CROATIE

Le conflit qu’a connu la Croatie de 1991 à 1995 a continué d’exercer une influence négative sur la situation des droits humains. De nombreux responsables de crimes perpétrés pendant la guerre n’avaient toujours pas été traduits en justice. Bien que le gouvernement croate se soit engagé à coopérer pleinement avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le Tribunal), l’attitude des pouvoirs publics dans ce domaine était parfois ambiguë. Moins d’un tiers des 300 000 Serbes de Croatie qui avaient fui les combats et s’étaient réfugiés à l’étranger étaient rentrés chez eux à la fin de l’année 2004. Les atteintes aux droits humains commises pendant la guerre étaient très généralement laissées sans suite par le système judiciaire croate. Par ailleurs, les tribunaux appliquaient des critères discriminatoires aussi bien dans l’instruction des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité que dans les poursuites engagées contre leurs auteurs présumés.

République de Croatie
CAPITALE : Zagreb
SUPERFICIE : 56 538 km²
POPULATION : 4,4 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Stipe Mesi ?
CHEF DU GOUVERNEMENT : Ivo Sanader
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Contexte
La Croatie a officiellement obtenu le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne lors du sommet du Conseil européen qui s’est tenu en juin à Bruxelles. Au mois d’avril, la Commission européenne avait indiqué que des progrès restaient à faire en matière de respect des droits des minorités, de retour des réfugiés, de réforme judiciaire, de coopération régionale et de lutte contre la corruption. En décembre, le Conseil européen a décidé d’ouvrir en mars 2005 les négociations sur l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne, sous réserve de la pleine coopération de ce pays avec le Tribunal.

Atteintes aux droits humains commises pendant la guerre
Poursuites entamées au niveau international
Les autorités n’avaient toujours pas arrêté Ante Gotovina, un ancien général de l’armée croate inculpé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre par le Tribunal, pour des faits commis en 1995 contre la population serbe de Krajina, lors de l’opération Tempête. Les forces croates s’étaient rendues responsables de très nombreuses violations des droits humains. Elles avaient massacré des centaines de civils et multiplié les « disparitions », les actes de torture - y compris les viols - ainsi que les destructions massives et systématiques d’habitations, au cours des opérations Tempête et Éclair. En dépit des promesses officielles, l’attitude des autorités croates en matière de coopération avec le Tribunal dans le cadre de cette affaire restait ambiguë. Le Premier ministre, Ivo Sanader, aurait publiquement déclaré au mois d’octobre qu’il était convaincu de l’innocence d’Ante Gotovina.
Ivan ?ermak, ancien commandant de la garnison de Knin de l’armée croate, et Mladen Marka ?, ancien commandant des forces spéciales de police au sein du ministère de l’Intérieur, ont été inculpés en février par le Tribunal de crimes contre l’humanité et de violations des lois ou des coutumes de la guerre, pour des actes commis en 1995 contre la population non croate, lors de l’opération Tempête Oluja. Les deux prévenus se sont volontairement mis à la disposition du Tribunal au mois de mars.
Le Tribunal a inculpé en mai l’ancien général de l’armée croate Mirko Norac pour crimes contre l’humanité et violations des lois ou des coutumes de la guerre, pour des actes commis en 1993 contre la population non croate de la poche de Medak. Mirko Norac purgeait déjà en Croatie une peine d’emprisonnement, à laquelle il avait été condamné par le tribunal régional de Rijeka, en 2003, après avoir été reconnu coupable de crimes de guerre perpétrés sur la personne de civils non croates. En septembre, le Tribunal a chargé une chambre d’examiner la demande formulée par la procureure de confier le procès de Mirko Norac et de Rahim Ademi, dont les actes d’accusation ont été réunis en juillet, aux autorités croates, afin que les deux hommes soient jugés par le tribunal de district de Zagreb.
En juin, le Tribunal a inculpé Goran Hadži ?, président de la Republika Srpska Krajina (RSK, République serbe de Krajina - indépendante et autoproclamée) du début de l’année 1992 à la fin de l’année 1993. Goran Hadži ? était accusé de crimes contre l’humanité et de violations des lois ou des coutumes de la guerre envers la population non serbe. Il n’avait toujours pas été arrêté à la fin de l’année.
En mars, le Tribunal a condamné Miodrag Joki ?, ancien amiral de la Marine yougoslave, à sept ans d’emprisonnement pour son rôle dans le bombardement de la vieille ville de Dubrovnik, en 1991. Miodrag Joki ? avait plaidé coupable de tous les crimes de guerre qui lui étaient reprochés.
En juin, Milan Babi ?, un autre ancien président de la RSK, a été condamné par le Tribunal à treize ans d’emprisonnement pour crimes contre l’humanité commis contre la population non serbe en 1991 et en 1992.
Au mois de mars s’est ouvert à Belgrade, la capitale serbe, le procès de six personnes accusées de crimes de guerre contre la population croate de la ville de Vukovar, pour des faits commis en 1994. Les six accusés comparaissaient devant un tribunal spécial chargé des crimes de guerre et rattaché à la Cour de district de Belgrade. Peu après la chute de Vukovar aux mains de l’armée yougoslave et des forces serbes, plus de 250 personnes n’appartenant pas à la communauté serbe avaient été emmenées de force de l’hôpital de la ville, puis exécutées dans l’enceinte de la ferme d’Ov ?ara. En mai, 12 autres personnes ont également été inculpées pour le rôle qu’elles auraient joué dans ce massacre.

