Tunisie

RÉPUBLIQUE TUNISIENNE
CAPITALE : Tunis
SUPERFICIE : 164 150 km_
POPULATION : 9,8 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Zine el Abidine Ben Ali
CHEF DU GOUVERNEMENT : Mohamed Ghannouchi
PEINE DE MORT : abolie en pratique
CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : ratifiée avec réserves
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES : non signé

Une loi relative à la lutte contre le « terrorisme » a été promulguée en décembre, ce qui laissait craindre une dégradation supplémentaire de la situation des droits humains dans le pays. De nouveaux cas de torture ont été signalés, notamment dans les locaux du ministère de l’Intérieur. Des centaines de prisonniers politiques, dont certains étaient des prisonniers d’opinion, sont restés en détention. Nombre d’entre eux étaient incarcérés depuis plus de dix ans. Comme les années précédentes, des opposants politiques, réels ou supposés, ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement à l’issue de procès inéquitables. Les prisonniers politiques élargis étaient toujours l’objet de mesures administratives, parfois arbitraires, qui restreignaient leur liberté de mouvement et leur droit au travail. Malgré des recommandations du gouvernement visant à l’amélioration des conditions de vie dans les prisons et les centres de détention, des informations faisaient toujours état de placement à l’isolement et de privation de soins médicaux.

Contexte
En juillet, le président Zine el Abidine Ben Ali a annoncé son intention de solliciter un quatrième mandat de cinq ans à l’élection présidentielle de 2004. La nouvelle Constitution, approuvée par référendum en mai 2002, permettait au chef de l’État de se représenter autant de fois qu’il le souhaite et repousse de soixante-dix à soixante-quinze ans l’âge limite de candidature. Une loi portant modification du Code électoral a été promulguée en août. Elle interdisait l’utilisation des télévisions et des radios privées ou étrangères pour appeler les électeurs à voter ou à s’abstenir de voter pour un candidat ou une liste. Tout contrevenant serait passible d’une amende de 25 000 dinars (environ 17 000 euros).
Une réunion du Conseil d’association entre l’Union européenne et la Tunisie s’est tenue en septembre sous la présidence du ministre tunisien des Affaires étrangères. Amnesty International a publié un document dans lequel elle exposait sa préoccupation à propos du projet de loi relatif à la lutte contre le « terrorisme » (voir plus loin). Au cours de la réunion, l’Union européenne aurait invité les autorités tunisiennes à prendre des mesures en vue d’améliorer la situation des droits humains, notamment dans le domaine de la liberté d’expression et d’association.
Plusieurs centaines d’immigrants clandestins, originaires pour la plupart d’Afrique subsaharienne, ont été arrêtés par les autorités tunisiennes alors qu’ils tentaient de traverser la Méditerranée. L’Italie et la Tunisie ont conclu un accord de lutte contre l’immigration clandestine aux termes duquel les personnes interpellées seront passibles de poursuites à leur retour en Tunisie. Le gouvernement a annoncé en juin une série de mesures visant à contrôler le flux d’immigrants clandestins vers l’Europe.

Mesures « antiterroristes » nuisant aux droits humains
Le président Ben Ali a promulgué une loi « antiterroriste » le 10 décembre, qui marque la célébration de la Journée internationale des droits de l’homme. Fondé sur une définition vague du « terrorisme », ce texte se prêtait à une interprétation très large susceptible de nuire encore davantage aux droits humains. L’organisation craignait que l’exercice du droit à la liberté d’expression ne soit considéré comme un acte de « terrorisme » susceptible d’entraîner une longue peine d’emprisonnement prononcée par un tribunal militaire à l’issue d’un procès inéquitable. La loi permettait la prolongation de la détention provisoire sans limitation de durée. Elle ne prévoyait en outre aucune garantie pour les personnes susceptibles d’être extradées vers des pays dans lesquels elles risquent d’être victimes de violations graves de leurs droits fondamentaux. Les dispositions existantes de la législation « antiterroriste », et plus particulièrement l’article 123 du Code de justice militaire et l’article 52 du Code pénal, ont été régulièrement invoquées pour criminaliser des activités d’opposition pacifique.

Torture
Comme les années précédentes, des prisonniers ont été torturés et maltraités, notamment dans les locaux du ministère de l’Intérieur à Tunis.
_Une vingtaine de personnes arrêtées en février dans la région de Zarzis, au sud de Tunis, pour avoir consulté des sites Internet islamistes auraient été maintenues au secret au ministère de l’Intérieur par des membres de la Direction de la sûreté de l’État. Parmi elles, quatre hommes ont affirmé avoir subi des sévices physiques et psychologiques pendant les dix premiers jours de leur détention. Ils se sont notamment plaints d’avoir été battus, suspendus au plafond et menacés de recevoir des décharges électriques. L’un d’eux a indiqué qu’on avait menacé d’amener sa mère et sa sœur, de les déshabiller et de les torturer en sa présence. Le procès de ces prisonniers n’avait pas commencé à la fin de l’année.

