Ukraine

L’impunité protégeait parfois les auteurs de mauvais traitements pouvant aller jusqu’à la torture. Les réfugiés et les demandeurs d’asile risquaient toujours d’être renvoyés de force dans leur pays d’origine. Des étrangers et des personnes appartenant à des minorités ethniques ont subi des agressions et des actes de harcèlement racistes. Les mesures prises pour lutter contre la traite des êtres humains et la violence domestique n’étaient pas suffisantes.

Contexte
La crise politique déclenchée par la rivalité qui opposait, au sommet du pouvoir, le président Viktor Iouchtchenko au Premier ministre Viktor Ianoukovitch a atteint son paroxysme au mois de mai. Le 2 avril, Viktor Iouchtchenko a dissous le Parlement par décret et a convoqué des élections législatives anticipées. Contestant la légalité de cette mesure, les parlementaires ont saisi la Cour constitutionnelle. Après une période au cours de laquelle les deux camps en présence se sont affrontés pour le contrôle des principaux organes de l’État, il a finalement été décidé d’organiser des élections législatives au mois de mai. Cette consultation a été reportée par la suite au 30 septembre.
Les résultats du scrutin ont renforcé la coalition de partis emmenée par Viktor Iouchtchenko et Ioulia Tymochenko, figures de proue de la « Révolution orange » de 2004 et 2005. À cette époque, des manifestations de masse avaient dénoncé les fraudes électorales commises au cours des élections présidentielles, entraînant la tenue de nouvelles élections qui furent remportées par Viktor Iouchtchenko.

Torture et autres mauvais traitements
Des cas de torture et d’autres mauvais traitements en garde à vue étaient toujours fréquemment signalés. En mai, le Comité contre la torture a examiné le cinquième rapport périodique de l’Ukraine concernant la mise en œuvre de la Convention contre la torture [ONU]. Le Comité s’est dit préoccupé par l’impunité dont jouissaient les membres des forces de l’ordre qui commettaient des actes de torture ; il a noté avec inquiétude que les services du procureur général ne diligentaient pas d’enquêtes immédiates, impartiales et effectives en cas de plainte pour torture, et que les aveux servaient de principal élément de preuve dans l’exercice des poursuites pénales.
Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a publié en juin le rapport relatif à sa visite d’octobre 2005 en Ukraine. Le Comité a notamment constaté que la pratique des mauvais traitements avait connu une légère réduction, estimant cependant que les personnes arrêtées par la police couraient toujours un risque non négligeable d’être maltraitées, voire torturées, notamment au cours de leur interrogatoire. Le Comité attirait l’attention sur l’usage abusif qui était fait du Code administratif pour placer certaines personnes en garde à vue afin de les interroger dans le cadre d’enquêtes sur des infractions pénales. Il déplorait en outre l’attitude des juges, qui, bien souvent, ne donnaient pas suite aux allégations de mauvais traitements. Il regrettait enfin qu’on ne puisse pas, en cas de mauvais traitements présumés, délivrer de rapport d’expertise médicolégale sans l’autorisation de la police.
 ?Edvard Fourman aurait été torturé dans les bureaux des services de sécurité de l’État, à Dniepropetrovsk. Après son arrestation, le 11 avril, les enquêteurs de la police l’auraient battu, lui auraient appuyé fortement sur les yeux avec leurs doigts et lui auraient administré des décharges électriques sur les testicules. Les policiers cherchaient apparemment à lui faire « avouer » le meurtre de trois personnes, abattues en mars à Dniepropetrovsk alors qu’elles circulaient à bord d’un véhicule tout-terrain. Plusieurs autres personnes ont été interpellées au cours de l’enquête sur cette affaire. La famille d’Edvard Fourman n’aurait pas été informée de son arrestation et serait restée sans nouvelles de lui jusqu’au 24 avril. Les enquêteurs de la police auraient obligé le détenu à se séparer de son avocat et à accepter les services d’un défenseur de leur choix. Edvard Fourman a cependant obtenu le droit, en octobre, de rencontrer l’avocat qu’il avait initialement retenu. Il n’aurait toutefois pas été examiné par un médecin, bien qu’il se soit plaint auprès d’un juge d’avoir subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements. Les services du procureur général ont refusé d’ouvrir une enquête sur ses allégations.

