Angola

RÉPUBLIQUE D’ANGOLA
CAPITALE : Luanda
SUPERFICIE : 1 246 700 km_
POPULATION : 13,6 millions
CHEF DE L’ÉTAT : José Eduardo dos Santos
CHEF DU GOUVERNEMENT : Fernando da Piedade Dias dos Santos
PEINE DE MORT : abolie
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Les efforts en vue de consolider la paix se sont poursuivis. Les personnes déplacées et les soldats démobilisés ont été réinstallés, mais nombre d’entre eux ne disposaient pas des services sociaux élémentaires ni d’une alimentation suffisante. Plus de 1,7 million de personnes demeuraient exposées au risque de manque de nourriture. Le conflit a continué dans l’enclave de Cabinda, où les troupes gouvernementales se seraient livrées à des actes de torture et à des exécutions extrajudiciaires. Malgré un programme de réforme de la police, des informations ont fait état de passages à tabac et d’exécutions extrajudiciaires perpétrés par des policiers. Des militants politiques et des défenseurs des droits humains ont été détenus pendant de courtes périodes. Des expulsions forcées ont eu lieu et des milliers de personnes expulsées au cours des années précédentes n’avaient toujours pas de logement convenable.

Contexte

La guerre entre les troupes gouvernementales et l’União Nacional para a Independência Total de Angola (UNITA, Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola), qui a pris à la fin du mois d’avril 2002, a laissé notamment plus d’un million de personnes déplacées, une infrastructure socioéconomique dévastée et de profondes inégalités sociales dues à la manne pétrolière et au sous-développement. Le manque de transparence budgétaire du gouvernement a largement contribué à retarder une conférence de donateurs prévue pour l’après-guerre. Plus de 3 000 mineurs vivaient dans les rues de Luanda, la capitale. Quelque 8 000 anciens enfants soldats et un million d’enfants séparés de leur famille par la guerre devaient bénéficier d’une assistance dans le cadre de programmes de réinsertion. Dans deux provinces, un certain nombre de projets ont permis à 500 000 enfants de retrouver une scolarité mais environ un million d’autres jeunes de moins de onze ans restaient en marge du système scolaire.
La Mission des Nations unies en Angola (MINUA) s’est retirée en février. Un petit bureau des droits humains dirigé par le coordonnateur résident du système des Nations unies a été mis en place ultérieurement pour assurer la promotion des droits humains, mais pas leur protection.
En juillet, les membres de l’UNITA ont élu Isaías Samakuva pour remplacer l’ancien dirigeant, Jonas Savimbi, tué lors d’une attaque menée par les troupes gouvernementales au cours du mois de février 2002. Le Movimento Popular de Libertação de Angola (MPLA, Mouvement populaire de libération de l’Angola) a tenu sa cinquième conférence au mois de décembre. Les partis politiques ont commencé à se préparer pour les élections mais aucune date de scrutin n’avait encore été fixée à la fin de l’année.
Divers groupes de cadres et d’ouvriers ont protesté ou ont fait grève pour exprimer leur désaccord sur les salaires et les conditions de travail. En avril, des étudiants ont manifesté contre la cherté des transports publics. En juin, des employés de l’université d’État se sont mis en grève pour protester contre les salaires et les conditions de travail ; ils ont repris leurs fonctions au bout de quarante-cinq jours, après que le gouvernement eut accepté de leur accorder une augmentation.

