Albanie

Malgré la confirmation de l’embellie économique, l’Albanie affichait toujours un taux de chômage élevé. On estimait que plus de 18 % de la population vivait en dessous du seuil national de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1,30 euro par jour. Ces habitants étaient aussi ceux qui pâtissaient le plus des difficultés d’accès à l’éducation, à l’eau, aux soins et aux services sociaux. Les violences domestiques étaient très épandues. La traite de femmes et d’enfants à des fins de prostitution ou d’autres formes d’exploitation s’est poursuivie. Des personnes détenues dans des établissements pénitentiaires et des postes de police ont été victimes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements. Les conditions de détention des prisonniers, prévenus et condamnés, s’apparentaient dans certains cas à des traitements inhumains et dégradants. Des orphelins devenus adultes ont été privés de leur droit à un logement convenable.

CHEF DE L’ÉTAT : Bamir Topi
CHEF DU GOUVERNEMENT : Sali Berisha
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 3,2 millions
ESPÉRANCE DE VIE  : 76,2 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 24 / 20 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES  : 98,7 %

Contexte

Le nombre de poursuites pour corruption a augmenté, mais les procédures concernaient essentiellement des fonctionnaires subalternes. La population ne faisait guère confiance à la justice.
Une enquête a été ouverte à la suite d’une explosion survenue en mars dans un dépôt militaire, où des munitions obsolètes étaient en cours de destruction. Le ministre de la Défense a été révoqué, son immunité a été levée et plusieurs fonctionnaires du ministère ont été arrêtés. La déflagration a tué 26 personnes, blessé plus de 300 autres et détruit ou endommagé plusieurs centaines d’habitations. Cet épisode a donné lieu à des accusations de corruption et de commerce illégal d’armes.

Évolutions législatives, constitutionnelles ou institutionnelles

En avril, des modifications de la Constitution ont été adoptées concernant notamment le système électoral et, en novembre, un nouveau Code électoral a été approuvé. Des modifications au Code pénal renforçant la protection des mineurs ont également été adoptées, de même qu’une loi relative à l’égalité entre hommes et femmes qui visait à améliorer la représentation des femmes dans la vie publique.

Disparitions forcées

  • En mai s’est ouvert le procès de quatre anciens agents du Service national du renseignement (ShIK) accusés d’avoir enlevé trois hommes en 1995 et de leur avoir fait subir des actes de « torture avec conséquences graves ». On ignorait ce qu’il était advenu de l’une des victimes, Remzi Hoxha, un membre de la communauté albanaise de Macédoine. L’un des accusés, Ilir Kumbaro, était jugé par contumace. En septembre, un homme que la police britannique estimait être Ilir Kumbaro - ce qu’il niait - a été arrêté au Royaume-Uni et l’Albanie a demandé son extradition. La procédure engagée par un tribunal britannique afin de déterminer son identité et se prononcer sur la demande d’extradition n’était pas achevée à la fin de l’année.

Violences contre les femmes et les filles

Les violences domestiques étaient très répandues. On estimait qu’environ une femme sur trois en était victime. Au cours des trois premiers trimestres de 2008, la police a enregistré 612 épisodes de violence familiale mais on croyait toutefois savoir que de nombreux autres cas n’avaient pas été signalés. Les autorités ont adopté des mesures afin d’améliorer la protection des victimes, des femmes dans l’immense majorité des cas.
Des poursuites n’ont été engagées que dans quelques rares cas, sauf lorsque les violences impliquaient des menaces de mort ou avaient entraîné des blessures graves ou la mort. Les victimes étaient néanmoins de plus en plus nombreuses à demander une protection contre leurs agresseurs. De janvier à septembre, la police aurait aidé 253 victimes à solliciter des mesures de sûreté auprès des tribunaux au titre d’une loi adoptée en 2007 en matière civile. Toutefois, bien souvent les tribunaux n’ont pas imposé ces mesures car les victimes retiraient leurs plaintes ou ne se présentaient pas aux audiences.

Traite d’êtres humains

Les informations recueillies faisaient état, cette année encore, de trafic d’êtres humains, généralement vers la Grèce ou l’Italie. Des femmes et des jeunes filles ont été victimes de traite à des fins de prostitution forcée, tandis que des enfants ont été contraints de mendier. La protection des victimes demeurait insuffisante, alors même que la police comptait essentiellement sur celles-ci pour signaler les affaires de traite. En 2008, 30 personnes ont été jugées par le tribunal chargé des infractions graves pour traite de femmes à des fins d’exploitation sexuelle et six personnes pour traite d’enfants.

  • En juin, Allman Kera a été condamné à quinze ans d’emprisonnement pour traite sur la personne de son épouse, mineure, qu’il avait envoyée au Kosovo et contrainte à la prostitution jusqu’à ce qu’elle s’enfuie et le dénonce.
  • En novembre, K. D. a été accusé de traite sur un garçon de neuf ans qu’il avait envoyé en Grèce en 2002 et contraint à mendier. Les parents de l’enfant auraient dénoncé cet homme à la police après qu’il eut omis de leur envoyer une somme d’argent mensuelle comme convenu.

