Zimbabwe

RÉPUBLIQUE DU ZIMBABWE
CAPITALE : Harare
SUPERFICIE : 390 759 km_
POPULATION : 12,9 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Robert Gabriel Mugabe
PEINE DE MORT : maintenue
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Les attaques menées avec le soutien des autorités contre les détracteurs du gouvernement se sont intensifiées, en particulier celles qui visaient les sympathisants du parti d’opposition Movement for Democratic Change (MDC, Mouvement pour le changement démocratique). Des cas de mauvais traitements et de torture ont été signalés tout au long de l’année. Des centaines de personnes ont été interpellées pour avoir tenu des réunions politiques ou participé à des manifestations pacifiques. Des journalistes ont été harcelés et arrêtés ; un grand quotidien indépendant a reçu l’ordre de cesser ses activités. Les manipulations politiques auxquelles se livraient les responsables et les sympathisants de la Zimbabwe African National Union-Patriotic Front (ZANU-PF, Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique, le parti au pouvoir) concernant la distribution de l’aide alimentaire se sont poursuivies cette année encore. La situation alimentaire demeurait critique.

Contexte

Au mois de mars, le Commonwealth a maintenu la suspension du Zimbabwe de ses instances dirigeantes, dans l’attente de la réunion des chefs de gouvernement de la communauté qui devait se tenir en décembre à Abuja, au Nigéria. À l’issue de cette assemblée, les dirigeants du Commonwealth ont confirmé la suspension à l’issue d’un vote, et le Zimbabwe s’est retiré de l’organisation. Au mois de mai, les chefs d’État de l’Afrique du Sud, du Nigéria et du Malawi se sont rendus au Zimbabwe dans un but de médiation entre le MDC et la ZANU-PF. La situation économique du pays s’est progressivement dégradée. Elle était marquée par une inflation et un chômage endémiques, ainsi que par de graves pénuries en denrées de première nécessité, en carburant et en liquidités.
En juillet, le président Mugabe a annoncé devant le Parlement son intention de faire déposer un projet de loi régissant le fonctionnement des organisations non gouvernementales (ONG) et modifier la Loi relative au Conseil national de l’enseignement supérieur. Il était à craindre que de tels projets de loi ne restreignent davantage encore les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.
D’après les informations reçues, le gouvernement a établi dans tout le pays des camps d’entraînement destinés à des milices de jeunes. La création de ces camps a rendu plus tangibles encore les préoccupations au sujet du recours à de jeunes miliciens pour commettre de graves atteintes aux droits humains contre ceux qui sont perçus comme des ennemis politiques du gouvernement.
Quatre hommes reconnus coupables d’homicide volontaire et condamnés à mort ont été exécutés par pendaison au mois de juin.

Élections

Les élections municipales et les élections législatives partielles ont été entachées de violences à caractère politique et de manœuvres d’intimidation dirigées contre les partisans de l’opposition et commises par les forces gouvernementales et par les sympathisants du parti au pouvoir.
Les élections législatives partielles qui se sont déroulées en mars à Kuwadzana et à Highfield, deux banlieues d’Harare, la capitale, ont été marquées par des actes de violence. Des milices soutenues par l’État, des policiers et des partisans du parti au pouvoir ont harcelé et attaqué des candidats du MDC et leurs sympathisants.
_Au cours des élections municipales et des élections législatives partielles qui ont eu lieu les 30 et 31 août, des militants de la ZANU-PF, armés de lance-pierres, de pierres et de barres de fer, ont intimidé les scrutateurs et les partisans du MDC en les empêchant de s’approcher des bureaux de vote.
Le 3 novembre, la Haute Cour a examiné la requête que le MDC avait introduite en avril 2002 pour contester les résultats de l’élection présidentielle de mars 2002. Aucune décision sur cette affaire n’avait été rendue à la fin de l’année 2003.

Impunité

Les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains ont continué de jouir d’une totale impunité et les accusations proférées contre des agents de l’État n’ont fait l’objet d’aucune enquête. La plupart des violences ont été commises par des sympathisants du parti au pouvoir, des policiers, des membres des forces de sécurité ou des militaires et étaient dirigées contre des sympathisants de l’opposition.
En juillet, Henry Dowa, un policier zimbabwéen servant dans la Police civile des Nations unies (CIVPOL) au Kosovo, a été accusé d’avoir dirigé et commis des actes de torture alors qu’il était en poste au commissariat central d’Harare. Il est rentré au Zimbabwe en octobre, à la suite d’une enquête interne menée par les Nations unies sur ces allégations. On ignorait à la fin de l’année si des sanctions disciplinaires avaient été prises contre lui.