Personnes déplacées et réfugiés

Environ 1,8 million de personnes déplacées par la guerre et plus de 90 000 réfugiés sont retournés dans la région de leur choix, soit spontanément, soit par le biais de programmes d’assistance humanitaire. Malgré une augmentation considérable de la production alimentaire, on estimait qu’environ deux millions de personnes dépendaient encore de l’aide humanitaire, dont l’acheminement a été entravé par la dégradation de l’infrastructure et la présence de mines terrestres. Certaines régions étaient dépourvues des services sociaux élémentaires et les organisations humanitaires ont constaté des taux élevés de malnutrition et de maladie.
Les zones d’accueil, qui avaient hébergé plus de 400 000 anciens combattants de l’UNITA et leurs familles, ont été fermées en juin. Nombre de personnes sont parties de leur plein gré ; d’autres ont été transportées de force chez elles. Toutefois, des dizaines de milliers de gens ont passé des semaines dans des centres de transit dépourvus de services adéquats et de grands retards ont été observés dans la distribution des primes de démobilisation. Les soldats de l’armée régulière démobilisés au cours des années précédentes se sont plaints de ne pas avoir touché de pension.

Cabinda

Les factions du Frente de Libertação do Enclave de Cabinda (FLEC, Front de libération de l’enclave de Cabinda) ont subi de lourdes pertes lors d’une grande offensive menée par les troupes gouvernementales fin 2002 et début 2003. Les combats ont provoqué des déplacements massifs de population. Des affrontements mineurs se sont poursuivis tout au long de l’année dans la partie nord de l’enclave. Les forces régulières ont dit avoir libéré des milliers de civils capturés par le FLEC. En mars, une radio contrôlée par l’État a exhorté les soldats et les membres de la Polícia de Intervenção Rápida (PIR, Police d’intervention rapide), un organe paramilitaire, à « anéantir impitoyablement » les combattants du FLEC, affirmant qu’ils avaient massacré, mutilé et torturé des civils, qu’ils les avaient « enrôlés de force » et « réduits en esclavage ». Amnesty International a appris que des atteintes aux droits humains auraient été perpétrées par le FLEC, mais beaucoup plus par les troupes gouvernementales.
Des soldats de l’armée régulière auraient détruit au moins 15 villages dans les régions de Buco Zau, de Necuto et de Belize, tuant des villageois ou les chassant de chez eux. Des soldats en faction dans des villages qui avaient été aux mains du FLEC auraient accompagné des villageois jusqu’à leurs champs, les gênant dans leur travail et augmentant la pénurie alimentaire.
_En février, un soldat de l’armée régulière a abattu deux adolescentes dans un village de la municipalité de Belize alors que leur père était temporairement absent. Le soldat avait logé dans cette maison et les jeunes filles lui avaient préparé ses repas. Des villageois ont dit qu’il avait tiré à trois reprises sur la cadette, puis qu’il avait abattu sa sœur alors qu’elle s’enfuyait.
_Des soldats ont arrêté Eduardo Brás pendant qu’il pêchait près du village de Caio Caliado en octobre. Le lendemain, ils sont entrés dans le village puis ont interpellé et frappé son frère et quatre autres hommes. Quelques jours plus tard, sept soldats ont appréhendé José Capita, également originaire de Caio Caliado, à son domicile de Cabinda. Fin 2003, les familles des sept hommes n’avaient aucune nouvelle d’eux.
Dans un rapport publié en novembre, des organisations non gouvernementales (ONG) ont décrit en détail plus de 100 cas d’arrestation arbitraire, de torture, de viol, d’exécution extrajudiciaire et de « disparition » survenus en 2003. Les pouvoirs civils de la province ont enquêté sur certaines de ces allégations, mais les autorités civiles et militaires au niveau du gouvernement central n’ont pas réagi de manière satisfaisante aux informations selon lesquelles des militaires auraient commis des violations des droits humains et du droit international humanitaire.