Torture et autres mauvais traitements

Selon certaines informations, des détenus ont été torturés ou victimes d’autres formes de mauvais traitements, en général immédiatement après leur arrestation ou au cours de leur interrogatoire. En octobre, le ministre de l’Intérieur a déclaré que, au cours des trois dernières années, le Service de l’inspection interne avait signalé auprès du procureur des « actes arbitraires » liés à un recours à la violence mettant en cause 128 policiers.
Ces affaires n’ont que très rarement donné lieu à des poursuites. En règle générale, une procédure pénale n’était engagée qu’après dépôt d’une plainte par la victime ou sur recommandation du médiateur. Dans un cas, les procureurs et les juges n’ont pas ouvert d’enquête alors que l’accusé s’est présenté devant eux couvert d’ecchymoses pour une audience concernant une demande de mise en liberté. Le ministère public, qui ne prononçait quasiment jamais d’inculpation pour torture, choisissait généralement d’invoquer des infractions moins graves telles que des « actes arbitraires », habituellement sanctionnées par des amendes.
En janvier, le médiateur s’est vu confier les fonctions du mécanisme national de prévention de la torture, en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture [ONU]. Au cours d’inspections surprises de postes de police, le médiateur a constaté plusieurs cas de mauvais traitements infligés par des policiers et a rendu ces affaires publiques. En novembre, à la suite d’une de ces inspections, la police de la ville de Shkodër a engagé une procédure pénale contre le médiateur. Les agents de la force publique accusaient ce dernier d’avoir compromis une enquête en mentionnant publiquement par leurs initiales deux agents de la police judiciaire ainsi que leur victime présumée.

  • En novembre, une information judiciaire a été ouverte à l’encontre d’un agent de police judiciaire de la ville de Saranda pour « recours à la violence au cours d’une enquête ». Lors d’un interrogatoire mené le 6 novembre, l’agent aurait frappé Aristil Glluçaj, âgé de dix-huit ans. Le jeune homme, qui avait perdu connaissance, a été admis à l’hôpital le jour même.

D’après certaines sources, des gardiens de prison ont maltraité des détenus. En février, le Service de l’inspection interne du ministère de l’Intérieur a enquêté sur les plaintes pour mauvais traitements de la part de gardiens qui avaient été déposées par des détenus des établissements pénitentiaires de Peqin et de Lezhë. À l’issue de l’enquête, ces plaintes se sont révélées fondées et les fonctionnaires concernés ont été sanctionnés.

Conditions de détention

Les conditions carcérales s’apparentaient dans certains cas à des formes de traitement inhumain et dégradant. Les soins médicaux n’étaient pas adaptés. Les prisonniers atteints de troubles mentaux n’étaient en général pas séparés des autres détenus et ne recevaient presque aucun traitement spécialisé. Les détenus – prévenus ou condamnés – demeuraient souvent dans les postes de police où les conditions étaient généralement déplorables. Cela s’expliquait à la fois par les retards administratifs et par le manque de places dans les établissements pénitentiaires. Certaines améliorations des conditions de détention ont toutefois été enregistrées et les dispositions relatives aux droits des détenus et à la surveillance des prisons ont été révisées.
La surpopulation persistait malgré la mise en service de trois nouvelles prisons. En novembre, le nombre total de détenus s’élevait à 4 666, soit un dépassement de quelque 900 personnes par rapport aux capacités d’accueil. En juin, le médiateur a conclu que les conditions de détention de 120 prisonniers incarcérés dans des cellules de détention provisoire au sous-sol du poste de police du district de Korça s’apparentaient à un traitement inhumain et dégradant. Les locaux n’étaient en effet prévus que pour 40 détenus.
En octobre, un nouvel établissement pénitentiaire a été inauguré à Korça, dans lequel ont été transférés des détenus, prévenus et condamnés. En novembre, le Comité Helsinki d’Albanie a dénoncé les conditions de détention de la prison de Fushë-Krujë, récemment achevée. Il a notamment fait état d’humidité dans les cellules du rez-de-chaussée, du manque d’eau courante et de douches hors d’usage. Le Comité a également pointé du doigt l’insalubrité dans laquelle vivaient les femmes incarcérées dans les prisons 302 et 313 de Tirana.

Droits en matière de logement

L’État n’avait toujours pas mis en œuvre la législation nationale exigeant que les orphelins devaient bénéficier d’un accès prioritaire au logement lorsqu’ils avaient achevé leurs études secondaires ou atteint la majorité. Quelque 300 adultes ayant perdu leurs parents lorsqu’ils étaient enfants vivaient toujours dans des chambres communes de logements délabrés et inadaptés. Ces conditions de vie amplifiaient le phénomène d’exclusion sociale qui touchait ces personnes. Peu qualifiées, elles étaient souvent au chômage ou employées à de menus travaux mal rémunérés, et devaient survivre avec une aide très réduite de la part de l’État. En vertu de la législation nationale, les orphelins âgés de moins de trente ans enregistrés auprès des autorités figuraient parmi les groupes vulnérables auxquels les logements sociaux devaient être accordés en priorité. Toutefois, le très petit nombre de logements disponibles était loin de répondre aux besoins des 45 000 familles sans domicile que comptait semble-t-il l’Albanie.

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