Rwanda

RÉPUBLIQUE RWANDAISE
CAPITALE : Kigali
SUPERFICIE : 26 338 km_
POPULATION : 8,4 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Paul Kagame
CHEF DU GOUVERNEMENT : Bernard Makuza
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD
PROTOCOLE FACULTATIF DES FEMMES : non signé

Des « disparitions », des arrestations arbitraires, des mises en détention illégales et des mauvais traitements infligés à des détenus ont été signalés cette année. Dix-huit personnes ont été condamnées à mort pour des crimes commis pendant le génocide de 1994 ; aucune exécution n’a eu lieu. On comptait environ 80 000 personnes en détention, dont la plupart étaient soupçonnées d’avoir pris part au génocide. Nombre de détenus étaient incarcérés depuis longtemps sans inculpation ni jugement, dans des conditions éprouvantes et dans des cellules surpeuplées. Les procès de personnes soupçonnées de génocide se sont poursuivis devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, qui siégeait à Arusha, en Tanzanie. Les graves atteintes aux droits humains perpétrées au cours des dernières années par des membres des forces de sécurité n’ont pas fait l’objet d’enquêtes approfondies et indépendantes. Plusieurs personnes ont été arrêtées en raison de leurs activités pacifiques liées à l’opposition.

Contexte

La République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda se sont reproché mutuellement de ne pas respecter l’accord bilatéral au mois de juillet 2002 aux termes duquel le gouvernement rwandais s’est engagé à retirer ses troupes de l’est de la RDC et le gouvernement congolais à désarmer et renvoyer les groupes d’opposition rwandais. Les autorités rwandaises ont démenti les informations selon lesquelles le Rwanda continuait à intervenir dans l’est de la RDC après le retrait officiel de ses troupes. D’autre part, les gouvernements ougandais et rwandais se sont accusés réciproquement d’héberger, de soutenir et d’entraîner des mouvements armés d’opposition.
La fin du programme de transition mis en place par le gouvernement du Rwanda après le génocide de 1994 a été marquée par l’adoption d’une nouvelle constitution, la cinquième depuis la proclamation de l’indépendance en 1960. Le projet de constitution englobait des dispositions susceptibles de restreindre les droits civils et politiques fondamentaux. Les médias officiels n’ont livré que peu d’informations sur certaines dispositions essentielles de ce projet. La nouvelle Constitution a été approuvée en mai à une très large majorité lors d’un référendum.
L’élection présidentielle s’est tenue le 25 août et les élections législatives du 29 septembre au 2 octobre. Le président sortant, Paul Kagame, a remporté la première avec 95 p. cent des voix, tandis que sa formation, le Front patriotique rwandais (FPR), obtenait 74 p. cent des votes lors du scrutin législatif. Les candidats et les partisans de l’opposition ont été en butte à de graves mesures d’intimidation pendant et après les campagnes électorales. Selon divers témoignages, des sympathisants du parti au pouvoir se sont livrés à des actes d’intimidation contre les électeurs avant le scrutin et le jour même de celui-ci.
La forte proportion de femmes élues au Parlement s’expliquait en partie par la législation et les pratiques administratives mises en place par le gouvernement dans le but de promouvoir la place et le statut des femmes dans la société.

« Disparitions »
Un certain nombre de « disparitions » ont été signalées, la plupart dans le cadre des actions menées par le gouvernement contre le Mouvement démocratique républicain (MDR). D’autres personnes ayant « disparu » auraient été victimes d’activités criminelles imputables aux membres des forces de sécurité.
_Plusieurs personnes auraient « disparu » en avril, apparemment parce qu’elles étaient soupçonnées de faire partie de l’opposition. Parmi elles figuraient le médecin et député MDR Léonard Hitimana, le lieutenant-colonel Augustin Cyiza, ancien président de la Cour de cassation et vice-président de la Cour suprême, et Eliezer Runyaruka, étudiant à l’université et juge cantonal à Nyamata. Selon des témoins, les véhicules de ces « disparus » ou ceux dans lesquels ils ont été aperçus ont été vus pour la dernière fois dans un centre de détention militaire, ou conduits puis abandonnés par des membres des forces de sécurité.
Charles Muyenzi et Aimable Nkurunziza, anciens membres des forces armées, ont été expulsés du Burundi. Ils auraient été remis aux forces de sécurité rwandaises le 9 novembre, et les efforts déployés par la suite afin de les localiser se sont heurtés au silence des autorités. Aimable Nkurunziza s’était vu accorder le statut de réfugié en Ouganda.

