RUSSIE

Le conflit en République tchétchène (Tchétchénie) continuait de donner lieu à de graves atteintes aux droits humains, ce qui contredisait la thèse officielle d’une situation « en voie de normalisation ». Les forces de sécurité jouissaient d’une impunité presque totale. Les groupes d’opposition armés tchétchènes ont commis pour leur part diverses exactions, notamment des attentats à la bombe et des prises d’otages qui ont fait des centaines de morts. Des défenseurs des droits humains et des personnes qui cherchaient à obtenir justice par le biais de la Cour européenne des droits de l’homme ont été harcelés, voire agressés. Plusieurs ont même été tués ou ont « disparu ». Malgré les pressions exercées par les autorités, qui souhaitaient les voir rentrer chez elles, des milliers de personnes déplacées originaires de Tchétchénie se trouvaient toujours en Ingouchie. Dans cette République, la situation des droits humains s’est dégradée, notamment après le raid d’un groupe armé tchétchène, en juin. Des cas de torture et de mauvais traitements en détention ont à nouveau été signalés dans toute la Fédération de Russie. Dans de nombreuses régions, des étrangers et des membres de minorités ethniques ou nationales ont été victimes d’agressions parfois mortelles. Les condamnations pour actes racistes étaient cependant rares.

Fédération de Russie
CAPITALE : Moscou
SUPERFICIE : 17 075 400 km²
POPULATION : 142,4 millions
CHEF DE L’ÉTAT : Vladimir Poutine
CHEF DU GOUVERNEMENT : Mikhaïl Kassianov, remplacé provisoirement par Viktor Khristenko le 24 février, remplacé à son tour par Mikhaïl Fradkov le 9 mars
PEINE DE MORT : abolie en pratique
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome signé
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Contexte
Vladimir Poutine a été réélu président en mars. Les observateurs internationaux, tout en estimant que ces élections avaient été « bien administrées », ont dénoncé un traitement de l’information partisan, favorable au candidat sortant, dans les médias d’État. Selon les statistiques officielles, quelque 25,5 millions de personnes vivaient au-dessous du seuil de subsistance. Les projets de transformation du système de sécurité sociale - visant à remplacer par des allocations mensuelles des prestations accordées sous forme de logement, de réduction sur les transports et de soins médicaux gratuits - ont suscité de vives protestations et des manifestations de grande ampleur.
Une loi votée au mois de juin a interdit les manifestations dans divers lieux publics, notamment à proximité des résidences présidentielles, des tribunaux et des prisons. Elle imposait des conditions très strictes pour les autres manifestations et rassemblements publics. Selon certaines informations, les forces de sécurité auraient violemment dispersé plusieurs manifestations.
La durée maximale de détention sans inculpation pour les personnes soupçonnées d’infractions relevant du « terrorisme » a été rallongée de trente jours. La Douma (assemblée) a adopté en juin une loi aggravant les peines encourues pour ces mêmes infractions, la peine maximum passant de vingt ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité.
En décembre, la Douma a voté en faveur de la suppression de l’élection des gouverneurs des régions. Ces derniers devraient désormais être nommés par le chef de l’État. Cette mesure a été largement dénoncée comme constituant une atteinte aux droits civils et politiques des citoyens.
La Commission des droits de l’homme des Nations unies s’est abstenue, pour la troisième fois, de toute résolution concernant la situation des droits humains en Tchétchénie. Au mois d’octobre, dans son rapport à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme a condamné cette situation, qu’elle a qualifiée de « catastrophique ».

