Nigéria

RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU NIGÉRIA
CAPITALE : Abuja
SUPERFICIE : 923 768 km_
POPULATION : 124 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Olusegun Obasanjo
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : signé

Suscitant toujours une vive réprobation au niveau international, la condamnation à mort par lapidation prononcée contre Amina Lawal a été annulée en appel. Toutefois, les lois prévoyant la peine capitale pour certaines infractions liées au comportement sexuel, l’amputation pour vol et la flagellation pour consommation d’alcool étaient toujours en vigueur. Le gouvernement fédéral n’a pratiquement rien fait pour mettre un terme à la discrimination à l’égard des femmes ni à la privation des libertés fondamentales imposées par la législation pénale fondée sur la charia (loi islamique), qui est appliquée dans 12 États du nord du Nigéria. Les autorités, tant au niveau fédéral qu’à celui des États, ont été accusées d’utiliser des milices privées pour fomenter des violences politiques. Le gouvernement n’a ordonné aucune enquête indépendante sur les cas d’homicides illégaux imputables aux forces armées qui ont été signalés.

Contexte

Le président Olusegun Obasanjo et le People’s Democratic Party (PDP, Parti démocratique du peuple), au pouvoir, ont remporté, en avril, les élections à l’Assemblée nationale, ainsi que celles, en mai, du président et des gouverneurs des différents États. Les scrutins, marqués par l’utilisation massive de fausses cartes d’électeur, ont été entachés de fraude et de violences (voir ci-après). Des cours d’appel ont annulé quatre condamnations à mort prononcées par des tribunaux siégeant dans les États du nord du pays et qui appliquent depuis 1999 une législation fondée sur la charia (voir ci-après).
Lors du débat parlementaire sur la peine de mort, des inquiétudes ont été exprimées à propos de l’application de ce châtiment en vertu de ces lois. Celles-ci continuaient de criminaliser les actes qualifiés de zina (adultère ou fornication). Dans l’un des États, était considérée comme coupable de zina toute personne ayant eu des relations sexuelles avec une personne « sur laquelle elle n’a aucun droit sexuel » et dans des circonstances « ne laissant aucun doute quant à l’illégalité de l’acte ». Ces dispositions pénales étaient utilisées pour priver les hommes et les femmes de leur droit à la liberté d’expression et d’association ainsi qu’au respect de leur vie privée ; dans la pratique, elles restreignaient fréquemment l’accès des femmes à la justice. Les règles d’administration de la preuve discriminatoires à l’égard des femmes étaient toujours appliquées, ce qui renforçait le risque d’une condamnation pour zina. Les procès qui se déroulaient conformément à la nouvelle législation étaient contraires aux règles d’équité les plus élémentaires, les individus les plus pauvres et les plus vulnérables étant privés du droit fondamental d’être défendus par un avocat.