Justice pénale

Une commission a été constituée dans le but de réviser le système judiciaire et de proposer des réformes ; un projet de révision du Code pénal a été lancé. Plusieurs tribunaux municipaux et provinciaux ont été remis en état et des juges ont été nommés. Des tribunaux pour mineurs ont été mis sur pied dans certaines provinces, dont celle de Luanda. Toutefois, dans de nombreuses régions, l’accès à la justice était extrêmement limité, entre autres à cause du manque de ressources humaines et matérielles.
La police a mis en place un Plan de modernisation et de développement quinquennal prévoyant notamment une restructuration, le recyclage du personnel et l’amélioration des infrastructures, de l’équipement et des conditions de travail. Les autorités ont insisté sur la priorité à accorder à l’amélioration du respect des droits humains.
Des bureaux ont été ouverts à Luanda en février et plus tard dans d’autres provinces afin de recueillir les plaintes pour violences policières déposées par la population. Ces bureaux ont, semble-t-il, publié tous les trois mois des comptes rendus succincts qui, cependant, n’ont pas été très médiatisés.
Malgré l’accroissement des ressources, la police n’a pas su trouver la riposte adéquate face à un taux de criminalité élevé. Les autorités policières, selon lesquelles un tiers des Angolais étaient en possession d’armes à feu, ont annoncé l’élaboration d’un projet de collecte des armes détenues illégalement. Des ONG ont fait état de la coopération de la police dans le travail mené auprès des communautés locales en vue de la restitution de ces armes.

Liberté d’expression et d’association

Défenseurs des droits humains, journalistes et militants politiques ont exercé leur droit de surveiller et de critiquer le gouvernement. Certains ont cependant été menacés de violences ou appréhendés en raison de leurs activités ; ils ont généralement été relâchés sans inculpation ou acquittés à l’issue d’un procès.
L’UNITA a affirmé que des membres du MPLA avaient attaqué ses bureaux de la province de Huambo en août ; elle a également porté plainte pour agression et actes d’intimidation dans d’autres régions.
En juin, lors d’une manifestation pacifique à Luanda, la police antiémeutes a arrêté six membres du Partido de Apoio Democrático e Progresso de Angola (PADEPA, Parti pour le soutien et le progrès de la démocratie en Angola). Jugés trois jours plus tard pour participation à une manifestation non autorisée, ces six militants ont été acquittés. Les juges ont estimé leur détention illégale dans la mesure où ils n’avaient pas été présentés devant un magistrat dans un délai raisonnable et où la décision des autorités provinciales d’interdire la manifestation était elle-même illégale.

Torture et exécutions extrajudiciaires

Les cas de torture et d’exécutions extrajudiciaires signalés provenaient en majorité de Luanda, où étaient installés la plupart des organes de presse et des organisations de défense des droits humains. D’après les rares informations disponibles, peu d’auteurs présumés de ces actes ont été déférés à la justice.
Selon de nombreux témoignages parvenus au début de l’année 2003, des agents du fisc de la province de Luanda, parfois accompagnés de policiers, ont frappé et harcelé des vendeurs ambulants et des changeurs de devises, confisquant leur marchandise.
_En mars, des policiers ont battu et maintenu en détention pour une courte période un caméraman de télévision qui essayait de les filmer en train de brutaliser des spectateurs dans un stade de football de Luanda. Quelques jours plus tard, des agents du fisc ont frappé deux journalistes qui les avaient vus voler des marchandises à des vendeurs ambulants.
Des informations ont fait état d’exécutions extrajudiciaires perpétrées par les forces de sécurité.
Manuel Mateus, un employé des télécommunications âgé de trente-deux ans, a été victime d’une exécution extrajudiciaire au mois de mars. Deux agents de la police paramilitaire lui ont réclamé un pot-de-vin alors que sa voiture était tombée en panne la nuit. La fiancée de Manuel Mateus a déclaré qu’avant de prendre la fuite, elle avait vu un agent le frapper avec une clé à molette et lui tirer une balle dans le pied. Des proches parents de la victime ont ensuite retrouvé son corps à la morgue, non identifié. La police leur a dit qu’un agent avait abattu Manuel Mateus en état de légitime défense, mais selon l’autopsie la balle fatale a été tirée alors qu’il était à terre. Un policier a été arrêté ultérieurement mais il était toujours en instance de jugement à la fin de l’année 2003.
Des membres de la garde présidentielle ont tué Arsénio Sebastião sur une plage de Luanda en mois de novembre parce qu’il avait chanté une chanson rap dont les paroles étaient très critiques vis-à-vis du gouvernement. Des témoins ont tenté en vain d’intervenir tandis que les soldats le frappaient, l’attachaient, puis lui donnaient des coups de couteau avant de le noyer. Les auteurs de ces actes ont été arrêtés.

