Belgique

ROYAUME DE BELGIQUE
CAPITALE : Bruxelles
SUPERFICIE : 30 520 km_
POPULATION : 10,3 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Albert II
CHEF DU GOUVERNEMENT : Guy Verhofstadt
PEINE DE MORT : abolie
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : signé

Selon certaines allégations, des suspects de droit commun, des demandeurs d’asile, des manifestants et des immigrés en situation irrégulière ont été victimes de mauvais traitements, d’un usage excessif de la force et de violences à caractère raciste de la part de policiers. Il n’existait pas suffisamment de garanties fondamentales contre les mauvais traitements en garde à vue et des défaillances ont été enregistrées dans le fonctionnement des mécanismes de contrôle, de recours et d’investigation concernés. Quatre agents de la force publique se sont vu infliger des peines d’emprisonnement avec sursis à la suite de la mort d’une demandeuse d’asile, survenue en 1998 au cours d’une opération d’expulsion. Des organisations de défense des droits des réfugiés ont dénoncé la complexité excessive, la lenteur et le manque de transparence des procédures d’asile, ainsi que l’interprétation restrictive qui était faite de la définition du réfugié. Le traitement des mineurs demandeurs d’asile n’était toujours pas en conformité avec les normes internationales relatives au traitement des enfants. Une nouvelle loi a fortement restreint l’ancien champ d’application de la législation qui conférait aux tribunaux belges une compétence universelle, aggravant ainsi le risque que les auteurs de crimes jouissent de l’impunité. Les conditions carcérales, notamment la surpopulation, les violences entre détenus, le manque de personnel, l’insuffisance de la formation reçue et l’absence d’un contrôle externe adéquat, ont constitué, cette année encore, des motifs de préoccupation. Des épisodes racistes ont été recensés contre les communautés juive, arabe et musulmane. Malgré les nombreuses actions entreprises par les autorités pour s’attaquer aux violences conjugales, la majorité des plaintes déposées par des femmes pour violence domestique n’ont donné lieu à aucune poursuite. Les mesures adoptées afin de lutter contre les réseaux de traite d’êtres humains semblaient insuffisantes au vu des informations faisant état d’une augmentation persistante du nombre de femmes et d’enfants exploités dans le cadre de trafics sexuels.

Le Comité des Nations unies contre la torture
Le Comité des Nations unies contre la torture a examiné, en mai, le rapport initial de la Belgique. Il a exprimé un certain nombre de préoccupations au sujet du traitement infligé par la police à des suspects de droit commun et à des manifestants, de la rétention de demandeurs d’asile et d’immigrés en situation irrégulière - parmi lesquels se trouvaient des enfants - et du sort qui leur était réservé, du système carcéral - notamment en ce qui concerne le traitement des mineurs délinquants - et des modifications apportées à la loi conférant aux tribunaux une compétence universelle. Le Comité a émis des recommandations détaillées relatives aux motifs de préoccupation évoqués.

Mauvais traitements infligés par la police
De nouvelles informations ont fait état de mauvais traitements infligés par des policiers à des suspects de droit commun sur la voie publique ou dans les postes de police. Un grand nombre de victimes présumées étaient des étrangers ou des Belges d’origine non européenne, et des violences à caractère raciste ont bien souvent été signalées au cours de telles affaires. Par ailleurs, les rapports rendus par les organes de surveillance nationaux, dont le Comité permanent de contrôle des services de police, l’Inspection générale des services de la police fédérale et de la police locale et le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, rendaient compte d’allégations persistantes de fautes commises par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions, notamment de violences et d’injures. Le droit belge n’offrait aucune des garanties fondamentales contre les mauvais traitements en garde à vue énoncées dans les normes internationales. Selon les recommandations émises par le Comité contre la torture, les textes législatifs nationaux doivent expressément garantir le droit de toute personne, qu’elle soit détenue judiciairement ou administrativement, de consulter dans les meilleurs délais un avocat et un médecin de son choix, d’être informée de ses droits dans une langue qu’elle comprend et d’informer rapidement ses proches de sa détention. Le gouvernement a annoncé la création d’un groupe de travail interministériel chargé d’étudier les différents aspects d’une arrestation policière, notamment les droits dont disposent les personnes en garde à vue. Le Comité a également fait part de son inquiétude face au recours excessif à la force lors de manifestations et a demandé aux autorités que les directives sur l’utilisation de la force respectent pleinement la Convention contre la torture et qu’elles soient appliquées en conformité avec ces dispositions.
Certaines informations judiciaires ouvertes sur des affaires de mauvais traitements présumés imputables à des policiers semblaient ne pas avoir été conduites avec la diligence requise : quelques-unes d’entre elles se prolongeaient de manière excessive et les peines infligées étaient souvent de pure forme, lorsqu’elles étaient prononcées.
Mise à jour
En juin, à l’issue d’une procédure pénale ayant duré une dizaine d’années, la cour d’appel de Bruxelles a reconnu coupable un membre des forces de l’ordre de brutalités et d’injures racistes contre un Tunisien, Rachid N., et l’a condamné à une peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à des dommages et intérêts. En 2002, le tribunal correctionnel de Bruxelles avait acquitté en première instance le fonctionnaire mis en cause. Rachid N. a déclaré qu’il lui avait été ordonné de se déshabiller entièrement en présence de 10 gendarmes et qu’il avait été brutalisé et injurié lorsqu’il avait tenté de refuser. D’après le jugement rendu en première instance, il était incontestable que Rachid N. s’était vu infliger des blessures au cours de sa détention, mais les éléments de preuve présentés étaient insuffisants pour que l’accusé soit reconnu coupable des faits.

