Moyen-Orient et Afrique du Nord — Mise à jour régionale

Les événements nouveaux survenus entre janvier et avril 2008


Certaines des dispositions de la nouvelle Charte arabe des droits de l’homme, prévue de long date et entrée en vigueur en mars, ont fait progresser les droits humains, d’autres les ont restreints. Peu avant que la Charte prenne effet, les ministres de l’Information des États arabes ont adopté une résolution qui soumet les chaînes de télévision par satellite de la région à de nouvelles restrictions, menaçant ce mode d’information du public en pleine croissance.

Attaques contre les personnes
Les violences n’ont pas faibli, particulièrement en Irak et en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, et les civils ne prenant pas part aux hostilités ont continué d’en faire les frais. Au début du mois de mai, au moins 62 personnes, dont au minimum quatre civils, ont été tuées au Liban lors d’un affrontement entre groupes conduits par le Hezbollah et forces pro-gouvernementales.

Irak
Le nombre d’homicides, intercommunautaires et autres, a diminué par rapport aux flambées de violence précédentes mais demeurait élevé, tandis qu’aucun progrès significatif n’était enregistré en ce qui concerne la vie quotidienne des civils. Des groupes armés opposés au gouvernement et à la présence de la Force multinationale (FMN) conduite par les États-Unis continuaient de commettre des attentats à l’explosif et d’autres attaques, y compris dans les zones très peuplées. En mars et en avril, des centaines de personnes – dont des civils non armés – ont été tuées lors d’affrontements entre les forces gouvernementales irakiennes, agissant avec le soutien des États-Unis, et l’Armée du Mahdi, milice armée qui regroupe les partisans du dignitaire chiite Moqtada al Sadr.

En avril s’est ouvert le procès de huit anciens hauts responsables, dont l’ancien vice-Premier ministre Tarek Aziz, devant le Tribunal pénal suprême irakien, qui avait condamné à mort Saddam Hussein et d’autres anciens hauts responsables de son gouvernement à l’issue de procès iniques.


Israël et territoires palestiniens occupés

Au cours des quatre premiers mois de 2008, plus de 330 Palestiniens, dont plus de la moitié étaient des civils et certains des jeunes enfants, ont été tués lors d’attaques israéliennes, la plupart dans la bande de Gaza. Pendant la même période, 14 civils et neuf soldats israéliens ont été tués lors d’attaques de groupes palestiniens armés qui ont lancé des roquettes « qassam » et d’autres roquettes sur le sud d’Israël.

En dépit des tentatives menées sous la houlette des États-Unis pour parvenir à une résolution du long conflit israélo-palestinien après les pourparlers d’Annapolis de novembre 2007, les autorités israéliennes poursuivaient la construction du mur/barrière de 700 km ; l’extension des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie ; la démolition d’habitations palestiniennes dans Jérusalem-Est, la vallée du Jourdain et ailleurs. Plus de 500 barrages militaires continuaient de gêner ou d’empêcher la circulation des Palestiniens d’une ville à une autre ou d’un village à un autre dans toute la Cisjordanie.

Le bouclage israélien de la bande de Gaza avait un impact de plus en plus désastreux sur le million et demi d’habitants de cette zone. Les Nations unies ont indiqué en avril 2008 que plus de 80 p. cent des habitants de Gaza dépendaient désormais de l’aide humanitaire pour se nourrir et que l’économie était en ruine. Les autorités israéliennes ont permis, dans une certaine mesure, que l’aide humanitaire internationale et du carburant parviennent à la population mais des habitants de Gaza souffrant de maladies chroniques n’ont pas été autorisés à quitter le territoire pour recevoir des soins médicaux spécialisés. En janvier, profitant d’une brèche ouverte par des militants du Hamas entre Gaza et l’Égypte, des milliers de Palestiniens ont pu, pendant quelques jours seulement, se ruer dans le pays voisin pour y acheter les biens de première nécessité qui leur faisaient cruellement défaut.

Peine de mort
L’Algérie a parrainé la résolution des Nations unies appelant à un moratoire mondial sur les exécutions, et plusieurs autres États arabes se sont abstenus lors du vote de la résolution. La peine de mort continuait cependant d’être beaucoup utilisée dans plusieurs pays de la région.

Ce sont les autorités iraniennes et saoudiennes qui ont fait procéder au plus grand nombre d’exécutions ; à la fin du mois d’avril, Amnesty International avait enregistré 83 exécutions en Iran et 56 en Arabie saoudite ; ces exécutions avaient souvent eu lieu à l’issue de procès violant les normes d’équité élémentaires. En Iran, les autorités ont pris en janvier la décision bienvenue d’interdire les exécutions en public, mais en Arabie saoudite les décapitations ont continué de se dérouler de cette manière. En Irak, au moins 30 personnes auraient été exécutées, dont 28 pour le seul mois d’avril.