Le conflit tchétchène
Cette année encore, le conflit tchétchène aurait donné lieu à un grand nombre de « disparitions », d’homicides, d’actes de torture et de mauvais traitements. Ces crimes ont souvent été commis lors d’opérations ciblées menées soit par les forces fédérales russes, soit par les combattants tchétchènes. La plupart du temps, ni les autorités russes ni le pouvoir tchétchène n’ont ouvert d’enquêtes diligentes, indépendantes et approfondies sur les allégations d’atteintes aux droits fondamentaux de la population civile.
Les informations reçues suggéraient de plus en plus fortement que les atteintes aux droits humains, et notamment les « disparitions », étaient le fait des « kadyrovtsy », des forces de sécurité tchétchènes placées sous le commandement du vice-Premier ministre, Ramzan Kadyrov.
En février, plus de 80 membres de la famille d’un ancien ministre tchétchène de la Santé, Omar Khambiev, ont été arrêtés par les « kadyrovtsy » en divers endroits de la Tchétchénie. Les captifs auraient été torturés et maltraités. Cette opération visait manifestement à empêcher Omar Khambiev de dénoncer publiquement les atteintes aux droits humains perpétrés dans la République, et d’obtenir la reddition de son frère, Magomed Khambiev, chef d’un groupe d’opposition armé tchétchène.
Le 27 mars à deux heures du matin, des hommes masqués en uniforme sont arrivés à Douba-Iourt à bord de plusieurs véhicules militaires. Ils ont pénétré dans 19 maisons et arrêté 11 hommes. Trois ont été relâchés peu après. Les corps des huit autres ont été retrouvés le 9 avril, à quelques kilomètres de là. Selon certaines informations, ils portaient des traces de torture et étaient criblés de balles.
Au mois d’avril, quatre membres d’une unité spéciale du renseignement militaire russe qui comparaissaient devant un tribunal de Rostov-sur-le-Don pour le meurtre de six civils en Tchétchénie, ont été déclarés non coupables. Bien que les accusés aient reconnu les faits, les juges ont estimé qu’ils n’étaient pas responsables dans la mesure où ils n’avaient fait qu’exécuter des ordres. Très critiqué, ce jugement a finalement été annulé par la Cour suprême de la Fédération de Russie. Un nouveau procès s’est ouvert au mois d’octobre.

Exactions commises par des groupes armés
En février, une série d’attentats à la bombe perpétrés dans le métro de Moscou aux heures de pointe aurait fait 41 morts et plus d’une centaine de blessés. Vladimir Poutine s’est empressé d’accuser le leader indépendantiste tchétchène Aslan Maskhadov d’être responsable des attentats. Ces accusations ont cependant été démenties et aucun groupe n’a revendiqué ces actions.
Le président de la République tchétchène, Akhmad Kadyrov, a été assassiné en mai. Il a été tué par une bombe alors qu’il assistait au défilé de la Fête de la victoire au stade Dynamo de Grozny. Une fillette de huit ans faisait partie des autres victimes de cet attentat.
Au mois d’août, deux avions de ligne ont explosé en plein vol dans le centre de la Russie. Quelque 90 personnes ont été tuées.
Au mois de septembre, plus d’un millier de personnes, dont plusieurs centaines d’enfants, ont été prises en otages dans une école de Beslan, en Ossétie du Nord. Un peu plus tard, plusieurs charges auraient explosé à l’intérieur de l’école. Une fusillade généralisée aurait ensuite éclaté, entre les preneurs d’otages, des habitants armés de la localité et les forces de sécurité. Près de 350 personnes seraient mortes. Chamil Bassaïev, chef d’un groupe d’opposition armé tchétchène, a revendiqué la prise d’otages ainsi que la destruction des deux avions tombés au mois de mai. Cette évolution faisait craindre que l’instabilité ne s’étende à l’ensemble de la région déjà sensible du nord du Caucase.