Violations des droits humains au cours d’opérations d’éloignement
Des informations ont fait état de mauvais traitements physiques et psychologiques infligés à des étrangers à différents stades du processus d’éloignement. Des personnes, y compris des enfants, auraient été soumises à des traitements traumatisants et à des actes d’intimidation lors d’opérations de police menées pour interpeller des immigrés clandestins et des demandeurs d’asile déboutés, au titre de mesures d’éloignement spécifiques. Plusieurs demandeurs d’asile remis en liberté sur décision judiciaire ont été immédiatement transférés par des policiers dans la zone de transit de l’aéroport de Bruxelles-National, où ils ont été retenus plusieurs jours - parfois plusieurs semaines - sans disposer des moyens de survie élémentaires.
De nouvelles informations ont indiqué que des policiers auraient infligé des menaces, des injures à caractère raciste, des violences physiques et des méthodes de contrainte dangereuses à certains étrangers qui tentaient de s’opposer à une mesure d’éloignement. Des policiers auraient notamment immobilisé des personnes en instance de renvoi dans des positions susceptibles de gêner la respiration et de provoquer la mort par asphyxie posturale, malgré l’interdiction expresse de recourir à de telles méthodes. D’autres informations laissaient à penser que, dans certains cas, les soins médicaux apportés à des personnes blessées lors de tentatives infructueuses d’éloignement n’étaient pas toujours prompts et suffisants.
Le Comité des Nations unies contre la torture a exprimé son inquiétude face à de telles informations, ainsi qu’au sujet de la possibilité de « mettre en détention, pour des périodes parfois longues, des mineurs non accompagnés » et de prolonger la détention des étrangers « aussi longtemps que ceux-ci refusent de collaborer à leur rapatriement ». Il était en outre préoccupé par le fait que des personnes pouvaient être renvoyées du pays alors qu’il n’avait pas été statué en dernière instance sur le recours qu’elles avaient déposé contre une mesure d’éloignement ou contre le rejet de leur demande d’asile.
Les personnes souhaitant porter plainte à la suite des mauvais traitements subis lors d’une opération d’éloignement rencontraient souvent un certain nombre d’obstacles. Elles avaient notamment des difficultés à obtenir une assistance juridique appropriée lorsqu’elles se trouvaient dans les centres de rétention pour étrangers et redoutaient de subir des représailles au moment du renvoi si une première tentative infructueuse avait donné lieu à des menaces de la part des policiers. Elle ne disposaient en outre que d’un délai très bref pour déposer une plainte avant d’être renvoyées de force ou de se conformer spontanément à une mesure d’éloignement. Enfin, leur départ du pays écartait de facto toute possibilité de saisir la justice pénale pour introduire une plainte et user de tous les moyens de recours possibles.
Amnesty International a appelé les autorités à veiller à ce que chaque personne ayant fait l’objet d’une opération d’éloignement interrompue soit soumise, automatiquement et immédiatement, à un examen médical dès son retour en détention. L’organisation a demandé qu’un organisme d’inspection indépendant soit chargé d’effectuer régulièrement des visites impromptues et non soumises à restriction dans les locaux de détention et les zones de transit des aéroports, ainsi qu’au centre « INADS » de l’aéroport de Bruxelles-National, où sont retenues les personnes interpellées à la frontière et non autorisées à pénétrer sur le territoire. Amnesty International a, par ailleurs, appelé à une révision des procédures relatives aux plaintes pour mauvais traitements infligés au cours d’opérations de renvoi, afin que les victimes puissent disposer sans difficulté d’au moins une voie de recours efficace et impartiale.
Parmananda Sapkota a déclaré que, lors de la deuxième tentative d’éloignement dont il a fait l’objet en janvier, il a été transféré du centre de détention de Merksplas à l’aéroport, où il a indiqué aux policiers ne pas vouloir partir au Népal car il y craignait pour sa vie. Il a affirmé que les agents de la force publique l’avaient frappé avant et après lui avoir attaché de façon douloureuse les mains et les pieds. Il a ensuite été conduit dans une fourgonnette jusqu’à un avion en partance, mais le pilote aurait refusé de l’embarquer, mettant un terme à l’opération de renvoi. Parmananda Sapkota a précisé que les policiers l’avaient jeté dans la camionnette et l’avaient frappé à l’intérieur du véhicule puis, plus tard, dans une salle de l’aéroport. Il a indiqué ne pas avoir reçu de soins adaptés aux blessures dont il souffrait. Une personne qui a vu Parmananda Sapkota en février alors qu’il se trouvait en détention a noté que son visage était tuméfié, à l’endroit où il a déclaré avoir été frappé, qu’il avait les mains enflées et que ses poignets portaient toujours la marque des menottes. De plus, il tremblait en faisant le récit du sort qu’il avait subi. Il a été renvoyé au Népal en mars, sans avoir porté plainte pour les brutalités infligées.
Mise à jour : mort au cours d’une opération d’éloignement
_En décembre, la 46e chambre du tribunal correctionnel de Bruxelles a déclaré quatre agents de la force publique coupables de coups et blessures involontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur la personne de Semira Adamu, demandeuse d’asile originaire du Nigéria. Cette jeune femme âgée de vingt ans est morte en 1998, quelques heures après une tentative de renvoi forcé depuis l’aéroport de Bruxelles-National. Avant le décollage, les gendarmes ont eu recours à la technique dite « du coussin » - méthode de contrainte autorisée à l’époque par le ministère de l’Intérieur, mais interdite depuis ; elle consiste à placer, avec précaution, un coussin sur la bouche d’une personne récalcitrante en instance de renvoi, pour l’empêcher de mordre et de crier, sans toutefois lui couvrir le nez. Semira Adamu a eu le visage enfoui dans un coussin pendant plus de dix minutes et a sombré dans le coma lorsque son cerveau a manqué d’oxygène. Elle est morte d’une hémorragie cérébrale quelques heures plus tard. Le tribunal a condamné les trois fonctionnaires qui l’avaient escortée sur le vol à des peines d’un an d’emprisonnement avec sursis et leur supérieur à quatorze mois d’emprisonnement avec sursis. Tous se sont également vu infliger des amendes, qui devront être réglées par l’État, lui-même condamné à verser d’importants dommages et intérêts à la famille de Semira Adamu. Un cinquième membre des forces de l’ordre a été acquitté.
À la suite du jugement, le ministre de l’Intérieur a demandé à une commission indépendante, chargée immédiatement après la mort de Semira Adamu d’évaluer les instructions et les méthodes appliquées en cas de renvoi forcé, de se réunir à nouveau afin de procéder à une deuxième analyse.