Défenseurs des droits humains
Comme les années précédentes, les défenseurs des droits humains, notamment les avocats, ont été victimes de manœuvres d’intimidation et de harcèlement dans le cadre de leurs activités légitimes. Plusieurs associations de défense des droits humains n’étaient toujours pas reconnues légalement et leur action a été entravée. Les autorités judiciaires auraient refusé d’enregistrer plusieurs plaintes formulées par des défenseurs des droits humains maltraités par les forces de sécurité.
_Le 13 juillet, Radhia Nasraoui, avocate et militante des droits humains, aurait été poussée contre un mur et frappée après avoir franchi un cordon de police devant un immeuble où se tenait une réception organisée par la Ligue tunisienne des écrivains libres, mouvement non autorisé. En juin, les autorités avaient refusé d’enregistrer l’Association de lutte contre la torture en Tunisie, une organisation de défense des droits humains fondée par Radhia Nasraoui.

Conditions de détention cruelles et inhumaines
À la suite de pressions croissantes d’organisations locales et internationales de défense des droits humains, une commission d’enquête sur les conditions de détention, dont la désignation avait été annoncée en décembre 2002 par le président Ben Ali, a rendu son rapport en février. Elle aurait dénoncé le problème grave de la surpopulation et conclu à la nécessité de recruter du personnel compétent et d’acquérir du matériel supplémentaire pour améliorer l’état de santé des prisonniers. Les prisonniers politiques et les prisonniers d’opinion souffraient toujours de discrimination. Les prisonniers politiques étaient soumis à des mesures arbitraires comme le maintien prolongé à l’isolement et la privation de soins médicaux.
Habib Raddadi, qui purgeait une peine de dix-sept ans d’emprisonnement pour appartenance à Ennahda (Renaissance), un mouvement islamiste interdit, est mort le 22 mars dans la prison d’Al Haouareb. Il aurait été privé d’un traitement médical et d’un régime alimentaire adaptés à l’hypertension. Victime d’une hémorragie cérébrale le 11 mars, il a d’abord été hospitalisé à Kairouan, puis à Sousse. Selon sa famille, les gardiens de prison chargés de le surveiller à l’hôpital ont empêché son transfert à Tunis, recommandé par les médecins. Lorsque ses proches l’ont vu pour la dernière fois, le 21 mars, il était enchaîné à son lit par un bras et par les deux jambes. Il est mort le lendemain.
_Zouheir Yahiaoui, condamné en 2002 à l’issue d’un procès inéquitable à deux ans et quatre mois d’emprisonnement pour diffusion de fausses informations et utilisation abusive du réseau Internet, a entamé à la mi-mai une grève de la faim qui a duré quarante-deux jours. Il entendait protester contre son maintien en détention et ses conditions de vie en prison. Selon les informations recueillies, il était détenu dans une cellule surpeuplée, privé de soins médicaux adéquats et trop sévèrement rationné en eau. La Cour de cassation a confirmé sa condamnation en juillet. À la suite d’une campagne en sa faveur menée dans le pays et à l’étranger, Zouheir Yahiaoui a été remis en liberté conditionnelle le 18 novembre.

Harcèlement et intimidation d’anciens prisonniers politiques
Comme les années précédentes, de très nombreux anciens prisonniers politiques et prisonniers d’opinion ont souffert de mesures arbitraires après leur remise en liberté. Certains ont été privés de leurs droits fondamentaux, comme celui de travailler ou de bénéficier de soins médicaux.
_L’ancien prisonnier Abdel Majid Ben Tahar est mort le 12 octobre. Condamné à douze ans et neuf mois d’emprisonnement pour appartenance au mouvement islamiste Renaissance, il avait été remis en liberté conditionnelle en avril 2002 après avoir purgé huit ans de sa peine. Il souffrait d’une tumeur au cerveau et se serait plaint de violents maux de tête pendant un an avant de bénéficier d’un examen médical. Avant sa mort, cet homme a déclaré aux représentants d’Amnesty International que les policiers étaient venus plusieurs fois par jour chez lui dans les semaines qui avaient suivi sa libération, qu’ils entraient dans sa chambre et s’approchaient du lit pour voir s’il était mort. Abdel Majid Ben Tahar était privé de passeport et ne pouvait donc pas se rendre à l’étranger pour s’y faire soigner.
Les anciens prisonniers politiques qui avaient repris leurs activités politiques pacifiques ou critiqué les autorités étaient régulièrement soumis à une surveillance policière. Ils risquaient d’être à nouveau arrêtés et emprisonnés à l’issue de procès inéquitables. En octobre, Abdallah Zouari, journaliste et ancien prisonnier politique, a été condamné à treize mois d’emprisonnement par une cour d’appel de Medenine, une ville situé dans le sud du pays. La cour a confirmé des sentences antérieures : neuf mois d’emprisonnement pour non-respect des restrictions à la liberté de mouvement imposées aux anciens détenus et quatre autres pour diffamation. Cet homme avait été condamné, en septembre 2002, à huit mois d’emprisonnement pour non-respect d’une mesure de contrôle administratif. Il avait été remis en liberté le 5 novembre 2002, grâce à une campagne nationale et internationale menée en sa faveur.

Autres documents d’Amnesty International
Tunisie. Le cycle de l’injustice (MDE 30/001/2003).
Tunisie. Briser le cycle de l’injustice. Recommandations à l’Union européenne (MDE 30/014/2003).
Tunisie. Le projet de loi « antiterroriste » porte un nouveau coup aux droits humains (MDE 30/021/2003).

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