MACÉDOINE

Bien que la situation en matière de droits humains se soit améliorée, les forces de sécurité ont, cette année encore, été accusées de plusieurs cas de mauvais traitements. La traite des femmes et des jeunes filles restait une pratique préoccupante, malgré l’arrestation et la condamnation d’un certain nombre de trafiquants. La violence domestique à l’égard des femmes était toujours aussi répandue et les poursuites dans ce domaine étaient rares. Plusieurs hauts fonctionnaires ont été arrêtés et inculpés pour leur responsabilité présumée dans l’exécution extrajudiciaire de sept immigrés, en 2002.

ex-République yougoslave de Macédoine
CAPITALE : Skopje
SUPERFICIE : 25 713 km²
POPULATION : 2,1 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Boris Trajkovski, décédé le 26 février, remplacé provisoirement par Ljubco Jordanovski le jour même, remplacé par Branko Crvenkovski le 12 mai
CHEF DU GOUVERNEMENT : Branko Crvenkovski, remplacé par Hari Kostov le 12 mai, remplacé à son tour par Vlado Buckovski le 17 décembre
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Contexte
Le président de la République, Boris Trajkovski, a péri le 26 février dans un accident d’avion survenu en Bosnie-Herzégovine.
Au mois d’août, les parlementaires ont adopté une loi sur les régions réduisant de 123 à 80 le nombre des municipalités. Au sein de chacune d’entre elles, la langue de toute minorité constituant au moins 25 p. cent de la population devait désormais accéder au statut de langue officielle. Le nouveau découpage a suscité d’importantes manifestations dans la communauté macédonienne, pour qui la nouvelle carte favorisait les albanophones, en particulier à Struga et à Skopje, la capitale. Un référendum a été organisé en novembre, en vue d’une éventuelle abrogation de la nouvelle loi, mais il est resté sans suite, la participation ayant été trop faible. L’Union européenne a entamé, au mois d’octobre, des pourparlers avec la Macédoine en vue de son adhésion future. À la demande du Premier ministre Hari Kostov, l’Union a prolongé de douze mois, à compter du 15 décembre, le mandat de la force de police Proxima, qui effectue une mission de conseil auprès de la police macédonienne.
Le chômage et la pauvreté restaient endémiques. Selon les chiffres officiels, environ 400 000 personnes - sur une population de deux millions d’habitants, d’après le recensement de 2002 - étaient sans travail et plus de 30 p. cent des Macédoniens survivaient avec moins de 1,65 euro par jour.
Les membres de la communauté rom (tsigane) étaient particulièrement défavorisés. Ils vivaient généralement dans des conditions déplorables, dans des logements dépourvus du confort le plus élémentaire, et étaient proportionnellement plus touchés par le chômage que le reste de la population. Seul un enfant rom sur 10 allait jusqu’au bout de l’école élémentaire. Or, pour pouvoir prétendre à une couverture sociale et de santé, les citoyens macédoniens doivent avoir au moins terminé des études primaires. En outre, les enfants ne peuvent bénéficier de la couverture de santé de l’État que si au moins l’un des parents a terminé l’école primaire.

Exécutions extrajudiciaires à Rashtanski Lozja
Les autorités ont fini par reconnaître que les sept étrangers (six Pakistanais et un Indien) tués en mars 2002 à Rashtanski Lozja avaient été victimes d’exécutions extrajudiciaires. Les pouvoirs publics avaient jusqu’alors affirmé que les sept hommes étaient des militants islamistes qui préparaient une série d’attentats contre des cibles diplomatiques occidentales en Macédoine, et qu’ils étaient liés à des insurgés albanais locaux. Toujours selon les autorités, ils avaient ouvert le feu sur des représentants de la force publique, qui avaient alors riposté. Un certain nombre d’incohérences manifestes contredisaient toutefois cette version des faits et laissaient craindre que les victimes n’aient en fait été exécutées de manière extrajudiciaire. Les autorités ont finalement révélé, en avril, que les responsables macédoniens de l’époque avaient en réalité contacté les sept hommes alors qu’ils se trouvaient en Bulgarie, qu’ils les avaient fait venir en Macédoine sous un faux prétexte, puis les avaient assassinés, en prenant soin de maquiller le crime.
Les autorités ont inculpé plusieurs personnes d’homicide volontaire dans le cadre de l’enquête sur cette affaire. Parmi elles figuraient notamment trois anciens responsables de la police, deux membres de la police spéciale, un homme d’affaires et l’ancien ministre de l’Intérieur, Ljube Boshkovski. Ce dernier a pris la fuite et s’est réfugié en Croatie, où il a été arrêté pour son rôle dans ces homicides et où il était toujours détenu à la fin de l’année, dans l’attente de l’ouverture de son procès.

