Soudan

RÉPUBLIQUE DU SOUDAN
CAPITALE : Khartoum
SUPERFICIE : 2 505 813 km_
POPULATION : 33,6 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Omar Hassan Ahmad el Béchir
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Le cessez-le-feu conclu entre le gouvernement et l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) est resté en vigueur toute l’année. Toutefois, en janvier et en février, des milices soutenues et financées par le gouvernement ont attaqué et incendié des villages et tué de nombreux civils dans les zones pétrolifères. Dans le Darfour (ouest du pays), des milices alliées au pouvoir ont tué des centaines de civils et l’aviation gouvernementale a bombardé des villages. Quelque 600 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du Darfour et des dizaines de milliers d’autres se sont réfugiées au Tchad. Plusieurs centaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées originaires du Sud et d’autres régions en proie aux combats étaient toujours dans des camps le long des frontières et dans le nord du pays. Dans le Darfour, les forces de sécurité ont arrêté des centaines de personnes, qui ont été détenues au secret et sans inculpation. La torture demeurait une pratique répandue, en particulier dans le Darfour. Au moins 10 personnes auraient été exécutées et plus de 100 condamnations à mort ont été prononcées. Des peines de flagellation, qui étaient généralement exécutées sur-le-champ, ont été prononcées pour toute une série d’infractions, entre autres pour trouble à l’ordre public. Des peines d’amputation, notamment l’amputation croisée, ont également été prononcées, mais aucune ne semblait avoir été exécutée. Les procès de délinquants de droit commun étaient souvent sommaires et inéquitables. Cette année encore, dans les États du Darfour septentrional, du Darfour méridional et du Darfour occidental, des procès sommaires et iniques se sont déroulés devant des tribunaux d’exception. La liberté d’expression était toujours restreinte dans les régions contrôlées par le gouvernement et dans celles aux mains de l’APLS.

Contexte

Les pourparlers de paix qui se sont poursuivis entre le gouvernement et l’APLS ont abouti, en septembre, à un accord sur les questions de sécurité. Aux termes de cet accord, les forces gouvernementales devaient se retirer du Sud et l’APLS du Nord ; une force conjointe devait être déployée à Khartoum ainsi que dans les régions frontalières des monts Nouba et d’Abyei. La Civilian Protection Monitoring Team (CPMT, Équipe de surveillance de la protection des civils) et la Verification and Monitoring Team (VMT, Équipe de vérification et de surveillance), dirigées par les États-Unis, ont participé à la surveillance du respect du cessez-le-feu.
En janvier et en février, des milices recrutant au sein des groupes ethniques du sud du pays opposés à l’APLS ont attaqué des villages et tué des civils dans la région pétrolifère de l’État du Haut-Nil occidental/ Unity. Ces attaques se sont accompagnées du recrutement forcé d’enfants et d’autres personnes, à Khartoum et dans les régions en proie à la guerre, ainsi que de l’enlèvement de femmes. Selon les informations recueillies, les milices bénéficiaient d’un soutien logistique de la part du gouvernement. Le conflit s’est intensifié dans le Darfour.
La Commission des droits de l’homme des Nations unies a décidé, en avril, de ne pas renouveler le mandat du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Soudan. À l’exception de deux personnes, tous les prisonniers présents dans le quartier des détenus politiques de la prison de Kober, à Khartoum-Nord, ont été libérés entre juillet et octobre. Hassan el Tourabi, dirigeant du Congrès national populaire (CNP), un groupe islamiste d’opposition au Congrès national, le parti au pouvoir, a été remis en liberté en octobre. Il avait été assigné à domicile pendant la plus grande partie de sa détention sans jugement, qui a duré deux ans.

