AUTORITE PALESTINIENNE

La tension restait forte entre le gouvernement d’urgence de l’Autorité palestinienne basé en Cisjordanie, qui avait été nommé par le président Mahmoud Abbas, du Fatah, et restait dirigé par le Premier ministre Salam Fayyad, et le gouvernement de facto du Hamas, dans la bande de Gaza. Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie ainsi que celles du Hamas et les milices dans la bande de Gaza ont arrêté de manière arbitraire des centaines de membres ou de sympathisants de factions rivales qui ont été détenus sans inculpation ni jugement ; de nombreux prisonniers ont été torturés ou maltraités. Aussi bien en Cisjordanie qu’à Gaza, les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive contre des manifestants. Dans la bande de Gaza, celles du Hamas ont tué 24 membres de groupes armés. Lors de l’offensive militaire lancée par Israël le 27 décembre, les milices et les forces du Hamas ont enlevé des opposants politiques et d’anciens détenus accusés de « collaboration » avec les services israéliens du renseignement. Certains ont été exécutés, d’autres ont été passés à tabac, d’autres encore ont été blessés par des coups de feu tirés dans les jambes. L’Autorité palestinienne en Cisjordanie et le Hamas à Gaza continuaient d’imposer des restrictions à la liberté d’expression. Neuf personnes ont été condamnées à mort par des tribunaux militaires en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Aucune exécution n’a été signalée. Des groupes armés palestiniens de la bande de Gaza ont mené des attaques sans discrimination contre des villes et des villages du sud d’Israël. Neuf civils – sept israéliens et deux palestiniens – ont été tués. Des individus, dont certains appartenaient à des groupes armés palestiniens, ont tué 16 civils israéliens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

PRÉSIDENT : Mahmoud Abbas
CHEF DU GOUVERNEMENT : Salam Fayyad
PEINE DE MORT : maintenue
POPULATION : 4,1 millions
ESPÉRANCE DE VIE : 72,9 ans
MORTALITÉ DES MOINS DE CINQ ANS (M/F) : 22 /17 ‰
TAUX D’ALPHABÉTISATION DES ADULTES : 92,4 %

Contexte

Les négociations entre le gouvernement d’urgence de l’Autorité palestinienne et le gouvernement de facto du Hamas dans la bande de Gaza, qui se poursuivaient sous l’égide de l’Égypte en vue de la formation d’un gouvernement d’unité nationale, n’ont pas abouti. Les pays donateurs, qui refusaient pour la plupart de fournir une aide au gouvernement de facto du Hamas, ont accordé plus de 1,3 milliard de dollars des États-Unis à l’Autorité palestinienne en Cisjordanie ; une part très limitée de l’aide a été attribuée à des programmes d’urgence à Gaza. Le gouvernement de facto du Hamas et Israël ont conclu, le 19 juin, un cessez-le-feu pour une durée de six mois ; il a été rompu le 4 novembre après que l’armée israélienne eut tué six activistes palestiniens.

En raison du maintien en détention du soldat Gilad Shalit, le gouvernement israélien maintenait un blocus strict de la bande de Gaza, une forme de châtiment collectif imposée au million et demi d’habitants du territoire. La population était de plus en plus dépendante de la nourriture et du carburant – entre autres produits – importés en contrebande d’Égypte par de dangereux tunnels ; au moins 50 Palestiniens ont trouvé la mort à la suite de l’effondrement de tels ouvrages souterrains. Le gouvernement de facto du Hamas a pris des mesures en octobre pour réglementer l’utilisation de ces tunnels. La situation a encore empiré avec l’offensive déclenchée le 27 décembre par l’armée israélienne pour répondre aux tirs répétés de roquettes par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens contre des agglomérations du sud d’Israël.

Avant même l’offensive de décembre, plus d’un million de Palestiniens devaient faire face à l’augmentation de la pauvreté et à l’insécurité alimentaire ; ils n’avaient en outre pas accès à des soins médicaux appropriés en raison du blocus israélien de la bande de Gaza et de la présence de postes de contrôle et de barrages routiers en Cisjordanie, notamment le mur/barrière d’une longueur de 700 kilomètres (voir Israël et territoires palestiniens occupés).

