GRÈCE

Des cas de mauvais traitements infligés à des étrangers par des gardes affectés à la surveillance des frontières et par des policiers dans des centres urbains ont été signalés. Les conditions de détention réservées aux immigrés clandestins et aux personnes en quête d’asile étaient insatisfaisantes. Plusieurs procès ont eu lieu concernant des mauvais traitements infligés par la police à des femmes, des membres de minorités et des étrangers. Des inquiétudes ont été exprimées au sujet des conditions de détention à la prison de Korydallos. Cette année encore, les autorités ont traité les Roms (Tsiganes) de façon discriminatoire. Les objecteurs de conscience risquaient toujours de se voir condamner à des peines d’emprisonnement. En novembre, le Parlement a donné son approbation à la ratification du Protocole n° 13 à la Convention européenne des droits de l’homme, abolissant ainsi la peine de mort pour tous les crimes.

République hellénique
CAPITALE : Athènes
SUPERFICIE : 131 957 km²
POPULATION : 11 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Constantin Stéphanopoulos
CHEF DU GOUVERNEMENT : Costas Simitis, remplacé par Costas Caramanlis le 9 mars
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Contexte

Les élections de mars ont été remportées par le parti Nea Dimocratia (ND, Nouvelle Démocratie), mettant ainsi fin à onze années de pouvoir exercé par le Panellinio Sosialistiko Kinima (PASOK, Parti socialiste panhellénique).
Au mois d’août, la Grèce a accueilli les Jeux olympiques d’été de 2004. Selon certaines informations, des familles roms ont été expulsées de force des sites destinés aux infrastructures et aux projets de construction liés à la tenue de cette manifestation. D’aucuns ont craint que les mesures de sécurité mises en œuvre à l’occasion des Jeux olympiques n’aient porté atteinte aux droits humains.

Immigrés et demandeurs d’asile

Certaines pratiques de la gendarmerie maritime et de la police, notamment de la police des frontières, visant à décourager les immigrants clandestins de pénétrer en territoire grec s’inscrivaient en violation des normes internationales et constituaient donc un motif d’inquiétude. Ces pratiques consistaient notamment à intercepter les personnes à la frontière turque et à les refouler sur-le-champ, à refuser d’enregistrer les demandes d’asile et à ne pas offrir aux étrangers la possibilité de déposer une telle requête.
En août, des étrangers qui avaient été détenus pendant trois mois sur l’île de Samos ont décrit des conditions de détention qui n’étaient pas conformes aux normes internationales. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a également exprimé des inquiétudes après une visite effectuée dans le centre de rétention de Samos. En septembre, 10 immigrés auraient été maltraités par des membres de commandos à Farmakonisi.
Le 15 octobre, cinq membres de la gendarmerie maritime ont été reconnus coupables d’avoir torturé un groupe d’immigrés sur l’île de Crête, en juin 2001. Ils ont été condamnés à des peines allant de douze à trente mois d’emprisonnement avec sursis.
Un ressortissant soudanais était menacé de renvoi vers le Darfour, région du Soudan en proie à un conflit qu’il avait fuie en 2003, parce que le ministère de l’Ordre public refusait de réexaminer son dossier. Interpellé à son arrivée en Grèce, en juin 2003, il avait été libéré trois mois plus tard. Il a vécu en Grèce sans aucune aide sociale jusqu’au mois d’octobre 2003, puis s’est rendu au Royaume-Uni où il a déposé une demande d’asile. Les autorités britanniques ont jugé que c’était à la Grèce qu’il appartenait de se prononcer sur sa requête et l’ont renvoyé dans ce pays en juin 2004. La nouvelle demande d’asile de cet homme a été rejetée au motif qu’il avait quitté la Grèce ; quant à l’examen de sa requête initiale, il avait été annulé. Une décision d’expulsion a été émise à son encontre. Une nouvelle demande fondée sur des informations récentes concernant la situation au Darfour a été déclarée irrecevable. On ignorait si ce Soudanais avait été renvoyé fin 2004.
En novembre, Amnesty International a exprimé sa préoccupation au sujet d’informations selon lesquelles 502 enfants, originaires pour la plupart d’Albanie, ont disparu entre 1998 et 2002 du foyer d’État pour mineurs Aghia Varvara, à Athènes, où ils étaient hébergés après avoir été recueillis dans la rue par la police. Il semble qu’un grand nombre d’entre eux aient été victimes de trafiquants qui les forçaient à vendre des bibelots ou à mendier. Amnesty International s’inquiétait du fait que ces enfants n’avaient apparemment pas bénéficié d’une protection suffisante dans le foyer d’accueil et que les autorités grecques n’avaient guère déployé d’efforts pour les retrouver. Malgré l’intervention de plusieurs organisations non gouvernementales et du médiateur albanais, les autorités grecques n’ont pas mené une enquête judiciaire approfondie et impartiale sur cette affaire, même si la police a ouvert une enquête préliminaire en mai.
Selon des informations reçues en décembre, des policiers se seraient livrés à la torture et à d’autres mauvais traitements sur un groupe d’une soixantaine de demandeurs d’asile afghans comprenant au moins 17 mineurs. Ils les auraient frappés à coups de poing et de pied, leur auraient infligé des violences sexuelles et les auraient menacés de leurs armes, à la fois chez eux et dans un commissariat de quartier à Athènes. Bien qu’une information judiciaire ait été ouverte sur cette affaire, Amnesty International a demandé qu’une enquête exhaustive, indépendante et impartiale soit menée, conformément à l’article 137 du Code pénal.
Selon certaines sources, 186 enfants âgés de treize à seize ans figuraient parmi les quelque 700 réfugiés détenus dans des conditions de surpopulation extrême au Centre d’accueil et d’hébergement temporaire des immigrés en situation irrégulière de la région de Pagani, sur l’île de Lesbos. Il semble que pas moins de 200 personnes s’entassaient dans des pièces destinées à en accueillir 80. La plupart des enfants réfugiés venaient apparemment d’Irak et d’Afghanistan, et n’étaient pas accompagnés lors de leur arrivée en Grèce.