Compétence universelle
Une loi promulguée en 1993 et élargie au cours de l’année 1999 conférait aux tribunaux belges la compétence universelle à l’égard des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis au cours de conflits armés (internationaux ou non), quels que soient l’endroit où les crimes avaient été perpétrés et la nationalité des accusés et des victimes. En vertu de cette loi, au début de l’année 2003, des plaintes avaient été déposées tant contre un certain nombre de personnes d’une vingtaine de pays résidant hors de la Belgique que contre des personnes se trouvant dans le pays. Parmi les accusés figuraient des chefs d’État et des fonctionnaires subalternes, certains en fonction, d’autres non.
Des modifications ont été apportées à la loi en avril, en vertu desquelles les victimes n’étaient désormais autorisées à porter directement plainte auprès d’un juge d’instruction que si l’affaire avait un lien direct avec la Belgique, que ce soit par l’entremise de la victime ou de l’accusé. Dans le cas contraire, les plaintes devaient être déposées auprès du procureur fédéral afin d’être examinées et pour qu’il y soit, le cas échéant, donné suite. Par ailleurs, ces modifications permettaient au gouvernement de renvoyer certaines affaires devant les juridictions d’autres pays, à condition que ceux-ci soient réputés proposer une justice équitable et efficace.
En réponse, semble-t-il, aux pressions politiques exercées en grande partie par les autorités des États- Unis, le gouvernement a proposé en juillet une loi - approuvée par le Parlement en août - en vertu de laquelle la Belgique ne peut examiner une plainte pour crimes de génocide, crimes contre l’humanité ou crimes de guerre que dans les affaires où le pays est directement concerné, du fait du lien de l’accusé ou des victimes avec le Royaume. Dans les faits, l’adoption de ce texte signifiait que de nombreuses plaintes déposées en Belgique dans le cadre de telles affaires resteraient sans suite. Le gouvernement a toutefois donné des garanties explicites selon lesquelles les procédures pénales relatives aux crimes commis au Rwanda, au Guatémala et au Tchad, qui tous comptaient des victimes belges, se poursuivraient en Belgique.

Visites d’Amnesty International
Un délégué d’Amnesty International s’est rendu en Belgique au mois de mars.

Autres documents d’Amnesty International

Belgique. Examen devant le Comité des Nations unies contre la torture : allégations de mauvais traitements par la police (Résumé des conclusions et recommandations du Comité contre la torture et Recommandations d’Amnesty International) (EUR 14/001/2003).
Belgique. Allégations faisant état de mauvais traitements physiques et psychologiques, notamment d’injures racistes, infligés à Bernardin Mbuku et Odette Ibanda par des policiers à Bruxelles (EUR 14/002/2003).
Belgique. Responsabilités passées et actuelles dans la mort de Semira Adamu (EUR 14/005/2003).

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