Violences contre les femmes en Tchétchénie
De plus en plus de femmes étaient arrêtées et torturées par les forces de sécurité, qui cherchaient à leur faire « avouer » leurs liens supposés avec les groupes armés tchétchènes. Plusieurs viols en détention ont été signalés.
Madina (pseudonyme) a été arrêtée en avril par les forces fédérales russes. Elle a été conduite, les yeux bandés, à la base de Khankala, quartier général de l’armée russe. Pendant sa détention, elle aurait tous les jours été torturée à l’électricité. Elle aurait également été déshabillée, rouée de coups, soumise à des sévices sexuels par plusieurs militaires et menacée de viol. Selon les informations recueillies, Madina a été libérée au bout de quinze jours. On lui aurait dit que les soldats qui l’avaient arrêtée s’étaient trompés. Elle a indiqué qu’on l’avait menacée de mort au cas où elle raconterait ce qui lui était arrivé.
Milana Ozdoïeva, une veuve habitant Kotar-Iourt, localité de la région d’Atchkhoï-Martan, aurait été interrogée les 5 et 9 janvier par un agent des forces fédérales russes. Selon des voisins, des hommes se sont présentés au domicile de Milana Ozdoïeva le 19 janvier et l’ont emmenée. Ils auraient refusé de la laisser prendre son bébé, âgé de deux mois. Cette femme a « disparu » depuis.
La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes s’est rendue en Tchétchénie au mois de décembre. Dans une déclaration faite à l’issue de cette visite, elle a insisté sur le climat de peur et d’insécurité qui régnait dans la région en raison des atteintes aux droits fondamentaux des civils perpétrées tant par les forces de sécurité que par les groupes armés tchétchènes.

Extension du conflit hors de la Tchétchénie
Des atteintes aux droits humains jusque-là caractéristiques du conflit tchétchène étaient de plus en plus fréquemment signalées en Ingouchie voisine, ainsi que dans d’autres secteurs du nord du Caucase. Un certain nombre d’opérations menées par les forces de sécurité fédérales russes et tchétchènes se sont traduites par des « disparitions » et des homicides. Les attaques lancées par des groupes d’opposition armés tchétchènes ont fait des dizaines de victimes en Ingouchie.
Les camps de toile pour personnes déplacées ont été fermés et les autorités ont accentué les pressions pour que les Tchétchènes présents sur leur territoire rentrent chez eux, malgré l’insécurité qui continuait de régner en Tchétchénie.
En mars 2004, Rachid Ozdoïev, substitut du procureur de la République d’Ingouchie, a « disparu » après l’interception de son véhicule par des hommes armés travaillant, selon toute vraisemblance, pour le Service fédéral de sécurité (FSB). Selon certaines informations, il aurait été emmené à la base militaire de Khankala, où il aurait été placé en détention sous un faux nom. Sa situation exacte n’avait cependant pas été confirmée à la fin de l’année 2004. Dans le cadre de ses fonctions, Rachid Ozdoïev s’était inquiété de certains agissements illégaux du FSB auprès des autorités ingouches et fédérales russes.
En mars, un hélicoptère a ouvert le feu sur une voiture en stationnement dans laquelle se trouvaient quatre jeunes gens. Deux d’entre eux - des étudiants - ont été tués. Aucune enquête n’ayant été ouverte sur cette affaire, une manifestation a été organisée à Nazran, en Ingouchie. À cette occasion, la police a arrêté plusieurs étudiants. Ces derniers auraient été passés à tabac et menacés d’exclusion de l’université.
Au mois de juin, la police ingouche et les forces de sécurité fédérales russes ont mené une opération conjointe dans un camp de personnes déplacées originaires de Tchétchénie, installé dans l’enceinte d’une ancienne ferme laitière, à Altievo, dans le district de Nazran (Ingouchie). Elles auraient donné l’ordre au millier de personnes présentes, parmi lesquelles des enfants, de libérer les lieux qu’elles occupaient, le temps qu’une perquisition soit effectuée. Cette opération aurait été conduite avec brutalité, des coups de feu ayant notamment été tirés en l’air et contre les murs. Des femmes auraient été contraintes de se déshabiller partiellement devant des hommes. Les personnes déplacées auraient reçu l’ordre de quitter les lieux dans les quarante-huit heures, sous peine de voir leur camp incendié. Trente-six hommes ont été arrêtés et placés en détention au secret. La plupart d’entre eux ont été libérés au bout de cinq jours. Neuf ont été maintenus en détention pendant un mois.