Expulsions forcées

La pression commerciale exercée sur les terres et l’absence de garanties permettant aux locataires de rester dans leur logement ont entraîné des expulsions forcées à Luanda ainsi que d’autres violences dans les zones rurales. Malgré les projets de loi concernant le développement rural et urbain, les gens qui, dans les villes, occupaient des logements à titre non officiel n’ont pas obtenu de droit d’occupation. Ces catégories de personnes ne disposaient d’aucun moyen réel d’obtenir des terres ou de s’y installer légalement.
Des expulsions forcées massives - exécutées sans garanties légales suffisantes, notamment sans consultation ni réparation - ont eu lieu dans différents quartiers de Luanda. Au mois de février, la police a expulsé plusieurs familles de Soba Kapassa en tirant en l’air et en frappant certains habitants. Ces familles, comme des centaines d’autres qui ont été forcées à quitter Soba Kapassa au cours des années précédentes, n’ont bénéficié d’aucune forme d’indemnisation. À Benfica, 57 familles ont été chassées de chez elles au mois de mars, et 15 autres au mois d’avril. Elles ont été relogées à la périphérie de Luanda mais beaucoup ont perdu des biens, leur emploi ou la possibilité d’aller à l’école.
Emilia André Zunza, une femme de trente-huit ans accompagnée de quatre enfants âgés de un à douze ans, s’est retrouvée sans toit à Benfica après que la police eut ôté les plaques de zinc qui formaient son abri et proposé de les lui revendre. Elle a pu s’installer chez des parents deux semaines plus tard.
Vers la fin 2003, plus de 1 400 familles expulsées en 2001 de Boavista, dans le centre de Luanda, vivaient toujours dans des tentes. En juillet, la moitié des 4 000 familles au moins qui campaient à Zango, dans la municipalité de Viana, se sont vu attribuer de nouvelles habitations. D’autres ont été relogées plus tard.
En juin, irrités contre les autorités qui ne leur avaient pas fourni d’autre logement, d’anciens habitants de Boavista auraient brûlé 121 tentes et occupé quelque 300 maisons inachevées à Viana, avant d’être expulsés par la police et des fonctionnaires du gouvernement provincial. Certains auraient été frappés.
_José Rasgadinho, coordonnateur du comité des habitants de Boavista et déjà détenu sans inculpation à plusieurs reprises, a été appréhendé en septembre à Viana ; il était soupçonné d’être à l’origine de l’incendie des tentes du mois de juin. Bien que le procureur n’ait retenu aucun chef d’inculpation contre lui et ait ordonné sa libération, José Rasgadinho est resté en garde à vue pendant plus de trois jours parce que la police a dit avoir égaré son ordre de libération. Les agents lui auraient également refusé l’autorisation de prendre des médicaments contre l’hypertension.
Les administrateurs de grandes propriétés foncières ont violé les droits de personnes dont les familles avaient bâti des villages ou des fermes sur les terres avant la privatisation des domaines. Sur une propriété de la province de Huila, deux personnes arrêtées parce qu’elles étaient soupçonnées d’avoir volé du bétail auraient été torturées avec des aiguillons électrifiés servant à piquer les bêtes. Deux des tortionnaires présumés ont été appréhendés par la suite mais ils n’avaient toujours pas été jugés à la fin de 2003. L’administrateur d’un autre domaine de la province de Huila a clôturé une ferme, privant ainsi la famille d’un accès direct à l’eau et aux pâturages.

Visites d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus à Luanda et à Cabinda aux mois d’avril et de mai pour mener des recherches.

Autres documents d’Amnesty International

Angola : Mass forced evictions in Luanda - a call for a human rights-based housing policy (AFR 12/007/2003).

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