Allemagne

L’Allemagne n’a pas fait la lumière sur les violations des droits humains commises dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis, en particulier sur son implication dans les « restitutions » (transferts illégaux de suspects d’un pays à l’autre). De plus, en violation de ses obligations aux termes du droit international, elle a tenté d’obtenir des assurances diplomatiques au sujet de personnes qu’elle souhaitait expulser vers des pays où elles risquaient de graves atteintes à leurs droits fondamentaux.

Mauvais traitements, notamment dans le cadre de « restitutions »
 ?En août, le procureur de Tübingen a rouvert des investigations sur les allégations selon lesquelles Murat Kurnaz, ressortissant turc né en Allemagne, avait été torturé et soumis à d’autres formes de mauvais traitements par des membres des forces spéciales de l’armée allemande (KSK) en 2002, alors qu’il était détenu en Afghanistan sous le contrôle des autorités américaines. La réouverture de l’enquête était liée à l’apparition de trois nouveaux témoins. Libéré en 2006, Murat Kurnaz a été maintenu en détention pendant quatre ans et neuf mois au total, à Guantánamo Bay la plupart du temps.
 ?Fin 2007, la commission parlementaire chargée d’enquêter sur le rôle joué par l’Allemagne dans les violations des droits humains commises dans le cadre de ses activités antiterroristes a commencé à examiner l’affaire concernant le ressortissant allemand Muhammad Zammar. Au cours des audiences, il est apparu que la Police fédérale criminelle (BKA) avait informé en novembre 2001 les autorités américaines des dates du voyage de cet homme au Maroc, pays depuis lequel il a été transféré illégalement en Syrie.
Fin décembre 2001, Muhammad Zammar avait été livré à la Syrie par des fonctionnaires marocains et placé en détention au secret ; pendant cette détention il aurait été torturé et soumis à d’autres formes de mauvais traitements.
En novembre 2002, Muhammad Zammar a été interrogé pendant trois jours par des agents de la police judiciaire et des services de renseignement allemands. Une fois de retour en Allemagne, les enquêteurs n’ont communiqué aucune information aux autorités sur le sort de cet homme. Fin 2007, il n’avait toujours pas été libéré.
 ?En septembre, le gouvernement allemand a annoncé qu’il ne demanderait pas l’extradition de 13 citoyens américains, dont au moins 10 agents de l’Agence centrale du renseignement des États-Unis (CIA), soupçonnés d’avoir enlevé un Allemand né au Liban, Khaled el Masri.
Khaled el Masri avait été arrêté et placé illégalement en détention alors qu’il se trouvait en Macédoine, en décembre 2003. Il avait été remis à des agents américains et envoyé secrètement par avion en Afghanistan, dans le cadre du programme de « restitutions » mis en place par les États-Unis. Au bout de cinq mois, pendant lesquels il aurait été maltraité, Khaled el Masri avait été transféré par avion en Albanie et libéré, les autorités américaines s’étant apparemment rendu compte qu’elles s’étaient trompées de personne.
En janvier 2007, le procureur de Munich a demandé l’extradition de ces 13 ressortissants américains. En avril, la Cour constitutionnelle fédérale a estimé qu’en ordonnant la mise sur écoute des lignes téléphoniques de l’avocat de Khaled el Masri, ce magistrat avait pris une décision illégale.
 ?En juillet, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a adressé à l’Allemagne les recommandations suivantes au sujet de la lutte contre le terrorisme : élaborer des lignes directrices spécifiques à l’intention des services de renseignement concernant l’interrogation des détenus à l’étranger ; veiller à ce que les éléments de preuve obtenus sous la torture ou au moyen de traitements inhumains ou dégradants ne soient pas recevables devant les tribunaux ; enquêter pleinement sur les cas présumés de « restitutions extraordinaires » qui auraient été effectuées sur le territoire allemand et adopter des mesures efficaces pour empêcher toute « restitution » illégale à l’avenir.