Réfugiés et demandeurs d’asile
Dans un document publié en octobre et destiné à définir sa position, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) recommandait aux États de ne pas renvoyer en Ukraine les demandeurs d’asile de pays tiers, estimant que ces personnes risquaient de ne pas être réadmises sur le territoire ukrainien, de ne pas avoir accès à une procédure équitable de détermination du statut de réfugié, de ne pas bénéficier d’un traitement conforme aux normes internationales relatives aux réfugiés, ou d’être renvoyées vers des pays où elles seraient exposées à de graves atteintes à leurs droits fondamentaux. Lors de l’examen du cinquième rapport périodique de l’Ukraine, le Comité contre la torture [ONU] a constaté avec préoccupation que ce pays renvoyait des personnes vers des États où elles risquaient d’être soumises à la torture. Réfugiés et demandeurs d’asile subissaient en outre les effets de la xénophobie.
 ?Un réfugié tchétchène, Lema Soussarov, a été arrêté le 16 juin par des agents des services de la sécurité de l’État exécutant une demande d’extradition formulée par la Russie. Les services du procureur général ont ordonné son extradition le 27 juillet. L’avocat de Lema Soussarov a fait appel de la décision concernant son placement en détention, en vain. Un autre appel, contestant la décision d’extradition, était en instance à la fin de l’année devant le tribunal administratif de Kiev. Lema Soussarov s’est fait enregistrer comme demandeur d’asile le 8 août auprès des services municipaux des migrations de Kiev, car il craignait d’être soumis à la torture et à d’autres violations graves de ses droits fondamentaux s’il était renvoyé en Russie.

Racisme
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a examiné en novembre le cinquième rapport périodique de l’Ukraine concernant la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il a relevé « avec préoccupation que, d’après certains renseignements, la police commettrait des brutalités [et] refuserait d’assurer une protection efficace contre les actes de discrimination et de violence visant des minorités ethniques et religieuses, en particulier les Roms, les Tatars de Crimée, les demandeurs d’asile en provenance d’Asie et d’Afrique, ainsi que les musulmans et les juifs ».
Les demandeurs d’asile et les étrangers vivant en Ukraine ont souvent été la cible d’agressions racistes commises par des particuliers. Les policiers se comportaient fréquemment de manière raciste à leur égard, notamment en multipliant les contrôles d’identité. Deux Bangladais, un Géorgien, un Coréen et un Irakien enregistré comme demandeur d’asile ont trouvé la mort en 2007 à la suite d’agressions. Il n’existait pas de statistiques concernant les crimes racistes ; la plupart des agressions de cette nature étaient rangées par la police dans la catégorie du « houliganisme ». Des représentants du ministère des Affaires intérieures et des services de sécurité de l’État ont nié l’existence du racisme en Ukraine lors de rencontres avec une déléguée d’Amnesty International, en septembre.
 ?Une réfugiée originaire de la République démocratique du Congo a expliqué à Amnesty International que des particuliers lui lançaient fréquemment des insultes racistes et que les traitements qui lui étaient infligés par la police relevaient de la même attitude. Elle a ainsi été abordée en juin, devant son immeuble, par un policier manifestement ivre. Ce fonctionnaire lui a demandé ses papiers, a vérifié qu’elle était bien enregistrée, puis l’a invitée à venir avec lui dans un café. Comme elle refusait, il lui a demandé d’avoir des relations sexuelles avec lui et a tenté de l’emmener de force. Elle s’est débattue, ce qui lui a valu des bleus et des égratignures. Lorsqu’elle a voulu signaler les faits au poste de police le plus proche, personne n’a accepté de prendre sa déclaration, puis le policier qui l’avait agressée a proposé de la raccompagner chez elle. Elle a pu faire un rapport dans un autre commissariat, et une enquête judiciaire a été ouverte. Lors du procès, le policier incriminé a nié les accusations dont il faisait l’objet et a été acquitté. Cette femme raconte aussi qu’elle a déjà été interpellée par des policiers qui disaient vouloir contrôler ses papiers et l’auraient obligée à se déshabiller, avant d’appeler leurs collègues pour qu’ils viennent « voir à quoi ressemblait le corps d’une guenon ».
 ?Le procès de trois personnes accusées du meurtre de Kunuon Mievi Godi, un ressortissant nigérian tué à Kiev en octobre 2006, était toujours en cours à la fin de l’année. L’une de ces trois personnes était inculpée d’homicide volontaire, les deux autres de « violation du droit de tout citoyen à l’égalité, quelle que soit sa race ».