« Disparitions » et enlèvements
L’enquête concernant 20 personnes dont on était sans nouvelles (13 membres de la communauté macédonienne, six membres de la communauté albanaise et un Bulgare) a quelque peu progressé. Elles avaient « disparu » ou avaient été enlevées en 2001, lors du conflit entre les forces de sécurité et l’Ushtria Çlirimtare Kombetare (UÇK, Armée de libération nationale). Des analyses d’ADN pratiquées sur des corps retrouvés en 2003 dans une fosse commune, non loin de Trebos, un village des environs de Tetovo, ont permis d’identifier quatre des Macédoniens portés manquants.
En mai, la police de Kichevo a reçu une lettre anonyme lui indiquant plusieurs emplacements où des corps auraient été enterrés, à Zheleznec, Jama et Veles. Elle a également reçu un appel téléphonique anonyme l’informant que des dépouilles humaines auraient été enterrées dans une fosse à Jama, dans les monts Bistra. Le ministère de l’Intérieur a indiqué que l’auteur de la lettre, rédigée en serbe, affirmait être instructeur de police et avoir combattu contre les « terroristes » albanais. Selon cet homme, les corps se trouvant aux emplacements indiqués étaient ceux d’Albanais « disparus ». Quatre cadavres ont été exhumés à Jama. Une autopsie a été pratiquée et les familles de « disparus » ont prêté leur concours afin de faciliter l’identification des victimes par analyse d’ADN. Tandis qu’une éventuelle complicité des pouvoirs publics de l’époque dans les « disparitions » était évoquée, un policier aurait déclaré avoir vu un Albanais du nom de Ruzhdi Veliu à la prison de Bitola, après sa « disparition ».
Le ministère de l’Intérieur a déclaré, en septembre, qu’un mandat d’arrêt avait été lancé dans le cadre de l’enquête ouverte sur l’enlèvement des membres de la communauté macédonienne, mais que le suspect visé, un ancien commandant local des forces albanaises, était en fuite. Les « disparitions » de membres de la communauté albanophone n’avaient en revanche donné lieu à aucune inculpation à la fin de l’année 2004.

Le prisonnier d’opinion Zoran Vranishkovski
Zoran Vranishkovski, également connu sous le nom d’évêque Jovan ou de métropolite Jovan, a été arrêté le 11 janvier en compagnie de quatre moines et de sept religieuses, après avoir célébré un service religieux à son domicile. Ces 12 personnes ont été remises en liberté au bout d’une trentaine d’heures, mais Zoran Vranishkovski a de nouveau été interpellé le 12 janvier et inculpé d’« incitation à la haine, à la discorde ou à l’intolérance nationale, raciale ou religieuse » en vertu de l’article 319 du Code pénal. Amnesty International estimait qu’en réalité ce religieux avait été arrêté pour s’être déclaré favorable au fait que l’Église orthodoxe macédonienne (dont il avait été exclu) soit placée sous l’autorité de l’Église orthodoxe serbe. Il a été remis en liberté le 30 janvier. Le 18 août, il a été condamné à dix-huit mois d’emprisonnement, peine confirmée en appel. Il a toutefois été laissé libre, en attendant l’issue d’un autre recours.