Crise dans le Darfour

Le conflit s’est intensifié dans le Darfour à partir du mois de février, lorsque l’Armée de libération du Soudan (ALS) et le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE) ont attaqué les forces gouvernementales et les milices. En réaction, les Janjawid, une milice recrutant dans les groupes arabes nomades, alliée au gouvernement et apparemment financée par lui, ont attaqué la population sédentaire. Des civils ont été tués, plusieurs centaines de villages ont été détruits et des centaines de milliers de personnes ont perdu leur logement.
Les combats se sont poursuivis en dépit d’un cessez-le-feu entre le gouvernement et l’ALS conclu en septembre à Abéché (Tchad) et prorogé en octobre. L’aviation gouvernementale a bombardé des habitations dans le Darfour, tuant de très nombreux civils. La milice Janjawid a, pour sa part, attaqué des villages, tuant délibérément des civils. Les habitations ont été incendiées et le bétail et d’autres biens pillés par les assaillants. Des centaines de milliers de personnes ont dû trouver refuge dans les villes de la région ou au Tchad.
Les autorités ont répondu à la crise en perpétrant de multiples violations des droits humains. De nombreuses personnes ont été arrêtées et maintenues en détention prolongée au secret par les services de la sécurité nationale, des renseignements de l’armée et de la police. Dans les centres des services de renseignements de l’armée du Darfour, la torture, notamment les passages à tabac et les décharges électriques, était pratiquée de manière systématique. Les personnes inculpées de vol, de meurtre ou d’actes de banditisme étaient jugées lors de procès sommaires et iniques. Des centaines de prisonniers ont été libérés par le gouvernement et par l’ALS à la suite du cessez- le-feu qui a été conclu au mois de septembre, mais les forces de sécurité ont continué d’arrêter et de placer en détention des personnes soupçonnées de liens avec des groupes armés d’opposition. Les Janjawid ont également enlevé des villageois, dont des femmes et des enfants, au cours de raids. Si certains ont réussi à s’échapper, souvent après avoir été torturés, on restait sans nouvelles des autres.
Dans le Darfour septentrional, l’aviation gouvernementale a bombardé, entre juin et septembre, les villes d’Al Tina, de Kornoy et de Kutum, ainsi que les villages environnants. L’hôpital et la prison de Kutum ont été détruits lors du bombardement de la ville au début du mois d’août, trois jours après le retrait de l’opposition armée ; 42 personnes, parmi lesquelles figuraient des malades, des gardiens de prison et des détenus, auraient trouvé la mort. Des bombardements aveugles ont par ailleurs été signalés après la proclamation du cessez-le-feu. Plusieurs dizaines de civils, dont Abdallah Issa Barday, qui venait d’Al Tina et se dirigeait vers son village de Basaw, ont été tués dans ces opérations, au cours desquelles des habitations et des bâtiments publics ont été détruits.
L’ALS et le MJE ont mis des civils en danger en déployant leurs combattants dans des zones habitées. Des informations ont également fait état de pillages et d’actes de torture imputables à des membres du MJE.
_Le 16 août, les Janjawid ont attaqué Garaday, un village d’environ 400 habitants proche de Silaya. Quelque 200 civils auraient été massacrés, dans certains cas à l’intérieur de leur maison, et d’autres auraient été battus et arrêtés. Tous les autres ont fui.
_Le 20 août, des milices soutenues par le gouvernement ont attaqué le village de Murli, non loin d’Al Geneina. Quatre-vingt-deux personnes ont trouvé la mort, abattues par balles ou brûlées vives à l’intérieur de leur maison. En septembre, une nouvelle attaque des Janjawid contre Murli, menée un jour de marché, a fait 72 victimes.
_Les raids des Janjawid contre des villages s’accompagnaient d’actes de violence envers les femmes, notamment d’agressions sexuelles. Trois adolescentes de Murli, âgées respectivement de dix, quinze et dix-sept ans, auraient été violées par des membres des Janjawid lorsqu’elles tentaient de s’enfuir. Deux femmes âgées de vingt et vingt-cinq ans auraient subi le même sort alors qu’elles ramassaient du bois à l’extérieur du village.
_En septembre, des membres du MJE ont arrêté six personnes qu’ils soupçonnaient d’être des espions. Ils les ont frappées à coups de crosse de fusil, puis ont versé un mélange d’acide, de piments et d’essence dans la bouche, le nez et les oreilles de deux d’entre elles. Celles-ci ont été libérées en décembre ; les quatre autres personnes arrêtées en même temps qu’elles s’étaient évadées en octobre.