Peine de mort et autres châtiments cruels, inhumains ou dégradants

Aucune exécution n’a eu lieu au cours de l’année. Des sentences capitales ont été prononcées par des hautes cours ainsi que par des tribunaux islamiques du nord du pays. Aux termes de la nouvelle législation pénale fondée sur la charia, la peine de mort à titre de châtiment obligatoire a remplacé la flagellation pour les musulmans reconnus coupables de zina. Par ailleurs, les juridictions islamiques inférieures étaient désormais compétentes pour juger les infractions passibles de la peine de mort.
Jibrin Babaji a été condamné, le 14 septembre, par un tribunal islamique de Bauchi, dans le nord-ouest du pays, à la peine de mort par lapidation. Il avait été reconnu coupable d’actes de « sodomie » perpétrés sur trois mineurs. Devant ce tribunal de première instance, à juge unique, Jibrin Babaji n’a pas bénéficié des services d’un défenseur. Entamé au mois de décembre, son procès en appel, pour lequel il était assisté d’un avocat, n’était pas achevé à la fin de l’année 2003.
La communauté internationale a continué de dénoncer les condamnations à mort par lapidation prononcées les années précédentes.
_Le 25 septembre, la cour d’appel islamique supérieure de l’État de Katsina, dans le nord du Nigéria, a annulé la condamnation à mort par lapidation prononcée en mars 2002 à Bakori contre Amina Lawal. La cour a considéré que ni la condamnation ni les aveux de cette femme n’étaient juridiquement recevables et qu’aucune infraction n’était établie. Amina Lawal avait été reconnue coupable de zina pour avoir donné naissance à un enfant en dehors du mariage. Sa condamnation à mort avait été confirmée par une cour d’appel islamique de niveau inférieur.
En août, la cour d’appel islamique de Dutse (État de Jigawa), a annulé la peine de mort par lapidation prononcée contre Sarimu Mohamed Baranda. La cour, qui avait autorisé les proches de cet homme de cinquante-quatre ans à interjeter appel au motif qu’il souffrait de troubles mentaux, a ordonné son hospitalisation. Sarimu Mohamed Baranda avait été condamné à mort en juillet 2002, après avoir avoué le viol d’une fillette de neuf ans ; il avait affirmé par la suite que ses « aveux » avaient été obtenus sous la contrainte.
D’autres prisonniers condamnés pour des actes de zina étaient toujours sous le coup d’une sentence capitale à la fin de l’année.
_L’appel de la condamnation à mort par lapidation prononcée, en mai 2002, contre Fatima Usman et Ahmadu Ibrahim était toujours en instance à la fin de l’année, la cour d’appel islamique de Minna (État du Niger) ayant, en juin, ajourné l’affaire sine die. Ce couple accusé de zina s’était vu infliger une peine de cinq années d’emprisonnement par un tribunal ordinaire de première instance. Un tribunal de New Gawu les avait ensuite condamnés à mort par contumace, en mai 2002, après que le père de Fatima Usman, trouvant la première peine trop légère, eut porté plainte devant les autorités islamiques de l’État. Toutefois, les autorités fédérales n’ont reconnu que le premier jugement et elles ont refusé de livrer le couple aux autorités islamiques. Fatima Usman et Ahmadu Ibrahim avaient été remis en liberté en octobre 2002 pour raisons humanitaires, en attendant qu’il soit statué sur l’appel.
Un débat parlementaire sur la peine de mort a été engagé en novembre à l’initiative du président Obasanjo. Un Groupe national d’étude sur la peine de mort a été mis en place et chargé d’émettre des recommandations sur la façon dont est envisagé ce châtiment dans la Constitution nigériane. Amnesty International a oeuvré avec une organisation locale de défense des droits humains en faveur des prisonniers condamnés à des peines d’amputation dans l’État de Sokoto. Tous condamnés à l’issue de procès iniques sans bénéficier de l’assistance d’un avocat, ces prisonniers n’avaient pas été autorisés à interjeter appel devant des juridictions islamiques supérieures. Leurs cas devaient désormais être réexaminés par la cour d’appel islamique de l’État de Sokoto.

Droits des femmes

Un projet de loi sur la violence contre les femmes a été soumis au Parlement en mai. Ce texte vise à interdire certaines formes de brutalités, comme les pratiques traditionnelles dangereuses et les violences au sein du foyer, notamment le viol conjugal. Si le texte était adopté, les tribunaux pourraient prendre des mesures de sûreté interdisant aux agresseurs d’entrer en contact avec leurs victimes ou de les menacer. Une Commission sur la violence contre les femmes comprenant des représentants d’organisations religieuses et d’organisations non gouvernementales de défense des droits des femmes serait chargée de veiller à l’application de la loi et de mettre en place des centres et des foyers d’accueil pour les victimes de viol.
Le gouvernement nigérian et les compagnies pétrolières Shell et Chevron-Texaco ont rejeté les conclusions d’une enquête menée par Amnesty International sur les allégations de recours excessif à la force contre des militantes des droits des femmes dans la région du delta du Niger. Le 8 août 2002, aux portes des centres opérationnels des compagnies pétrolières à Warri (État du Delta), des soldats et des membres de la police mobile, une unité paramilitaire, auraient frappé des manifestantes, dont des femmes âgées, à coups de pied et de crosse de fusil. Les forces de sécurité auraient également utilisé du gaz lacrymogène. Ni le gouvernement fédéral ni les compagnies pétrolières n’ont effectué d’enquêtes indépendantes sur ces allégations.
Des femmes de cette région qui réclamaient une compensation pour les atteintes à l’environnement, ainsi qu’une aide au développement des communautés vivant dans une extrême pauvreté, continuaient d’être l’objet de harcèlement.
Le 22 mai, Alice Ukoko, qui aurait été agressée le 8 août 2002, a été détenue pendant une courte période par les services de sécurité de l’État du Delta et interrogée à propos de l’organisation de manifestations de femmes et d’un projet de perturbation de la cérémonie de prestation de serment du gouverneur. Peu avant son interpellation, cette femme, avec d’autres militantes, avait sollicité de l’inspecteur général de la police (le chef de la police nationale) l’autorisation de manifester contre le comportement des forces de sécurité. La manifestation, qui n’avait pas été autorisée, ne s’était pas tenue.