Répression des activités de l’opposition

Des membres et des dirigeants des partis d’opposition ont été victimes d’actes d’intimidation - interrogatoires répétés dans les postes de police, détentions illégales et menaces de mort. Un certain nombre d’entre eux ont fui le pays. Des responsables de partis d’opposition auraient fait l’objet de menaces et de tentatives de corruption qui visaient à leur faire rejoindre les rangs du FPR ou prononcer de fausses accusations contre le candidat de leur parti. De nombreux électeurs ont subi des pressions ayant pour but de les faire adhérer au FPR et participer aux rassemblements politiques organisés par ce parti. Certains ont été contraints de s’y soumettre. Les organisations de la société civile ont été qualifiées de « divisionnistes » ou de « sectaires ». Au mois d’avril, une commission parlementaire a accusé les membres du MDR et 46 personnes nommément désignées de propager une idéologie « de division ». La principale organisation indépendante de défense des droits humains au Rwanda a été accusée d’apporter un soutien financier au MDR.

Violations des droits humains dans le cadre de la justice pénale

La confiance de la population dans la justice a continué de s’émousser. Il n’était pas rare que la police maintienne des suspects en détention sans jugement durant de longues périodes, et ce en toute illégalité. Les décisions des tribunaux n’étaient pas toujours respectées par les services du ministère public ; parfois, des personnes acquittées devant la justice demeuraient derrière les barreaux. On estime qu’un tiers de toutes les arrestations et mises en détention provisoire violaient le Code de procédure pénale. De nombreux responsables du système judiciaire ne jouissaient pas de la formation ni de l’expérience nécessaires en matière de droit. En vue de remédier à certains de ces problèmes, des projets de loi ont été déposés devant le Parlement. Leur objectif était de restructurer le système judiciaire et de simplifier les procédures civile et pénale.

Procès pour génocide

Plus de 450 personnes soupçonnées d’avoir pris part au génocide ont été jugées, soit nettement moins qu’en 2002. À la fin de l’année, les chambres spécialisées, qui ont commencé à fonctionner en 1996, avaient jugé un peu plus de 8 000 suspects. Dans de nombreux cas, les procès n’ont pas respecté les normes internationales en matière d’équité. Dix-huit accusés ont été condamnés à mort, mais il n’y a pas eu d’exécution.
S’efforçant de remédier au grave problème de surpopulation dans les prisons, le gouvernement a ordonné la remise en liberté à titre provisoire de plus de 20 000 détenus. La plupart avaient reconnu leur participation au génocide. Toutefois, parmi ceux qui n’ont pas bénéficié de cette mesure figuraient des prisonniers dont les dossiers ne contenaient pourtant pas suffisamment d’éléments pour justifier leur détention.
Tribunaux gacaca
Les procès qui devaient se tenir dans le cadre du système de justice communautaire appelé gacaca n’ont pas démarré comme prévu. Les membres des communautés et les magistrats locaux élus ont poursuivi leurs travaux préparatoires aux procès dans les 746 tribunaux, qui ont commencé à fonctionner en 2002. Ils ont dressé la liste des victimes et des auteurs présumés, et répertorié les plaintes déposées avec constitution de partie civile. Il était prévu que 8 258 autres tribunaux soient en activité en 2004.
Les tribunaux se heurtaient constamment à l’inaction des magistrats et des membres des communautés locales, à la réticence de ces dernières à livrer des informations et au mécontentement de la population né de ce que les atteintes aux droits humains imputables aux membres de l’ancien groupe armé d’opposition FPR étaient exclues de leur compétence. Au lendemain de la chute du gouvernement, en 1994, la branche politique du FPR est montée au pouvoir et sa branche armée a été rebaptisée Armée patriotique rwandaise (APR), puis Forces de défense rwandaises (FDR) en juin 2002.
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda
Les procès de personnes soupçonnées d’avoir joué un rôle majeur dans le génocide se sont poursuivis devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (le Tribunal) ; à la fin de l’année, 56 personnes étaient en détention. Cinq procès concernant 20 accusés étaient toujours en cours ; trois avaient débuté en 2003. Les procès de sept anciens ministres se sont ouverts en novembre. Des jugements ont été rendus dans cinq procès dans lesquels comparaissaient au total huit accusés. À la fin de l’année 2003, on comptabilisait 17 jugements prononcés par le Tribunal depuis les premiers actes d’accusation, émis en 1995.
La RDC et l’Ouganda ont arrêté deux suspects, qui ont été remis au Tribunal pour être jugés. Seize autres personnes ont été mises en accusation par le Tribunal, mais pas appréhendées. Le Congrès des États-Unis d’Amérique a renouvelé son programme d’aide à l’interpellation des personnes mises en accusation par le Tribunal, intitulé Rewards for Justice (Récompenses pour aider la justice).
Le Tribunal avait accusé le gouvernement rwandais de faire obstacle aux enquêtes sur les allégations de crimes de guerre formulées contre d’anciens soldats de l’APR. En août, des organisations de défense des droits humains ont demandé instamment au Conseil de sécurité des Nations unies de garantir l’indépendance et l’impartialité du Tribunal, malgré les pressions exercées par le Rwanda et d’autres États afin que les soldats de l’APR ne soient pas poursuivis pour crimes contre l’humanité. Ces pressions avaient amené le Tribunal à suspendre les enquêtes sur d’anciens membres de l’APR en septembre 2002.
Justice internationale
Cette année encore, d’autres États ont fait juger par leur juridiction nationale ou ont expulsé de leur territoire des personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide. Bien qu’en Belgique le Parlement ait abrogé la loi conférant la compétence universelle aux tribunaux de ce pays, un certain nombre d’affaires de génocide qui avaient débuté auparavant étaient toujours en instance fin 2003.
_En septembre, la Cour d’appel fédérale du Canada a statué dans l’affaire Léon Mugesera, accusé de crimes contre l’humanité devant un tribunal canadien pour avoir prononcé un discours incitant à la violence et à la haine raciale au Rwanda en 1992. La Cour a estimé que ce discours ne constituait pas une incitation explicite au génocide ni un crime contre l’humanité et que Léon Mugesera pouvait rester au Canada.

