Roumanie

La Roumanie a de nouveau été accusée d’avoir participé au programme de détention secrète et de « restitution » mis en place par les États-Unis. Le gouvernement continuait cependant de nier toute implication, en s’appuyant notamment sur les conclusions d’une enquête menée par une commission du Sénat. Des cas de mauvais traitements, de recours excessif à la force et d’usage illégal d’armes à feu par des responsables de l’application des lois ont été signalés. Les Roms étaient toujours victimes de discrimination, ainsi que les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et les transgenres.

CHEF DE L’ÉTAT : Traian B ?sescu
CHEF DU GOUVERNEMENT : C ?lin Popescu-T ?riceanu, remplacé par Emil Boc le 22 décembre
PEINE DE MORT : abolie
POPULATION : 21,3 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 71,9 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 20 / 15 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 97,3%

Contexte

La Commission européenne a publié en juillet un rapport sur les progrès réalisés par la Roumanie au titre du mécanisme de coopération et de vérification. Les autorités roumaines y étaient notamment invitées à améliorer le système judiciaire et à renforcer les mesures destinées à lutter contre la corruption dans l’administration, en particulier à l’échelon local.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Les autorités n’ont apporté aucune réponse satisfaisante aux appels répétés, entre autres de la Commission européenne, leur demandant de faire la lumière sur les allégations selon lesquelles le territoire roumain aurait été utilisé dans le cadre du programme américain de « restitutions », de détentions secrètes et de disparitions forcées.
Un haut fonctionnaire roumain a déclaré lors d’une interview accordée en février que, en 2004 et en 2005, il avait vu à cinq reprises un bus noir aller à la rencontre d’un avion dans un coin isolé de l’aéroport Mihail Kog ?lniceanu, extrêmement bien gardé, près de Constan ?a. Des paquets, ressemblant à des corps emballés, auraient été descendus à chaque fois du bus pour être embarqués dans l’avion, qui aurait ensuite décollé à destination de l’Afrique du Nord avec à son bord sa cargaison et deux agents de l’Agence centrale du renseignement (CIA, services de renseignement des États-Unis). Toujours selon ce haut fonctionnaire, les pilotes américains fournissaient généralement de faux plans de vols, voire aucun plan de vol du tout, et décollaient vers des destinations non déclarées.
Au mois de février, la Commission européenne a considéré comme incomplète la réponse donnée par la Roumanie à une requête du commissaire européen chargé de la justice, de la liberté et de la sécurité, qui demandait que des enquêtes judiciaires soient menées sur l’existence en territoire roumain de centres de détention secrets de la CIA. La Commission a de nouveau demandé à la Roumanie de fournir des renseignements concernant l’éventuel transfert ou placement en détention de personnes soupçonnées d’être impliquées dans des actes de terrorisme. Le président Traian B ?sescu a déclaré qu’il n’avait connaissance d’aucun paquet suspect transbordé sur l’aéroport Mihail Kog ?lniceanu, et fait remarquer que celui-ci était ouvert à la presse roumaine et étrangère.
Le gouvernement a démenti à plusieurs reprises toute implication dans un quelconque programme américain de « restitution » et de détention secrète. Il a rappelé qu’une enquête menée en 2006 et 2007 par une commission sénatoriale n’avait révélé aucun élément susceptible d’attester d’une éventuelle complicité. Le rapport de cette commission, en grande partie classé secret, concluait que « les accusations portées contre la Roumanie [étaient] infondées ». Ces conclusions ont été adoptées par le Sénat en avril 2008.
Le Comité Helsinki de Roumanie a déposé en août plusieurs demandes d’information, dont une auprès de la commission d’enquête du Sénat. Cette dernière a répondu en octobre qu’il ne lui appartenait pas d’enquêter sur la finalité des vols passant par la Roumanie, son mandat se limitant aux investigations « concernant l’existence de centres de détention de la CIA sur le sol roumain ou de vols effectués avec des appareils loués par la CIA » en territoire roumain. La commission n’avait donc ni sollicité ni reçu aucune information concernant l’objet des vols effectués. Elle précisait par ailleurs qu’elle avait demandé en mai aux autorités compétentes d’envisager de rendre publiques certaines informations contenues dans son rapport et couvertes par le secret d’État. Aucune décision n’avait été prise à ce sujet à la fin de l’année.