Menaces sur l’indépendance de la magistrature

Les autorités ont continué de harceler, d’intimider et de pousser à la démission les magistrats qui avaient rendu des jugements considérés comme favorables à l’opposition politique.
Le 17 février, Benjamin Paradza, juge de la Haute Cour, a été arrêté et inculpé pour avoir cherché à entraver le cours de la justice et transgressé la Loi relative à la prévention de la corruption dans le cadre d’une affaire à laquelle, semble-t-il, était mêlée une personne associée à lui dans une entreprise commerciale. Il a passé une nuit en garde à vue dans une cellule de police avant d’être remis en liberté sous caution le lendemain, sur décision rendue par une Magistrates’ Court (juridiction pénale inférieure). Il s’est avéré que les raisons de l’arrestation du juge étaient que, en janvier, il avait ordonné la libération d’Elias Mudzuri, maire de Harare et membre du MDC, arrêté en même temps que 21 personnes - des conseillers municipaux et des employés de la ville - et inculpé pour avoir tenu une réunion politique non autorisée. En septembre, la Cour suprême a statué que l’arrestation de Benjamin Paradza était illégale et inconstitutionnelle. Les charges pesant sur Elias Mudzuri ont par la suite été abandonnées.

Attaques contre l’opposition politique

La police a procédé à des arrestations massives de membres et de sympathisants de l’opposition à la suite de manifestations nationales dirigées par le MDC et très largement suivies.
Le porte-parole du MDC, Paul Themba Nyathi, a été arrêté le 8 avril et inculpé pour des faits liés à une grève générale organisée les 18 et 19 mars par le MDC. Il a été remis en liberté le 11 avril et toutes les charges retenues contre lui ont été abandonnées.
Au mois d’août, dans le procès du responsable du MDC Morgan Tsvangirai, inculpé de trahison, deux coaccusés - Welshman Ncube et Renson Gasela, respectivement secrétaire général et député du MDC - ont été mis hors de cause, faute de preuves. Le procès a repris pendant une seule journée, le 2 décembre, après quatre mois de suspension d’audience. Les trois hommes avaient été accusés de trahison au mois de mars 2002 pour avoir, semble-t-il, préparé l’assassinat du président Mugabe. Ils ont toujours réfuté ces accusations.

Torture, mauvais traitements et exécutions illégales

Des fonctionnaires de police ont été impliqués dans des actes de torture, des mauvais traitements et des exécutions illégales, dont les victimes étaient la plupart du temps des partisans du MDC.
Le 15 janvier, la police a arrêté Job Sikhala, député du MDC, Gabriel Shumba, avocat du Zimbabwe Human Rights NGO Forum (Forum des ONG de défense des droits humains du Zimbabwe), et trois autres sympathisants du MDC, Bishop Shumba, Taurai Magaya et Charles Mutama. Ces cinq hommes auraient été torturés pendant leur garde à vue. Des examens médicaux ont permis d’établir que Job Sikhala et Gabriel Shumba avaient été soumis à des décharges électriques sur les parties génitales, la bouche et les pieds. En outre, ces deux hommes auraient été forcés à boire de l’urine. En février, à Harare, la Haute Cour a rejeté, faute de preuves, les accusations de trahison qui pesaient sur les cinq hommes.
Le 13 avril, des policiers auraient frappé Tonderai Machiridza, militant du MDC, à coups de pied, de matraque et de menottes. Le jour même, il a été emmené par des agents à un hôpital d’Harare où il a été enchaîné à son lit et placé sous surveillance policière. Le 17 avril, un juge a ordonné sa remise en liberté sous caution et il a été transféré dans un hôpital privé, où il est mort le lendemain des suites de ses blessures.

Répression de la liberté d’association et de réunion

La police a arrêté des centaines de militants, notamment des dirigeants syndicaux et des responsables issus de la société civile, à la suite d’un certain nombre de manifestations pacifiques. La plupart d’entre eux ont été inculpés au titre de la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité, adoptée en 2002.
À la suite de la grève générale organisée par le MDC en mars, la police a arrêté des centaines de partisans de l’opposition et de défenseurs des droits humains, dont beaucoup ont été frappés et torturés pendant leur garde à vue. Environ 130 d’entre eux ont été inculpés pour incitation à la violence et actes « terroristes », avant d’être remis en liberté sous caution. Le vice-président du MDC, Gibson Sibanda, a été interpellé le 31 mars et inculpé de trahison, infraction passible d’une peine pouvant aller jusqu’à vingt ans de réclusion, après que les autorités l’eurent accusé d’avoir cherché à renverser le gouvernement en incitant la population à participer à la grève générale. Il a été libéré sous caution le 7 avril. Aucune date n’avait encore été fixée à la fin de l’année pour le procès.
_Environ 200 militants syndicaux ont été arrêtés à travers tout le pays le 8 octobre, à la suite de manifestations organisées pour protester contre le niveau élevé des impôts et de l’inflation. À Harare, Lovemore Matombo et Wellington Chibebe, respectivement président et secrétaire général du Zimbabwe Congress of Trade Unions (ZCTU, Congrès des syndicats zimbabwéens), ainsi que plus de 50 syndicalistes, ont été arrêtés afin qu’ils ne puissent pas organiser une manifestation. Certains d’entre eux ont été inculpés d’infractions liées à l’ordre public, en vertu de l’article 7 de la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité. Ils ont été remis en liberté le 9 octobre dans l’attente de leur procès.
Mise à jour
_En juin, les charges retenues contre Raymond Majongwe, le secrétaire général du Progressive Teachers’Union of Zimbabwe (PTUZ, Syndicat des enseignants progressistes du Zimbabwe), ont été abandonnées faute de preuves. Il avait été arrêté en octobre 2002 et inculpé en vertu de la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité, pour avoir encouragé les enseignants à se mettre en grève.

Répression visant les médias

La Loi relative à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée, adoptée en 2002, a été invoquée dans une tentative de réduire les journalistes au silence. Les collaborateurs des médias privés et étrangers ont été la cible de manœuvres de harcèlement, de détentions arbitraires et d’attaques.
_Le 18 mars, Philimon Bulawayo, photographe du Daily News, grand quotidien indépendant du Zimbabwe, a été arrêté et aurait subi des actes de violence de la part de policiers parce qu’il essayait de couvrir la grève générale du mois de mars. Il a, par la suite, été remis en liberté sans inculpation.
_Le 16 mai, Andrew Meldrum, journaliste américain travaillant pour le quotidien britannique The Guardian, a été placé en détention au secret pendant plusieurs heures avant d’être expulsé du pays en toute illégalité par les autorités zimbabwéennes, au mépris d’une décision de justice prononcée par la Haute Cour et suspendant l’ordonnance d’expulsion.
En septembre, la police a ordonné la fermeture des locaux de la rédaction du Daily News, à Harare. La veille de la fermeture, la Cour suprême du Zimbabwe avait déclaré le fonctionnement du journal illégal, ses dirigeants ne l’ayant pas enregistré auprès de la Commission des médias et de l’information placée sous contrôle gouvernemental, malgré l’obligation qui leur en incombait en vertu de la Loi relative à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée. Vingt journalistes ont été arrêtés et inculpés pour avoir exercé leur profession sans accréditation, avant d’être remis en liberté sous caution. Après que la Commission des médias et de l’information eut refusé d’enregistrer le quotidien, le tribunal administratif lui a enjoint, le 24 octobre, de délivrer un agrément au Daily News. Le quotidien a publié une édition le 25 octobre, mais la police a de nouveau procédé à la fermeture de ses bureaux et appréhendé cinq de ses responsables, qui ont été inculpés de publication sans licence. Ces personnes ont toutes été libérées sous caution. Michael Majuru, juge du tribunal administratif qui assumait les fonctions de président au moment de l’appel interjeté par le Daily News contre la décision de fermeture, a été contraint de démissionner au mois de novembre après avoir été accusé de partialité par le Herald, journal appartenant au pouvoir.

Défenseurs des droits humains

Le travail et la sécurité des défenseurs des droits humains étaient, cette année encore, menacés en raison des mesures répressives adoptées par les autorités à l’égard de ceux qui critiquaient le gouvernement.
_En août, la Commission des médias et de l’information aurait accusé l’Institut des médias d’Afrique australe, une organisation non gouvernementale, de fonctionnement illégal ; elle aurait menacé ses membres d’emprisonnement s’ils s’obstinaient à refuser l’enregistrement de l’Institut auprès de la Commission.
Le 12 octobre, l’avocate spécialisée dans la défense des droits humains Beatrice Mtetwa aurait été passée à tabac par des policiers alors qu’elle appelait à l’aide après que des voleurs eurent tenté de pénétrer de force dans son véhicule. Elle aurait reçu des coups de poing et de pied sur tout le corps, ce qui a occasionné de graves contusions et des coupures au visage, à la gorge, sur les bras et sur les jambes. Beatrice Mtetwa avait, auparavant, représenté en justice le journaliste Andrew Meldrum (voir plus haut) et le Daily News.

Pénurie alimentaire

Les autorités et les milices soutenues par l’État ont de nouveau refusé à des Zimbabwéens la possibilité de bénéficier de l’aide alimentaire, en se fondant sur l’affiliation politique, réelle ou supposée, de ces derniers. Elles ont de plus utilisé cette forme d’assistance pour acheter les voix des citoyens pendant les élections législatives partielles. Au mois de juillet, le gouvernement a officiellement demandé que les organes des Nations unies maintiennent l’aide alimentaire.
Le 7 novembre, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies a indiqué que la sécurité alimentaire demeurait une question critique dans les régions rurales et urbaines du Zimbabwe, où la plupart des habitants n’avaient qu’un accès limité à la nourriture. Toujours en novembre, le Programme alimentaire mondial a averti que la crise alimentaire dont souffrait le Zimbabwe allait encore s’aggraver au cours de l’année à venir.

Visites d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus au Zimbabwe au mois de janvier afin d’y effectuer des recherches.

Autres documents d’Amnesty International

Zimbabwe. Les droits fondamentaux menacés de toutes parts (AFR 46/012/2003).

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