Violences contre les femmes
Le Parlement ukrainien a commencé à débattre en février d’un projet de loi « relative à la modification de certains textes législatifs d’Ukraine (concernant l’amélioration de la législation ukrainienne pour agir contre la violence au sein de la famille) ». Il a recommandé que les modifications aillent plus loin. Les amendements proposés à la Loi sur la prévention de la violence au sein de la famille et aux articles correspondants du Code administratif tenaient compte, dans l’ensemble, des recommandations formulées en 2006 par Amnesty International, mais ils ne prévoyaient pas de solution, à court terme et dans la durée, au problème du logement des personnes victimes de la violence domestique. Ces amendements n’avaient toujours pas été adoptés par le Parlement à la fin de l’année.
Au mois de mars, le Conseil des ministres a adopté un Programme national de lutte contre la traite des êtres humains, valable jusqu’en 2010. Selon une ONG spécialisée dans la lutte contre la traite, les indicateurs définis dans le cadre de ce Programme étaient insuffisants et ne permettaient pas d’évaluer correctement son efficacité. Cette ONG estimait en outre que le budget alloué était trop faible. Selon le rapport sur la traite des personnes publié en juin par le Département d’État américain, l’Ukraine n’avait pas fourni d’éléments permettant de prouver qu’elle avait intensifié l’an dernier la lutte contre la traite, et n’avait notamment pas montré qu’elle adoptait des sanctions plus rigoureuses envers les trafiquants reconnus comme tels. Ce rapport indiquait que les trafiquants se voyaient souvent sanctionnés par une simple mise à l’épreuve, et non par une peine d’emprisonnement. Des agents de l’État étaient impliqués dans la traite ; enfin, les services destinés aux victimes ne leur assuraient ni la protection ni l’aide à la réinsertion nécessaires, la protection en cas de témoignage n’étant notamment pas garantie.

Impunité
Le procès des trois policiers inculpés du meurtre du journaliste d’investigation Gueorgui Gongadze, tué en septembre 2000, se poursuivait. Le 16 février, le président Viktor Iouchtchenko a reçu l’ancien procureur général Mykhaïlo Potebenko dans l’ordre du Prince Iaroslav le Sage, pour sa contribution à l’instauration d’un État respectueux du droit. Or, Mykhaïlo Potebenko exerçait les fonctions de procureur général au moment de la mort de Gueorgui Gongadze. Dans une décision rendue en 2005, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que le parquet général n’avait fait aucun cas des demandes répétées d’assistance formulées par Gueorgui Gongadze au cours des semaines qui avaient précédé sa mort, alors que le journaliste avait signalé que des agents de l’État le surveillaient. La Cour considérait que le parquet avait fait preuve, dans cette affaire, « d’une négligence flagrante ». Toujours selon la Cour européenne des droits de l’homme, après que le corps décapité du journaliste eut été retrouvé, « les autorités de l’État se sont préoccupées plutôt de prouver l’absence d’implication de hauts fonctionnaires dans l’affaire que de rechercher la vérité quant aux circonstances dans lesquelles [Gueorgui Gongadze] avait disparu et trouvé la mort ».

Visites d’Amnesty International
Une déléguée d’Amnesty International s’est rendue en Ukraine au mois de septembre.


Autres documents d’Amnesty International

  • Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s Concerns in the Region : January - June 2007 (EUR 01/010/2007).
  • Briefing for the Committee against Torture on Ukraine (EUR 50/001/2007).
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