Crimes racistes
Des membres de minorités ethniques ou nationales, ainsi que des étrangers, dont des étudiants et des demandeurs d’asile, ont été la cible d’agressions racistes. Selon le Centre d’information Sova, il y aurait eu cette année 44 meurtres racistes. Plusieurs attaques contre des lieux de culte et des cimetières juifs ont également été signalées. Les enquêtes sur ces actes, lorsqu’elles avaient lieu, étaient souvent inefficaces et débouchaient sur des inculpations pour « houliganisme », une accusation moins grave que celle de crimes racistes.
Nikolaï Guirenko, éminent défenseur des droits humains et spécialiste de la lutte contre le racisme et la discrimination en Fédération de Russie, a été tué par balle le 19 juin à son domicile de Saint-Pétersbourg. Président de la Commission des droits des minorités de l’Union scientifique de Saint-Pétersbourg, il avait réalisé pour les pouvoirs publics plusieurs études sur les groupes néonazis et les skinheads. Il avait à plusieurs reprises alerté l’opinion sur l’expansion de ces groupes. Nombreux sont ceux qui estiment que Nikolaï Guirenko a été tué en raison de son action en faveur des droits humains et contre le racisme.
Âgé de vingt-quatre ans, Antoniu Amaru Limza, un étudiant en médecine originaire de Guinée- Bissau, a été tué à l’arme blanche en février par une bande de la ville de Voronej. En septembre, trois jeunes gens ont été reconnus coupables de ce meurtre à caractère raciste. Ils ont été condamnés à des peines allant de neuf à dix-sept ans d’emprisonnement. Le verdict a été accueilli comme un précédent important dans la lutte contre le racisme au sein de la Fédération de Russie.
En février, plusieurs personnes ont été jugées pour avoir participé à une attaque lancée en avril 2001 par quelque 150 skinheads contre des commerçants (dont beaucoup appartenaient à des minorités ethniques) du marché de Iassenevo, à Moscou. Cinq des assaillants présumés avaient été traduits en justice. Deux d’entre eux ont été acquittés ; deux autres ont été condamnés à des peines avec sursis ; le dernier a été condamné à six mois d’emprisonnement.
Une fillette tadjike âgée de neuf ans, Khourcheda Soultanova, a été tuée à coups de couteau à Saint-Pétersbourg au mois de février. Elle rentrait chez elle, en compagnie de son père et son cousin, lorsqu’une bande de jeunes gens, armés de coups-de-poing américains, de chaînes, de bâtons et de couteaux, les ont attaqués. Les agresseurs auraient proféré des injures racistes. Selon la police, Khourcheda Soultanova aurait été frappée 11 fois à la poitrine. Plusieurs jeunes gens ont été arrêtés et poursuivis dans le cadre de cette affaire mais, à la fin de l’année, personne n’avait été inculpé de meurtre. Le parquet aurait exclu tout mobile raciste.
Au mois de décembre, sept adolescents ont été condamnés à des peines allant de deux ans et demi à dix ans d’emprisonnement pour le meurtre, en 2003, dans la région de Saint-Pétersbourg, d’une fillette tadjike, Nouloufar Sangboïeva.
Les Tchétchènes restaient en butte à de nombreux actes discriminatoires dans toute la Fédération de Russie. Ils étaient soumis, de la part des autorités, à des fouilles et à des contrôles d’identité intempestifs. Après les attentats commis dans le métro de Moscou en février et la prise d’otages de Beslan, en septembre, les associations de défense des droits humains ont signalé une recrudescence, aussi bien en nombre qu’en gravité, des agressions contre des Tchétchènes ou d’autres personnes originaires du Caucase vivant dans la capitale russe ou un certain nombre de grandes villes.
Contrairement aux déclarations des autorités, les droits des Turcs meskhètes du territoire de Krasnodar, notamment leur droit à la citoyenneté, n’étaient toujours pas respectés. Il en résultait pour cette population une discrimination dans presque tous les domaines, notamment en matière d’enseignement, d’emploi et de santé.
Les Roms faisaient l’objet d’une politique de harcèlement de la part de la police de Saint-Pétersbourg, ainsi que d’agressions racistes ailleurs dans le pays.
Le 20 mai, la police de Saint-Pétersbourg a lancé une opération baptisée Tabor (camp tsigane), destinée officiellement à lutter contre le vol et la mendicité. Des centaines de personnes, en grande majorité des Roms, ont été arrêtées dans le cadre de cette action. Le 21 mai, des hommes en uniforme - appartenant vraisemblablement à la police - ont investi un campement rom d’Oboukhovo, un district de Saint-Pétersbourg. Ils auraient ordonné aux occupants de partir sur le champ, leur auraient pris de l’argent, auraient tiré des coups de feu en l’air et incendié deux cabanes.

