Bangladesh

Le 29 décembre, la Ligue Awami a remporté une victoire écrasante aux premières élections législatives organisées depuis sept ans, qui se sont déroulées d’une manière générale dans le calme. Malgré une réforme institutionnelle et l’allègement, avant le scrutin, de mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, le droit à la liberté de réunion et d’association restait soumis à des restrictions. Dans tous le pays, plusieurs dizaines de milliers de militants politiques qui tentaient semble-t-il de se rassembler pacifiquement dans les locaux de leur parti ont été arrêtés. La police a eu recours à une force excessive pour disperser des rassemblements pacifiques ; des personnes qui y participaient ont été blessées. Au moins 54 personnes auraient été victimes d’exécutions extrajudiciaires imputables à des membres de la police et du Bataillon d’action rapide (RAB) au cours des six premiers mois de l’année. Nul n’a eu à rendre des comptes pour ces homicides. Au moins 185 personnes ont été condamnées à mort et cinq hommes ont été exécutés.
Le gouvernement intérimaire a poursuivi les réformes institutionnelles tout au long de l’année. L’Ordonnance portant création d’une Commission nationale des droits humains est entrée en application en septembre. En octobre a été promulguée une Ordonnance sur le droit à l’information, qui permet aux citoyens d’accéder aux informations détenues par des organismes publics. Ce texte ne s’appliquait toutefois pas à huit organismes chargés de la sécurité, hormis les cas où les informations sollicitées concernaient des affaires de corruption ou de violations des droits humains.

CHEF DE L’ÉTAT : Iajuddin Ahmed
CHEF DU GOUVERNEMENT : Fakhruddin Ahmed
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 161,3 millions
ESPÉRANCE DE VIE  : 63,1 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F)  : 68 / 67 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 47,5 %

Contexte

L’année a débuté sous un gouvernement intérimaire soutenu par l’armée qui maintenait les restrictions imposées en vertu de l’état d’urgence proclamé le 11 janvier 2007. Elle s’est terminée par des élections, qui ont été remportées à une majorité écrasante par la Ligue Awami, quelques semaines seulement après la levée de l’état d’urgence, le 17 décembre.
L’incertitude quant à la volonté des autorités militaires de permettre la reprise du processus démocratique a été dissipée par la tenue des élections législatives, le 29 décembre. Deux alliances politiques – l’une dirigée par Sheikh Hasina de la Ligue Awami et l’autre par Khaleda Zia du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) – ont participé au scrutin. Il restait à savoir si le nouveau gouvernement allait utiliser cette occasion unique pour tenir les promesses faites durant la campagne électorale et renforcer la protection des droits humains.
Les femmes continuaient d’être victimes de discrimination tant dans la loi qu’en pratique. Des actes de violence contre des femmes ont été signalés, notamment des coups, des agressions à l’acide et des assassinats liés à la dot. En mars, le gouvernement a annoncé l’adoption de modifications à la Politique nationale de promotion de la femme, l’objectif étant de renforcer l’égalité entre hommes et femmes. Ces modifications ne sont toutefois pas entrées en vigueur, leur annonce ayant suscité une vive résistance de la part de groupes islamistes qui soutenaient massivement qu’elles étaient contraires au droit musulman en matière d’héritage.
Cette année encore, dans les Chittagong Hill Tracts, des colons bengalis se sont emparés de terres appartenant à des membres de la tribu autochtone des Jummas. Trois rapporteurs spéciaux des Nations unies – sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones, sur le logement convenable et sur le droit à l’alimentation – ont exprimé leur inquiétude face à l’idée qu’il puisse y avoir une campagne systématique favo-risant l’installation de non-autochtones dans les Chittagong Hill Tracts, dans le but de surpasser en nombre les populations indigènes.
Des milliers de personnes vivant dans des bidonvilles à Dhaka et dans d’autres grandes agglomérations ont été expulsées de force. Leurs habitations ont été démolies et aucune mesure d’indemnisation ni de relogement n’a été mise en œuvre. Intervenant après des décisions de justice, ces opérations visaient à libérer des terrains qui étaient généralement attribués à des programmes d’urbanisme.
L’Ordonnance antiterroriste est entrée en vigueur. Sa définition large des actes de terrorisme réduisait encore davantage les garanties contre l’arrestation et la détention arbitraires.
Les normes en matière d’équité des procès étaient toujours battues en brèche, en particulier dans le cadre de l’application des règlements d’exception, qui restraignaient les garanties accordées aux prévenus.
Le gouvernement continuait d’utiliser l’armée, notamment le RAB, pour maintenir l’ordre, en plus de la police et des autres forces de sécurité. L’armée, qui était déployée depuis janvier 2007 pour assurer le maintien de l’ordre, et qui avait été temporairement retirée au début de novembre, a été redéployée le 18 décembre jusqu’au lendemain des élections.