Contre le terrorisme : la justice

Dans toute la région, les gouvernements ont continué de prendre pour prétexte la peur de l’insécurité et la « guerre contre le terrorisme » pour juguler l’opposition en ayant recours à la détention au secret pendant de longues périodes dans des lieux non officiels, aux actes de torture et autres formes de mauvais traitements et aux procès devant des tribunaux ne respectant pas les normes internationales d’équité. En Égypte, le gouvernement a réprimé le mouvement des Frères musulmans à la veille des élections locales et municipales d’avril ; des centaines d’entre eux ont été arrêtés y compris des membres de ce groupe qui voulaient se présenter comme candidats. Peu après les élections, des peines d’emprisonnement ont été prononcées contre des dirigeants du groupe, à l’issue d’un procès inique devant une juridiction militaire.

Des milliers de personnes détenues par la Force multinationale conduite par les États-Unis ont été libérées, mais plus de 20 000 étaient toujours détenues, la plupart sans avoir été inculpées ni jugées. À la fin du mois d’avril, des milliers de personnes détenues par le gouvernement irakien avaient été libérées, en partie dans le cadre d’une loi d’amnistie adoptée par le Parlement en février, mais torture et mauvais traitements demeuraient fréquents dans les geôles irakiennes.

En Libye, les autorités auraient libéré 90 membres du Groupe islamique combattant libyen qui avaient, dans la plupart des cas, été condamnés à l’issue de procès iniques au cours des dernières années ; elles continuaient cependant d’en détenir au moins le double dans les prisons libyennes.

Dans toute la région, des personnes soupçonnées de terrorisme ont été arrêtées et détenues, en courant le risque d’être torturées ou soumises à d’autres formes de mauvais traitements et jugées par des tribunaux appliquant une procédure inique. En Tunisie, la juridiction chargée de se prononcer en appel en février sur la condamnation, en décembre 2007, de 30 personnes reconnues coupables d’actes de terrorisme, a confirmé une des deux condamnations à mort qui avait été prononcée et a commué l’autre. En Arabie saoudite, des centaines, et peut-être des milliers, de personnes soupçonnées de terrorisme auraient été détenues dans des conditions proches du secret total.

Les gouvernements européens ont continué de renvoyer des personnes soupçonnées de terrorisme dans des pays tels que l’Algérie et la Tunisie en dépit des éléments attestant que ces personnes risquaient d’être torturées dans ces pays. En février cependant, dans le cadre d’une affaire où le gouvernement italien voulait renvoyer en Tunisie une personne soupçonnée de terrorisme, la Cour européenne des droits de l’homme a réaffirmé avec fermeté l’interdiction faite aux États d’envoyer quiconque dans un pays où il risquerait d’être torturé. Au Royaume-Uni, les tentatives du gouvernement pour renvoyer en Libye et en Jordanie des personnes soupçonnées de terrorisme, en dépit des risques de torture, ont également été mises en échec par les tribunaux.


Liberté d’expression et répression de l’opposition

En Iran, l’élection du Majlis (Parlement), en mars, a été précédée par l’éviction de nombreux réformistes et autres candidats potentiels par le puissant Conseil des gardiens. Ces personnes ont été placées en détention alors que militants politiques, défenseurs des droits des minorités ethniques et religieuses, personnes militant en faveur des droits des femmes et défenseurs des droits humains continuaient d’être victimes de violations systématiques des droits humains : arrestations, détentions et actes de torture et autres mauvais traitements. En Syrie, des signataires de la Déclaration de Damas en faveur d’une réforme démocratique et pacifique ont continué d’être arrêtés et un grand nombre d’entre eux auraient été frappés lors des interrogatoires.

Le harcèlement, l’arrestation et la détention des défenseurs des droits humains et des personnes critiques à l’égard de leur gouvernement ou préconisant une réforme dans leur pays se sont poursuivis en Arabie saoudite, en Libye, en Tunisie, au Yémen et dans d’autres pays de la région. En Algérie, un avocat renommé spécialisé dans la défense des droits humains a été condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis et à une amende pour avoir critiqué le maintien prolongé en détention provisoire de l’un de ses clients. Au Maroc, huit membres de l’Association marocaine des droits de l’homme qui avaient été condamnés en 2007 à des peines allant de deux à quatre ans d’emprisonnement pour avoir scandé des slogans critiquant la monarchie ont été graciés par le roi en avril 2008 et libérés.


Personnes déplacées

En Irak, les violences intercommunautaires et autres ont continué de provoquer le déplacement de millions de personnes soit à l’intérieur du pays soit pour aller chercher refuge en Jordanie, en Syrie et dans d’autres pays.
Parmi les personnes les plus menacées en Irak figuraient les réfugiés palestiniens, pour qui il était particulièrement difficile d’entrer dans les principaux pays accueillant les personnes fuyant le conflit. En avril, plusieurs centaines d’entre eux vivaient dans des conditions très pénibles au camp d’Al-Tanf, dans un no man’s land entre les frontières irakienne et syrienne, et 2 000 réfugiés palestiniens se trouvaient toujours au camp d’al Waleed, proche de la frontière avec la Syrie, où les conditions de vie étaient extrêmement difficiles.
En Égypte, les forces de sécurité ont tiré sur des réfugiés et des migrants du Soudan et d’autres pays d’Afrique qui cherchaient à traverser la frontière pour se rendre en Israël ; au moins 11 personnes ont été tuées, beaucoup d’autres blessées et un très grand nombre, arrêtées.

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