Assurances diplomatiques
 ?Le 3 octobre, la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué au gouvernement allemand que Hasan Atmaca ne devait pas être extradé en Turquie jusqu’à nouvel ordre. À son entrée sur le territoire allemand, en février 2005, cet homme avait été arrêté par les autorités allemandes, qui le soupçonnaient d’appartenir à une organisation criminelle. Les autorités turques avaient demandé qu’il soit extradé pour répondre d’activités en faveur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
En mai 2006, le gouvernement allemand avait cherché à obtenir des autorités turques l’assurance que Hasan Atmaca serait placé en détention dans une prison de haute sécurité conforme aux normes internationales et que les autorités allemandes pourraient lui rendre visite. Les autorités turques avaient promis qu’une suite favorable serait donnée à ces demandes.
Le tribunal régional supérieur de Francfort avait estimé que la demande d’extradition était recevable. Cependant, le 31 mai 2007, le tribunal administratif de Darmstadt a enjoint à l’Office fédéral de l’immigration et des réfugiés d’octroyer le statut de réfugié à Hasan Atmaca, et a déclaré que celui-ci ne pourrait pas être renvoyé en Turquie, dans la mesure où une telle mesure pourrait constituer un renvoi forcé, c’est-à-dire une expulsion vers un pays où la personne risque d’être victime de graves atteintes à ses droits fondamentaux.
Aux termes de l’article 4 de la Loi sur la procédure d’asile, les autorités allemandes peuvent extrader une personne qui s’est vu reconnaître la qualité de réfugié, ce qui est contraire aux normes internationales.
En février, le ministère fédéral de l’Intérieur aurait tenté d’obtenir des autorités algériennes des assurances diplomatiques garantissant qu’elles ne tortureraient aucune personne soupçonnée d’implication dans des activités terroristes qui serait renvoyée sur leur territoire depuis l’Allemagne.
En juillet, un sous-secrétaire d’État s’est rendu en Tunisie pour demander au ministre de l’Intérieur des assurances similaires au sujet de deux ressortissants tunisiens soupçonnés d’avoir des liens avec des organisations terroristes. Les autorités allemandes ont ensuite pris des arrêtés d’expulsion contre ces deux Tunisiens, qui ont contesté cette décision en justice. À la fin de l’année, l’affaire était toujours en instance.

Droits des migrants et des réfugiés
De nouvelles dispositions législatives mettant en œuvre 11 directives de l’Union européenne relatives au droit d’asile ne prévoyaient pas une protection adaptée pour les personnes fuyant les violences. En conséquence, à titre d’exemple, de nombreux demandeurs d’asile originaires du centre et du sud de l’Irak qui n’appartenaient pas à une minorité prise pour cible ne bénéficiaient pas d’une protection appropriée.
 ?Le 11 juillet, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a publié un rapport sur la visite qu’il a effectuée en Allemagne en 2006. Évoquant le droit d’asile et l’immigration, il a exhorté l’Allemagne à prévoir des mesures de protection pour les réfugiés qui sont victimes de persécutions parce qu’ils manifestent ouvertement leur religion ou leur orientation sexuelle.
 ?Le 18 avril, le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a publié un rapport sur l’Allemagne. Il y recommandait que, dans tous les Länder (États), la détention de migrants soit régie par des règles spécifiques tenant compte de leur situation particulière, et que les autorités de Hambourg et de Basse-Saxe, ainsi que celles de tous les autres États allemands, adoptent les mesures nécessaires pour que les migrants placés en détention soient hébergés dans des centres spécifiquement prévus à cet effet.
Il conseillait également aux autorités du Brandebourg de prendre des dispositions afin de garantir la présence régulière d’un psychologue dans le centre de détention d’Eisenhüttenstadt et de mettre en place des programmes de prise en charge psychosociale à l’intention des étrangers détenus dans cet établissement.

Garde à vue
 ?En janvier, le tribunal régional de Dessau, annulant une décision précédente, a engagé des poursuites contre deux policiers soupçonnés d’être impliqués dans l’affaire Oury Jalloh, un Sierra-Léonais mort dans sa cellule, en janvier 2005, alors qu’il était en garde à vue.
L’un des policiers a été inculpé de coups et blessures ayant entraîné la mort pour avoir, selon les informations recueillies, désactivé l’alarme incendie à plusieurs reprises. Son collègue a été inculpé d’homicide par imprudence parce qu’un briquet avait échappé à sa vigilance lors d’une fouille corporelle.
Oury Jalloh avait été enchaîné à son lit parce qu’il se serait violemment opposé à son arrestation. Il est mort des suites d’un choc thermique. D’après l’enquête préliminaire conduite par le procureur, l’alarme incendie de sa cellule avait été débranchée.

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