Liberté d’expression, de réunion et d’association

Les restrictions pesant sur la liberté d’expression n’étaient pas strictement appliquées et ont finalement été levées en novembre. Bien que certaines restrictions à la liberté de réunion et d’association aient été annulées en mai et en novembre, beaucoup d’autres sont restées en vigueur en vertu de l’état d’urgence jusqu’à la levée de celui-ci, le 17 décembre.
L’interdiction des réunions politiques à l’intérieur de locaux a été levée en mai, mais quelque 30 000 militants de différents partis ont été arrêtés alors qu’ils s’étaient semble-t-il réunis dans les bureaux de leur mouvement peu après l’annonce de cette mesure. Ils ont été détenus par la police pendant des périodes allant de plusieurs jours à deux mois, puis relâchés. Certains n’ont pas été inculpés, d’autres l’ont été pour des faits manifestement sans rapport avec leurs activités puis libérés sous caution.
Le gouvernement a annoncé, le 3 novembre, le retrait partiel de l’interdiction des rassemblements politiques ; cette mesure n’a cependant été appliquée que le 12 décembre.

Recours excessif à la force

La police a fait, à plusieurs reprises, un usage excessif de la force pour disperser des manifestations pacifiques. Le 6 juillet, des policiers ont attaqué plusieurs centaines de militants du BNP qui s’étaient rassemblés pacifiquement dans l’enceinte de l’hôpital universitaire Bangabandhu Sheikh Mujib pour voir un dirigeant du parti lors de son transfert de l’hôpital au tribunal, où il devait être entendu sur des accusations de corruption. Au moins 15 personnes, dont un photographe de presse qui couvrait l’événement, ont été blessées.
Le 11 novembre, devant la mosquée Baitul Mukarram à Dacca, des policiers ont dispersé à coups de matraque et de crosse de fusil plusieurs milliers de militants de la Jamaat-e Islami (Société de l’islam). Bien que le gouvernement ait annoncé, le 3 novembre, la levée de l’interdiction des rassemblements politiques liés aux élections, des policiers ont dit aux manifestants que cette mesure n’était pas entrée en vigueur et ils ont dispersé par la force le rassemblement pacifique ; 30 manifestants au moins ont été blessés.

Atteintes aux droits humains commises dans le passé

En avril, Iftehkar Ahmed Chowdhury, conseiller aux affaires étrangères, s’est entretenu avec le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, d’une éventuelle implication de l’ONU pour aider à mettre un terme à l’impunité des violations commises en 1971. Aucune commission officielle n’a toutefois été mise en place pour enquêter sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les autres violations graves des droits humains et du droit humanitaire, et progresser sur la voie de la vérité, de la justice et de l’octroi aux victimes de réparations complètes et effectives. Les autorités n’ont pris aucune mesure concrète pour mettre en œuvre la Loi de 1973 relative aux crimes internationaux (tribunaux).

Exécutions extrajudiciaires et impunité

Des policiers et des agents du RAB ont tué de manière extrajudiciaire au moins 54 personnes au cours des six premiers mois de l’année. On estime qu’un très grand nombre d’autres personnes ont été tuées dans des circonstances similaires durant les six mois suivants. Aucun membre de la police ni du RAB n’a fait l’objet de poursuites. Les autorités ont affirmé que des informations judiciaires avaient été diligentées sur tous les cas d’usage d’armes à feu par des membres de la police et du RAB ayant entraîné la mort des victimes, et qu’elles avaient conclu que les tirs étaient justifiés.
Le nombre d’informations judiciaires et leurs conclusions n’ont pas été rendus publics.

  • Le 27 juillet, la police a annoncé la mort de Mizanur Rahman Tulul, chef du Parti communiste du Bengale oriental Purbo Banglar (faction Drapeau rouge), mouvement interdit, lors d’un « échange de tirs », une expression souvent utilisée pour désigner une exécution extrajudiciaire. Le 26 juillet, la mère de Mizanur Rahman Tulul avait signalé l’arrestation de son fils à des journalistes et elle avait demandé publiquement aux autorités de garantir sa sécurité.

Peine de mort

Au moins 185 personnes ont été condamnées à mort, ce qui portait à 1 085 au moins le nombre de prisonniers sous le coup d’une sentence capitale. Cinq hommes reconnus coupables de meurtre ont été exécutés, l’un en juin et les quatre autres en décembre.
Ce même mois, le Bangladesh a voté contre une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire mondial sur les exécutions.

Visites et documents d’Amnesty International

au Bangladesh et a rencontré des victimes de violations des droits humains, des organisations de la société civile et des représentants de partis politiques

  • Bangladesh : Memorandum to the Caretaker Government of Bangladesh and political parties (ASA 13/001/2008).
  • Bangladesh : Submission to the UN Universal Periodic Review : Fourth session of the UPR Working Group of the Human Rights Council, February 2009 (ASA 13/006/2008).
  • Bangladesh. Les élections représentent à la fois un risque et une chance pour les droits humains (ASA 13/011/2008).
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