les tirs de gardes des membres du Parlement qui assistaient à la cérémonie et qui ont, semble-t-il, ouvert le feu après l’explosion de la bombe.
 ?Le 17 juin, 24 personnes ont été tuées et 35 autres ont été blessées à la suite d’un attentat-suicide dans un autobus transportant des policiers afghans en cours de formation.


Homicides à l’issue de procédures quasi judiciaires

Les talibans et d’autres groupes armés ont procédé à des exécutions illégales à l’issue de procédures quasi judiciaires.
 ?Le 30 septembre, des combattants talibans sont venus chercher Zainullah, un adolescent de quinze ans, dans le bazar où il travaillait comme fabricant de clés dans le district de Sangin (province du Helmand), dans le sud de l’Afghanistan. Après l’avoir accusé d’être un espion, ils l’ont pendu à un poteau électrique avec une note avertissant que quiconque serait pris à espionner subirait le même sort.

Liberté d’expression
Des restrictions sévères continuaient de peser sur la liberté d’expression. Plusieurs journalistes ont été arrêtés ou intimidés, voire tués. Des membres de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan et des représentants d’organisations locales de défense des droits humains ont également fait l’objet de menaces.
Le Syndicat indépendant des journalistes d’Afghanistan a recensé 53 cas de violences exercées contre des journalistes au cours de l’année, tant par le gouvernement afghan que par les insurgés talibans. Six journalistes ont trouvé la mort à la suite de ces attaques.
 ?Zakia Zaki, qui dirigeait la station privée Radio de la paix, a été tuée le 5 juin par des hommes armés qui l’ont abattue chez elle, dans la province de Parwan, au centre du pays.
 ?Kamran Mir Hazar, journaliste travaillant pour la radio Salaam Watandar et rédacteur en chef de l’agence de presse Kabul Press sur Internet, a été arrêté à deux reprises, apparemment parce qu’il avait critiqué le gouvernement. Il a été libéré sans avoir été inculpé.

Violences contre les femmes, les jeunes filles et les fillettes
Les droits des femmes étaient toujours restreints dans bien des domaines. Les femmes qui travaillaient pour les pouvoirs publics étaient la cible de menaces et plusieurs ont été victimes de tentatives d’assassinat.
 ?Masoma Anwary, responsable de la Direction de la condition féminine dans la province de Ghor, a survécu à une tentative d’assassinat en novembre.
La diminution des attaques contre les écoles a permis la réouverture de certains établissements dans des zones peu sûres ; le nombre d’enfants scolarisés a augmenté d’une manière générale. Toutefois, de nombreuses fillettes ne pouvaient pas aller à l’école en raison de craintes pour leur sécurité. Selon le deuxième rapport de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan sur les droits économiques et sociaux, publié en août, 36,1 p. cent des fillettes en âge d’aller à l’école n’étaient pas scolarisées à cause de problèmes d’accessibilité, et notamment de sécurité.

Autres documents d’Amnesty International

  • Afghanistan. « Tous ceux qui ne sont pas nos amis sont nos ennemis ». Les exactions commises par les talibans contre les civils (ASA 11/001/2007).
  • Afghanistan. Les talibans mènent des attaques de plus en plus nombreuses et systématiques contre des civils (ASA 11/002/2007).
  • Afghanistan. Nombre de morts en hausse parmi les civils. Davantage doit être fait par toutes les parties pour protéger les civils (ASA 11/006/2007).
  • Afghanistan. La justice et l’état de droit sont essentiels pour la prospérité future de l’Afghanistan (ASA 11/007/2007).
  • Afghanistan. Amnesty International demande la libération immédiate de tous les otages (ASA 11/010/2007).
  • Afghanistan. Des transferts vers la torture : la FIAS complice ? (ASA 11/011/2007).
  • Afghanistan. Amnesty International condamne l’exécution illégale d’un adolescent de quinze ans imputable aux talibans (ASA 11/013/2007).
  • Afghanistan. Amnesty International est consternée par l’exécution de 15 personnes en Afghanistan (ASA 11/014/2007).
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