Liberté d’expression

Les personnes travaillant dans la presse et les membres de la société civile ont été, cette année encore, en butte à des mesures d’intimidation et de harcèlement pour avoir critiqué le gouvernement ou les forces armées. Un certain nombre de journalistes et de défenseurs des droits humains ont été interrogés par la police, placés en détention ou contraints à l’exil. D’autres n’ont pas eu d’autre choix que de se résoudre à l’autocensure sur certains sujets, afin d’échapper à la répression fondée sur des motifs politiques qu’exerçaient les forces de sécurité.
_Le 19 novembre, la police a arrêté cinq journalistes et le chauffeur de l’hebdomadaire Umuseso, sous contrôle privé, et a saisi une édition de ce journal. Les journalistes ont été soumis à un interrogatoire et deux d’entre eux auraient été frappés ; on leur reprochait, semble-t-il, un article qui contestait la démobilisation de certains officiers supérieurs de l’armée. Ils ont été remis en liberté sans inculpation deux jours plus tard.

Réfugiés

Le gouvernement a continué de faire part de son intention de voir tous les réfugiés rwandais - dont le nombre est estimé à 85 000 - rentrer au Rwanda. Des accords tripartites ont été signés entre le Rwanda, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et les pays d’accueil, à savoir le Congo, le Malawi, le Mozambique, la Namibie, l’Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe. Nombre de candidats au retour se sont déclarés inquiets quant à leur sécurité et à la situation économique du Rwanda. En Ouganda, seuls 200 des 14 000 réfugiés rwandais se sont inscrits pour un rapatriement volontaire, en dépit des efforts du gouvernement rwandais et du HCR pour les convaincre qu’ils pouvaient rentrer en toute sécurité.

Visites d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Rwanda aux mois de janvier, de mars, de juillet et d’août. En octobre, la secrétaire générale de l’organisation, Irene Khan, s’est rendue en RDC, au Rwanda et en Ouganda, afin de rencontrer de hauts responsables des gouvernements, des représentants des Nations unies, des victimes d’atteintes aux droits fondamentaux, des défenseurs congolais des droits humains et des membres d’organisations humanitaires internationales.

Autres documents d’Amnesty International

Rwanda. La répression s’accroît contre l’opposition (AFR 47/004/2003).
Rwanda. Fin des libérations provisoires de personnes soupçonnées de génocide (AFR 47/005/2003).
Rwanda. Les menaces et les actes de harcèlement se multiplient à l’approche des présidentielles (AFR 47/010/2003).
Rwanda. Entrée en fonction du président Kagame : l’occasion de renforcer la protection des droits humains (AFR 47/013/2003).

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