Moldavie


De nouveaux cas de torture et d’autres mauvais traitements ont été signalés cette année, et les auteurs de tels actes jouissaient toujours de l’impunité. Une nouvelle loi sur la liberté d’expression, de nature progressiste, est entrée en vigueur. Les changements qu’elle était censée apporter tardaient à se traduire dans la pratique et dans les comportements. Plusieurs organismes internationaux ont relevé les discriminations dont étaient victimes certains groupes, ainsi que le fait que les actes de discrimination ethnique ne donnaient pas lieu aux poursuites qui s’imposaient.

CHEF DE L’ÉTAT : Vladimir Voronine
CHEF DU GOUVERNEMENT : Vasile Tarlev, remplacé par Zinaida Greceanîi le 31 mars
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 3,8 millions
ESPÉRANCE DE VIE  : 68,4 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 21 / 17 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES  : 99,1 %

Torture et autres mauvais traitements

Le 14 mars, le Parlement a adopté une loi qui pourrait permettre de réduire l’incidence de la torture et l’impunité dont jouissent les auteurs de mauvais traitements en général, et d’actes de torture en particulier. Le Code de procédure pénale a notamment été modifié de telle façon qu’il appartenait désormais à la structure où la victime présumée était détenue de prouver que cette dernière n’avait été ni torturée ni maltraitée. C’était auparavant au plaignant d’apporter la preuve qu’il avait été torturé ou, plus généralement, maltraité.
Le Conseil consultatif mis en place au sein des services du médiateur parlementaire, qui est chargé d’inspecter les centres de détention, conformément aux obligations contractées par la Moldavie aux termes du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture [ONU], est entré en fonction au mois de mars. Certains observateurs craignaient toutefois que cet organe ne dispose pas d’un budget suffisant ou qu’il ne soit pas assez indépendant du médiateur parlementaire. De nouveaux cas de torture et d’autres mauvais traitements en garde à vue ont été signalés cette année.

  • Au mois de février, les frères Vasiliu et Petru Livadari auraient été roués de coups par des membres du personnel de la prison de Cricova, parce qu’ils s’étaient plaints de la manière dont ils étaient traités et des conditions de vie dans cet établissement. Comme ils avaient saisi le médiateur, des membres de l’administration pénitentiaire auraient ensuite menacé de les battre à mort. À la demande insistante du médiateur, les deux prisonniers ont été transférés, mais les fonctionnaires du parquet qui se sont présentés à la prison de Cricova pour enquêter sur leurs allégations ont cherché à les dissuader de porter plainte. Le 6 mars, le ministère de la Justice, dont dépendent les prisons moldaves, a fait savoir que Vasiliu et Petru Livadari avaient été conduits dans un hôpital du système pénitentiaire où des soins médicaux leurs étaient prodigués, mais que rien n’indiquait qu’ils avaient été maltraités. Les services du procureur général ont néanmoins annoncé, le 4 avril, que deux membres du personnel pénitentiaire avaient été inculpés de torture, au titre de l’article 309-1 du Code pénal. L’affaire était en cours à la fin de l’année.

Impunité

Les auteurs d’actes de torture et d’autres mauvais traitements jouissaient toujours de l’impunité, en raison des carences et de l’inefficacité des enquêtes, ainsi que de l’absence de volonté politique de punir les tortionnaires.

  • En février, Viorica Plate a informé Amnesty International que son avocat et elle-même avaient été harcelés par la police. Cette femme avait été torturée en mai 2007 par des policiers, à Chi ?in ?u. Le 1er novembre 2007, deux des fonctionnaires responsables avaient été condamnés à six ans d’emprisonnement et un troisième avait bénéficié d’une peine avec sursis. Viorica Plate a affirmé que les policiers reconnus coupables de l’avoir torturée l’avaient harcelée, soulignant que deux d’entre eux n’avaient pas été arrêtés. Les services du procureur général ont indiqué, le 6 mars, que ces policiers n’avaient pas été placés en détention parce qu’ils avaient fait appel et qu’il ne paraissait pas nécessaire de prendre des mesures de protection en faveur de la victime.
  • Le 23 juin, le parquet de Chi ?in ?u a une nouvelle fois refusé d’ouvrir une information judiciaire sur les allégations de torture formulées par Sergueï Gourgourov. Ce dernier aurait été torturé par des policiers de la capitale en octobre 2005. Atteint à la tête et à la colonne vertébrale, il était désormais handicapé à vie.

