Pérou

RÉPUBLIQUE DU PÉROU
CAPITALE : Lima
SUPERFICIE : 1 285 216 km_
POPULATION : 27,2 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Alejandro Toledo Manrique
CHEF DU GOUVERNEMENT : Luis María Santiago Eduardo Solari De La Fuente, remplacé par Beatriz Merino Lucero le 28 juin
PEINE DE MORT : abolie sauf pour crimes exceptionnels
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifié

La Commission vérité et réconciliation a présenté son rapport définitif au président de la République. La législation « antiterroriste », qui a donné lieu à des procès inéquitables depuis son entrée en vigueur, en 1992, a été déclarée contraire à la Constitution, et des réformes ont été introduites. De très nombreux prisonniers d’opinion sont restés incarcérés. Les conditions de détention étaient toujours aussi éprouvantes.

Contexte
Les sondages d’opinion ont, cette année encore, fait apparaître un mécontentement général à l’égard de la politique économique du gouvernement. Selon l’Institut péruvien de la statistique, plus de la moitié de la population vivait dans la pauvreté.
En mai, l’état d’urgence a été déclaré pour trente jours à la suite des grèves et des manifestations lancées dans tout le pays par le syndicat des enseignants et d’autres unions de travailleurs pour revendiquer des salaires plus élevés. Les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence ont restreint le droit des citoyens à la sécurité de leur personne, le droit de circuler librement ainsi que la liberté de réunion, et donné aux autorités le pouvoir de pénétrer chez des particuliers sans mandat de perquisition. Dans le département de Puno, de très nombreuses personnes qui protestaient contre l’état d’urgence se sont heurtées aux forces de sécurité. Un étudiant a été tué et des dizaines de manifestants ont été blessés dans des circonstances donnant à penser que les forces de l’ordre avaient fait usage d’une force excessive pour disperser la foule.
Le poste de defensor del pueblo (médiateur) n’a pas été définitivement pourvu. Un médiateur provisoire était en place depuis le mois de février 2001. Les détracteurs du gouvernement ont affirmé qu’il y avait un manque visible de volonté politique pour mettre en place un Bureau du médiateur bénéficiant d’une véritable autorité.

La Commission vérité et réconciliation
La Commission vérité et réconciliation, créée en 2001 pour déterminer les circonstances dans lesquelles, entre mai 1980 et novembre 2000, des représentants de l’État et des groupes d’opposition armés ont commis des atteintes aux droits humains a remis son rapport définitif en août. Elle a estimé que, pendant ces vingt ans, 69 000 personnes avaient été victimes d’homicides ou de « disparitions », imputables dans 54 p. cent des cas au groupe d’opposition armé du Sendero Luminoso (Sentier lumineux) et dans 46 p. cent des cas aux forces armées. La Commission a également conclu que les trois quarts des victimes étaient des personnes de langue quechua, ce qui met en évidence « la discrimination et la marginalisation de la population andine rurale, qui sont enracinées dans la société péruvienne ».
Soulignant que la justice était un facteur essentiel de réconciliation, la Commission a indiqué qu’elle avait fourni au ministère public l’identité de 24 000 victimes, afin que justice soit rendue. Elle a aussi affirmé que l’« on ne peut pas construire un pays éthiquement sain et politiquement viable sur les fondements de l’impunité ». Entre autres recommandations, elle a proposé une réforme institutionnelle, un plan intégré pour les réparations, un plan national pour l’intervention d’anthropologues légistes (4 644 charniers ont été recensés) ainsi que des mesures destinées à garantir la mise en œuvre de ses recommandations.
À la suite de ces conclusions, le président Alejandro Toledo a présenté des excuses au nom de l’État « à tous ceux qui ont souffert ». Il a annoncé que son gouvernement consacrerait l’équivalent de 650 millions d’euros à un plan pour la paix et le développement axé sur l’amélioration des équipements publics dans les régions les plus touchées et sur le renforcement des organismes d’État et de la société civile. Il n’a toutefois pas offert les réparations individuelles demandées par les victimes et leurs familles. Sur la question de l’impunité, les déclarations du président ont été critiquées. Il a en effet indiqué que « certains membres des forces de l’ordre se sont livrés à des excès douloureux », se refusant ainsi à reconnaître que les violations commises par les forces de sécurité avaient été généralisées et systématiques, comme l’avait conclu la Commission vérité et réconciliation. Le président de la République a affirmé avec force qu’il incombait désormais au ministère public et aux autorités judiciaires de rendre la justice dans ces affaires, « sans protéger ni l’impunité ni les abus ».