Mise à jour : Vullnet Bytyci

Le procès du policier accusé d’avoir abattu, en septembre 2003, Vullnet Bytyci, un Albanais de dix-huit ans, à la frontière gréco-albanaise, a été ajourné jusqu’en février 2005.

Conditions de détention

La Commission nationale des droits humains a dénoncé en mai les conditions de détention déplorables régnant dans les quartiers de haute sécurité de la prison de Korydallos, où étaient incarcérés des membres du mouvement « 17 novembre ». Depuis leur condamnation en novembre 2003 pour homicides et attentats à l’explosif, ils étaient détenus en deux groupes isolés de sept personnes, à l’écart des autres prisonniers. Ils n’étaient toujours pas autorisés à participer aux activités régulières de la prison, à utiliser la bibliothèque par exemple ; en violation des normes internationales, ils ne pouvaient sortir à l’air libre, étaient détenus dans des cellules sans lumière naturelle et ne pouvaient pas prendre d’exercice dans un espace plus vaste. Amnesty International a également appris qu’ils ne recevaient que des visites sans contact, un écran de verre séparant les visiteurs des détenus. Les prisonniers et leurs avocats ont en outre affirmé que les conversations qu’ils entretenaient par téléphone durant ces visites étaient enregistrées, pratique contraire aux normes internationales. Le ministère de la Justice a indiqué en juillet à Amnesty International que les prisonniers du mouvement « 17 novembre » bénéficiaient de meilleures conditions que les autres détenus de la prison de Korydallos et que les violations présumées des normes internationales en matière de droits humains feraient l’objet d’un examen.