Réfugiés et personnes déplacées

Entre les mois d’avril et de décembre, quelque 600 000 personnes ont fui les attaques des groupes armés et se sont réfugiées dans les villes du Darfour ou au Tchad voisin. Le gouvernement empêchait souvent les représentants des organisations humanitaires et des Nations unies, ainsi que les diplomates, de se rendre dans le Darfour.
La population de Mukjar est passée de 8 000 à 40 000 habitants. Selon les employés des organisations humanitaires, les réfugiés vivaient dans des conditions effroyables et les maladies se propageaient. Bon nombre des réfugiés installés le long de la frontière tchadienne n’étaient pas en sécurité. Malgré les déclarations d’intention formulées, dans le cadre du processus de paix engagé par le gouvernement et l’APLS, à propos de la réinstallation des réfugiés et des personnes déplacées, des millions de personnes vivaient toujours dans une situation extrêmement précaire dans des camps au Soudan et dans les pays voisins.

Utilisation excessive de la force

En mars, la police a fait une utilisation excessive de la force, à trois reprises au moins, pour disperser des manifestations étudiantes à Bakht er Ruda, non loin de Dueim, et à Khartoum. Les policiers auraient utilisé du gaz lacrymogène et frappé les étudiants à coups de matraque, avant de tirer à balles réelles. Trois manifestants ont été tués. Aucune enquête indépendante n’a été effectuée pour établir les circonstances de leur mort.
Sharif Hassibullah, étudiant à l’université El Nilein de Khartoum, a été abattu d’une balle dans la tête en mars lorsque la police a tiré à balles réelles sur des étudiants qui jetaient des pierres.

Torture

Selon toute apparence, les membres de l’armée et des forces de sécurité avaient systématiquement recours à la torture dans le Darfour ; cette pratique était également courante dans d’autres régions.
Cinq membres de la communauté nouba originaires de Dongola ont été arrêtés par les forces de sécurité en mai, après s’être réunis pour discuter du rapatriement après le démarrage du processus de paix. Ils auraient été violemment battus par des membres des forces de sécurité, qui leur auraient versé de l’acide de batterie sur le corps. Awad Ibrahim est mort en détention ; deux autres détenus ont été transférés à l’hôpital de Khartoum au mois de juin. Ces hommes ont été libérés sans inculpation en juillet. Aucune enquête indépendante n’a été effectuée sur les sévices infligés à Awad Ibrahim ni sur les circonstances de sa mort.
Quarante-quatre personnes, appartenant pour la plupart au groupe ethnique maalyia, ont été torturées à Aduma (Darfour méridional) à la suite de leur arrestation, en juillet, par des membres de la police et de l’armée. On les aurait violemment frappées à coups de bâton, de tuyau en plastique et de crosse de fusil pour leur arracher des informations ou pour les contraindre à « avouer » leur implication dans l’homicide commis sur un membre de l’ethnie rizeiqat. Certaines auraient reçu des décharges électriques et deux d’entre elles ont déclaré qu’on leur avait enfoncé une matraque métallique dans l’anus. Un médecin qui les a examinées a relevé des lésions qui correspondaient à leurs allégations. Le traitement infligé à ces détenus ayant connu un fort retentissement médiatique, leurs « aveux » ont été rejetés en novembre par un tribunal pénal spécialisé de Nyala, qui a acquitté 43 d’entre eux. L’un des accusés, Abdallah Agai Akot, un Dinka, a été condamné à mort pour meurtre.
Sud du Soudan
Des informations ont fait état d’actes de torture, notamment de viols, et d’autres formes de mauvais traitements infligés aux détenus dans les prisons administrées par l’APLS dans le sud du pays.

Détention au secret sans jugement

L’armée et les forces de sécurité continuaient de maintenir des personnes en détention prolongée au secret sans les autoriser à consulter un avocat ni à contester devant une autorité judiciaire le bien-fondé de leur privation de liberté. Elles invoquaient l’article 31 de la Loi de 1999 relative aux forces de sécurité, qui permet de maintenir un individu en détention au secret, sans inculpation ni jugement, pendant une durée maximale de neuf mois.
Ahmad Mukwai, un adolescent dinka de seize ans arrêté à Babanusa en août 2002 et détenu, apparemment en otage, dans la division politique de la prison de Kober, aurait été libéré en juillet après avoir été incarcéré pendant onze mois sans inculpation ni jugement.