Législation « antiterroriste »
Dans un arrêt rendu en janvier, le Tribunal constitutionnel a estimé inconstitutionnelles la détention à perpétuité et la pratique consistant à juger des civils devant des tribunaux militaires. Le gouvernement a par la suite promulgué plusieurs décrets-lois pour mettre la législation en conformité avec cette décision. Toutes les sentences prononcées par les tribunaux militaires pour « trahison » ont été annulées et toutes les personnes qui avaient été traduites devant une juridiction militaire ont été renvoyées devant les tribunaux ordinaires. Il a aussi été prévu que toutes les personnes qui ont comparu entre 1992 et 1997 devant des juges « sans visage » (dont l’identité était gardée secrète) feraient l’objet de nouveaux procès. Enfin, la durée des peines imposées en vertu de la législation « antiterroriste » a été modifiée. À la suite de cette décision, certains prisonniers politiques ont été jugés de nouveau dans le cadre d’une procédure publique, devant des tribunaux ordinaires. Amnesty International demeurait cependant très préoccupée par le caractère général et imprécis de la définition du « terrorisme » donnée par la législation, et par le fait que, malgré la réduction à trente années de la durée maximale d’une peine de détention, la remise en liberté des détenus ayant été incarcérés pendant cette période restait sujette à révision.

Prisonniers d’opinion
De très nombreux prisonniers d’opinion avérés ou présumés, qui avaient été inculpés d’infractions « liées au terrorisme » sur la base de fausses accusations, étaient toujours incarcérés. La commission spéciale créée au sein du ministère de la Justice pour examiner leurs dossiers a été suspendue de facto après qu’il eut été annoncé que toutes les personnes ayant comparu devant des tribunaux militaires et des juges « sans visage » seraient jugées de nouveau. De vives inquiétudes ont été exprimées à l’idée que ces personnes feraient l’objet d’un nouveau procès au lieu d’être remises en liberté immédiatement et sans condition, et risquaient par conséquent de passer encore de nombreuses années derrière les barreaux en raison de la lenteur des procédures et de l’inefficacité de l’appareil judiciaire.

Conditions de détention éprouvantes
Les conditions de détention dans les prisons de haute sécurité, où étaient détenues les personnes inculpées d’infractions « liées au terrorisme », demeuraient éprouvantes et s’apparentaient, dans certains cas, à un traitement cruel, inhumain et dégradant. En février, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a de nouveau demandé aux autorités la fermeture de la prison de Challapalca. Il règne un froid extrême dans cet établissement situé à plus de 4 600 mètres d’altitude et par ailleurs très difficile d’accès, ce qui limite l’exercice du droit des détenus d’être en contact avec le monde extérieur, notamment avec leurs proches, des avocats et des médecins. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a aussi demandé la fermeture de la prison de haute sécurité de Yanamayo. Cet établissement, situé dans le département de Puno, a été rouvert en janvier après des travaux de rénovation des bâtiments.

Défenseurs des droits humains et journalistes pris pour cibles
Des informations ont fait état d’actes d’intimidation et de menaces dirigés contre des défenseurs des droits humains à Lima, la capitale, et contre des journalistes qui avaient manifesté leur opposition au gouvernement de la province de Canchis.