Recours excessif à la force, torture et autres mauvais traitements

Des cas de mauvais traitements et de recours excessif à la force de la part de responsables de l’application des lois ont été signalés cette année encore. Bien souvent, les victimes de ces agissements appartenaient à la communauté rom.

  • Ion Boac ?, un Rom, et son fils âgé de quinze ans ont affirmé avoir été blessés lors d’une opération menée en août par la police et la gendarmerie locales. Plusieurs membres des forces de sécurité auraient fait irruption chez eux, à Clejani, un village du département de Giurgiu. Ion Boac ? aurait été frappé au visage avec un fusil et son fils aurait été atteint d’une balle en caoutchouc. Deux enfants âgés de deux et quatre ans auraient perdu connaissance après que la police eut procédé à des jets de gaz lacrymogène à l’intérieur de la maison.
  • Le 4 mars, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la Roumanie n’avait pas enquêté de manière satisfaisante sur les allégations de mauvais traitements policiers formulées par Constantin Stoica. Représenté par deux ONG, le Centre européen pour les droits des Roms et le Centre rom pour l’intervention et les études sociales (CRISS), ce jeune Rom avait été blessé lors d’échauffourées qui avaient opposé, en avril 2001, la police et un groupe de Roms devant un bar de Giulia. Alors âgé de quatorze ans, l’adolescent avait été projeté au sol et frappé, notamment à coups de pied, par des policiers. Ces derniers lui auraient donné des coups sur le crâne, alors même qu’il leur avait dit qu’il venait d’être opéré à la tête. Un compte rendu d’examen médical réalisé après les violences indiquait que ces coups avaient entraîné chez le jeune homme un handicap grave. La Cour européenne des droits l’homme a par ailleurs estimé que le comportement des policiers avait manifestement été dicté par des considérations racistes.
    Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT, un organe du Conseil de l’Europe) a publié en décembre un rapport relatif à une visite effectuée en Roumanie en juin 2006. Il notait qu’une proportion non négligeable des détenus rencontrés lors de cette visite avaient affirmé « avoir fait l’objet, de la part de fonctionnaires de police, d’un usage excessif de la force lors de leur interpellation ou de mauvais traitements physiques lors des interrogatoires qui [avaient] suivi ».
    Le gouvernement roumain n’a pas modifié la législation relative à l’usage des armes à feu par les responsables de l’application des lois, afin de la mettre en conformité avec les normes internationales.
  • Les pouvoirs publics n’ont pas réagi aux conclusions de l’enquête menée par la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK) sur la répression d’une manifestation organisée le 10 février 2007 à Pristina, la capitale du Kosovo, qui avait fait deux morts et un blessé grave. L’enquête de la MINUK avait révélé que les victimes avaient été atteintes par des balles en caoutchouc périmées, utilisées à mauvais escient par des membres des Forces de police constituées roumaines. Les responsabilités individuelles dans cette affaire n’avaient toujours pas été établies à la fin de l’année et l’enquête se poursuivait.

Personnes souffrant d’un handicap mental

Plusieurs ONG roumaines ou internationales, dont Amnesty International, le Centre de ressources juridiques (CRJ) et Save the Children-Roumanie, ont indiqué que la procédure de placement des patients dans les services et hôpitaux psychiatriques ainsi que les conditions de vie et de traitement dans nombre de ces établissements restaient pour elles un motif de préoccupation, dans la mesure où elles n’étaient toujours pas conformes aux normes internationales relatives aux droits humains.
Les autorités roumaines ont reconnu en mai que les mesures visant à protéger les droits des personnes handicapées restaient insuffisantes, que les institutions et les organismes de prise en charge des handicapés souffraient d’un manque aigu de personnel et que ce dernier était souvent en mal de formation spécialisée.
Dans son rapport du mois de décembre, le CPT s’est inquiété de la procédure de placement et du statut juridique des personnes se trouvant dans des établissements psychiatriques ou dans des foyers d’accueil. Il a souligné que ces établissements fonctionnaient souvent avec un budget et des moyens très limités et que, selon certaines informations, les conditions de vie ainsi que les possibilités de distraction et d’exercice en plein air y étaient fréquemment insuffisantes. Il a également signalé plusieurs morts liées à de graves problèmes de malnutrition survenus en 2004 et 2005 dans le centre médicosocial de Nucet. Il a instamment prié les autorités de veiller à ce que tous les décès de personnes de moins de quarante ans constatés dans des institutions psychiatriques ou, plus généralement, au sein des services sociaux fassent l’objet d’une enquête en bonne et due forme, sauf dans les cas où une maladie mortelle avait été diagnostiquée auparavant.