Tribunaux d’exception
Comme les années précédentes, des tribunaux d’exception du Darfour septentrional et du Darfour occidental, ainsi que des juridictions pénales spécialisées du Darfour méridional, ont prononcé de lourdes peines à l’issue de procès inéquitables. Les avocats n’étaient, le plus souvent, autorisés à plaider qu’à titre d’« ami », et des « aveux » obtenus sous la contrainte étaient régulièrement retenus à titre de preuve.
Trente-huit personnes accusées d’avoir tué 35 villageois et d’en avoir blessé 28 autres lors d’un raid contre le village de Singita (Darfour) ont comparu devant le tribunal pénal spécialisé de Nyala ; 26 d’entre elles, dont un enfant, ont été condamnées à mort au mois d’avril. Les accusés étaient représentés par trois avocats, qui n’ont été autorisés à rencontrer leurs clients et n’ont eu accès au dossier que cinq jours avant l’ouverture du procès, en mars. Les juges - un militaire, un policier et un civil qui exerçait la fonction de président - ont autorisé les avocats de la défense à poser quatre questions seulement à chacun des accusés et des témoins. Le ministère public, en revanche, pouvait poser un nombre illimité de questions. La sentence capitale prononcée contre l’enfant a été commuée à la suite du procès en appel, en mai, en une peine de 25 coups de fouet qui a été exécutée sur-le-champ.

Peine de mort
Au moins 10 personnes ont été exécutées. Les procès pour des crimes de droit commun étaient le plus souvent iniques ; dans la plupart des cas, les accusés ne bénéficiaient de l’assistance d’un avocat que pour la procédure d’appel.
Adam Musa Beraima et Adam al Zain Ismail ont été exécutés en septembre dans la prison de Kober. Ils avaient été condamnés à mort en mars 2002 pour vol à main armée, à l’issue d’un procès devant un tribunal d’exception de Nyaba pour lequel ils n’avaient pas bénéficié de l’assistance d’un avocat.

Restrictions à la liberté d’expression
Bien que les autorités aient annoncé en août leur intention de supprimer la censure, la liberté d’expression était toujours l’objet de restrictions.
_Le Khartoum Monitor, quotidien de langue anglaise, a subi de nombreuses sanctions : le journal a été suspendu, certaines éditions ont été saisies et des amendes lui ont été infligées à plusieurs reprises. Un journaliste a été détenu pendant dix-huit jours en mars ; en mai, le directeur de la rédaction a été arrêté et privé de liberté pendant une nuit, durant laquelle il a été brutalisé.

Défenseurs des droits humains
Comme les années précédentes, des défenseurs des droits humains ont été harcelés et, dans certains cas, placés en état d’arrestation.
_Ghazi Suleiman, président du Groupe soudanais de défense des droits humains, a été arrêté en juillet et détenu au secret pendant quinze jours à la prison de Kober. L’organisation qu’il dirige était sur le point d’organiser une cérémonie à l’occasion de la publication de la Déclaration de Khartoum, qui demandait la fin du régime de parti unique et de l’application du droit musulman.

Violence contre les femmes
Comme les années précédentes, des femmes ont été enlevées et violées par des membres des milices alliées au gouvernement. D’autres ont été déplacées dans le cadre du conflit se déroulant dans les zones pétrolifères et dans le Darfour. Les femmes se voyaient infliger des peines de flagellation pour adultère quand, dans des circonstances similaires, les hommes échappaient généralement à tout châtiment. Elles continuaient de faire l’objet de harcèlement et, dans certains cas, de sanctions en vertu de la Loi relative à l’ordre public, qui restreint leur liberté de mouvement.
En mai, une adolescente célibataire de quatorze ans, enceinte de neuf mois, a été condamnée à une peine de 100 coups de fouet par le tribunal pénal de Nyala. Elle a interjeté appel en arguant de sa grossesse et de son âge et en invoquant le fait qu’elle n’avait pas bénéficié de l’assistance d’un avocat lors du procès en première instance. La cour d’appel du Darfour et la cour suprême d’el Obeid ont confirmé la sentence, qui n’avait pas été exécutée fin 2003.

Visites d’Amnesty International
En janvier, une délégation d’Amnesty International a rencontré des responsables gouvernementaux et mené des recherches à Khartoum et dans le Darfour. Des représentants de l’organisation ont effectué une mission de recherche en novembre auprès de réfugiés soudanais au Tchad.

Autres documents d’Amnesty International

Soudan. Des promesses en l’air ? Violations des droits humains dans les territoires sous contrôle gouvernemental (AFR 54/036/2003).
Soudan. La crise humanitaire dans le Darfour due à l’inaction du gouvernement soudanais (AFR 54/101/2003).

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