Torture
Les actes de torture et les autres formes de mauvais traitements commis par des membres des forces de sécurité sont restés un motif de préoccupation. Cette année encore, les cas signalés ont rarement donné lieu à l’ouverture d’une enquête.
_Au mois de novembre, un procureur a invoqué la prescription pour mettre fin à l’enquête dans l’affaire Luis Alberto Cantoral Benavides, qui avait été torturé en 1993. Faisant valoir que le délai de prescription pour les crimes de coups et blessures graves et d’abus d’autorité avait expiré et que le Code pénal péruvien n’avait été modifié pour inclure la torture comme un crime spécifique qu’en 1998, il a déclaré que le dossier devait être clos. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a décidé, en décembre, que le Pérou ne saurait invoquer la prescription légale pour ne pas avoir à respecter ses décisions dans cette affaire. Elle avait estimé, en 2000, que le Pérou avait violé, entre autres, le droit de la victime d’être traitée avec humanité et le droit à la liberté de sa personne. Elle avait aussi conclu, en 2000 et en 2001, que les autorités devraient enquêter sur cette affaire, déférer les responsables présumés à la justice et offrir réparation à la victime et à ses proches. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a ordonné au Pérou de présenter, d’ici à avril 2004, un rapport exposant en détail les mesures prises pour donner suite à ses décisions de 2000 et 2001.

Mise à jour : exécutions extrajudiciaires présumées de 1996
Le tribunal militaire qui a été saisi du cas des 15 officiers de l’armée accusés de l’exécution extrajudiciaire de membres du groupe d’opposition armé Movimiento Revolucionario Túpac Amaru (MRTA, Mouvement révolutionnaire Túpac Amaru) n’a pas retenu l’accusation. Le fait que les tribunaux militaires ne soient ni indépendants ni impartiaux constituait un motif grandissant de préoccupation. Des proches des victimes ont fait appel de la décision du tribunal. Les membres du MRTA avaient fait irruption dans la résidence de l’ambassadeur du Japon en décembre 1996 et pris des personnes en otages. Les forces de sécurité, intervenues sur l’ordre du président Alberto Fujimori, alors en exercice, avaient mis fin à la crise en avril 1997. Les 14 membres du commando du MRTA avaient été tués. Selon des allégations, certains d’entre eux auraient été exécutés de manière extrajudiciaire.

Exactions commises par l’opposition armée
D’après les informations recueillies, de petits groupes du Sentier lumineux sont restés actifs dans certaines régions. En juin, des membres de cette organisation ont enlevé plus de 60 ouvriers de la société argentine Techint en un point situé non loin de la ville de Toccate, à environ 350 kilomètres au sud-est de la capitale, où ils travaillaient à la construction d’un gazoduc. Ils ont été relâchés trente-six heures plus tard.
Selon certaines sources, des membres du Sentier lumineux ont menacé des défenseurs des droits humains à Tabalosos, dans la province de Requena.

Tambogrande : les droits économiques et sociaux menacés
Les habitants du district de Tambogrande, dans le département de Piura (nord du pays), ont cette année encore exprimé des craintes quant au risque de pollution de l’eau et des sols provoqué par d’éventuelles activités minières, qui pourrait compromettre les récoltes. La société canadienne à l’origine du projet a affirmé que ces craintes avaient été réfutées par l’étude d’impact environnemental effectuée par ses soins. La région produit plus de 40 p. cent des mangues et des agrumes du pays. Les organisations locales de défense des droits humains ont demandé instamment aux pouvoirs publics de ne pas approuver l’étude d’impact de la société, soulignant qu’il y avait des raisons de croire que ce projet était dangereux pour l’environnement et menaçait, par voie de conséquence, les droits économiques et sociaux de la population locale. Les autorités n’avaient toujours pas pris de décision fin 2003. Dans le courant de 2002, une consultation de l’opinion organisée par la municipalité et la population de Tambogrande avait laissé apparaître une opposition massive au projet d’activité minière.

Demande d’extradition de l’ancien président Alberto Fujimori
Au mois de juillet, le gouvernement a demandé aux autorités japonaises d’extrader l’ancien président, Alberto Fujimori, qui est inculpé de violations des droits humains et de corruption. À la fin de l’année 2003, les autorités japonaises n’avaient encore pris aucune décision.

Autres documents d’Amnesty International

Pérou. Des mesures doivent être prises d’urgence pour mettre un terme aux graves violations des droits humains liées à l’application de la législation « antiterroriste » (AMR 46/001/2003).
Peru : Letter to the President in support of the work of the Truth and Reconciliation Commission (AMR 46/011/2003).

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