Mauvais traitements policiers
Les cas de mauvais traitements par la police semblaient moins nombreux, mais ils n’avaient pas totalement disparu.
En juin, Sashko Dragovich aurait été passé à tabac au poste de police n°1 de Butel, un faubourg de Skopje, par des policiers qui voulaient l’obliger à « avouer » un vol. Un examen médical aurait relevé des lésions au visage, à la tête et aux bras, apparemment provoquées par des coups de poing et de matraque. En octobre, le ministère de l’Intérieur a informé le Comité Helsinki de Macédoine que l’enquête menée sur cette affaire n’avait pas permis d’établir que la police était responsable des blessures constatées, mais que des mesures disciplinaires allaient être prises contre le policier impliqué, pour d’autres infractions commises lors de l’arrestation de Sashko Dragovich.
En mars, la Cour d’appel a repoussé, pour la dix-septième fois, le procès de quatre inspecteurs de police accusés d’avoir roué de coups, en 1994, le jeune Isak Tairovski, douze ans à l’époque des faits, avec une telle violence que ce dernier est aujourd’hui handicapé à vie. L’audience a été ajournée en raison de l’absence de l’un des prévenus et d’un témoin.

Journalistes sanctionnés pour diffamation
En vertu de plusieurs modifications apportées au Code pénal en avril, les pouvoirs publics ne pouvaient plus intenter d’action en justice pour diffamation. Les particuliers conservaient toutefois cette possibilité et la diffamation constituait toujours une infraction pénale passible d’emprisonnement. L’Association des journalistes de Macédoine a déclaré que ce moyen pouvait être utilisé pour intimider les journalistes et les contraindre au silence. Elle a souligné qu’une cinquantaine d’actions de ce type étaient intentées chaque année, majoritairement contre des journalistes et souvent à l’initiative de représentants des pouvoirs publics mécontents des informations publiées dans certains reportages d’investigation.

Violences contre les femmes
La violence domestique à l’égard des femmes était toujours aussi répandue. Selon des chiffres officiels publiés en novembre, elle a donné lieu au cours de l’année à 98 inculpations pour crimes et à 623 inculpations pour délits.
Les modifications apportées au Code pénal en avril ont eu pour effet d’aggraver les peines d’emprisonnement encourues pour traite d’êtres humains, la peine minimum en cas de culpabilité passant de cinq à huit ans de détention. Malgré les opérations de police menées contre les trafiquants, les poursuites et les condamnations restaient peu nombreuses. Un quotidien a publié des chiffres pour l’année 2003 indiquant que la police de la région de Tetovo avait effectué 80 descentes dans des lieux soupçonnés d’être des maisons de prostitution employant des femmes victimes de la traite. Elle a contrôlé 95 personnes « ne possédant pas de permis de séjour en Macédoine en règle ». Trente-huit personnes ont été inculpées pour traite d’êtres humains et proxénétisme avec contrainte, mais une seule a été condamnée. Selon ce journal, le parquet de Tetovo avait du mal à réunir des éléments de preuve et les témoins avaient souvent peur de parler ; ils faisaient parfois l’objet de menaces de mort. Au mois de décembre, la police a annoncé avoir découvert, au cours des neuf mois précédents, 39 affaires de traite dans lesquelles étaient impliquées 79 personnes.

Réfugiés et personnes déplacées
Après le conflit de 2001, il restait en Macédoine quelque 2 400 personnes déplacées officiellement enregistrées. La moitié environ était hébergées dans des centres collectifs, les autres étant logées par des proches. La Macédoine accueillait en outre environ 1 500 réfugiés originaires du Kosovo. Il s’agissait essentiellement de Roms.

Autres documents d’Amnesty International
. Concerns in Europe and Central Asia, July-December 2003 : Macedonia (EUR 01/001/2004).
. Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, January-June 2004 : Macedonia (EUR 01/005/2004).

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