Arrestations et détentions arbitraires

En Cisjordanie, les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont arrêté plusieurs centaines de personnes – essentiellement des sympathisants du Hamas – qui, dans bien des cas, ont été maintenues en détention en dehors de toute procédure légale. Plus d’une centaine de personnes ont été interpellées après l’arrestation à Gaza par le Hamas de partisans du Fatah, en juillet ; les vagues d’arrestations de sympathisants du Hamas se sont poursuivies tout au long de l’année. Des membres de groupes armés liés au Fatah ont également été maintenus en détention prolongée sans inculpation ni jugement à la demande de l’armée israélienne.

Les forces de sécurité du gouvernement de facto du Hamas dans la bande de Gaza ont arrêté des centaines de partisans présumés du Fatah ; plus de 200 personnes ont notamment été interpellées à la suite d’attentats à l’explosif perpétrés en juillet et visant des membres du Hamas. Dans certains cas, les forces de sécurité avaient le soutien des Brigades Ezzedine al Qassam, la branche armée du Hamas. Ces milices ne sont pas autorisées par la loi à arrêter des individus ni à les détenir ; les personnes appréhendées étaient remises aux forces de sécurité ou détenues par les Brigades Ezzedine al Qassam dans des lieux gardés secrets.
Les forces de l’Autorité palestinienne et celles du Hamas respectaient rarement les dispositions législatives palestiniennes qui prévoient le droit pour toute personne privée de liberté de voir la légalité de sa détention examinée par un procureur dans les vingt-quatre heures et par un juge au bout de soixante- douze heures. Le droit des détenus de consulter sans délai un avocat était régulièrement bafoué. La plupart des prisonniers politiques ont été relâchés quelques jours après leur interpellation, mais certains ont été maintenus en détention pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, les prisonniers pouvaient rencontrer les délégués du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et de la Commission palestinienne indépendante de défense des droits humains, mais seulement dix jours au moins après leur placement en détention. En décembre, l’armée israélienne a bombardé et détruit toutes les prisons et tous les centres de détention de Gaza, ainsi que la plupart des postes de police du territoire. Plusieurs détenus ont été tués ou blessés, mais la plupart s’en sont sortis indemnes.

Système judiciaire

Les institutions judiciaires de Cisjordanie et de la bande de Gaza étaient très loin de fonctionner correctement. L’Autorité palestinienne continuait d’empêcher les anciens membres de l’appareil judiciaire et des forces de sécurité de travailler pour le gouvernement de facto du Hamas à Gaza, et elle leur versait leur salaire à condition qu’ils ne se rendent pas à leur travail. Le Hamas utilisait des procureurs et des juges de remplacement qui, dans bien des cas, n’avaient pas la formation ni les compétences requises. Les décisions de la Haute Cour de justice palestinienne n’étaient bien souvent pas appliquées.

Torture et autres mauvais traitements

En Cisjordanie, des détenus se sont plaints d’avoir été torturés ou maltraités par des agents des renseignements généraux et des services de la sécurité préventive de l’Autorité palestinienne qui voulaient, semble-t-il, les forcer à avouer leur appartenance à la branche armée du Hamas. Citons parmi les méthodes signalées les coups, la suspension et le maintien prolongé assis ou debout dans des positions douloureuses (shabeh).
Arrêté le 14 février par des membres des services de renseignements généraux, Majd al Barghouti, un imam d’une mosquée de Kobar, non loin de Ramallah, est mort huit jours plus tard, d’une crise cardiaque selon les autorités. Ses codétenus ont toutefois affirmé qu’il avait été battu alors qu’il était suspendu par une chaîne au plafond de sa cellule. Une commission d’établissement des faits désignée par des membres du Conseil législatif palestinien a conclu que cet homme avait été torturé, ce qui a été confirmé par des photographies de son corps.