Discrimination

Roms
La discrimination à l’égard des Roms restait un problème largement répandu et profondément ancré dans les mentalités, que ce soit au sein de l’administration ou dans la société en général. Les autorités roumaines n’avaient pris aucune mesure appropriée pour lutter contre la discrimination à l’égard des Roms et mettre fin aux violences dont ces derniers faisaient l’objet.
Au mois de septembre, la Haute Cour de cassation et de justice a estimé que l’expression « Tsigane puant », employée en mai 2007 par le président de la République, Traian B ?sescu, à l’encontre d’un journaliste, était de nature discriminatoire. La Cour a cependant décidé de ne pas prononcer de sanction, la remarque ayant été faite dans le cadre d’une conversation privée.
Les Roms ne pouvaient toujours pas avoir accès en toute égalité à l’enseignement, au logement, aux services de santé et à l’emploi.
Dans le rapport qu’elle a remis en mai au Conseil des droits de l’homme [ONU] au titre de l’examen périodique universel, la Roumanie reconnaissait que les communautés roms étaient confrontées à des problèmes d’insécurité économique et risquaient tout particulièrement d’être exposées à diverses formes de discrimination. Ce rapport notait également que les Roms faisaient l’objet d’une politique qui pouvait, de fait, se traduire par des phénomènes de ségrégation, en particulier dans le domaine de l’éducation.

  • Le 2 octobre, Istvan Haller, membre du Conseil national pour la lutte contre la discrimination, a entamé une grève de la faim pour protester contre l’attitude du gouvernement roumain, qui n’avait toujours pas mis en œuvre les mesures promises à la suite des graves attaques dont avaient été victimes, au début des années 1990, les communautés roms de Hãdãreni, Pl ?ie ?ii de Sus et Casinul Nou. Cinq personnes au moins avaient été tuées lors de ces événements et 45 maisons avaient été détruites par une foule déchaînée. Des centaines de personnes s’étaient retrouvées sans toit et les pouvoirs publics locaux n’avaient rien fait pour intervenir, lorsqu’ils ne s’étaient pas joints aux agresseurs.
    Prenant acte des jugements prononcés sur ces affaires en 2005 et 2007 par la Cour européenne des droits de l’homme, le gouvernement roumain avait décidé de mettre en place plusieurs projets de développement communautaire, visant à améliorer les conditions de vie des populations et les relations entre les différents groupes de la société. Ces mesures prévoyaient notamment la création d’infrastructures, entre autres de maisons destinées aux personnes dont le logement avait été détruit, ainsi que diverses actions sociales, en particulier pour lutter contre la discrimination et renforcer l’éducation. Le gouvernement n’a cependant pas tenu ses engagements. Istvan Haller a interrompu sa grève de la faim le 9 octobre après avoir reçu l’assurance du gouvernement qu’il ne s’opposerait pas au financement du projet concernant Hãdãreni, et après que les pouvoirs publics eurent annoncé leur intention de mettre en chantier les projets de développement de Pl ?ie ?ii de Sus et de Casinul Nou.

Lesbiennes, gays, personnes bisexuelles et transgenres

Dans le rapport remis en mai au Conseil des droits de l’homme au titre de l’examen périodique universel, la Roumanie reconnaissait que les lesbiennes, les gays, les personnes bisexuelles et les transgenres (LGBT) étaient toujours en butte aux préjugés et à des comportements discriminatoires.
Une disposition adoptée en février par le Sénat, qui modifiait la définition légale de la famille, interdisait de fait le mariage entre personnes du même sexe. Cette modification portait sur une loi de 1953, qui parlait du mariage « entre époux ». Il est dorénavant précisé que le mariage est un contrat « entre un homme et une femme ».
Le 24 mai, quelque 200 militants des droits des LGBT ont défilé à Bucarest, pour une Gay Pride fortement encadrée par la police, au grand dam de divers groupes religieux ou d’extrême droite qui avaient cherché à faire interdire la manifestation.

Visites et documents d’Amnesty International

Une délégation d’Amnesty International s’est rendue en Roumanie en octobre.

  • Eastern Europe : Eighth session of the UN Human Rights Council, 2-20 June 2008 : Review of the Czech Republic, Poland and Romania under the Universal Periodic Review : Amnesty International’s reflections on the outcome (EUR 02/001/2008).
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