Homicides et brutalités commis par la police

Le gouvernement n’a ordonné aucune enquête indépendante sur d’autres cas d’utilisation excessive de la force ou d’homicides illégaux imputables aux forces de sécurité.
Au moins quatre personnes auraient trouvé la mort, à Lagos, dans des affrontements entre la police et des civils qui se sont déroulés à l’occasion de manifestations et de grèves organisées au niveau national pour protester contre une forte augmentation du prix de l’essence. Obot Akpan Etim, âgé de vingt-sept ans, a été abattu au cours d’une manifestation apparemment pacifique. Selon un témoin oculaire, la police a usé de gaz lacrymogène et a dispersé violemment sans sommation plusieurs centaines de manifestants pacifiques qui, le 7 juillet à Oshodi (État de Lagos), criaient et scandaient des slogans. La police et les autorités locales, niant tout agissement répréhensible des agents, ont imputé aux manifestants la responsabilité des homicides.
Les personnes placées en garde à vue étaient régulièrement soumises à des conditions de détention éprouvantes et privées de leur droit constitutionnel d’être inculpées sans délai ou, à défaut, remises en liberté.
Festus Keyamo, un juriste dirigeant du Movement for the Actualization of the Future Republic of the Niger Delta (Mouvement en faveur de l’avènement de la République du delta du Niger), a été détenu sans inculpation ni jugement pendant plus d’un mois. Cet homme avait réclamé l’attribution d’une plus grande autonomie à la région du delta du Niger, après que le président Obasanjo eut refusé d’approuver une disposition qui aurait accordé aux États côtiers du Nigéria un pourcentage des bénéfices tirés de l’exploitation du pétrole en mer. Festus Keyamo, qui a été maintenu au secret après son arrestation, intervenue le 28 décembre 2002, a été transféré successivement dans divers lieux de détention. Alors qu’il était détenu au siège de la police fédérale dans la capitale, Abuja, il a menacé d’entamer une grève de la faim pour protester contre le fait qu’il était privé de nourriture, de vêtements et de soins médicaux appropriés. Il a été remis en liberté sous caution le 3 février ; les charges retenues contre lui ont été abandonnées par la suite.