À Gaza, les allégations de passages à tabac, entre autres mauvais traitements infligés aux détenus par les membres des milices et des forces de sécurité du Hamas, étaient très répandues. Après le début de l’offensive israélienne, en décembre, les milices et les forces du Hamas ont intensifié leurs attaques contre les opposants politiques, les anciens membres des services de sécurité du gouvernement de l’Autorité palestinienne et les anciens détenus accusés de « collaboration » avec les services israéliens de renseignement. Certains ont été sommairement exécutés, d’autres ont été passés à tabac ou ont été blessés aux jambes par des tirs d’arme à feu.

Taleb Mohammed Abu Sitta a été arrêté le 26 juin à Al Zawaida à la suite de l’interpellation de son fils, soupçonné de trafic de drogue. Cet homme de soixante-douze ans aurait été passé à tabac et transféré le lendemain matin à l’hôpital de Deir al Balah, où les médecins ont constaté son décès. Le ministère de l’Intérieur a annoncé l’ouverture d’une enquête. Plusieurs policiers auraient été mis à pied, mais, à la connaissance d’Amnesty International, aucun d’entre eux n’a été jugé.
Ni l’Autorité palestinienne en Cisjordanie ni le Hamas dans la bande de Gaza n’ont pris de mesures crédibles pour mettre un terme à l’impunité dont bénéficiaient les responsables d’actes de torture et de mauvais traitements infligés aux détenus, ou d’une utilisation excessive et injustifiée de la force contre des manifestants.

Liberté d’expression

L’Autorité palestinienne en Cisjordanie et le Hamas dans la bande de Gaza imposaient des restrictions à la liberté d’expression et ont fermé les bureaux de médias affiliés à la faction rivale ou soupçonnés de la soutenir. Des journalistes ont été incarcérés, dans certains cas à plusieurs reprises et pour de longues périodes. Au moins 15 professionnels des médias ont été arrêtés par l’Autorité palestinienne, qui a également fermé plusieurs services d’information, notamment la chaîne de télévision Al Aqsa, favorable au Hamas. Le Hamas a suspendu la diffusion de journaux, notamment Al Ayyam et Al Hayat al Jadida, dont les directeurs à Gaza ont été incarcérés et traduits en justice.
Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont arrêté à trois reprises au moins au cours de l’année Mustafa Sabri, journaliste indépendant et membre du conseil municipal de Qalqiliya affilié au Hamas.

Recours excessif à la force

Les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne ont fait usage d’une force excessive contre des manifestants en Cisjordanie. Elles ont par exemple tiré à balles réelles le 1er juin contre des manifestants qui jetaient des pierres dans le village de Beit Furik, non loin de Naplouse. Sept personnes, dont deux enfants, ont été blessées.
Dans la bande de Gaza, les forces de sécurité du Hamas ont régulièrement fait usage d’une force excessive contre des manifestants et des sympathisants présumés de l’opposition qui participaient à des rassemblements publics.

Des policiers palestiniens et des activistes du Hamas en civil ont eu recours à la force à Rafah pour disperser une manifestation commémorant la mort, un an plus tôt, d’un militant du Fatah à la suite d’affrontements entre factions rivales.

La commission nommée par le ministère de l’Intérieur du gouvernement de facto du Hamas dans la bande de Gaza pour enquêter sur l’homicide de six manifestants en novembre 2007 a rendu en avril un rapport entaché de flagrantes irrégularités. Cette commission, qui n’était pas indépendante, a conclu que la plupart des tirs étaient imputables aux partisans du Fatah alors que des témoins oculaires avaient affirmé le contraire et que les victimes étaient des sympathisants de ce parti.
En août et en septembre, les forces de sécurité du Hamas dans la bande de Gaza ont tué 24 membres de clans armés liés au Fatah et à l’Armée de l’islam, dont trois enfants, lorsqu’une tentative d’arrestation de membres de ces groupes a dégénéré en affrontements. Plusieurs membres des forces de sécurité du Hamas ont été tués par des membres de clans armés.

Peine de mort

Quatre hommes – tous des civils – reconnus coupables de collaboration avec les services israéliens de renseignement ont été condamnés à mort à l’issue de procédures sommaires par des tribunaux militaires de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie. Deux autres, des agents de sécurité, ont été condamnés à mort pour meurtre. Dans la bande de Gaza, une personne a également été condamnée à mort pour meurtre et deux autres pour collaboration avec les services de renseignement israéliens, à l’issue de procès inéquitables qui se sont déroulés devant un tribunal militaire du Hamas. Aucune exécution n’a été signalée.