Défenseurs des droits humains
Les défenseurs des droits humains et les personnes qui tentaient d’obtenir justice en saisissant la Cour européenne des droits de l’homme étaient harcelés. Plusieurs ont été torturés et tués.
Le 29 janvier, Imran Ejiev, responsable de la section Nord du Caucase de la Société pour l’amitié russo-tchétchène, a été arrêté par un groupe d’hommes armés vêtus d’uniformes militaires. Il a été conduit au commissariat de Sleptsovskaïa, en Ingouchie, où des policiers l’auraient roué de coups et auraient menacé de le faire « disparaître ». Il a finalement été relâché le lendemain, à la suite de l’intervention du président de la Commission présidentielle russe des droits humains.
Anzor Pokaïev a été emmené en avril par des militaires appartenant, selon certaines allégations, aux troupes fédérales russes ; ils s’étaient présentés à son domicile de Starye Atagui, en Tchétchénie. Son corps criblé de balles a été retrouvé le lendemain matin sur le bord d’une route. Le père d’Anzor Pokaïev et neuf autres personnes avaient introduit un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, en juillet 2003, concernant la « disparition », en avril 2002, de plusieurs de leurs proches, dont le frère d’Anzor, Amir Pokaïev.
Au mois d’août, un tribunal de Moscou a condamné le défenseur des droits humains ouzbek Bakhrom Khamroïev à un an et demi d’emprisonnement, pour détention illégale de stupéfiants. Selon certains, les charges pesant contre l’accusé auraient été forgées de toutes pièces. Au mois de novembre, un tribunal de la région de Perm, où Bakhrom Khamroïev avait été envoyé purger sa peine, a modifié la sentence et a remis ce dernier en liberté conditionnelle.
En mai, Vladimir Poutine a lancé une attaque sans précédent contre les organisations non gouvernementales dans leur ensemble, mettant en doute les motivations réelles de nombre d’entre elles. Plusieurs projets de modification du Code fiscal ont été adoptés en première lecture par la Douma au mois d’août. Ces textes prévoyaient notamment de restreindre considérablement les sources de financement des organisations non gouvernementales.

Liberté de la presse
Un certain nombre de journalistes ont été critiqués par des représentants du gouvernement, voire persécutés et harcelés par les pouvoirs publics ou par des acteurs non étatiques. Au lendemain de la prise d’otages de Beslan, des voix se sont élevées pour déplorer la manière dont le gouvernement avait transmis les informations sur cette affaire et la façon dont les journalistes avaient été empêchés de faire leur travail.
Au mois de septembre, la journaliste Anna Politkovskaïa a déclaré avoir perdu connaissance après avoir bu une tasse de thé, alors qu’elle se trouvait à bord d’un vol à destination de l’Ossétie du Nord. À son arrivée à Rostov-sur-le-Don, elle a été hospitalisée et placée en unité de soins intensifs. Les médecins lui ont dit qu’elle avait peut-être été empoisonnée, mais que le personnel médical avait reçu l’ordre de faire disparaître les résultats des premiers examens. Anna Politkovskaïa a été arrêtée et menacée à plusieurs reprises parce qu’elle persistait à couvrir la situation en Tchétchénie.