Violences politiques

L’approche des élections d’avril et mai, dans les États et au niveau fédéral, a conduit à une multiplication des assassinats politiques et des affrontements violents qui ont entraîné la mort de sympathisants de différents partis. Des transferts croissants d’armes à feu vers le Nigéria ainsi que la création de milices armées ont permis aux responsables politiques de fomenter des violences au niveau local et à celui des États. Des membres des gouvernements et des parlements des États auraient été impliqués dans des actes de harcèlement et d’intimidation visant des candidats rivaux et leurs partisans.
Des milices armées soutenues par les autorités ont perpétré un grand nombre d’exécutions extrajudiciaires dans le sud-est du pays ; elles étaient par ailleurs soupçonnées d’implication dans un certain nombre de cas de meurtres de responsables politiques non élucidés.
Marshall Harry, vice-président au niveau national de l’All Nigeria People’s Party (ANPP, Parti populaire de tout le Nigéria), le principal parti d’opposition, a été tué par des hommes armés qui se sont introduits dans sa résidence d’Abuja le 5 mars. Le 10 février, Ogbonaya Uche, candidat de l’ANPP au Sénat, est mort à Owerri (État d’Imo) quelques jours après avoir été la cible de coups de feu tirés par des inconnus contre son domicile.
En novembre, 12 personnes au moins, parmi lesquelles figuraient plusieurs anciens membres d’une milice, ont été inculpées du meurtre, commis en septembre 2002, de Barnabas Igwe, président de la section d’Onitsha de l’Ordre des avocats nigérians, et de sa femme Amaka.
_Le procès de 12 personnes inculpées au mois d’octobre 2002 à la suite de l’assassinat, perpétré en 2001, de Bola Ige, ministre de la Justice et procureur général, s’est ouvert au mois de mars.

Impunité

Cette année encore, les autorités n’ont pris aucune mesure pour traduire en justice tant les auteurs présumés de violations des droits humains que des individus accusés de crimes graves relevant du droit international. Les violations commises par les forces armées sous le gouvernement actuel, notamment les massacres de civils perpétrés à Odi (État de Bayelsa) en 1999 et dans l’État de Benue en 2001, n’ont fait l’objet d’aucune enquête.
Les conclusions de la Commission d’enquête sur les violations des droits humains, connue sous le nom de Commission Oputa, n’ont toujours pas été rendues publiques. Mise en place dans le courant de l’année 1999 pour enquêter sur les violations des droits humains commises entre 1996 et le retour à un régime civil, en 1999, cette Commission a remis en mai 2002 au président Obasanjo son rapport sur les audiences publiques et les investigations effectuées. Fin 2003, le rapport n’avait pas été rendu public et le gouvernement n’avait pas indiqué comment il entendait mettre en oeuvre les recommandations formulées.

Impunité de Charles Taylor

En août, le président libérien Charles Taylor a renoncé au pouvoir et il a quitté le Libéria pour le Nigéria après avoir obtenu la promesse des autorités nigérianes qu’il ne ferait pas l’objet de poursuites dans le pays et qu’il ne serait pas livré au Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Un mandat d’arrêt international avait été décerné contre lui en juin après sa mise en accusation par le Tribunal spécial pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres violations graves du droit international humanitaire perpétrés pendant le conflit armé interne en Sierra Leone. Ces charges renvoyaient, entre autres, aux exactions (homicides, mutilations, viols et utilisation d’enfants soldats) perpétrées par l’opposition armée sierra-léonaise, qu’il soutenait. Le président Obasanjo a fait valoir qu’il avait autorisé Charles Taylor à s’installer au Nigéria pour favoriser un règlement politique du conflit au Libéria. Début décembre, Interpol a autorisé la diffusion dans le monde entier du mandat d’arrêt délivré contre Charles Taylor, en vue de son extradition. Amnesty International a reproché au gouvernement nigérian d’avoir violé ses obligations au regard du droit international. Les appels en faveur de la remise de Charles Taylor au Tribunal spécial ou de l’ouverture d’une enquête en vue d’engager une procédure d’extradition ou des poursuites pénales à son encontre au Nigéria sont restés lettre morte.

Visites d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Nigéria en mars pour effectuer des recherches sur les violences politiques commises à l’approche des élections ainsi que sur les droits des femmes et la législation pénale fondée sur la charia.

Autres documents d’Amnesty International

Nigéria. Répression des mouvements de protestation des femmes dans la région pétrolifère du Delta (AFR 44/008/2003).
Nigéria. Déclaration conjointe de Legal Defence and Assistance Project (LEDAP) et d’Amnesty International sur la multiplication des violences politiques à l’approche des élections (AFR 44/011/2003).
Nigéria. La police recourt à la force meurtrière contre des manifestants : une enquête doit être ouverte (AFR 44/021/2003).

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