Droit à la santé

La situation désastreuse résultant du blocus israélien qui empêchait des centaines de personnes gravement malades de quitter la bande de Gaza pour recevoir des soins ne pouvant leur être dispensés dans les hôpitaux locaux (voir Israël et territoires palestiniens occupés) a été aggravée par une grève observée par environ 30 % du personnel des hôpitaux et dispensaires de Gaza. Ce mouvement, qui s’est prolongé durant les quatre derniers mois de l’année, avait été déclenché par le Syndicat palestinien des professionnels de santé pour protester contre le renvoi ou la mutation par le gouvernement de facto du Hamas dans la bande de Gaza de directeurs de services de santé et d’hôpitaux. Le Hamas a affirmé que la grève avait des motivations politiques et qu’elle était observée sur ordre du gouvernement d’urgence de l’Autorité palestinienne basé en Cisjordanie. Le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne – en Cisjordanie – a soutenu ce mouvement.

Exactions commises par des groupes armés

Des groupes armés palestiniens de la bande de Gaza ont procédé à de nombreux tirs de roquettes contre des zones civiles du sud d’Israël. Entre le début de l’année et le cessez-le-feu proclamé en juin, ces groupes, notamment ceux affiliés au Hamas et au Fatah, ont tiré plus de 2 000 roquettes et obus de mortier contre des villes et des villages israéliens voisins. Sept civils israéliens et deux civils palestiniens ont été tués ; plusieurs autres civils israéliens ont été blessés. Les tirs de roquettes en direction d’Israël ont repris après la rupture du cessez-le-feu en novembre, sans toutefois faire de victimes parmi la population civile – jusqu’au déclenchement de l’offensive des forces israéliennes, le 27 décembre.
Roni Yihya a été tué dans le collège Sapir, non loin de Sderot (Israël), et 10 autres personnes ont été blessées le 27 février, date à laquelle des groupes armés palestiniens ont tiré plus de 50 roquettes artisanales Qassam et des dizaines d’obus de mortier en direction des villes de Sderot et d’Ashkelon.
Malak Yunes al Kafarneh, une fillette palestinienne de trois ans, a été tuée le 1er mars par une roquette Qassam tirée par un groupe armé en direction d’Israël et qui, manquant sa cible, a atteint sa maison à Beit Hanoun, dans la bande de Gaza.

Des Palestiniens, dont certains appartenaient à des groupes armés, ont tué 16 civils israéliens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Le 6 mars, un Palestinien armé a tué huit élèves présents dans la bibliothèque d’une école religieuse à Jérusalem, parmi lesquels quatre enfants. L’homme n’appartenait semble-t-il à aucun groupe armé, bien que plusieurs organisations, dont Les hommes libres de Galilée, un groupe inconnu, aient revendiqué cette attaque.
Gilad Shalit, un soldat israélien capturé en juin 2006 par des groupes armés palestiniens, était toujours détenu dans un lieu inconnu à Gaza et privé de contact avec les délégués du CICR. Sa famille a reçu deux lettres qu’il avait écrites, et il aurait réceptionné une missive de ses proches.

Violences contre les femmes et les filles

Trois femmes au moins ont été victimes de crimes « d’honneur » en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
En juin, dans le sud de la bande de Gaza, Khouloud Mohammed al Najjar est morte après avoir été battue par des membres de sa famille qui l’accusaient de « comportement immoral ». Son père a été arrêté.
En juillet, la police de l’Autorité palestinienne à Hébron (Cisjordanie) a annoncé l’arrestation d’un homme accusé d’avoir tué sa sœur pour venger « l’honneur de la famille ». La police n’a pas révélé le nom des personnes impliquées.

Visites et documents d’Amnesty International

Des délégués d’Amnesty International se sont rendus à Gaza et en Cisjordanie de février à avril.

  • Territoires palestiniens occupés. Les factions palestiniennes rivales doivent cesser de réprimer leurs opposants (MDE 21/003/2008).
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