Torture et mauvais traitements
La police avait régulièrement recours à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements pour extorquer des « aveux » aux suspects. Ces pratiques donnaient rarement lieu à des enquêtes et, même lorsqu’une procédure était ouverte, celle-ci n’était généralement pas satisfaisante, ce qui contribuait à entretenir un climat d’impunité.
Au mois de juin, Viktor Knaous, un adolescent de la région de Volgograd âgé de quinze ans, aurait été roué de coups et contraint d’« avouer » le meurtre de deux enfants.
La police antiémeute se serait rendue responsable de violences et de divers autres mauvais traitements dans plusieurs prisons de la Fédération de Russie. La surpopulation carcérale persistait. Les conditions de vie dans les centres de détention provisoire étaient bien souvent déplorables, au point de constituer, de fait, un traitement cruel, inhumain et dégradant.
Les conditions de vie des détenus purgeant une peine de réclusion à perpétuité constituaient elles aussi une peine ou un traitement cruel, inhumain et dégradant, voire, dans certains cas, une forme de torture. Leur détention était en effet conçue pour les maintenir absolument coupés du monde extérieur et des autres prisonniers.

Équité des procès
Igor Soutiaguine, chercheur à l’Académie des sciences de Russie, a été condamné en avril à quinze ans d’internement dans une colonie pénitentiaire à régime strict, à l’issue d’un procès non équitable. Accusé de trahison, il se trouvait en détention provisoire depuis son arrestation, en octobre 1999. Les charges pesant contre lui étaient si peu précises, dans leur formulation, que le premier tribunal ayant examiné l’affaire, en décembre 2001, avait considéré qu’elles étaient « incompréhensibles ». Igor Soutiaguine était accusé d’avoir fourni des renseignements à une entreprise étrangère mais, lors de son procès, sa défense n’a pas été sérieusement prise en compte. L’argument selon lequel les informations en cause étaient toutes accessibles au public n’a notamment pas été examiné. L’incarcération d’Igor Soutiaguine semblait en fait s’inscrire dans le cadre des persécutions arbitraires dont continuaient d’être victimes les chercheurs, les journalistes et les écologistes indépendants.
Au mois de mars, la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme du Conseil de l’Europe a nommé un rapporteur chargé d’étudier les circonstances de l’arrestation de Mikhaïl Khodorkovski, ex-président de la compagnie pétrolière Ioukos, de Platon Lebedev, l’un de ses partenaires, et d’Alexeï Pitchouguine, ancien responsable de la sécurité au sein de Ioukos, ainsi que des poursuites judiciaires entamées contre ces hommes. Selon certaines allégations, elles seraient motivées par des considérations d’ordre politique. Le rapporteur a mis en évidence un certain nombre d’irrégularités de procédure graves, dues à plusieurs organismes responsables de l’application des lois. Il a également mis en doute l’équité, l’impartialité et l’objectivité des pouvoirs publics dans cette affaire. L’état de santé de Platon Lebedev et d’Alexeï Pitchouguine, ainsi que l’impossibilité dans laquelle ils se trouvaient d’être examinés et soignés par des médecins indépendants, suscitaient également une certaine inquiétude.

Violences contre les femmes
Des milliers de femmes sont mortes en 2004, victimes de violences sexistes perpétrées dans leur foyer ou au sein de la communauté dans laquelle elles vivaient. Les responsables de ces actes étaient rarement traduits en justice. La Fédération de Russie ne disposait d’aucune loi spécifique réprimant la violence domestique. La presse accordait toutefois une place croissante à la violence au foyer et à d’autres crimes tels que les viols commis par les forces de sécurité en Tchétchénie. La Russie a ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme).
Des milliers de femmes russes feraient chaque année l’objet d’un trafic à destination de pays du monde entier, où elles seraient ensuite contraintes de se prostituer. La Russie a également ratifié le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Visites d’Amnesty International
Des délégués d’Amnesty International se sont rendus en Fédération de Russie en mars et avril, en juin, en octobre et en décembre.

Autres documents d’Amnesty International

  Russie. Déclaration d’Amnesty International sur la situation des demandeurs d’asile tchétchènes (EUR 46/010/2004).

  Russie (Tchétchénie). Quelle « normalisation » et pour qui ? (EUR 46/027/2004).

  Russie. La tragique prise d’otages de Beslan (EUR 46/050/2004).

 Russie (Tchétchénie). Il est dangereux de parler. Attaques visant les défenseurs des droits humains dans le contexte du conflit armé en Tchétchénie (EUR 46/059/2004).

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