PHILIPPINES

Les pourparlers de paix entre le gouvernement et les groupes armés - les séparatistes musulmans de Mindanao et la rébellion communiste - ont progressé malgré la poursuite des affrontements. Des violations des droits humains, notamment des arrestations arbitraires, des exécutions extrajudiciaires et des « disparitions », auraient eu lieu lors d’opérations militaires. Des groupes d’opposition armés se sont rendus coupables d’homicides, de prises d’otages et d’autres exactions. De graves dysfonctionnements du secteur judiciaire, particulièrement l’inefficacité des enquêtes et l’absence de garanties en matière d’équité des procès, hypothéquaient le droit à réparation des victimes. Des cas de mauvais traitements ou d’actes de torture infligés par des policiers à des suspects de droit commun ont été signalés. Par ailleurs, à Davao, des membres de milices privées auraient été impliqués dans des affaires d’homicides non résolues, où les victimes étaient des délinquants présumés. Au moins 88 condamnations à la peine capitale ont été prononcées. Malgré la menace d’une reprise des exécutions, aucun condamné n’a été mis à mort.

République des Philippines
CAPITALE : Manille
SUPERFICIE : 300 000 km²
POPULATION : 81,4 millions
CHEF DE L’ÉTAT et du GOUVERNEMENT : Gloria Macapagal Arroyo
PEINE DE MORT : maintenue
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Contexte
La présidente Arroyo a été réélue pour six ans lors du scrutin national de mai. Elle a déclaré que ses priorités seraient de lutter contre la pauvreté et le chômage, d’œuvrer pour l’éducation et de mettre un terme à l’insurrection armée des séparatistes musulmans et des rebelles communistes en apportant une conclusion équitable au processus de paix.

Processus de paix à Mindanao
Les négociations entre le gouvernement et les séparatistes du Moro Islamic Liberation Front (MILF, Front de libération islamique moro) ont repris en mars à Kuala-Lumpur (Malaisie). L’accord de cessez- le-feu était régulièrement remis en cause par des affrontements entre le MILF et des unités des Armed Forces of the Philippines (AFP, Forces armées des Philippines). Des violations du droit international humanitaire imputables à l’une et l’autre partie ont été signalées : les AFP auraient notamment fait usage de la force sans discernement, tandis que le MILF utilisait des boucliers humains.
La direction du MILF a continué à nier tout lien avec la Jemaah Islamiyah, un réseau « terroriste » opérant dans la région. En août, les autorités ont abandonné les poursuites contre les responsables du MILF accusés d’être impliqués dans les attentats à la bombe perpétrés à Davao en 2003.
En octobre, 60 observateurs militaires originaires de Malaisie et du Brunéi Darussalam sont arrivés à Mindanao pour participer à la supervision des accords de cessez-le-feu et faciliter la reprise des négociations de paix.

Insurrection communiste et processus de paix
En février, les pourparlers de paix entre le gouvernement et le National Democratic Front (NDF, Front démocratique national) - représentant le Communist Party of the Philippines (CPP, Parti communiste des Philippines) et sa branche armée, la New People’s Army (NPA, Nouvelle Armée du peuple) - ont repris à Oslo, en Norvège. Les deux parties se sont de nouveau engagées à remédier aux causes profondes du conflit par le biais de réformes sociales, économiques et politiques. Elles ont créé un comité de surveillance mixte afin d’examiner les plaintes pour atteintes aux droits humains et violations du droit international humanitaire. Afin d’instaurer un rapport de confiance, le gouvernement a promis d’accélérer la mise en œuvre d’accords portant sur la libération de rebelles. Au moins 27 prisonniers auraient été remis en liberté. En août, le NDF a suspendu les pourparlers et demandé au gouvernement de faire pression sur les États-Unis et leurs alliés pour qu’ils cessent de qualifier la NPA d’« organisation terroriste étrangère ».
Les attaques de la NPA contre des cibles gouvernementales et les affrontements entre les AFP et la NPA se sont poursuivis tout au long de l’année. Des personnes soupçonnées d’appartenance à la NPA ont « disparu » ou ont été victimes d’arrestations arbitraires, d’actes de torture et d’exécutions extrajudiciaires. Des membres d’organisations légales de gauche étaient également menacés.
En février, Juvy Magsino, une avocate spécialiste de la défense des droits fondamentaux qui se présentait à une élection municipale, et Leyma Fortu, une militante des droits humains, ont été abattues par des inconnus dans la province du Mindoro-Oriental. Les autorités ont invoqué un contexte électoral tendu pour expliquer ces homicides. Toutefois, les deux femmes appartenaient au Bayan Muna, un parti politique de gauche dont les militants avaient été agressés à plusieurs reprises les années précédentes, semble-t-il par des membres de milices privées liés à une brigade locale des AFP.
Le CPP-NPA s’est rendu coupable d’atteintes aux droits humains, notamment d’homicides illégaux et de prises d’otages.
En janvier, des rebelles de la NPA auraient tué un maire, un adjoint au maire et trois autres personnes lors d’agressions qui semblaient liées à des opérations d’extorsion.
En septembre, des guérilleros de la NPA auraient enlevé et tué le responsable de la police d’une ville de la province d’Abra, après l’avoir « jugé » pour viol et pour meurtre de membres de la NPA.