Liberté d’expression

Le Parlement a adopté le 22 février une loi sur le droit de rassemblement qui est entrée en vigueur le 22 avril. Rédigé à l’issue d’une large consultation de la société civile, ce nouveau texte constituait un grand pas en avant en faveur d’une réelle liberté d’expression en Moldavie. Les personnes souhaitant organiser une manifestation publique doivent informer les autorités locales de leur intention, mais ne sont plus tenues désormais d’obtenir leur autorisation. De plus, les rassemblements de moins de 50 personnes peuvent se tenir de manière spontanée, sans notification préalable. La loi précise par ailleurs que seul un tribunal a la faculté d’interdire un rassemblement. L’adoption de ces dispositions progressistes n’a cependant pas empêché la police et les pouvoirs publics locaux de continuer à limiter la liberté d’expression. Le Centre de ressources pour les droits humains, une ONG locale qui a suivi de près l’évolution de la situation, a noté par exemple depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi une augmentation de la présence policière lors des manifestations, du nombre d’interpellations et de la fréquence des cas de recours à la force par la police. Des personnes ont été empêchées de manifester pacifiquement et certaines qui passaient outre l’interdiction ont été placées en détention de courte durée. La plupart du temps, les charges invoquées contre elles par la police n’ont toutefois pas été retenues par les tribunaux.

  • Le 8 mai, la mairie de Chi ?in ?u a interdit une manifestation prévue par des militants des droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles et des transgenres (LGBT). L’ONG GenderDoc-M avait informé la mairie de son intention de manifester devant le Parlement, en faveur de la nouvelle loi contre la discrimination. Dans une réponse écrite, les services municipaux avaient indiqué que diverses organisations religieuses, ainsi que les élèves des écoles et la population de la capitale avaient réagi négativement à ce projet de manifestation, « accusant les minorités sexuelles d’agressivité et d’atteinte aux valeurs morales et spirituelles ». La mairie estimait par conséquent que, « pour éviter toute tension au sein de la société », il convenait d’interdire le rassemblement public prévu, pour la propre sécurité des manifestants. Lorsque les militants sont arrivés en car devant le Parlement, le 11 mai, ils ont immédiatement été entourés par quelque 300 contre-manifestants virulents, qui les ont empêchés de descendre. Plusieurs témoins de la scène ont déclaré que les policiers présents sur les lieux étaient très peu nombreux et n’avaient rien fait pour s’interposer, malgré la tension de plus en plus vive entre les deux groupes. Les militants des droits des LGBT ont finalement été contraints de repartir. Personne n’a été blessé.
  • Oleg Brega, membre de l’organisation de défense de la liberté d’expression Hyde Park, a été arrêté par la police le 30 avril pour avoir manifesté, seul et sans violence, dans le centre de Chi ?in ?u, le jour anniversaire de la fondation de la société d’État de radiotélédiffusion. La police a tenté de l’empêcher de manifester et l’a interpellé pour « houliganisme ». Il a été condamné le 8 mai par un tribunal à trois jours de détention pour avoir tenu des propos grossiers en public. Ghenadie Brega a été condamné à une amende parce qu’il avait publiquement protesté contre l’arrestation de son frère Oleg Brega, qui a finalement été acquitté le 27 mai par la Cour d’appel.

Discrimination

La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance a publié son troisième rapport sur la Moldavie le 29 avril. Les observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] concernant les cinquième, sixième et septième rapports périodiques de la Moldavie ont été rendues le 16 mai. Ces deux organes ont regretté que les dispositions légales existantes, qui interdisaient l’incitation à la haine raciale, nationale ou religieuse, ne soient pas appliquées, que les organisations représentant la minorité musulmane ne parviennent pas à se faire reconnaître par les autorités et que les actes de discrimination, et notamment les actes de discrimination raciale imputés à la police, ne donnent pas lieu à des poursuites sérieuses.
Le ministère de la Justice a fait circuler en juin un projet de loi sur la prévention et la répression de la discrimination, en invitant la société civile à se prononcer sur ses dispositions. Fondé sur les normes internationales, ce texte représentait une véritable avancée dans la mesure où il était fait appel à la société civile pour en finaliser la rédaction. On pouvait cependant regretter qu’il soit essentiellement consacré à l’obligation de ne pas faire de discrimination et qu’il ne souligne pas la nécessité positive de promouvoir l’égalité des êtres humains.

Justice internationale

Le 11 février, le président Vladimir Voronine a soumis au Parlement un projet de loi visant à la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Le processus de ratification ne s’est toutefois pas accéléré pour autant. La Moldavie a signé le Statut de Rome en 2000, mais il a fallu attendre 2006 pour que le ministère de la Justice rédige enfin un projet de loi autorisant sa ratification. Le 2 octobre 2007, la Cour constitutionnelle avait estimé que la Moldavie pouvait ratifier le Statut de Rome sans modifier sa Constitution.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit