Suisse

CONFÉDÉRATION HELVÉTIQUE
CAPITALE : Berne
SUPERFICIE : 41 293 km_
POPULATION : 7,2 millions
CHEF DE L’ÉTAT ET DU GOUVERNEMENT : Pascal Couchepin
PEINE DE MORT : abolie
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Des agents de police auraient infligé des mauvais traitements à des détenus, en particulier à des Suisses d’origine non européenne et à des étrangers, et ils auraient recouru de manière excessive à la force contre des manifestants. Il était à craindre que les nouvelles mesures relatives à l’aide sociale et le projet de loi sur l’asile n’entraînent de graves difficultés pour les personnes ayant besoin d’une protection internationale et ne fassent obstacle à l’exercice réel du droit d’asile. Les violences domestiques contre les femmes constituaient toujours un problème majeur, bien que les autorités aient adopté un certain nombre de mesures pour y remédier.

Contexte
Au mois d’octobre, l’Union démocratique du centre (UDC) a remporté le plus grand nombre de suffrages aux élections parlementaires. Ce parti de droite a donc obtenu un second siège au Conseil fédéral qui compte sept membres représentant quatre partis. L’équilibre du pouvoir au sein de la coalition gouvernementale a ainsi été modifié pour la première fois depuis 1959. Le ton profondément xénophobe de la campagne électorale de l’UDC a suscité de nombreuses inquiétudes. Un porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a fait remarquer que cette campagne comportait des slogans « parmi les plus ouvertement hostiles au droit d’asile » jamais utilisés à ce jour par un parti politique de premier plan en Europe. Au niveau ministériel, la responsabilité du département fédéral de justice et police, chargé des questions d’asile, a par la suite été confiée au dirigeant de l’UDC pour toute l’année 2004.

Mauvais traitements et recours excessif à la force imputables à la police
Des cas de mauvais traitements ont été régulièrement signalés ; ces agissements s’accompagnaient souvent d’injures racistes et intervenaient fréquemment lors de contrôles d’identité et d’arrestations, ainsi que dans les postes de police. Cette année encore, les informations reçues ont fait état de l’utilisation par la police de moyens de contrainte dangereux par nature. Selon toute apparence, ces actes étaient souvent commis en toute impunité. Plusieurs unités de police cantonales se sont équipées de pistolets incapacitants de type Taser (lance-fléchettes à haute tension). Les dangers que ces armes présentent pour la santé et le risque qu’il en soit fait un usage abusif constituaient des motifs de préoccupation. De nombreuses personnes interpellées ont été privées des garanties fondamentales contre les mauvais traitements en garde à vue, notamment du droit de consulter au plus tôt un avocat et de faire prévenir leurs proches de leur arrestation.
De nouvelles avancées ont été enregistrées concernant le projet d’unification des 26 codes cantonaux de procédure pénale, conformément aux recommandations émises par les organes intergouvernementaux afin, en particulier, que les personnes arrêtées bénéficient dans tous les cantons des garanties juridiques fondamentales les protégeant contre les mauvais traitements.
Selon les quelques allégations recueillies, des policiers en service à l’aéroport de Zurich-Kloten auraient maltraité des étrangers et proféré des injures racistes à leur égard. En octobre, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a effectué une visite à l’aéroport, en vue essentiellement d’examiner les modalités d’application des mesures qu’il avait recommandées concernant les procédures et les moyens de contrainte utilisés lors des opérations d’expulsion. En 2001, le CPT avait indiqué que la façon dont se déroulaient ces opérations présentait un risque manifeste de traitement inhumain et dégradant. Au mois d’octobre, le CPT s’est par ailleurs penché sur le traitement réservé aux étrangers placés, en attendant d’être expulsés, dans la zone de transit et dans la prison n° 2 de l’aéroport.
Selon certaines informations, les forces de l’ordre se sont rendues coupables de mauvais traitements lors de descentes de police effectuées en juillet dans deux centres de transit pour demandeurs d’asile du canton de Glarus. Au petit matin, des policiers ont pénétré de force dans les pièces où dormaient les demandeurs d’asile. Ils leur ont ligoté les pieds et les mains, les ont encagoulés et les ont photographiés alors que certains d’entre eux étaient totalement nus ou presque. Les policiers les ont ensuite enfermés dans les parties communes pendant environ cinq heures. Ils ont bâillonné un homme à l’aide de ruban adhésif. Les fouilles effectuées n’ont donné lieu à aucune poursuite pénale contre les personnes interpellées. Au mois de novembre, un juge d’instruction a rendu publiques les conclusions de l’enquête qu’il avait menée au sujet du comportement des agents de police lors de ces opérations. Il a indiqué que certaines des mesures auxquelles les policiers avaient eu recours dépassaient les « limites acceptables et proportionnées », que le bâillonnement était dangereux et que la façon dont les demandeurs d’asile ont été pris en photo était « dégradante ». Le juge a déclaré que les agents de police avaient manifestement besoin d’une formation adaptée à ce genre d’opération. Toutefois, a-t-il précisé, il lui était impossible de discerner chez les policiers une intention délibérée d’abuser de leur autorité ou d’interpeller de manière illégale les étrangers concernés. Il a ordonné la destruction des photographies. Il a également condamné l’État et l’agent qui assurait le commandement à partager les frais de procédure ; en outre, le policier en question a dû indemniser les quatre demandeurs d’asile qui avaient déposé plainte au pénal.

Manifestations
La police aurait eu recours à la force de manière excessive et injustifiée à l’occasion de plusieurs manifestations et se serait servie de façon abusive d’équipements neutralisants et incapacitants.
_Au mois de mars, à la suite de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, Denise Chervet a été blessée à la gare centrale de Genève. Cette femme avait lancé une bouteille en direction des policiers à la suite d’une altercation entre son fils et un policier ; elle a alors reçu deux projectiles, l’un au front et l’autre dans le corps, dont les fragments resteront en permanence incrustés dans ses chairs. Il est apparu que, peu de temps auparavant, la police de Genève avait testé une arme qui projette des capsules en plastique contenant de la peinture et recouvertes de bismuth, et qu’un agent s’était servi de cette arme contre Denise Chervet. Selon les indications données par le fabricant, le projectile est destiné à immobiliser la personne visée tandis que les marques de peinture permettent de le repérer pour l’arrêter. Il est précisé toutefois qu’il ne faut jamais viser le visage, la gorge ou le cou. Les autorités genevoises ont par la suite fait retirer l’arme en question. Une commission d’enquête indépendante a mené plusieurs investigations, dont certaines se poursuivaient encore à la fin de l’année, sur la conduite de la police cantonale, qui avait dans un premier temps rejeté toute responsabilité pour les lésions infligées à Denise Chervet. En décembre, une information judiciaire a conclu que le policier auteur du coup de feu avait agi dans le cadre des consignes reçues, et aucune charge n’a été retenue contre lui. Le capitaine de police qui avait autorisé le recours à l’arme au cours de la manifestation a été inculpé de lésions corporelles par négligence.
Au mois de juin, policiers et manifestants se sont opposés lors d’affrontements violents de grande ampleur. À l’occasion du sommet du G8 qui se tenait en France, des manifestations et des actions de protestation pacifiques ont également eu lieu en Suisse. Les forces de l’ordre genevoises auraient utilisé, de façon abusive et sans discernement, des matraques, des grenades assourdissantes et des balles en caoutchouc. Le parlement du canton de Genève a mis en place une commission d’enquête extraparlementaire afin d’enquêter notamment sur le comportement des autorités genevoises compétentes au cours de ces opérations de maintien de l’ordre. Un certain nombre de poursuites pénales ont été engagées sur différents incidents.