Impunité et administration de la justice
Afin d’obtenir des « aveux » ou des informations, des agents de la Police nationale philippine (PNP) et des militaires ont torturé ou maltraité des dizaines de suspects, au cours de gardes à vue prolongées de manière abusive avant toute inculpation.
Malgré l’existence de très nombreuses garanties institutionnelles et procédurales, les auteurs présumés de violations graves des droits humains comparaissaient rarement devant les tribunaux. Des procès longs et souvent iniques rendaient excessivement difficiles les démarches de ceux qui réclamaient justice pour atteinte à leurs droits fondamentaux. Face à des menaces physiques conjuguées à des propositions d’accords financiers « à l’amiable », les victimes issues de milieux défavorisés ou marginalisés renonçaient souvent à demander réparation.
Cette année encore, les femmes et les mineurs placés en détention - dans des conditions souvent pénibles - risquaient de subir des violences physiques, notamment sexuelles. Incarcérés avec des adultes dans des établissements surpeuplés, certains enfants se trouvaient exposés aux sévices éventuels de leurs codétenus.

Meurtres de suspects de droit commun
Dans un contexte de criminalité importante et de méfiance à l’égard des institutions judiciaires, les meurtres de suspects de droit commun par des agents de la PNP ou des membres de milices privées, liés semble-t-il pour certains à des responsables politiques locaux et à la PNP, n’ont suscité qu’une faible opposition dans l’opinion publique.
Selon les informations recueillies, des membres de milices privées non identifiés ont abattu au moins 100 suspects de droit commun à Davao. Le maire a fait certaines déclarations semblant indiquer que les exécutions extrajudiciaires lui paraissaient un moyen de lutte efficace contre la criminalité. Les victimes de ces homicides étaient souvent des trafiquants de drogue ou des voleurs présumés, quelquefois des membres de gangs ou des enfants vivant dans la rue. Les enquêtes de la PNP piétinaient et, à la connaissance d’Amnesty International, aucune poursuite n’avait été engagée à la fin de l’année.

Violences contre les femmes
En janvier, le Congrès a adopté une loi érigeant en infraction pénale les actes de violence contre les femmes et leurs enfants au sein du foyer. Malgré cette avancée, les cas de violence familiale restaient extrêmement répandus et des groupes de femmes ont continué à faire campagne pour une application effective de la législation, par le biais de mécanismes de contrôle et de programmes de formation bénéficiant de subventions publiques suffisantes.

Peine de mort
En janvier, au vu des éléments nouveaux qui lui ont été soumis, la Cour suprême a suspendu l’exécution de Roberto Lara et Roderick Licayan, reconnus coupables d’enlèvement, et ordonné un nouveau procès. Ces deux hommes étaient les premiers à devoir être exécutés depuis la levée du moratoire décrétée en 2003 par la présidente Arroyo pour les personnes déclarées coupables d’enlèvement ou de trafic de stupéfiants.
Après l’investiture de la présidente Arroyo, en juillet, certaines sources ont fait état d’une reprise probable des exécutions. Cependant, la présidente a commué la peine de plusieurs condamnés dont l’exécution était imminente. Des projets de loi en faveur de l’abrogation de la peine de mort ont été présentés au nouveau Congrès. Au total, 1 110 prisonniers se trouvaient dans le quartier des condamnés à mort à la fin de l’année.
Au moins 21 personnes restaient sous le coup d’une sentence capitale après avoir été condamnées pour des actes commis quand elles avaient moins de dix-huit ans, alors que la loi établissait clairement qu’un mineur ne pouvait ni se voir infliger la peine capitale ni être exécuté. Sept d’entre eux ont quitté le quartier des condamnés à mort et leurs dossiers ont été renvoyés devant la Cour suprême après que des juridictions inférieures eurent réexaminé les preuves concernant leur âge. Quatorze autres restaient sous le coup d’une condamnation à mort, dans l’attente d’un tel réexamen.

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