Impunité

Les enquêtes policières sur les allégations de mauvais traitements imputés à la police ne satisfaisaient pas aux normes internationales d’impartialité et d’indépendance.
En février, Amnesty International a déploré auprès du ministère de l’Ordre public que les investigations menées sur les mauvais traitements qui auraient été infligés à deux jeunes Roms, en août 2001, aient été confiées aux services de police dont faisaient partie les policiers auxquels étaient imputées ces exactions. De plus, certaines déclarations faites par des policiers lors de cette enquête contenaient des remarques désobligeantes à propos des Roms, ce qui donnait à penser que les brutalités infligées aux deux jeunes hommes pourraient avoir résulté d’un traitement discriminatoire fondé sur leur identité.
Des protestations se sont élevées contre les autorités judiciaires qui n’avaient pas appelé l’Ukrainienne Olga B. à témoigner lors du jugement du policier qui était accusé de l’avoir violée, et un nouveau procès s’est tenu en mars. Le policier en cause a été acquitté le 30 mars. Le procureur de Patras a interjeté appel, mais la décision d’acquittement a été confirmée en décembre. Olga B. avait également porté plainte à Patras, en septembre 2003, contre deux huissiers du tribunal qui avaient menti en affirmant lui avoir remis une citation à comparaître au premier procès. En juin, le tribunal des délits mineurs d’Amaliada s’est prononcé en faveur de l’acquittement des huissiers, mais cette décision n’a pas été suivie par le procureur de Patras qui, le 21 septembre, a engagé des poursuites pénales contre les deux hommes. Cette affaire devait être jugée en 2005.

Expulsion de familles roms

Plusieurs familles roms ont, semble-t-il, été expulsées de trois secteurs d’Athènes désignés pour accueillir les installations olympiques. En s’abstenant de les aider à se reloger dans des locaux appropriés, les autorités ont enfreint les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que la Grèce a ratifié. Ces expulsions étaient également contraires aux dispositions du Programme d’action globale pour l’intégration sociale des Tsiganes grecs mis en place par le gouvernement, aux termes duquel, « avant la fin de 2005, aucun Rom grec ne vivra sous tente ou dans un abri de fortune ».

Objecteurs de conscience

La législation et les pratiques concernant le service civil de remplacement conservaient un caractère punitif, même si la nouvelle loi entrée en vigueur en 2004 a réduit la durée de ce service. La Commission spéciale chargée d’émettre des recommandations au sujet des demandes de statut d’objecteur de conscience a préconisé de rejeter purement et simplement les requêtes fondées sur des motifs idéologiques lorsque les candidats ne font pas état de croyances particulières.
Amnesty International a demandé une réévaluation des méthodes de la Commission et exhorté les autorités à mettre en place un service de remplacement de nature exclusivement civile, qui ne soit pas soumis à l’autorité du ministère de la Défense.
Le 5 avril, la demande de Kyriacos Kapidis, qui avait objecté au service militaire pour des raisons idéologiques, a été rejetée au motif que le demandeur « n’avait pas exposé de façon convaincante les raisons de son opposition au service militaire, et que ni ses activités ni son style de vie ne reflétaient par ailleurs des convictions idéologiques pouvant l’empêcher d’accomplir ses obligations militaires ».
Un militaire de carrière, Giorgos Monastiriotis, a été condamné à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement pour désertion. Pour des raisons de conscience il avait refusé de suivre son unité au Moyen-Orient en mai 2003 et avait démissionné de la marine. Le 6 octobre, Giorgos Monastiriotis a été libéré en attendant qu’il soit statué sur son appel.
Lazaros Petromelidis, un objecteur de conscience, a comparu le 16 décembre devant le tribunal maritime du Pirée sous le coup de deux chefs d’insubordination. Il a été reconnu coupable et condamné par défaut à une peine de deux ans et demi d’emprisonnement.

Le Comité des Nations unies contre la torture

Le Comité des Nations unies contre la torture a examiné en novembre le quatrième rapport périodique présenté par la Grèce. Parmi les sujets de préoccupation qu’il a soulevés figuraient des inquiétudes déjà exprimées par Amnesty International, notamment le fait que les allégations de torture et de mauvais traitements ne sont pas rapidement l’objet d’enquêtes impartiales, et l’absence d’un mécanisme indépendant efficace pour enquêter sur les plaintes. Les motifs d’inquiétude présentés par le Comité comprenaient par ailleurs le traitement réservé aux immigrants albanais, le faible pourcentage de personnes ayant obtenu le statut de réfugié, les expulsions de Roms, l’absence d’enquête sur la disparition des enfants de l’institution Aghia Varvara ainsi que le recours excessif à la force et aux armes à feu par la police.

Autres documents d’Amnesty International

  Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, January-June 2004 : Greece (EUR 01/005/2004).

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