Enquêtes : mises à jour
_Au mois de mai, un tribunal de Berne a acquitté quatre policiers accusés de tentative de lésions corporelles graves sur la personne de Cemal Gömeç, réfugié kurde de Turquie. Les faits remontaient à juillet 2001. Deux des policiers ont également été acquittés du chef d’homicide par négligence. Le juge a conclu que la mort de cet homme pouvait être imputée à un stress intense auquel s’ajoutaient les effets des moyens de contrainte utilisés pour le maîtriser alors qu’il était allongé sur le sol, et qui avaient entraîné une asphyxie posturale. Les policiers ont déclaré qu’ils ignoraient les risques d’asphyxie posturale liés à ces moyens de contrainte. Prenant acte de cet élément, le juge a déclaré qu’ils n’avaient pas eu recours à une force supérieure à ce qui était nécessaire pour maîtriser Cemal Gömeç. Le procureur général du canton de Berne a interjeté appel de cette décision.
_Au mois d’avril, un tribunal de Genève a rejeté l’appel interjeté par une Camerounaise à la suite de la décision du procureur général de classer la plainte qu’elle avait déposée au pénal contre des policiers après son interpellation, survenue en août 2002. Cette femme a affirmé que les membres des forces de l’ordre l’avaient brutalisée et avaient proféré des injures racistes à son égard. Elle aurait en outre été séparée de son bébé de cinq semaines et soumise à une fouille à corps en présence d’agents de sexe masculin. Ses avocats ont fait part de leur intention de saisir le Tribunal fédéral. Ils ont déclaré que l’information judiciaire avait été close sans que leur cliente ait été entendue et sans que l’on ait cherché à recueillir les dépositions des témoins dans cette affaire.
_Il a été annoncé en juin que le mécanisme indépendant créé en 2002 par le conseil municipal de Zurich, à la suite de diverses allégations de mauvais traitements et de fautes mettant en cause des agents de la police municipale, avait examiné plus d’une centaine de plaintes et d’enquêtes sur une période de douze mois. Quarante-six de ces plaintes concernaient des atteintes aux droits humains (agressions ou injures) « réelles ou présumées » qui auraient été commises par des agents de la force publique. L’avocat nommé à la tête de ce mécanisme a déclaré qu’il n’avait trouvé aucune preuve d’agression systématique imputable à la police municipale mais, a-t-il précisé, « aucune unité de police n’est à l’abri d’une erreur ». Il a proposé un train de mesures visant à réduire le plus possible le recours à la force et à diminuer « le risque de discrimination à l’égard des étrangers ». Il a également recommandé de mieux former les forces de l’ordre aux questions interculturelles. Le conseil municipal a déclaré que la police étudiait actuellement ces propositions et que les activités du mécanisme indépendant d’examen des plaintes relèveraient à l’avenir du Bureau du médiateur de la ville. En juillet, la commission de contrôle du conseil municipal a remis son rapport après avoir examiné 10 épisodes controversés mettant en cause la police et survenus, pour la plupart, au cours du premier semestre de l’année 2002. Elle a formulé un ensemble de recommandations destinées à améliorer le comportement et le fonctionnement des forces de l’ordre.

Violence contre les femmes
Au mois de janvier, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a examiné le rapport initial et le deuxième rapport périodique combinés de la Suisse. Il a fait observer que les violences contre les femmes comptaient parmi ses principaux motifs de préoccupation concernant ce pays. S’il reconnaissait que le pays a entrepris des efforts pour s’attaquer à cette question, notamment sur le plan juridique, le Comité a fait part de son inquiétude face à l’ampleur des violences au sein de la famille, à la traite des femmes et des jeunes filles et au « nombre important de cas de mutilation génitale parmi les migrantes d’origine africaine ». Il a appelé la Suisse à redoubler d’efforts pour remédier à ces problèmes de violences qui constituent des atteintes aux droits humains. Un ensemble de mesures, notamment législatives, destinées à lutter contre les violences à l’égard des femmes ont par la suite été adoptées à l’échelon cantonal et fédéral.

Autres documents d’Amnesty International

Switzerland : Alleged cruel, inhuman and degrading treatment of asylum-seekers in the Canton of Glarus (EUR 43/005/2003).
Concerns in Europe and Central Asia, January-June 2003 : Switzerland (EUR 01/016/2003).

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