Poursuites entamées au niveau national
La plupart des personnes qui ont comparu en 2004 devant des tribunaux croates pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité appartenaient à la communauté serbe. Cette année encore, le pouvoir judiciaire croate a fait preuve d’une approche discriminatoire d’ordre ethnique dans les affaires d’atteintes aux droits humains perpétrées pendant la guerre, et ce en matière d’instruction comme de poursuites. Certains procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui se sont déroulés devant des tribunaux de Croatie n’ont pas été conformes aux normes internationales d’équité. Les membres de l’armée et de la police croates continuaient généralement de jouir d’une totale impunité pour les violations des droits humains commises pendant le conflit, malgré les efforts initialement déployés par les autorités croates pour enquêter sur ce genre de crimes et pour en poursuivre les auteurs présumés.
Dans un certain nombre d’affaires, la Cour suprême de Croatie a annulé des acquittements dont avaient bénéficié des militaires ou des policiers croates accusés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité.
Au mois d’avril, le tribunal de district d’Osijek a condamné Nikola Ivankovi ?, un ancien membre de l’armée croate, à douze ans d’emprisonnement pour le meurtre de 19 civils appartenant aux communautés serbe et hongroise de Croatie. Ces crimes avaient été perpétrés en décembre 1991 à Paulin Dvor, non loin d’Osijek. Personne n’a toutefois été poursuivi pour la tentative de dissimulation qui avait suivi (les corps des victimes avaient été déplacés).
En mai, la police croate a arrêté un Croate de Bosnie soupçonné d’avoir commis en 1993 des crimes de guerre contre la population musulmane d’Ahmi ?i, un village du centre de la Bosnie-Herzégovine.
En mars, la Cour suprême de Croatie a annulé le jugement du tribunal de district de Karlovac, qui avait acquitté un ancien membre de la police spéciale accusé d’avoir tué 13 réservistes de l’armée yougoslave désarmés. Le tribunal de Karlovac avait apparemment estimé que l’accusé avait agi en état de « légitime défense ». Un nouveau procès s’est ouvert au mois de septembre.
En mai, la Cour suprême de Croatie a annulé le jugement prononcé par le tribunal de district de Bjelovar, qui avait acquitté trois anciens policiers croates ainsi qu’un de leurs collègues toujours en exercice. Les quatre hommes étaient accusés d’avoir tué six réservistes de l’armée yougoslave en 1991, après les avoir faits prisonniers. La Cour suprême aurait ordonné que les accusés soient jugés à nouveau et que d’autres témoins soient entendus dans cette affaire.
En août, la Cour suprême de Croatie a annulé l’acquittement de huit anciens membres de la police militaire croate qui avait été prononcé par le tribunal de district de Split. Les huit hommes étaient accusés d’avoir tué deux civils non croates et d’avoir torturé plusieurs autres personnes, en 1992, à la prison militaire de Lora, à Split. Selon certaines informations, le procès avait été marqué par des intimidations de témoins, des manifestations publiques de soutien aux accusés et la partialité du tribunal. À la fin de l’année, seuls quatre des accusés se trouvaient en détention. Un nouveau procès devait s’ouvrir au début de l’année 2005.

Personnes « disparues » et portées manquantes
Selon les chiffres officiels, environ 1 200 personnes « disparues » ou portées manquantes pendant le conflit n’avaient toujours pas été retrouvées. Ce chiffre ne prenait pas en compte les centaines de personnes, en grande majorité d’origine serbe, ayant « disparu », en 1995, au cours des opérations Tempête et Éclair (voir plus haut). L’action des autorités croates pour tenter de faire la lumière sur le sort des Serbes de Croatie « disparus » ou portés manquants était généralement insuffisante. Ce manque de détermination se traduisait par des retards considérables en matière d’identification des victimes. La plupart des personnes portées manquantes semblaient avoir fait l’objet de « disparitions ». Les responsables de ces actes continuaient généralement de bénéficier d’une totale impunité.

Droit au retour
Environ 300 000 Serbes de Croatie ont quitté le pays pendant le conflit, entre 1991 et 1995. Selon le Haut- Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 200 000 réfugiés croates, essentiellement des Serbes de Croatie, étaient restés dans d’autres pays, voisins ou plus éloignés. Les retours, lorsqu’ils étaient possibles, ne s’effectuaient pas dans des conditions garantissant leur caractère durable.
Bien que les autorités croates se soient engagées à restituer aux Serbes de Croatie souhaitant rentrer chez eux les biens immobiliers illégalement occupés à la fin du mois de juin 2004 au plus tard, la procédure de réappropriation n’avançait que très lentement. Un grand nombre de Serbes de Croatie ne pouvaient toujours pas revenir parce qu’ils n’étaient plus reconnus comme locataires en titre, en particulier ceux qui vivaient auparavant en milieu urbain dans des logements collectifs du secteur d’État. La lourdeur et, parfois, la nature inéquitable de la procédure, notamment au niveau des tribunaux de première instance, constituaient toujours un obstacle majeur pour les candidats au retour cherchant à faire valoir leurs droits devant la justice.
Les Serbes de Croatie étaient toujours victimes de discrimination en matière d’emploi et d’accès à divers autres droits économiques et sociaux.

Visites d’Amnesty International
Un délégué d’Amnesty International s’est rendu en Croatie en février et en juin.

Autres documents d’Amnesty International

  Croatia : Briefing to the United Nations Committee against Torture, 32nd Session, May 2004 (EUR 64/001/2004).

  Croatia : Briefing to the United Nations Committee on the Rights of the Child, 37th Session, September 2004 (EUR 64/003/2004).

  Croatia : A shadow on Croatia’s future - Continuing impunity for war crimes and crimes against humanity (EUR 64/005/2004)

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